jeudi 31 décembre 2009

Zëro / Diesel Dead Machine























Difficile de faire abstraction d’une telle pochette – dont on dira par pure politesse qu’elle n’est que laide – mais par contre il est impossible de ne pas s’émerveiller en écoutant le deuxième album de Zëro, Diesel Dead Machine. Dès que le diamant se pose sur le sillon et dès que retentissent les premières notes de Bobby Fischer et son synthétiseur surmonté d’un égrainage de guitare trainouillante, la machine Zëro opère à plein régime, discrète, tout en finesse, avec élégance, précision, pertinence et conviction tout en gardant cette aura de mystère/magie qui font les grands disques qui ne nous quittent plus. A quoi cela peut il bien tenir ? Justement on ne le sait pas et c’est tant mieux comme ça. On ne veut pas savoir. Jamais. On s’en fout donc complètement de cette illustration – la prochaine fois les gars demandez quand même à mes filles, les gribouillis c’est de leur âge – alors qu’on la regarde en large et en (de ?) travers sur une pochette de trente centimètres, vinyle oblige, on s'en fout puisque l’important c’est que ce disque existe, pour de vrai, sur support, que son son vous enveloppe, chaud, dégraissé, épuré, ciselé. Une sorte de petit miracle.
La première face de Diesel Dead Machine est ainsi un pur bonheur. Celui d’entendre un groupe en pleine possession de ses moyens mais n’en faisant jamais trop. Une face remplie de cinq chansons – Eric Aldea chante de façon toujours plus décomplexée même si on ne comprend toujours pas ce que ses textes veulent dire (et d’ailleurs veulent ils vraiment dire quelque chose ?) – avec en ouverture l’incroyable Bobby Fischer*, on l’a déjà dit, immédiatement suivi de quatre pépites aux premiers rangs desquelles le fulgurant Pigeon Jelly* et sa montée en puissance ainsi que le très pelvien Load Out (Zëro nous avait déjà fait plus ou moins le coup sur l’album précédent avec Drag Queen Blues) et le mystérieux Dreamland Circus Side Show*, rappelant quelques réminiscence de Bästard, dans le sens truffé de petits détails mélodiques surgissant ça et là, et finissant sa course dans un terrain vague désertique, réservoir à sec et freins hors service. Enough Never Enough conclue cette première moitié de disque : c’est le titre le plus sombre ou tout du moins le plus tordu de Diesel Dead Machine, ayant lui aussi quelque chose de l’ancien groupe de ces jeunes gens, le même genre d’atmosphère tendue, rêche et abrupte, un côté hypnotique qui ne vous lâche pas, c’est le point d’orgue de ce disque.
La deuxième face est moins miraculeuse que la première mais elle n’en est pas moins excellente. Cette seconde moitié est surtout plus largement instrumentale. Seuls deux titres ont des parties chantées : un très bon The Cage* et Sick To The Bone, hoquetant et soubresautant, sorte de vieux rockabilly synthétique et ralenti. Le reste est partagé entre un presque vindicatif The Opening, un Viandox juteux et un poil trop appliqué et surtout Cheeeeese, rouleau compresseur tortoisien ou plus exactement à la Sea And Cake en mode mega acidulé et ultra bright, synthétiseurs et avant et banane flambée, la face éclairée de Zëro en complète opposition avec le côté sombre de Enough Never Enough. Un grand écart qui en dit long sur le chemin parcouru par la bande à Eric Aldéa (pour mémoire : Ivan Chiossone, François Cuilleron et Franck Laurino) et que nous laisse espérer d’autres grandes choses encore. On n’est vraiment pas prêt d’en finir avec ces gars là.

[* il n’aura échappé à personne que ces quatre titres figuraient déjà sur le précédent 25 centimètres Bobby Fischer, ce n’est pas une raison pour bouder ce Diesel Dead Machine encore meilleur, et pour cause, qui paraîtra officiellement fin janvier 2010 mais d’ores et déjà disponible sur le site du label Ici D'Ailleurs]

mercredi 30 décembre 2009

Oxbow / Songs For The French























Songs For The French. Oxbow nous fait le coup du disque de tournée avec une dédicace spéciale aux froggies (la tournée en question, au mois de novembre 2009, a essentiellement concernée la France et est même passée à Lyon, au Grrrnd Zero). Ça me rappelle quand j’étais gamin et Venom qui avait entrepris de sortir toute une série de mini LPs : American Assault, Canadian Assault et French Assault – une légende parlait également d’un Italian Assault qui lui n’a jamais existé – avec à chaque fois deux titres de l’album studio du moment, deux titres live au son pourri et deux inédits ou raretés. De quoi faire raquer les fans transis d’amour. Avec Songs For The French, pour l’instant uniquement disponible en vinyle mais dont une édition en CD serait paraît il planifiée par le label Hydra Head, Oxbow ne se fout pas de la gueule de ses fans. Trois inédits studio sur la face Here et quatre titres enregistrés en concert lors de la tournée 2008 du groupe sur la face There. Un carton super épais qui sent bon l’imprimerie, une galette de couleur (genre gris strié) et parait-il un encart – parait-il parce que cet encart, mon exemplaire de Songs For The French n’en a pas.
Here. Oxbow joue à cinq puisque le guitariste Philippe Thiphaine aka The Crooner Of Doom, éminent membre d’Heliogabale et de Simple Appareil, participe activement à ces trois titres. Aucune surprise de côté-là, même pas celle d’entendre le son d’Oxbow plus étoffé du fait de l’apport d’une seconde guitare : 2 P.M. est un titre typique des californiens, bancal, boiteux, sorte de blues désaxé, prenant toute sa signification et toute sa pertinence dans une explosion ultrasonique de violence noise tandis qu’Eugene Robinson gémit tout ce qu’il peut. Un final qui se traîne somptueusement avec de superbes roulements de la part de Greg Davis et du grand art encore une fois. Coalking est moins direct/moins composé semble t-il – les gars si vous avez improvisé en studio on ne vous en voudra pas – mais le résultat est presque tout aussi impressionnant et tendu du slip que sur 2 P.M., plus lancinant surtout avec un riffage monstrueux de Niko Wenner. Dernier inédit, Well-Dressed Man ressemble plus à une ébauche semi acoustique d’une chanson qu’autre chose, Wenner y joue du piano, il y a des percussions métalliques, Oxbow ne semble pas savoir dans quelle direction réellement aller donc on oublie.
There. Chaque titre proposé ici est tiré d’un concert différent ou presque (trois lieux différents). Autant l’exercice de l’album live est souvent périlleux donc ennuyeux, autant ce genre de collection courte d’instantanés live semble être la bonne solution. Surtout qu’Oxbow assure plus que grandeur nature sur Frankly Franck (de The Narcotic Story, faut il le rappeler), La Luna (un chef d’œuvre de Serenade In Red) et Yoke (un classique de Fuck Fest). Bonus pour les geeks, The Duke : A Gentleman’s Gentleman n’est pour l’instant sur aucun enregistrement studio d’Oxbow et s’il doit un jour en être il sera sûrement méconnaissable tant il s’agit encore là aussi d’une ébauche. On attend donc le prochain album – et la prochaine tournée – d’Oxbow avec une impatience forcément grandissante puisque Songs For The French, qui n’est qu’un sympathique bouche-trou, ne saurait toutefois être entièrement satisfaisant en tant que tel. Mais merci bien pour l’apéritif.

mardi 29 décembre 2009

Big Sexy Noise / self titled


C’est la fin de l’année, la trêve des cons faiseurs, tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, aimons nous les uns les autres et comme en plus je ne suis pas rancunier – ce qui n’est pas la moindre de mes qualités, les deux autres principales devant être, je dis ça objectivement et sans aucune arrière-pensée, la modestie et l’honnêteté intellectuelle – je m’attaque à nouveau au cas Lydia Lunch, cette fois-ci par la face nord. La dernière fois, un point de vue particulièrement bilieux au sujet de Big Sexy Noise, nouveau mini album de la Dame, m’avait valu quelques commentaires et reproches (certains étaient tout à fait justifiés, je tiens à le dire), commentaires allant d’un gentil qu’est ce que tu es sévère avec ce disque à espèce de connard en passant par tu ne connais rien à la musique et à l’art. Depuis Big Sexy Noise a tourné en France, on peut lire un report de la date parisienne ici (cela a l’air d’avoir été vraiment bien) et un autre de la date lyonnaise (un concert avec moins de réussite semble t-il). Absent du concert pour des raisons toutes plus inavouables les unes que les autres, je me suis donc rabattu sur le premier véritable long format du groupe.























 Réalisé tout comme le mini LP par Satorial records, cet album sans titre partage plus d’un point commun avec son petit prédécesseur, à commencer par une pochette ultra sobre tout aussi blanche que l’autre était noire mais qui a supprimé la mention Lydia Lunch’s. Un groupe, un vrai et pas seulement une diva destroy accompagnée d’un backing band de luxe. On applaudit. Pourtant, sur disque, rien n’a réellement changé. Les six titres du mini album se retrouvent même intégralement sur ce nouveau CD. Déception. On fait donc les comptes : il ne reste que six nouvelles chansons à découvrir ici, ce qui fait bien peu.
Cela commence tout de même pas trop mal par deux reprises. La première réactualise The Gospel Singer, un titre que Lydia Lunch avait composé en compagnie de Kim Gordon de Sonic Youth pour le groupe Harry Crews, en hommage à l’écrivain du même nom (The Gospel Singer est également le nom de l’un des meilleurs bouquins de Crews mais tant qu’à faire autant lire Feast Of Snakes). La seconde est une reprise du Kill Your Sons de Lou Reed et le meilleur de cet disque est déjà là, on ajoute à cette courte liste le reptilien Slydell, le carnassier Your Love Don’t Pay My Rent et le jazzy Bad For Bobby qui, je me demande pourquoi, passe mieux qu’auparavant. Dark Eyes est pas mal non plus, c’est de loin le titre le plus rapide du lot et avec un vague côté Bad Seeds.
Le reste suscite au mieux l’ennui, au pire le désarroi. Another Man Comin’ est le pire titre de l’album avec cet affreux phrasé rappé de la part de Lydia Lunch. God Is A Bullet chanté à plusieurs voix ressemble trop à du remplissage. That Smell, une troisième reprise mais des atroces Lynyrd Skynyrd cette fois, ne convainc guère plus tandis que Doughboy conclue trop rapidement. En réécoutant, ce qui frappe plus que tout, c’est le mix qui met bien trop en avant la voix de Lydia Lunch. Normal me direz-vous, Big Sexy Noise c’est son groupe à elle… Seulement voilà, la façon de chanter de Lydia Lunch en 2009 n’est pas la plus heureuse ni la plus prenante, voix de canard forcée et nazillarde et la production est bien trop dans les rails pour donner une impression de cradeur, de saleté que l’on appelait pourtant de tous nos vœux. Cet album confirme malheureusement l’impression très mitigée du premier essai : de trop rares bons moments, des compositions poussives le reste du temps, un enregistrement occultant totalement le côté sulfureux/vénéneux/bestial/sensuel avec lequel Lydia Lunch nous avait déjà eus tant de fois. Restent les textes, la provocation et l’à-propos d’une chanteuse qui a toujours des choses à dire. J’aurais préféré et voulu plus de mordant et de méchanceté mais les vœux, hein, on sait bien que ça n’a jamais servi à rien.

lundi 28 décembre 2009

Heavy Trash / Midnight Soul Serenade


Quelle belle illustration. C’est tout de suite un plaisir de retrouver Heavy Trash dont Midnight Soul Serenade est le troisième album : la pleine lune brille, le ciel est nuageux, on est tout perdu dans les bois, un couple de retro-zombies se sert l’un contre l’autre sous les ricanements d’un cupidon méphistophélique, cette histoire va certainement très mal finir, noces de sang / mon chéri je t’aimerai jusqu’à la mort / tu ne crois pas si bien dire salope. Mais on va bien rigoler. Les illustrations complémentaires à l’intérieur du digipak sont du même niveau, on y voit Jon Spencer et Matt Verta-Ray transformés en charmeur de serpent à deux têtes ou sous l’emprise de l’élixir du diable – bien sûr le diablotin de service est planté au milieu, il joue sauvagement de la guitare à la croisée des chemins en attendant le Maître des Enfers. Midnight Soul Serenade est sorti sur un nouveau label pour Heavy Trash, Bronzerat records (inconnu au bataillon) mais rien n’a changé quant au soin porté à la réalisation des sorties du duo.




















Nos deux éboueurs arrivent à faire illusion sur les trois premiers titres. Certes on tique un peu sur le premier d’entre eux, Gee, I Really Love You, un chouïa trop sophistiqué, légèrement chaloupé, mais Good Man et surtout l’entraînant Bumble Bee remettent les aiguilles dans le rouge. Après, c’est la dégringolade. Inexorable. Rien de mauvais, uniquement de l’ennuyeux (The Pill et ses électrobidouilles) ou du banal (l’instrumental surf Pimento, le très Blues Explosion (Sometimes You Got To Be) Gentle). On n’en croit pas trop nos oreilles. Ce qui nous plaisait avec Heavy Trash c’était cette relecture à la fois ultra réactionnaire et complètement destroy des poncifs rock’n’roll/hillbilly voire country de la musique américaine des années 50 et début 60. Un hommage à la punk mais un hommage quand même dont le second album du duo était l’éclatante réussite – Going Way Out With Heavy Trash, sur lequel nos deux ordures n’avaient pas ménagé leurs efforts. Sur ce Midnight Soul Serenade moribond et désincarné on attend désespérément que quelque chose de juteux et/ou de saignant se produise. Quelques moments donnent espoir, le caricatural Bedevilment par exemple, mais la seconde partie de ce disque est encore plus molle et sans inspiration que la première. Peut être peut on aussi sauver Sweet Little Bird à force d’écoutes répétées et insistantes. Heavy Trash bande mou, pour la furie rock’n’roll il faudra aller voir ailleurs et les ricanements du diablotin de la pochette sonnent cruellement. Déçu, déçu, déçu.
Pour en revenir à ces illustrations qui sont la seule chose de réellement réussie sur ce disque, elles sont signées par l’incomparable Jean-Luc Navette, skinhead obsédé sexuel et moustachu, graphiste, illustrateur, auteur de bandes dessinées et tatoueur talentueux et désormais reconnu. C’est lui le grand gagnant de cette histoire et toi, Jon, essaie de nous revenir rapidement et en meilleure forme s’il te plait.

vendredi 25 décembre 2009

Crëvecoeur / # I & # II


J’ai enfin trouvé mon disque de noël. Non pas un disque pour faire peur aux enfants et à leurs parents trop attentionnés en ce jour maudit de dictature du bonheur consumériste, de bouffe jusqu’aux oreilles, d’angélisme hypocrite, de relations familiales décomposées et de vagues souvenirs d’une religion archaïque (qui elle-même s’est réapproprié la date du solstice d’hiver autrefois célébré par des vilains barbares sanguinaires et ignorants) mais un disque de calme en trompe-l’œil et de rêverie lointaine, un disque de voyage, le meilleur moyen pour ne plus être tout à fait là, surtout pas à un endroit précis à un moment précis, un peu partout en même temps, tout comme cette ordure de Père Noël et sa hotte magique remplie de hochets et d’entraves en plastique, lui piquer sa place de branleur impérieux et ne rien en faire, l’égoïsme de l’individu à l’état pur contre l’illusion d’un bonheur collectif.
Ce disque ne date pas d’hier, il s’agit de la réédition chez Denovali et en double LP des deux premiers albums de Crëvecoeur. Un très bel objet né de l’imagination de quelques illuminés à l’occasion de la parution du deuxième album du groupe, fin 2008. Moi : euh, vous allez faire une version en vinyle de ce disque ? Le type du label : peut être que oui, peut être que non, en fait on sait pas, on envisage peut être de sortir un double avec les deux albums dessus. Alors j’ai attendu. Attendu. Puis j’ai oublié. Les mois ont passé et ce disque est arrivé. Il a fini par atterrir sur la platine. Une pochette gatefold avec un dessin que je n’aime pas mais dont le rendu est magnifié par la qualité de l’impression et du carton employé, une galette rose pâle et une galette blanche laiteuse – exactement le genre d’objet qui réveille la fille qui sommeille en moi.























Disque rose fillette : l’album # 1, initialement chez Drella records en 2007 (c’était en fait une autoproduction, non ?), enregistré à trois et au long court entre 2003 et 2006, Nancy et Paris. Un album qui sent bon le mijotage, le polissage, l’enregistrement sur un coin de table au petit matin et qui révèle un sens du détail et de l’arrangement proche de la sophistication derrière une apparente simplicité. Mélodies belles et limpides, ambiances morriconiennes et acidulées, violon tire-larmes, guitare slide en forme de tapis volant, rythmiques légères (et encore, quand il y en a), synthé piquant et cheap, xylophone cristallin : le rock cinématographique et instrumental de Crëvecoeur se révèle toujours être une formidable machine à rêves, évitant à la fois le côté désuet, pathétique et trop illustratif que l’on aurait pu craindre d’une telle entreprise. Petit détail qui fait plaisir, le dernier titre qui apparaissait sur le CD longtemps après la fin supposée du disque et après de longues minutes de pluies d’orage est aussi sur le LP, également après quelques coups de tonnerre, magnifique final d’un disque qui se révèle encore meilleur avec le temps.
Disque blanc crème : l’album # 2, sorti en 2008 et en CD, déjà par Denovali. Un disque aux accents beaucoup plus ensoleillés, épicés si j’osais, mais toujours avec ce petit je-ne-sais-quoi, comme un léger pincement au cœur. Le violon n’y est absolument pas étranger (La Pieuvre et Carnavalse), le synthé ou la scie musicale non plus. # 2 accentue le côté western intimiste du trio – quelque part entre Sergio Leone et Jim Jarmush si on veut – et Crëvecoeur se veut plus ambitieux, vise plus haut, le technicolor est de la partie, le grand angle aussi, les tacos sont fourrés d’un subtil mélange peyotl/ganja, la nuit est lumineuse, son silence est plein de bruissements. A l’écoute de la version LP de ce deuxième album, ceux qui au départ avaient été quelque peu déçus (ce qui n’avait absolument pas été mon cas) ne peuvent que réviser à la hausse leur jugement – # 2 est peut être moins attachant que # 1 mais il a bien plus de classe et de rendu. De toutes façons ces deux albums finissent par aboutir au même résultat : Crëvecoeur est l’un des rares groupes qui donne le vague à l’âme sans refiler le mal de mer en même temps. Définitivement ailleurs. Et ce n’est pas le Père Noël qui a déposé ce double album dans mes gros souliers.

jeudi 24 décembre 2009

Red Space Cyrod / ¡El Secundo!



















Faire de la musique dans sa cave ou dans sa chambre il faut choisir. Red Space Cyrod ne choisit pas : ce duo, composé d’un Cyrod parisien et d’un Red Space Cadet angelino, fait lui de la musique en échangeant idées et fichiers son par le biais d’internet. C’est une idée aussi vieille que la musique électrique et enregistrée, avant on s’envoyait plus simplement par airmail des cassettes et des bandes magnétiques, cela prenait juste un peu plus de temps.
L’échange de ficher c’est surtout une idée casse-gueule dès qu’il s’agit de construire des compositions et c’est le cas de Red Space Cyrod qui a des prétentions pop indéniables : ces deux là pratiqueraient le break core, le pimpo bimbo, le harsch noise, l’impro libertaire, l’abstract hip-hop, l’ambient mambo on s’en foutrait sûrement parce que l’on ne se rendrait compte de rien du tout, les joies de la musique assistée par ordinateur. Seulement voilà, Cyrille et Jay – vous permettez que je vous appelle par vos prénoms les gars ? – font de la musique avec de vrais couplets, des vrais refrains, des vraies mélodies et de vrais arrangements (oui). De la pop, je l’ai déjà dit, ou quelque chose dans le genre, en tous les cas quelque chose qui ne pourrait pas remplir ma tasse de thé à ras bord (mission impossible : je ne bois que du café par hectolitre et dans un mug, cela va de soit).
Le problème de la cohérence et de la pertinence, Red Space Cyrod s’y était cassé les dents le temps d’un premier album autoproduit, To Telescope, beaucoup trop long pour ce qu’il avait à dire alors qu’en même temps on sentait bien que nos deux garçons, justement, avaient voulu le faire dégueuler ce disque, et ça bouillonnait tellement fort d’enthousiasme qu’un EP deux titres avait suivi quasiment instantanément. ¡El Secundo! (on appelle ça la logique imperturbable des noms d’albums) poursuit avec le même mode opératoire mais cette fois ci la réussite est au rendez-vous. Je m’explique : ce disque, après un démarrage calamiteux – détail amusant, To Telescope débutait au contraire en trombe par un Red Space Noise, sorte d’hymne fédérateur, gai et entraînant pour nains de jardins dansant la polka sous champignons, avant de tomber dans les errements de la déliquescence – bref, ¡El Secundo! offre une collection de chansons bricolées, aventureuses, pop assurément mais avec une étrangeté qui leur fait honneur. Ainsi, régulièrement, les idées fusent (même lorsque elles ne sont guère nouvelles, tel le thérémine en guise de final sur Communicat) et sont appliquées avec fraîcheur et spontanéité, un comble pour un disque à la fois transatlantique et transcontinental. La première face de ce CD est à peine achevée que l’on est sous le charme copulatoire du bricolage à distance de Red Space Cyrod.
Comment ? Un CD ? Une première face ? Donc une seconde, aussi ? C’est que ¡El Secundo! a été gravé sur deux CDs de trois pouces, annihilant en un tour de main l’un des inconvénients majeurs du disque compact par rapport à ce bon vieux vinyle (aka ne plus être obligé de lever son cul pour changer de face, c’est encore pire avec le mp3 qui incite définitivement au zapping et à la musique facile). Ce type de présentation est l’une des spécialités de Xcrocs records – tiens, le label marseillais a aussi du eRikm à son catalogue. Donc la deuxième face d’¡El Secundo!, si elle n’est pas exempte de longueurs (Transillusion et dans une moindre mesure Pulsation, malheureusement placés l’un après l’autre), ne manque pas de perpétuer ce charme discret de la bidouille à mi chemin entre psychédélisme cheap et pop électronique, sieste lysergique d’un après-midi ensoleillé et poésie dreamy (le très beau Raining). C’est quand même pas mal de la part de deux types qui ne peuvent pas se voir mais arrivent quand même à s’entendre.

mercredi 23 décembre 2009

Drunkdriver / Fire Sale - It Never Happened























On a déjà parlé la semaine dernière – ou je ne sais plus vraiment quand, j’ai une gueule de bois chauffée à blanc à soigner d’urgence – donc on a déjà parlé de Born Pregnant l’excellent album de Drunkdriver. Un disque qui appelle forcément à en goûter/consommer davantage car Drunkdriver c’est comme avec ton alcool préféré : tu es obligé de finir sur un nombre paire de verres sinon comme on dit dans mon bled il va te manquer une patte, tu risques de repartir en boitant et de ne pas pouvoir marcher droit pour rentrer chez toi ce qui est toujours un peu gênant. Aller, ne te fais pas prier, hein, c’est ma tournée… un petit dernier pour la route ? Allez je te dis !
Fashionable Idiots
nous fait le coup du single sold out à peine sorti dans les bacs : d’un côté on déguste avec un Fire Sale amphétaminé et de l’autre on ramasse avec un It Never happened au ralenti. Et je vais finir par classer ce trio new-yorkais (voix/guitare/batterie) numéro un dans la catégorie découverte de l’année. Avec mention spéciale et félicitations du jury. Première gorgée, Fire Sale brûle le gosier, trop plein d’éthanol qui pique le nez et embue les yeux : la rythmique (enfin, plus exactement la batterie puisqu’il n’y a toujours pas de bassiste cher Drunkdriver) décolle au quart de tour et n’aura de cesse de tanner les peaux. On n’entendrait presque que ça, cette batterie tellement bourrine qui ne dévie pas d’un iota pendant deux minutes. Faut dire que le son de l’enregistrement est toujours aussi saturé de partout, que la guitare, un seul riff tout du long là aussi, ressemble aux grincements d’une machine-outil quelconque complètement détraquée (lorsque elle s’enraille à la fin c’est pour finir dans un larsen ahurissant) et que la voix – chant ? – pourrait vous hurler n’importe quoi dans les oreilles (d’ailleurs ce détraqué de Michael Berdan doit vraiment hurler n’importe quoi) que ça ne changerait pas grand-chose. Ouch.
La tournée du patron arrive inévitablement et c’est It Never Happened qui débaroule en face B, à l’exact opposé de Fire Sale. Encore une fois il n’y a qu’un seul riff, il n’y a qu’un seul rythme et qu’une seule façon de chanter (vomir) mais ici c’est la version lente, poisseuse, fangeuse et presque industrielle de Drunkdriver que l’on écoute. Sans rien enlever au mérite de la première face de ce single, c’est quand même ce visage là du groupe que je préfère, il doit flatter mes plus bas instincts, je ne sais pas exactement quoi. Une accélération – et un changement de plan de guitare ! – à la fin pour rappeler à l’auditeur qui c’est le chef et qui c’est qui distribue les baffes et on tient là l’un des meilleurs singles de l’année. Cette fois ci je suis complètement cuit.

lundi 21 décembre 2009

The Beasts Of Bourbon / Sour Mash


Mais qu’est ce que c’est que ce label ? Je n’en sais foutre rien. Et en plus Provenance records ne semble avoir qu’une seule référence à son catalogue… mais quelle référence ! Jugez plutôt : les trois premiers albums des Beasts Of Bourbon réédités en version remasterisée (et oui), avec les habituels bonus c'est-à-dire les singles et EP contemporains des albums – seuls Sour Mash et Black Milk ont eu leur tracklisting rallongé, le premier album The Axeman’s Jazz est lui resté vierge comme au premier jour, véritable scandale puisque on rate ainsi deux inédits, Good Times et surtout une reprise de Sometimes Good Guys Don’t Wear White (mais ça se trouve encore en bootleg). Trois CDs regroupés dans un fourreau super laid reproduisant le même flycase que celui que tu commandes tous les ans au Père Noël et qu’il ne t’apporte jamais. Un livret de seize pages avec de chouettes photos de rockers désoeuvrés et vaguement à côté de la plaque (beaucoup de photos dans des bars ou autour d’une table encombrée de tout le nécessaire pour tromper sa vacuité, la routine quoi). Quelques textes aussi, pas réellement intéressants puisque ne compilant que des souvenirs d’anciens combattants et dont on se fout complètement (oui j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à jouer de la batterie sur cet album ou bien nous nous sommes rencontrés pour la première fois à un concert des Scientists).
Avec ce coffret on tient réellement le meilleur des Beasts Of Bourbon, dans l’ordre The Axeman’s Jazz (1984), Sour Mash (1988) et Black Milk (1990). Si autant de temps sépare les deux premiers albums c’est que le groupe n’était à l’origine qu’un side project réunissant Tex Perkins (chant), Spencer Johns (guitare, également dans The Johnnys), Kim Salmon (guitare, The Scientists), Boris Sudjovic (basse, The Scientists) et James Baker des Hoodoo Gurus à la batterie. Ça en fait du beau monde mais ce serait une erreur de parler de super groupe à propos des Beasts Of Bourbon : de passe-temps entre potes le quintet est devenu projet principal lorsque à la fois The Johnnys et The Scientists se séparèrent – une histoire tout ce qu’il y a de plus classique, le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres.




















C’est l’album Sour Mach, marquant le passage des Beasts Of Bourbon à la vitesse supérieure, qui attire définitivement notre attention. On ne peut pas négliger The Axeman’s Jazz prétendument enregistré en quatre heures si on en croit une légende persistante ni Black Milk bien trop produit et policé (ce son de caisse claire qui a si mal vieilli…), trop stonien aussi, mais Sour Mash leur est résolument supérieur : braillard, enfumé, boozeux, countrisant mais pas trop (The Hate Inside et sa slide guitar aigrelette), blues (Hard Work Drivin’ Man reprend tel quel le riff et le rythme de Mannish Boys), cabaret s’il le faut, graisseux le reste du temps. Sour Mach c’est aussi l’album sur lequel Tex Perkins chante le mieux, navigant entre Nick Cave (Hard For You qui aurait très bien pu figurer sur le Tender Prey des Bad Seeds) et Tom Waits (This Ol’ Shit ou Pig et son saxophone baryton), oscillant entre démesure de poivrot et décadence de dandy. Flathead (The Fugitive) est un instrumental rappelant toutes les déviances d’un Birthday Party tandis que sur Driver Man Tex Perkins et les Beasts Of Bourbon font un léger détour par le jazz – bien chargé en fumée bleu – donnant à Kim Salmon* l’occasion de nous gratifier d’un solo élégamment dissonant. Ce disque nous rappelle quelques fondamentaux en matière de rock’n’roll : sobriété, simplicité, mordant et respect des traditions blues, country et hillbilly (Elvis Impersonator Blues). Une vraie leçon, à ranger aux côtés des albums des Cramps ou du Gun Club. Et puis la vie, celle dont on rêve au son de Sun Gods, magnifique balade crépusculaire. Mythique.

* Et si c’était Spencer Johns qui jouait ces parties de guitares ? Après tout j’ai une chance sur deux de me tromper car je n’ai pas réussi à corroborer cette info.

vendredi 18 décembre 2009

Drunkdriver / Born Pregnant























Drunkdriver : un nom de groupe à faire hurler ensemble Henry Rollins et Greg Ginn enfin réunis pour une bonne cause. Born Pregnant : un nom d’album qui fleure bon l’humour dégueulasse, la déviance sexuelle et la cradeur profonde. Le petit texte signé Michael Berdan (le chanteur fou du groupe) et qui a été imprimé sur la pochette intérieure précise sans aucune ambiguïté : Songs about god, family and girls I used to fuck. I’d like to apologize to all of them, but the fact of the matter is, I’m not sure if I’m sorry […]. Juste au dessus de ce texte on découvre une photo du groupe en pleine action lors d’un concert avec Mike au micro et portant un magnifique t-shirt de Death in June, celui avec la totenkopf, Jeremy à la batterie (il martèle également dans les excellents Pygmy Shrews) et Kristy à la guitare – et oui, avoir une fille dans un groupe qui sert à autre chose qu’à faire de la figuration à la basse et/ou de servir de copine au chanteur/guitariste cela existe aussi. Il n’y a donc pas de bassiste chez Drunkdriver et – encore une fois – il n’en fallait pas plus.
Les yeux bien fermés, sans tricher du tout et même en étant complètement sourd, on jurerait que Drunkdriver est un groupe signé sur Load records. Tout, sur ce Born Pregnant, a été sciemment saturé, les sons de guitare ne ressemblent souvent qu’à une longue suite de larsens grésillants et le son de batterie est tellement déformé que cela donne un indéniable côté indus à la musique de Drunkdriver. Par-dessus ce formidable vomi électrique (le vomi ça pue quand même bien plus que le camembert, non ?), Michael Berdan aboie avec une rage non feinte et dégoûtée ses textes putrescents et obscènes. On rouvre les yeux, on remet le disque du début parce que déjà on adore ça, on sait pertinemment qu’on est juste un peu plus sourd qu’auparavant et on entend exactement la même chose, c'est-à-dire une anti-musique forcenée jouée à fond les potards, une musique qui fait froid dans le dos et qui vous hérisse le poil. C’est violent, glauque, malsain, complètement taré et définitivement furieux. Et en plus on s’aperçoit qu’en fait de Load records, c’est Parts Unknown records qui a assuré la sortie de ce Born Pregnant.
Tout comme leurs collègues de Pygmy Shrews qui se colletaient une forte odeur de sperme et alors que ces jeunes gens viennent tous du même endroit (Brooklyn, New York City, ça vraiment plaisir de constater que la grosse pomme est encore capable d’engendrer autre chose que des groupes aussi pitoyables qu’Animal Collective, les Liars ou les Strokes), les trois Drunkdriver ne portent aucune trace de prétention arty/prout prout ni ne jouent avec le mauvais goût et l’indécence : Drunkdriver est le mauvais goût qu’il te reste dans la bouche un lendemain de beuverie sans nom – uppers, alcohol selon le même petit texte déjà mentionné de Michael Berdan – et l’indécence on ne comprend plus vraiment ce que cela pourrait bien être après une telle démonstration de non-retenue et de persévérance à œuvrer dans le mal. Pour preuve, Cure For The Common Cold, un huitième et dernier titre dépassant largement les dix minutes – un titre lent, répétitif, halluciné et braillé, comme une ultime décharge de chevrotines dans la tête (mais puisque tu as mal visé tu n’es pas mort sur le coup, ces dix minutes et quelques c’est exactement le temps qu’il te faut pour goûter à ton agonie).

jeudi 17 décembre 2009

Pygmy Shrews / The Egyptian























Après le single, voici l’album de Pygmy Shrews. Et je vous le dis tout de suite : quel album! Wäntage USA m’a tout l’air aussi d’être un sacré bon petit label avec des références terriblement alléchantes – on reparlera sûrement un de ses jours de Red Fang, dans un style bien différent de celui de Pygmy Shrews, heavy pop/hard rock chewing-gum on va dire pour faire plaisir aux pauvres collectionneurs d’étiquettes – et le type qui tient ce label à bout de bras est du genre absolument charmant et est un parfait gentleman. Comme quoi on peut être bien élevé, passionné et aimer la musique de sales punks. Parce que celle de Pygmy Shrews n’est rien d’autre que ça, un pur concentré de hargne et de saturation sur fond de grosse rythmique énervée. La grande classe du glaviot craché en l’air et qui vous retombe inévitablement sur la gueule. Une guitare, une basse, une batterie et deux voix (mâle et femelle), il n’en faut pas beaucoup plus.
The Egyptian
c’est donc une collection de dix titres qui vous remettent pile en haut de l’actualité une musique cradingue et folle. Et comme les Pygmy Shrews viennent tout droit de Brooklyn et que le guitariste joue également dans Zs j’imagine que la référence à la vieille no wave locale est inévitable mais à tout bien y réfléchir, mis à part le chant de la bassiste Tia, trop trop forte dès qu’il s’agit d’imiter parfaitement Lydia Lunch trente années en arrière (mais également capable de chanter comme une vraie pute à franges sur Shame Canal), je ne vois pas trop ce qu’il y a de fondamentalement no wave là dedans. La négation de toutes formes de mélodies classiques et le recours à la dissonance peut être ? Oui, OK, j’admets. L’absence de solo de guitare ? Aussi (quoi ? vous appelez ça un solo l’espèce de fracassage en règle de cordes au début de Shame Canal ou celui à la fin de Big Time ?). Mais bon, mis à part ça…
Ici pas de pose arty ni de nihilisme auto destructeur ou d’enfer urbain mais quelques points de vues primordiaux (Your Party Sucks) et surtout un affolement général : avec The Egyptian le trio vous rentre tout simplement dans le lard comme un chibre entre dans un trou du cul encore vierge et c’est terriblement bon. Même lorsque Pygmy Shrews ralentit le rythme et que le batteur se calme sur la grosse caisse et le tom basse (Dead Wrong) on a envie de se mettre à quatre pattes. D’ailleurs, sur ce même Dead Wrong, la voix narrative que l’on entend est celle d’Apollo Liftoff (l’homme d’Hammerhead et de Vaz) qui ne s’y est donc pas trompé. Non nous plus.

mercredi 16 décembre 2009

Pygmy Shrews / Lord Got Busted - Kill Yourself

















Encore un single comme je les aime tant. Pygmy Shrews, trio comprenant un membre de Zs (genre de free noise qui prend la tête et dont je suis forcément friand) à la guitare et au chant, un membre de Drunkdriver à la batterie (il faut d’urgence écouter l’album Born Pregnant qui sera bien un jour ou l’autre chroniqué quelque part ici, cela ne saurait même tarder) et une fille à la basse et à la voix. On commence par la supposée face B parce qu’il faut bien choisir entre this side et that side (même lorsque on est nul en anglais) et aussi parce que c’est la moins bonne – et non pas la plus mauvaise, loin de là. Sur l’étiquette de la rondelle, Kill Yourself est sobrement crédité Lennon/McCartney : Hein ? Quoi ? Les Beatles seraient donc responsables de ce riff poisseux tournant inlassablement en boucle comme un rat de laboratoire au fond de la cuvette d’un évier en attendant d’être sacrifié pour la science triomphante et l’avenir prospère de l’humanité ? Evidemment que non, puisque nous allons très bientôt tous crever. Et je crois surtout que ce Kill Yourself, chanson punk au ralenti et très swampy, remplie d’ironie crasse, est à prendre comme un conseil ferme et définitif donné à ses supposés auteurs (ce n’est pas trop difficile, il y en a déjà deux sur quatre de clamsés) et à qui d’autre voudra bien en tenir compte. Sinon il suffit d’aller écouter l’avant dernier titre de la deuxième face du Live: In The Red de Pussy Galore pour voir si j’y suis.
En face A (donc) Lord Got Busted est encore plus ralenti, malsain à en Flipper, avec un rythme tellement minimal qu’il en deviendrait presque martial et avec un chant – surtout celui de la bassiste – qui reluque total du côté de la no wave des grands ancêtres. Et là ça devient diablement et incroyablement bon. Normale, cette référence à la no wave, serait on tenté de rajouter, puisque Pygmy Shrews vient précisément de Brooklyn/New York. Pourtant, vu le nihilisme qui se dégage de cette petite galette de plastique noir, on peut affirmer sans risque de se tromper que les Pygmy Shrews en ont vraiment rien à foutre de perpétuer les traditions du siècle dernier. Kill Yourself, on vous l’a déjà dit, et on reparlera aussi bientôt-un-jour-peut-être-demain (?) de l’album The Egyptian de ces jeunes gens mal attentionnés.

lundi 14 décembre 2009

Classic American Style























Quoi ? Comment ? Presque trois semaines sans un seul concert ? Mais que se passe t-il ? La vérité, c’est que concert il y eut bien mais qu’il aurait été bien trop difficile de raconter le plus sérieusement du monde ce qui s’est très exactement passé à celui-ci. J’essaie quand même ? Allez. Manu Holterbach est venu les mains dans les poches mais avec un CD, se contentant d’une diffusion de trois pièces de musique acousmatique avec explications de texte et didactisme d’intello en guise de présentation (on se serait cru à une conférence organisée par Peuple Et Culture) et fermant les yeux dans une attitude quasiment religieuse pour écouter ses propres oeuvres (sans grand intérêt en plus, quel baratin à propos d’un son de pompe à chaleur créant des harmoniques si… passionnantes). On rajoute un David Maranha (Osso Exotico, un bon groupe pourtant), incapable avec son compère de décoller son doigt de la première touche de synthétiseur sur laquelle il avait décidé d’appuyer ce soir là. Une expérience extrême et une bonne crise de rire, maintenant qu’on en parle, après coup, mais une soirée de perdue pour rien quand même.
En attendant le concert de The Ex de cette fin semaine – ce sera le samedi 19 décembre – organisé dans l’antre des anoraks, direction le Sonic en ce vendredi soir pour prendre quelques nouvelles de Scott McCloud officiant désormais sous le nom de Paramount Styles. Vite, j’ai trop besoin de quelques bières pour éteindre le feu d’une semaine invariablement pourrie et gâchée. J’ai aussi besoin d’un vrai bon concert.























Hyancinth Days joue en premier. Ce groupe-à-lui-tout-seul avait été l’excellente surprise du concert d’Electric Electric en octobre dernier, au même endroit. Ce soir il va largement confirmer tout le bien que l’on peut penser de sa musique, malgré un stress évident et visible de son côté – une tisane le soir avant de se coucher et on n’en parle plus mon garçon, c’est une méthode appliquée et approuvée par Blackthread, autre one man band local de talent (d’ailleurs le groupe unipersonnel tend vraiment à être une spécialité lyonnaise et si vous ajoutez Sheik Anorak vous obtenez la triplette infernale de cette espèce en voie de surpopulation). Mais je m’égare, une fois de plus.
Donc, pour en revenir à Hyancinth Days dont le set a été rigoureusement le même que celui de la fois précédente, j’ai continué à me demander pourquoi – en dehors de l’intérêt mélodique évident, du cheapos des rythmes et des acrobaties sur quatre cordes – pourquoi donc la musique de ce garçon, qui tient vraiment à pas grand-chose, est aussi plaisante (dans le sens littéral : qui donne du plaisir) et captivante. Je n’ai eu à me creuser trop les sensations pour trouver la réponse, me sentant sourire de toutes mes dents comme un gros niais/hippopotame euphorique : les mélodies tarabiscotées de Hyacinth Days sont résolument lumineuses. Elles rendent serein, joyeux et presque optimiste (oui, même moi) avec un je ne sais quoi de beauté fragile et légère. Maintenant mon garçon, il faudrait vraiment développer un peu plus le chant parce que répéter deux fois de suite les trois même mots uniquement sur le premier titre du concert ce n’est vraiment pas suffisant.


















A l’annonce de ce concert c’est la curiosité – mélangée avec une certaine appréhension – qui prévalait au sujet de Paramount Styles, la nouvelle appellation contrôlée de Scott McCloud n’étant à dire vrai guère passionnante : le premier album du groupe, Failure American Style publié l’année dernière par Cycle records est gentiment mollasson, ne m’a pas laissé un souvenir impérissable et aujourd’hui encore, alors que je le réécoute en boucle (c’est l’inévitable effet de l’enthousiasme post concert), je le trouve toujours bien propret et sage. Propre, la musique de Girls Against Boys l’était aussi d’une certaine façon, production léchée de partout et tout ça, mais elle était surtout sacrément tubesque et dynamique donc irrésistible. Au moins Scott McCloud n’a pas eu l’ambition ni la prétention de reprendre les recettes de Girls Against Boys à son compte – malgré la présence dans Paramount Styles du batteur Alexis Fleisig – et a opéré un virage à 180 degré en direction d’un pop folk/classic rock (comme on dit au pays des donuts et du beurre de cacahouète) très acoustique et, il faut bien avouer, moyennement accrocheur.
La configuration du groupe qui joue ce soir est donc le très placide Alexis Fleisig à la batterie, un bassiste qui ne sert à rien d’autre qu’à jouer de la basse tellement il a une présence inexistante sur scène (c’est lui Geoff Sanoff, celui qui a aussi produit Failure American Style ?), un guitariste qui ressemble étrangement à Virginie Despentes et Scott McCloud au chant, à la guitare acoustique et au tabouret. Parce que notre homme, pourtant bête de scène avec ce groupe de dandys électriques qu’étaient les Girls Against Boys, s’apprête à jouer tout son set assis comme un vulgaire chanteur de country bovine. Normalement il y a également un violoncelle dans le line-up mais pour une raison que j’ignore cette tournée européenne s’est faite sans, ce qui n’est pas pour me déplaire.


















Et la magie opère dès les premières secondes de la première chanson du concert et ne s’arrêtera jamais. Paramount Styles sur une scène c’est nettement plus électrique que sur disque (l’absence du violoncelle me réjouit alors d’autant plus), les compositions gagnent en pouvoir d’accroche-cœur, deviennent immédiatement évidentes, songwriting fin, subtil et ravageur et surtout la voix de Scott McCloud, son grain inimitable, sa chaleur, font des merveilles – au passage je trouve cette voix merveilleuse nettement en deçà de ses possibilités naturelles sur le premier album du groupe. Ce type, même assis, a conservé toute sa classe naturelle de très grand monsieur.
Passons sur le cas du bassiste qui servirait de râtelier pour son instrument que cela n’y changerait rien : j’admire tour à tour Alexis Flesig derrière sa batterie, au jeu sobre et délicat mais n’hésitant pas à envoyer le bois à l’occasion – beaucoup (trop ?) de titres sont construits de la même façon avec une conclusion identique : un final noisy – et surtout le guitariste aux yeux globuleux et gros buveur de bière qui vous sort un solo tout déconstruit (mais toujours court) aussi bien que des arpèges chouettement décoratifs, je suis collé pile poil en face de lui et en j’en oublierais presque parfois Scott McCloud qui pourtant en impose question charisme.
Il s’avère donc que les nombreux titres inédits que Paramount Styles a joué ce soir sont d’un niveau nettement supérieur à ceux de Failure American Style. Il s’avère également que ce foutu guitariste n’était pas pour rien dans le phénomène de combustion instantanée qui a régné en maître. J’espère donc que le nouvel album (il est déjà enregistré, il va bientôt sortir et Scott McCloud veut revenir en Europe dès l’année prochaine pour en assurer la promotion) saura conserver toutes ces qualités du live, qu’il ne sera pas gâché par une production trop policée et lisse… Ah oui, je n’ai pas su résister, j’ai fini par acheter au groupe son premier disque, faute de mieux et finalement... en boucle donc.

vendredi 11 décembre 2009

Coalesce / Ox EP























Voilà donc la suite de Ox, l’album qui a marqué la confirmation cette année de la résurrection et en très bon état de fonctionnement qui plus est de Coalesce, fleuron incontournable du metalcore 90’s. Suite se dit sequel en anglais et c’est ce que l’on appelle un faux ami mais dans le cas qui nous occupe séquelle ne serait pas un terme trop fort tant cet Ox EP ressemble plus à une collection de restes qu’à autre chose. Attention je n’ai pas dit que ce sept titres n’avait aucun intérêt, il comporte même de très grandes choses mais on peut aussi s’interroger sur quelques points.
Passons rapidement sur le cas de l’illustration de la pochette qui est le négatif exact de celle de l’album, cela doit plus relever du concept que de la fainéantise même si cela y ressemble fortement (à noter que la pochette du EP est elle aussi gatefold et que le vinyle n’est gravé que sur une seule face, l’autre reproduisant l’étoile à douze branches de l’artwork abominablement géométrique). Si Ox EP laisse sur sa faim c’est que sur les sept titres gravés, il n’y a que trois réelles compositions, trois autres sont des interludes et le dernier (le très morriconien Absent In Death) a le cul entre deux chaises, commençant comme une page de publicité pour la marque de clopes préférée des cow-boys massacrant des indiens au ralenti, enchaînant sur ce qui ressemblerait à un vrai titre de Coalesce avant d’être victime d’un fade out qui écourte d’autant notre plaisir, coïtus interruptus. Ox To Ore sert d’intro tribale au disque, Joyless In Life est un instrumental bouseux que l’on jurerait piqué à Crëvecoeur et Ore To Earth est la conclusion logique de Ox EP, reprenant de manière expéditive le tribalisme de Ox To Ore. Sur l’album, les interludes étaient vraiment bien les bienvenus, étoffant, allégeant un disque d’une rare violence, l’aidant à passer la rampe de la crispation et lui donnant d’autant plus d’impact et de caractère. Sur le EP, ces mêmes interludes sont quasiment en surnombre et on n’en démord pas, l’impression de remplissage est tenace, gênante, irritante et puis on oublie tout en se disant que les trois titres restants auraient pu constituer le matériel nécessaire et suffisant à un excellent 7 pouces.
Parlons en, de ces trois compositions. L’expéditif Through Sparrows I Rest, The Blind Eye et surtout l’incroyable et violentissime To My Ruin sont de purs moments de bonheur, d’aridité formelle, de frissons compulsifs et de ratatinage de conscience. Le chant d’aboyeur écorché de Sean Ingram, la science du riff de Jes Steineger et cette rythmique hachée qui tourne hiératiquement autour d’un axe invisible, tout confère à Coalesce ce statut de groupe à part, inclassable, inimitable (pourtant certains ont bien du essayer…), indémodable et incontournable. Finalement je suis rassasié. Mais de justesse.

jeudi 10 décembre 2009

Sister Iodine / Flame Désastre























Initialement publié en LP par le label parisien Premier Sang, Flame Désastre, quatrième album du trio non moins parisien Sister Iodine, a été réédité cette année par les Editions Mego en format CD et avec deux titres bonus à la clef. Deux titres en plus : quel intérêt me demanderez vous ? Et bien je n’en trouve pas beaucoup. La musique de Sister Iodine dans sa version fin des années 2000 est tellement entière, monolithique et répétitive que le nombre de compositions importe finalement peu. Plus exactement, sur Flame Désastre, le groupe s’est contenté de deux grands types de morceaux : soit des titres martelés imposant des successions d’explosions industrielles et de saturations bruitistes (l’excellent You/Lacerate qui ouvre le disque ou bien Trope) soit des titres plus insidieux et remplis de brouhahas d’arrière-cour – ça grésille, ça interfère et ça court-circuite avant de repartir dans le grand n’importe quoi bruitiste mais il reste toujours ces percussions tribales qui servent de fondement à un attentat sonore en bonne et due forme et à un programme non encadré de maltraitance de guitares qui donnerait mal au cœur et ferait de la peine même à Stephen Mattos (Napalmée).
De réelles variations il ne faut guère en attendre sur Flame Désastre, hormis – tiens donc – celles perpétrées par les deux titres inédits (Lava Junkie et K) qui présentent des aérations certaines dans un disque claustrophobe et misanthrope où sifflements suraigus et sursaturés font la loi. Sur Lava Junkie ça glandouille même un peu trop à mon goût dans la facilité et le remplissage, rappelant à qui avait bien voulu s’y risquer à l’époque qu’Eric Fernandez et Erik Minkkinen (les deux guitaristes de Sister Iodine) s’étaient aussi largement fourvoyés dans des expériences électroprouts pas très intéressantes (Gescom). Mais on oublie rapidement ces deux interludes presque sympathiques et humains et on se concentre sur tout le reste c’est à dire sur l’agression systématique des sens. Là aussi on pourrait objecter que remplissage et facilité il y a, sauf que cela fonctionne à plein régime – et évidemment à très fort volume – malgré le côté systématique des moyens employés et des effets engendrés : oui ça fait toujours beaucoup de bruit, oui c’est vraiment la guerre, la fin du monde, l’éclatement généralisé des boites crâniennes et la négation de toute forme un peu construite de musique. On aime ou on déteste, tout dépend de son niveau de masochisme et/ou d’isolement caractériel. Flame Désastre est donc élu haut la main et loin devant tout le monde disque numéro un dans la catégorie objet nihiliste et jusqu’au-boutiste pour cette année 2009. Avis aux amateurs et les autres, qu’ils aillent se faire foutre.

mercredi 9 décembre 2009

Grind Madness At The BBC – The Earache Peel Sessions


Bel et gros objet (3 CDs bourrés jusqu’à la gueule quand même), un titre qui dit tout et la crème des groupes Earache records. Nous sommes dans la deuxième moitié des années 80/au tout début des années 90 et John Peel se prend d’un amour immodéré pour ce que l’on appellera bientôt le grind core (terme selon la légende inventé par Mick Harris lui-même). Peel enregistre donc quelques uns de ces groupes britanniques de jeunes chevelus – beaucoup sont originaires de Birmingham – et les diffuse à une heure de grande écoute lors de son émission sur Radio 1. Effet garanti. Ce type était grand, curieux, visionnaire, généreux et déconneur, dommage que le label ait inclus dans le packaging une trop célèbre photo de lui en version romantique ténébreux et sarcastique, on n’avait pas besoin de ça pour se rappeler qu’il est désormais mort.
Avec Napalm Death, Extreme Noise Terror ou Carcass en tête de gondole, Grind Madness At The BBC – The Earache Peel Sessions ressuscite l’effet électrochoc de l’époque. Mais commençons par le moins bon, c'est-à-dire le troisième CD. Celui-ci démarre avec une réelle curiosité : Godflesh (bientôt sur la voie de le réformation eux aussi…). Le duo a été enregistré pendant l’été 1989 c'est-à-dire à l’époque de l’album Streetcleaner dont cette Peel Session nous propose deux titres – les deux autres figuraient à l’origine sur le Tiny Tears EP. C’est donc du Godflesh primitif auquel nous avons affaire, la sophistication de Pure est loin d’être d’actualité et le son ultra massif de Streetcleaner n’est pas non plus égalé. Un témoignage qui prend toute son ampleur sur Pulp : Kevin Martin et son saxophone dément y rejoignent Godflesh, préfigurant les futurs travaux de God/Ice. Unseen Terror poursuit le programme avec huit titres enregistrés début 88. Le premier groupe de Shane Embury (alors à la batterie) a un peu vieilli et Mick Harris (ici au chant) ne fait pas des merveilles. Heresy – groupe que le guitariste Mitch Dickinson rejoindra après le split d’Unseen Terror – est encore plus bancal, le chant nasal fait sur la première session (1987) penser à celui de Mike Muir, Flowers (In Concrete) ressemble même carrément à du très vieux Suicidal Tendencies, curieux raccourci. Les changements de voix et de line-up pour les titres des deux autres sessions (1988 et 1989) n’apportent pas beaucoup plus d’intérêt à un groupe hard core de second plan qui n’hésite pas à citer Exploited à la fin de Network Ends, la grosse poilade. Avec Intense Degree on arrive à la fin de ce troisième disque et le niveau remonte très nettement. Grâce à un line-up fourni – deux guitares, un vrai chanteur bien qu’évidemment limité – Intense Degree jouait technique, rapide (batteur bien barré) pour des titres courts et efficaces. On n’en demandait pas plus.


















Le deuxième CD est celui consacré à Carcass et Bolt Thrower. On ne présente plus les premiers avec Jeff Walker des excellents Electro Hippies et Bill Steer de Napalm Death, les inventeurs du gore grind avec textes et imagerie tous plus sanguinolents et gerbex les uns que les autres. Les deux Peel Sessions (décembre 1988 et décembre 1990) proposées ici datent des deux premiers albums, Reek of Putrefaction (1988) et Symphonies Of Sickness (1989) et sont totalement dans l’esprit de ceux-ci. Personnellement c’est la période de Carcass que je préfère, le virage plus heavy du groupe à l’occasion de Heartwork m’ennuyant prodigieusement. A noter que la session 90 – moins bonne que la première il est vrai, la faute à un son beaucoup trop faiblard – n’était jusqu’ici légalement disponible que sur la compilation Choice Cuts dont c’était là l’unique intérêt. Une compilation désormais bonne pour la poubelle ou les bacs à soldes.
On ne présente pas non plus Bolt Thrower qui occupe toute la fin de ce deuxième disque avec trois sessions distinctes enregistrées entre 1988 et 1990. Encore un groupe originaire de Birmingham mais qui n’a rien à voir de près ou de loin avec le grind core ou le hard core/metal de ses petits camarades. Signé sur Earache comme Napalm Death ou Extreme Noise Terror (toutefois le premier album In Battle There Is No Law était sur Vinyl Solution), Bolt Thrower se démarquait très nettement de ses collègues avec un death metal puissant et lourd agrémenté d’un chant qui est allé en s’étoffant au fil des enregistrements, tout comme la musique du groupe. La dernière session est la plus représentative d’une formation qui a enfin trouvé ses marques, celles d’un son épais avec accélérations épiques et structures en étages, c’est le Bolt Thrower que tout le monde connaît.























On termine avec le premier CD, celui avec Extreme Noise terror et surtout celui sur lequel Napalm Death se taille la part du lion. Inutile de dire que c’est le disque que j’écoute le plus souvent, et de loin. Toutes les Peel sessions de Napalm Death ont régulièrement été éditées – d’abord en vinyle avec ce visuel si caractéristique – puis systématiquement réédités pour en arriver à plusieurs versions CD toutes plus laides les unes que les autres. Grind Madness At The BBC – The Earache Peel Sessions est donc le meilleur moyen actuel de se procurer l’intégralité des enregistrements de Napalm Death pour John Peel (trois sessions de 1987 à 1990) dans un emballage CD enfin honorable – et à prix réduit, merci Earache – sachant que l’on tient là la substantifique moelle des débuts du groupe (deuxième line up, celui avec Lee Dorian, Bill Steer, Shane Embury et Mick Harris) ainsi que les prémices de son évolution (troisième line up avec l’arrivée de Barney, de Mitch Harris et de Jesse Pintado) pour devenir ce que l’on sait – et ce que le groupe est toujours. Un must have comme on dit.
Mais un must have parfaitement complété par les sessions d’Extreme Noise Terror avec encore une fois Mick Harris à la batterie et la particularité du double chant. Pas de présentations inutiles non plus, Extreme Noise Terror était/est bien plus hard core que Napalm Death mais – à la différence d’Heresy – réussissait parfaitement son coup : ultraviolence, âpreté (voire méchanceté) et positionnement politique tendance anarcho-punk. Le quintet d’Ipswich n’en démordait pas, quitte à flirter avec la punkerie la plus houblonnée possible pour hooligans nihilistes (I Am A Bloody Fool, une reprise de Cockney Rejects) avant de vomir un restant de bière tiédasse et de se rouler dedans pour s’assurer que, quitte à puer un bon coup, on ne puera pas cette sale odeur de fascisme post thatcherien.

mardi 8 décembre 2009

Jesu / Opiate Sun


Désolé pour les admirateurs passionnés de l’anglais (s’il en reste et personnellement je le suis malgré tout encore un peu) mais si le job de base d’un prophète lambda c’est de transformer l’eau du robinet en piquette dominicale alors Justin Broadrick est le champion universel de la merde en boite tellement avec Jesu il a l’air de ne pas trop se forcer pour arriver à métamorphoser sa musique autrefois géniale en fond de poubelle.
Opiate Sun
a comme tous ses prédécesseurs une bien jolie présentation - et un digipak élégant, merci Caldo Verde records - et sur l’échelle qui va de l’effroyable au tout juste passable, ce nouveau mini album quatre titres se situe tout à fait dans le bas du tableau, pas très loin du split avec Envy ou de Pale Sketches, la compilation d’inédits ridicules que Broadrick avait publié par ses propres moyens fin 2007 sur Avalanche records. On remarque au passage l’humour involontaire du label qui sur le sticker aguicheur apposé sur Opiate Sun à fait imprimer new heavy and melodious EP from Justin Broadrick of Napalm Death and Godflesh c'est-à-dire exactement tout ce que ce disque n’est évidemment pas.























On avait pourtant quelques bons espoirs depuis Infinity, longue pièce montée peut être bancale et maladroite mais renouant sur certains passages avec la lourdeur passée qui faisait aussi tout l’intérêt du EP Heartache et du premier album sans titre de Jesu (on n’ose plus prononcer le nom et la mémoire de Godflesh, même si on sait désormais que le groupe quasi myth(olog)ique de Broadrick sera présent lors de l’édition 2010 du Hellfest). Du vent et de la mélodie chamallow c’est à peu près tout ce que l’on retrouve ici, Deflated remportant la palme de la niaiserie à tel point que l’on imaginerait très bien ce titre comme fond sonore d’un teen movie régressif ou d’une série tv sur le dépucelage tardif d’un emokid refoulé et beaucoup trop amoureux de sa mère pour oser biscuiter sa voisine d’en face - qui elle écoute de la vraie musique avec des couilles, Pantera ou Slayer par exemple, et une fille qui écoute Pantera ça fait forcément très peur.
Je crois que la solution de l’énigme Broadrick est là : Justin tu es profondément amoureux et c’est ce qui te pousse à composer du chubbygaze inoffensive et transparent. Et puis un dernier point, éternellement le même, celui concernant les effets sonores déformant ta petit voix d’ange. Mon garçon je vais finir par croire que pour arriver à tes fins tu utilises en fait l’auto-tune comme n’importe quel tâcheron soul/arenbi. Il serait temps que tu te ressaisisses.

lundi 7 décembre 2009

Ahleuchatistas / Of The Body Prone























Comme je n’en suis plus à une incohérence près, on va causer d’un groupe particulièrement doué dans le domaine du gratouillis auto satisfait et de la branlette instrumentale. Des pros du math rock et du jazz noise, des musiciens infréquentables mais tellement convaincants sur disque et sur scène qu’ils sont devenus un petit plaisir inavouable, un péché mignon (surtout le batteur qui est vraiment pas mal). Of The Body Prone est le cinquième album d’ Ahleuchatistas, le deuxième pour Tzadik si on compte la réédition l’année dernière de The Same And The Other et le premier avec le nouveau batteur du groupe.
Je vous la fais rapide. En mai 2008, Sean Dail, batteur originel du groupe fatigué par des tournées incessantes et des séances de répétition marathoniennes, quitte Ahleuchatistas. Le groupe est contacté par Ryan Oslance, jeune chevelu innocent et naïf qui mesure encore très mal la portée et les conséquences de son geste. Shane Perlowin (guitare) et Derek Poteat (basse) l’invitent à parcourir les quelques centaines de kilomètres qui les séparent – de Carbondale au sud de l’Illinois jusqu’à Asheville, Caroline du Nord – et là ils le séquestrent dans la cave, l’obligeant à répéter quasiment sans discontinuer pendant cinq jours. Epuisé, vidé, décapsulé et mis au pas, Ryan Oslance est engagé : il est le nouveau batteur d’Alheuchatistas et le groupe repart immédiatement en tournée américaine, laquelle sera suivie à l’automne 2008 d’une tournée européenne.
L’étape suivante était logiquement un nouvel album, Of The Body Prone, enregistré pendant quatre jours en avril 2009. Nouveau batteur, nouvelle musique ? Ce cinquième - j’allais écrire effort mais le mot effort ne devrait uniquement concerner que les sportifs masochistes et les constipés du matin - donc ce cinquième long format d’Ahleuchatistas est moins dense et virevoltant que ses trois prédécesseurs (je ne compte pas On The Culture Industry, premier album du groupe que je n’ai jamais réellement écouté). Les mélodies tordues et imprévisibles sont toujours là, les breaks incompréhensibles et meurtriers aussi, mais beaucoup moins nombreux que précédemment, laissant plus de place à des passages plus ouvertement improvisés où un certain flottement et/ou un décalage entre les trois musiciens est clairement perceptible. Rien de grave mais la cohésion d’antan, celle qui faisait d’Ahleuchatistas une petite bombe de dynamisme et de précision et qui vous frappait à la gueule dès les premières notes a été remplacé par une volonté plus bruitiste (le dyptique Dancing With The Stars/Total Nightmare In A Deep Dive et son final stressant). Parfois on surprend également le groupe en plein bavardage (les tatapoums alternatifs et pas très heureux de la batterie sur Making The Most Of The Apocalypse) et les structures des compositions privilégient moins concision et raideur - au sens pénien du terme - que la recherche d’ambiances certes contrastées mais qui prennent trop de temps pour s’installer. Le sens du cut-up musical du groupe n’est plus aussi aiguisé, Of The Body Prone est à la fois un disque moins drôle et moins ébouriffant. Ce n’est pas pour autant un disque moins démonstratif : l’énergie quasiment punk qui boostait la profusion d’idées bouillonnantes passe au second plan et l’aspect cérébral, la tare de beaucoup de groupes qui jouent sur l’improvisation, remonte à la surface comme les yeux de gras dans le bouillon de poule.

samedi 5 décembre 2009

Philippe Petit / Henry : The Iron Man


Beta-lactam Ring records est l’un des labels expérimentaux à suivre absolument à l’heure actuelle, avec des productions allant de Nadja à Volcano The Bear en passant par Troum, Nurse With Wound, Reynols, Kawabata Makoto… musiciens/formations auxquels il faut ajouter quelques babouseries kitschounettes telles que Legendary Pink Dots/Edward Ka-Spel. Il ne manque au programme qu’un Masami Akita/Merzbow pour que la comparaison avec un label comme Important records puisse être justifiée. Tout comme son célèbre collègue, Beta-lactam Ring aime aussi les beaux objets : les illustrations sont toujours extrêmement soignées et les vinyles sont dans des cartonnages tellement épais que l’on a tout de suite envie de les accrocher aux murs. Les CD édités par cette petite maison basée à Portland suivent le même traitement, celui d’une présentation où toute trace de plastoc a définitivement été bannie. Bienvenue dans un monde de bon goût jamais ostentatoire.
Dans les dernières parutions du label on note la présence d’Henry : The Iron Man d’un certain Philippe Petit, oui celui de Kinetic Vibes, Pandemomium records, BiP-HOp records, Strings Of Consciousness (je résume là) dont on a déjà quelque peu parlé ici. Depuis toujours passionné de musique, notre homme s’est également lancé aux cours des années 2000 dans le DJing et il anime fidèlement une émission sur Radio Grenouille (qu’il n’est pas interdit d’écouter puisque le podcast a également été inventé au troisième millénaire, ça se passe le dimanche soir). D’ailleurs c’est dans les studios de Radio Grenouille qu’Henry : The Iron Man a été enregistré*. A noter que le mastering a été assuré par Nicolas Dick, on reste entre amis.























L’illustration sur la pochette du disque peut mettre certains sur la voie, pour les autres lire les quelques notes à l’intérieur leur apprendra qu’ils écoutent la bande-son imaginaire d’un film mutant reliant Eraserhead de David Lynch à Tetsuo de Shinya Tsukamoto et dans lequel Henry Spencer se transforme peu à peu en monstre de métal. Pour accompagner cette mutation Philippe Petit s’est servi de platines et de disques vinyle – ça craque, ça saute, ça ripe et ça grésille comme autant de fourmillements indéterminés. Derrière ce foisonnement de frôlements, de plissements et de reptations on devine des sons plus électroniques sortant d’un laptop ainsi que quelques incursions organiques telles que des samples de musique chinoise sur In Tokyo Henry Spencer Is Fine ou le saxophone de Perceval Bellone (Strings Of Consciousness) sur Lady In The Radiator Meets The Fetischist.
Henry : The Iron Man
est divisé en trois parties mais il s’écoute d’une seule traite, sans aucun temps mort ni baisse de régime et surtout garde l’attention et l’intérêt de l’auditeur intacts, heureux homme. Ce disque, comme tout disque de musique plutôt ambient (malgré les accidents sonores) incite à la déambulation, à la rêverie des sens, aux yeux qui se perdent dans le vague et aux oreilles plénipotentiaires mais – parallèlement – il y a toujours un détail, un son, une trouvaille, un effet, une déformation qui vous titille (agréablement) l’axe cérébro-cardiaque. Peut-être suis-je un sans-cœur et un blasé mais le seul reproche que l’on pourrait faire à Henry : The Iron Man est qu’il est ni dérangeant ni inquiétant alors qu’il rend hommage à deux longs métrages cultissimes pourtant particulièrement gratinés et sombres. Philippe Petit a lui choisi l’option poétique, qui est tout aussi valable. Alors peut être aussi que le film en tant que pellicule de 35 mn n’existe pas sur grand écran mais son interprétation sonore et musicale est incroyablement vivace et cohérente. Un travail d’imagination pour l’imagination.

* je ne sais pas si c’est aussi le cas de Philippe Petit, mais j’en connais un qui a commencé à bidouiller des bandes et à superposer des sons en faisant des émissions de radio le lundi après midi… cela lui a ensuite donné envie de se lancer dans la musique, ce qu’il a fait il y a longtemps dans Bästard et continue de faire aujourd’hui dans Bullshit/NH5N1 et surtout dans Awhat?.

jeudi 3 décembre 2009

Melt Banana / Melt Banana Lite Live : ver.0.0




















Déjà un nouveau disque long format de Melt Banana ? Les japonais avaient considérablement redoré leur blason avec leur précédent album, Bambi's Dilemma (en 2007), avaient enquillé avec une énième tournée mondiale triomphale (dont un passage remarqué à Grrrnd Zero) et – hop – j’étais redevenu ce fan hardcore de Melt Banana que j’avais cessé d’être après le très décevant et poussif Cell Scape (2003). On ne se refait pas. Melt Banana Lite Live : ver.0.0 serait comme son nom l’indique un album live, il est même précisé au dos du disque live recorded in Tokyo in the summer of 2009 mais on n’y entend aucun applaudissement, il s’agit tout simplement d’un enregistrement en prise directe et en studio. Le groupe nous avait déjà fait le coup avec MxBx 1998 /13,000 Miles At Light Velocity (Tzadik, 1999), peut être le meilleur disque de Melt Banana ou en tous les cas une sorte de best of très représentatif de la première et foisonnante période du groupe.
Mais là on a affaire encore à tout autre chose. Explications, dans le texte… These days, Melt Banana perform some of their shows under the name Melt Banana Lite, and this album is a live recording of the new configuration. Melt Banana Lite is not the usual Melt Banana: there are drums and vocals, but no guitars - instead samplers and synth. It is different, but at the same time, one definitely feels Melt Banana when one listens to it. […] Melt Banana Lite shows another face of Melt Banana, with more flexible, concentrated and free minds. They have stepped forward, attempting to discover new possibilities for their music. Traduction : pas de guitare ni de basse lorsque Melt Banana joue dans sa formule lite, ce sont des synthés qui font tout le boulot. Idée finalement guère nouvelle tant Agata prend un malin plaisir depuis pas mal d’années maintenant à transformer les sons de sa guitare en quelque chose de méconnaissable, à mi chemin entre sifflement saturé et bruit synthétique. Ainsi donc on est guère dépaysé dès l’intro de Feedback Defiency avec ce son de scie circulaire numérique et le bidouillage sur la voix accompagné du rythme syncopé nous permettent gentiment d’attendre la suite.
La suite c’est une collection de titres ultra rapides en mode grind tagada (le quadruple enchaînement T For Tone/Slide Down/One Drop, One Life/Dig A Pit ou la triplette Chain Keeper/Dog Song/Lock The Head) et là, honnêtement, on ne sent pas vraiment la différence avec le Melt Banana que l’on écoute depuis quinze ans… ah si : la basse de Rika – ou ce qui lui sert de palliatif, une basse samplée quoi – est bien trop en retrait, certes ça mitraille à souhait mais le groove furibard habituel des japonais on le cherche encore. In Store assume déjà plus le côté bricorama/synthèse revendiqué (là non plus rien de nouveau, il suffit de réécouter l’album Charly) mais c’est sur un titre comme Cat And The Blood que ça se gâte franchement : Jean Michel Jarre fait une apparition remarquée dans la musique de Melt Banana avec un son de synthé grotesque et a-b-o-m-i-n-a-b-l-e, exploit qui sera malheureusement réédité un peu plus loin sur Last Target On The Last Day (d’ailleurs plus Eric Serra que Jean Michel Jarre) et sur le final Humming Jackalope, Waiting For The Storm… (presque sauvé par un son de thérémin qui manque pourtant singulièrement de poésie) – des prétendues innovations formelles qui au contraire rappellent très fortement certains errements electrobidouilles de Cell Scape. Pas de quoi hurler à la trahison mais pas de quoi non plus justifier cette appellation de Melt Banana Lite. Un goût, une odeur et une couleur que l’on connaissait déjà, c’est l’effet Canada Dry. C’est con mais j’ai toujours préféré la bière.