samedi 14 août 2010

The Good Damn / I Can Walk With My Broken Leg






















Pour les amateurs de théories musicales à la con – sinon pourquoi perdre son temps à lire ceci ? – la parution de I Can Walk With My Broken Leg, tout premier album des excellents The Good Damn, en est fort justement l’occasion d’une bien bonne : vous avez remarqué comment un groupe sans bassiste arrive toujours à vous titiller l’intérêt puis les oreilles ? Des exemples ? Trop facile. Et bien les Cramps du début, les Arab On Radar (mais pas sur leurs deux premiers albums) et plus près de nous dans le temps Kourgane deuxième mouture, Skull Defekts ou Choochooshoeshoot. Tous ces groupes certes très différents les uns des autres n’ont pas de bassiste dans leur line-up et pourtant on ne leur en veut absolument pas, bien au contraire. Que ce soit le fruit du hasard et des rencontres, des aléas de la vie ou d’une action murement réfléchie, un groupe sans quatre cordes c’est l’anomalie génétique qui dans un monde musical tristement standardisé interpelle. Et on constate également qu’il y a de grandes chances pour que derrière se cache une musique à la forte personnalité. C’est précisément le cas de The Good Damn.
En ce qui concerne le choix opéré par ces trois garçons, je pencherais plutôt pour l’option réflexion : l’un des deux guitaristes du trio n’était il pas bassiste au sein de son précédent groupe (il s’agit de Mary Poppers, groupe dans lequel jouaient également ces deux petits camarades) ? La démarche est plutôt intéressante, en concert elle s’est très vite révélée séduisante et convaincante. The Good Damn a bâti sa musique sur une nouvelle alchimie, mettant en place de nouvelles façons de faire, se remettant en question et a profité du passage d’un groupe à un autre pour se lancer dans le pari d’un nouvel apprentissage. Ceci est vrai également pour le guitariste/chanteur qui auparavant ne chantait pas. Lorsque on se connait bien et que l’on joue ensemble depuis si longtemps c’était sûrement là la seule solution pour pouvoir continuer et se surprendre soi-même. Et vu le résultat obtenu on ne m’enlèvera pas non plus de la tête que The Good Damn avait finalement dès le départ une idée assez précise de la musique que le groupe voulait jouer. Un rock sombre et poisseux traversé par d’aveuglants éclairs de lumière, mâtiné de blues existentiel et de tempêtes noisy sans doute héritées des expériences précédentes.
Deux longs titres se taillent la part du lion sur I Can Walk With My Broken Leg, en l’occurrence le magnifique The Hill et Self Made Man, ce dernier étant peut être le titre du disque le plus chargé en tension et en électricité. The Good Damn y développe ce son de guitares si particulier, chaleureux, granuleux mais fluide et d’une grande beauté sur fond de constructions presque épiques. L’assise rythmique – tenue par le seul batteur, donc – est impeccable et permet au groupe de ne pas se perdre en route (la grosse caisse insistante sur le passage le plus furieux de Self Made Man). Bien que plus courts et plus directs, le bien nommé Anger et le plus rapide I Died 1000 Times confirment un sens du lyrisme aérien tendant vers le mystique. Mystique entre-aperçu sur l’introductif et très morriconien Redemption et qui hante la totalité de l’album jusqu’à son point final, It Will Never End, une ballade, malgré son titre, aux accents crépusculaires. B.L.U.E.S, Bankers et Cowards explorent quant à eux le côté le plus roots de la musique de The Good Damn, leur côté cowboys introspectifs.
I Can Walk With My Broken Leg a été enregistré à la maison par The Good Damn, à la maison c’est à dire aux studios PWL tenus par l’un d’entre eux (c’est là aussi qu’Agathe Max avait enregistré son magnifique This Silver String). Il s’agit d’un studio presque entièrement équipé de vieux matériel analogique, d’amplis à lampes et toutes autres choses essentielles qui rendraient jaloux même un ingénieur du son chicagoan. The Good Damn y a peaufiné le son de son album durant de longs mois. On sait désormais que le résultat obtenu en valait réellement la peine.

[qui dit nouvel album dit également release party. Celle de I Can Walk With My Broken Leg aura lieu le 24 septembre au Fox Trot (9 rue Renan, Lyon 7ème). The Good Damn jouera avec Blackthread et Mensch. On en reparlera bien sûr en temps voulu]

vendredi 13 août 2010

The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers / Tonnerre Vendanges























Il est sans doute trop facile à propos de The Healthy Boy et de son folk tourmenté d’établir des analogies avec des gens tels que Leonard Cohen ou même Bill Callahan, du temps où ce dernier chantait encore sous le nom de Smog et publiait des albums aussi somptueux qu’indispensables (je pense en particulier à The Doctor Came At Dawn et Red Apple Falls). Pourtant ce sont bien ces noms là qui viennent immédiatement à l’esprit à l’écoute de Tonnerre Vendanges, superbe EP quatre titres – uniquement édité en vinyle de 12 pouces et tournant en 45 rpm s’il vous plait ! – que The Healthy Boy a publié au printemps dernier via le label Kythibong. On y trouve le même genre de voix grave et habitée, des compositions folk au lyrisme non feint et des arrangements tout en finesse. Le songwriting est magnifique et l’émotion est là, immédiate, palpable, magique. Ce qui différencie Benjamin Nerot – le vrai nom de The Healthy Boy – d’un Leonard Cohen c’est qu’il ne tombe jamais dans l’apitoiement neurasthénique. Ce qui le différencie également d’un Bill Callahan c’est la vigueur et la chaleur d’une musique au moins aussi incarnée que le chant. Le problème éventuel du folk, de la chanson, etc c’est qu’en général il n’y en a que pour la voix et le chant, le déséquilibre en défaveur de la musique étant intrinsèque au genre. Là où The Healthy Boy marque réellement des points, c’est lorsque sa magnifique voix grave et chaude est soutenue par une musique enfin à la hauteur, finement bien que simplement arrangée et interprétée par un groupe de haute volée.
C’est donc avec une certaine logique que Tonnerre Vendanges a de fait été publié sous le nom de The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers. The Badass Motherfuckers est un backing band de luxe composé de trois Zëro (Eric Aldéa, Ivan Chiossone et Franck Laurino) ainsi que de Jean Paul Brely à la guitare et aux chœurs. Les quatre musiciens ne sont peut être qu’au service de The Healthy Boy et de sa musique mais ils les servent magnifiquement bien tout comme on remarque la prise de son impeccable d’un enregistrement réalisé en direct lors d’une résidence en septembre 2009 à l’Epicerie Moderne de Feyzin, près de Lyon.

Tonnerre Vendanges
démarre pourtant on ne peut plus classiquement avec To Clean My Thoughts, folk song d’apparence basique pour voix et guitare. Imperceptiblement le chant et l’instrument se font plus appuyés et c’est naturellement qu’apparaissent un accompagnement plus étoffé et une rythmique donnant une dynamique plus country à l’ensemble. Une excellente entrée en matière. The Day I Felt In Love With Spring est plus dépouillé encore mais également plus subtil avec son leitmotiv à la guitare, son accompagnement au glockenspiel et sa ligne de chant ondulante et soyeuse. Très beau également. La deuxième face du disque révèle une musique plus orchestrée à commencer par The Cathedral Of My Soul lorgnant de manière assez inattendue vers Tom Waits (le rythme boiteux, la ligne de chant) et malgré l’écrasant caractère d’une telle référence le résultat est probant, sûrement parce que The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers – à la différence de leur modèle – n’en font pas trop dans l’exagération. L’hommage est patent et réussi. Remember Me est le réel chef d’œuvre de Tonnerre Vendanges, naviguant entre le lyrisme cotonneux d’un Stuart Staples/Tinderticks et l’écho radar désespéré d’un Brian McMahan/For Carnation en plein atterrissage catastrophe émotionnel. Le long final ad lib d’une élégante puissance en rajoute une couche question cœurs compressés et chair de poule irrépressible.
Benjamin Nerot dépasse avec Tonnerre Vendanges tous les espoirs que ses précédents enregistrements avaient laissés entrevoir et explose les quotas de tire-larmes humainement supportables. Je n’ose imaginer les dégâts qu’engendrerait un véritable long format de The Healthy Boy à nouveau accompagné des Badass Motherfuckers. Je n’ose l’imaginer mais en même temps je l’espère : ce quatre titres, loin d’engendrer tristesse ou mélancolie, vous berce d’un doux sentiment intime de réconfort et de bien être. Tonnerre Vendanges est un disque brillamment introspectif.

jeudi 12 août 2010

Eleh / Location Momentum





















Eleh poursuit la suite de ses aventures discographiques sur Touch records avec Location Momentum, son premier véritable album après une dizaine de 12 pouces et surtout son premier disque en format CD : cinq titres et une heure de musique. Le format vinyle allait plus que bien à la musique de Eleh, tant pour des questions de durée (vingt minutes maximum) que pour des questions de rendu (la chaleur du son, etc, toutes ces conneries de geeks snobinards qui font comme les autres une fois qu’ils sont sortis de chez eux : ils écoutent leurs disques préférés du moment sur des formats mp3 limités et avec l’aide d’un baladeur aussi pourri que leur casque audio).
Le premier titre, Heleneleh, se veut plutôt rassurant : c’est du Eleh pur jus c'est-à-dire du pompage intégral de La Monte Young (encore et toujours) avec des superpositions d’ondes/drones joués sur du vieux matos analogique. Bien. Comme on l’a dit, les puristes iront regretter la profondeur du son vinyle, les craquements inhérents au sillon, le souffle même. Il est vrai que le magma argonique habituel de Eleh est quelque peu tempéré par la froideur et la distance imposées par le support numérique et que l’envie de s’y immerger devient moins spontanée. Là où Heleneleh finit par poser problème c’est lorsque, vers la fin du morceau, les sons sont soudainement et volontairement déformés, resserrés, comme si notre homme/femme (Eleh, quoi) avait soudainement laissé les commandes de son vieux synthé à un jeune technoman soudain très intrigué par un bouton de la machine dont il n’avait pas encore testé l’utilité – en fait il s’agit d’un changement tout bête de tonalité mais il se produit à une vitesse telle, à l’opposé de la lenteur habituelle et rassurante de Eleh, que l’effet en devient catastrophique : en laissant se produire quelque chose de tangible dans sa musique, Eleh ne fait que souligner que jusqu’ici il ne se passait rien et réveille l’auditeur de sa douce torpeur – j’imagine que l’effet recherché était le même que celui du gong de Slow Fade for Hard Sync (le précédent et premier disque de Eleh pour Touch) mais cette fois ci cela ne fonctionne absolument pas, l’intervention parasitaire ressemblant plus à une déformation accidentelle qu’à un couperet soyeux. Un titre en forme de palindrome était dans ce cas précis plutôt bien trouvé puisque Heleneleh finit surtout par sembler n’avoir ni queue ni tête.
Linear To Circular/Vertical Axis
a tout de l’intermède : deux minutes et demi de sons qui se contractent et se rétractent comme une respiration hachée. Circle One : Summer Transcience est une (longue) tentative de la part d’Eleh de faire évoluer son drone ambient : voilà un assortiment de fréquences – du sifflement aigu jusqu’au grondement grave – qui se mélangent à la perfection et non sans une certaine dynamique insufflée par un bruit étouffé de salle des machines. Observation Wheel, exactement dans la même veine, celle d’une musique industrielle atmosphérique très années 80 (en gros tout ce qui suit le In The Shadow Of The Sun de Throbbing Gristle), est plus réussi encore et tempère définitivement la semi déception de l’entrée en matière poussive de Heleneleh. Le jeu des fréquences complémentaires est toujours aussi prenant, les sonorités indus encore plus présentes – jets de vapeurs, cliquetis grippés, etc – et Observation Wheel est la vraie réussite de cet album, s’achevant dans un intense bourgeonnement de basses/infrabasses avec bruits de tectonique des plaques, on pense forcément au Heresy de Lustmord tout en gardant à l’esprit l’héritage toujours bien présent de La Monte Young (on ne se refait pas). Rotational Change For Windmill est la conclusion de cet album. Une conclusion qui avec son tintement métallique servant de métronome aux ondes sinusoïdales reste dans la lignée des deux titres précédents. Puis, ce repère temporel s’effaçant et laissant les ondes maléfiques seules maîtresses à bord, Rotational Change For Windmill opère un retour à la pureté formelle des premiers 12’ de Eleh avant de reprendre la respiration saccadée de Linear To Circular/Vertical Axis (l’intermède dont au départ on pensait à tort qu’il ne servait à rien).
Sur Location Momentum Eleh a donc cherché à faire évoluer quelque peu sa musique, pari gagné bien que le résultat atterrisse à nouveau en terrain connu. Il n’en demeure pas moins que question musique ambient on n’avait pas entendu un album aussi réussi depuis longtemps. Comme quoi il ne faut pas toujours se fier à ses premières impressions… Et on en finit presque par excuser les quelques facilités et faiblesses de Heleneleh.

mercredi 11 août 2010

Eleh - Nana April Jun / Observations & Momentum























Encore un vinyle 12 pouces partagé entre Eleh et cette fois ci Nina April Jun. Ce disque est surtout la première référence de Eleh sur le label britannique Touch records, le groupe quitte donc momentanément Important records. Publié uniquement en vinyle et à mille exemplaires, Observations & Momentum propose aussi l’un des plus beaux titres d’Eleh à ce jour. La différence avec les travaux précédents du groupe ou même avec ses principales sources d’inspiration (La Monte Young, Eliane Radigues, etc) est toujours totalement minime et se poser la question de la pertinence de cette musique en 2010 peut sembler parfaitement légitime mais Eleh s’assume pleinement en tant que projet rendant hommage à ses grands anciens tout comme (par exemple) Sunn revendiquait au départ le fait de n’être qu’un groupe à la gloire de Earth.
Les vingt minutes de Slow Fade for Hard Sync propose toutefois une musique qui flirte un peu moins avec l’état gazeux que précédemment : on y entend clairement une pulsation quasiment rythmique dans les tons aigus à laquelle répond une seconde pulsation, elle quasiment subliminale, dans les graves cette fois-ci. Presque un beat. Plus important, ce canevas initial sert de base à l’adjonction de nouvelles sonorités qui apparaissent et disparaissent tout au long du déroulement de la musique. On n’est donc plus dans la dilatation sans préalables d’une forme non définie au départ mais bien dans l’idée de progression et de développement – on se retrouve alors dans un schéma electro somme toute très classique. N’allez pas imaginer non plus qu’il se passe un milliard de chose sur ce Slow Fade for Hard Sync, bien au contraire, car comme toujours c’est dans l’immersion provoquée par cette musique, dans l’interaction des sonorités, dans les illusions que l’auditeur se crée et dans celles qu’il ne découvre que bien plus tard que réside tout l’attrait d’Eleh. On note également un changement total de décor lorsque à la fin de Slow Fade for Hard Sync apparait ce qui pourrait être un gong : une façon comme une autre de mettre fin à l’enchevêtrement précédent de drones, cette nouvelle dynamique réussissant à tuer l’ancienne tout en la pérennisant. Paradoxalement cette façon de terminer le titre revient à lui nier une vraie fin en tant que telle.
On change de face pour se retrouver avec Nana April Jun, une illustre inconnue… Nana April Jun est en fait un alias pour Christofer Lämgren, électronicien suédois émérite (un garçon, donc). Son Sun Wind Darkness Eyes est étonnant avec son attaque cotonneuse du bruit, comme si Merzbow était diffusé sous l’eau : tout le début ressemble au bruit lointain que fait une énorme chute d’eau à des kilomètres de là et s’y ajoutent toujours plus de grésillements étouffés, comme la neige de la bande FM écoutée sur une radio planquée sous un oreiller ou au fond du lit. On croit également discerner le fracas de vagues qui s’aplatissent tout en bas d’une falaise. Véritable échantillon brut de bruits organiques, les deux premiers tiers de Sun Wind Darkness Eyes sont des plus intrigants. Ce qui l’est encore plus c’est l’arrivée d’une (vraie) rythmique, une rythmique limite aquatique et on pense alors immédiatement à Wolfgang Voigt/Gas et à sa techno minimale. La fin du sillon étant fermée, la rythmique désormais seule reine de Sun Wind Darkness Eyes se met en boucle toute seule, voilà encore un titre qui ne se termine pas réellement.
Il est à noter que Sun Wind Darkness Eyes n’est pas un réel inédit : il figure déjà sur The Ontology of Noise, premier album de Nana April Jun publié début 2009, toujours chez Touch, et qui serait inspiré par le Filosofem de Burzum… (?) Vu la teneur générale du disque on a du mal à trouver un rapport mais pourquoi pas.

mardi 10 août 2010

Eleh - Pauline Oliveros / split




















Ce disque est ma première rencontre avec Eleh. Un groupe (?), un musicien tout seul ( ?), bref une appellation contrôlée dont je ne sais rien mis à part ce que veux bien en dire le label qui a sorti tous ses premiers enregistrements, à savoir Important records : Eleh was formed specifically to pay tribute to early experimental minimalist pioneers especially La Monte Young, Terry Riley, Eliane Radigue, Pauline Oliveros and Charlemagne Palestine. Using an enormous vintagemodular analog synthesizer, a battery of glowing HP tube test oscillators and occasionally guitar/piano, Eleh creates highly minimal and deeply spiritual pure analog drone music with emphasis on the physical ultra-low end – un descriptif qui pue la prétention… le mieux c’est donc d’écouter.
The Beauty Of The Steel Skeleton occupe la première face de ce split partagé avec Pauline Oliveros et ce long titre respecte le cahier des charges décrit plut haut : on est exactement au croisement des travaux de La Monte Young et d’Eliane Radigue, pas besoin de s’enfermer entre les murs de la Dream House pour se sentir bercé par ces longs drones analogiques captivants et hypnotiques. Un titre qui évolue à la vitesse d’un escargot et représente l’un des rares côtés poétiques acceptable de la musique de hippies. La chaleur du support vinyle y est sûrement pour beaucoup, permet à l’oreille de détacher distinctement chaque fréquence tout en permettant également d’appréhender ce long drone comme un tout, une masse non définie et sans cesse en évolution : on y découvre des interactions, des jeux de résonances multiples, peut être purement imaginaires (comme lorsqu’on se balade entre les ondes sinusoïdales de La Monte Young) où la musique semble vivre par elle-même et je délire complètement.
Je regrette d’autant plus de ne pas m’être penché sur le cas de Eleh un peu plus tôt que tous les 12 pouces publiés par le groupe depuis sa formation en 2006 semblent épuisés. Les débuts discographiques bien fournis de Eleh feraient toutefois l’objet d’une réédition – sur un label qui reste à définir puisque Important records à la réputation de ne jamais represser ses références.
Sur la face B on retrouve avec plaisir Pauline Oliveros (c’est quand même à cause d’elle qu’à la base j’avais voulu jeter une oreille sur ce disque). Accordéoniste, compositrice de musique électroacoustique, son nom et son parcours restent finalement peu connus. Dommage car quelques unes de ses œuvres telles The Roots Of The Moment (chez Hat Art) ou Primordial Lift (Table Of The Elements) sont tout simplement de grands disques. Sur Drifting Depths elle a capté, modulé et modifié des sources sonores provenant de son instrument de prédilection. D’un abord plus granuleux et rustique que les drones de Eleh, cette longue plage ambient et elle aussi lentement mouvante est toutefois plus franche dans ses attaques, privilégiant également la notion de volume et possédant un côté presque tactile (si The Beauty Of The Steel Skeleton de Eleh était un gaz, Drifting Depths est assurément un solide). On pense plus d’une fois à Phill Niblock. Une belle pièce de la part de Pauline Oliveros qui a malheureusement tendance à se faire beaucoup trop rare.

lundi 9 août 2010

Brutal Truth / Need To Control























Earache vient à peine de rééditer le premier album de Brutal Truth, Extreme Conditions Demand Extreme Responses, en proposant même depuis quelques semaines une toute nouvelle version en double LP, que le célèbre label anglais remet ça avec une réédition de Need To Control, le deuxième album du groupe. Pas de réelle remasterisation à signaler mais une belle présentation sous la forme d’un digipak en quatre volets, agrémenté de photos supplémentaires (mais pas inédites, tout le monde les connait ces photos) et avec cinq titres bonus pas bien terribles collés en fin de programme. Un livret – très laid, affublé d’une feuille de cannabis sur fond de logo Pepsi parce que le deathgrind c’est trop de la musique de drogués et sous-titré Choice Of A New Generation du nom d’une des meilleures chansons de Need To Control – propose en outre une inévitable interview de Kevin Sharp, interview que j’ai lue (à la différence de celle figurant dans la réédition de Extreme Conditions Demand Extreme Responses et qui date de la même époque c'est-à-dire septembre 2009) alors que je n’aurais vraiment pas du : à questions connes, réponses idiotes et Sharp n’avait pas l’air spécialement motivé non plus pour se plier à cet exercice de publi-reportage et de promotion obligatoires mis à part pour faire de la provocation bas de gamme et facile en affirmant des trucs tels que I am not here to entertain you.
I am not here to entertain you… ceci dit, il n’a pas tout à fait tort. A la différence de Extreme Conditions Demand Extreme Responses qui était un véritable défouloir et donc d’une certaine façon un disque divertissant, Need To Control, plus violent encore mais là n’est pas le problème, souffre quant à lui d’un tracklisting que certains à l’époque avaient jugé bon de qualifier d’incohérent et surtout sur ce disque Brutal Truth s’ouvre à davantage de diversité, d’expérimentations et autres bizarreries – comment ? un didgeridoo sur le titre Godplayer ? Il est sûr également qu’imposer un titre comme Collapse – un mid tempo lourd et industrialisant – en tête de gondole de Need To Control n’était pas la meilleure idée qui soit. Collapse est un excellent titre (il n’y a rien de mauvais sur Need To Control) mais pas la meilleure entrée en matière possible non plus. D’ailleurs c’est en gros toute la première moitié du disque qui déconcerte, Brutal Truth ayant visiblement décidé de brouiller les pistes. Les quatre américains se prêtent aussi au jeu de la reprise avec le Media Blitz des Germs (Mike Williams de EyeHateGod en guest à la voix) or si l’hommage fait plaisir à entendre on peut également penser qu’il n’a rien à faire au milieu de cet album que du coup il dénature encore plus – une face B de single aurait été un bien meilleur endroit pour graver Media Blitz. Ce qui sauve Need To Control c’est donc la haute qualité et l’ambition des compositions. A bien y réfléchir, faire tenir cet album debout en en modifiant le tracklisting afin de le rendre moins hermétique aurait été une tâche impossible. Après toutes ces années et de nouvelles écoutes, Need To Control est toujours un album incroyablement étrange mais complètement fou qui a autant sinon plus marqué les esprits que son prédécesseur, et dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui. Si Extreme Conditions Demand Extreme Responses est un classique quasiment parfait de Brutal Truth, Need To Control est plutôt le chef d’œuvre bancal du groupe.
Passons rapidement sur les cinq bonus, sauf sur Wish You Were Here (à l’origine face B de Godplayer) qui est bien évidemment une reprise de Pink Floyd : le jour où quelqu’un arrivera à faire quelque chose d’à peu près potable d’une composition post 1967 de ces anglais pénibles et boursouflés, que l’on me fasse signe. Brutal Truth échoue également, même en collant derrière Wish You Were Here un Wish You’d Go Away qui ne fait pas rire du tout (c’était pourtant bien le but de la manœuvre, non ?) mais accentue le ridicule de la chose. A noter aussi une reprise pas trop mal du Dethroned Emperor de Celtic Frost mais reprendre le groupe de Tom G. Warrior est une autre gageure, pas pour les mêmes raisons, bien évidemment.

dimanche 8 août 2010

Brutal Truth / Extreme Conditions Demand Extreme Responses























Encore une réédition inutile ? Pas si sûr… Extreme Conditions Demand Extreme Responses de Brutal Truth est sorti en 1992, sur Earache, et se retrouve aujourd’hui – légèrement – relifté par son label d’origine. Tout le monde, du moins parmi les amateurs du genre, connait ce disque par cœur. Et tout le monde est aussi persuadé de son importance dans l’histoire du metal extrême (à l’époque le terme de metal extrême n’était pas encore réellement en vigueur et son histoire n’en était d’ailleurs qu’à ses balbutiements). Personnellement, je préfère l’album d’après de Brutal Truth, Need To Control (en 1994), en fait bien plus foutraque et moins rigide. Question de goûts. Mais celui-ci à l’importance inattaquable d’être le premier. Il en fallait un et ce fut donc Extreme Conditions Demand Extreme Responses.
Plus qu’avec tout autre type de musique, dès que l’on parle de metal, on ne peut pas s’empêcher de parler de performances et d’améliorations (ou pas) dans l’extrême. Jouer toujours plus vite, toujours plus fort, toujours plus lourd – et pourquoi pas être toujours plus con ? C’est ce qui rend le genre, et ses fanatiques, aussi antipathiques voire détestables. Le complexe de la surenchère. Un truc stupide qui a plus à voir avec une pratique sportive qu’avec de la provocation. Tough guys. La conséquence (idiote) est qu’un disque de metal devient vite caduc et obsolète et qu’en parler revient à le pointer très précisément sur l’échelle du temps et de l’évolution darwinienne de l’ultraviolence. Heureusement pour lui, et même si depuis 1992 on a pu/du en supporter de l’ultraviolence en paquet de six, Extreme Conditions Demand Extreme Responses a vaillamment résisté à l’épreuve du temps. Génial mélange de grind core et de death metal – plus metal que hardcore même s’il n’y a pas de soli de guitare – la musique de Brutal Truth, si elle n’avait rien de révolutionnaire (Napalm Death sévissait déjà depuis quelques années, les groupes death de Floride, de Scandinavie et d’ailleurs avaient le vent en poupe), apportait une fraîcheur inédite et surtout un son dantesque dont peu d’amateurs sauront se remettre.
Brutal Truth c’est aussi des passages inouïs de violence et de vitesse (le batteur s’appelait alors Scott Lewis, Rick Hoax ne rejoindra le groupe que pour l’album Need To Control), des riffs incroyables à forte valeur ajoutée sidérurgique, un son de basse énorme (que Dan Lilker avait eu tout le temps de peaufiner avec S.O.D.) et des vocaux d’une hargne sans pareille ou presque de la part de Kevin Sharp. Le groupe ne s’interdisait pas non plus des passages plombés, Time et sa scie circulaire restent l’un des meilleurs titres du disque. En résumé, ce qui différencie Brutal Truth de tous les autres, c’est ce son et cette capacité à étirer le grindcore dans des titres dépassant les trois minutes tout en y mélangeant des riffs death et hardcore. Une recette maintes fois imitée depuis.
Cette nouvelle version de Extreme Conditions Demand Extreme Responses est remasterisée et augmentée. Remasterisée cela veut dire que le volume du mix a été quelque peu rehaussé mais pas trop, fort heureusement – un peu comme les couleurs de la pochette qui sont plus contrastées qu’auparavant, merci photoshop. Le mix en lui-même n’a pas été touché. Augmentée cela signifie que les EPs Ill Neglect et Perpetual Conversion ont notamment été rajoutés au tracklisting de base. Quelques raretés passables (Perpetual Conversion, AC/BT), une reprise sans grand intérêt des Butthole Sufers (The Shah Sleeps In Lee Harvey’s Grave), des reprises inutiles de S.O.B. (cinq en tout, c’est beaucoup trop), une autre de Black Sabbath (Lord Of This World, pas terrible) et un ou deux remix electro-prout (Bed Sheet, Pre-Natal Homeland) complètent le programme. Vu la piètre qualité générale de tous ces bonus, on aurait pu s’en passer. Du coup je n’ai pas regardé les vidéos de Ill-Neglect et de Collateral Damage pas plus que je n’ai lu l’interview de Kevin Sharp réalisée pour l’occasion en novembre 2009 et incluse dans le livret.

samedi 7 août 2010

Brutal Truth / Evolution In One Take : For Grindfreaks Only! Volume 2























Les gens ne sont jamais contents. Ou alors c’est du pur caprice. C’est à peu près ce que je me suis dit en découvrant le tracklisting de Evolution In One Take : For Grindfreaks Only! Volume 2 – Live At Mark It Zero Studios. Pourtant rien que le titre du disque aurait du me mettre la puce à l’oreille… Donc voilà : ces vingt titres sont exactement les mêmes que ceux de Evolution Through Revolution, l’album que Brutal Truth a publié en 2009, le fameux album entérinant la reformation du groupe. Holy fuck ! Oui, exactement le même tracklisting (du moins celui de la version CD puisqu’il y a deux titres en plus sur la version vinyle), dans le même ordre, le tout enregistré d’une traite, Evolution In One Take disent ils. Le titre du disque ainsi que son visuel (immonde) reprennent ceux de For Drug Crazed Grindfreaks Only!, un enregistrement live en studio que Relapse records avait réédité fin 2008 sûrement histoire de faire monter la pression quant à la reformation de Brutal Truth, de faire patienter en attendant l’album et de rentabiliser à nouveau un vieil enregistrement qui n’était plus disponible légalement depuis longtemps.
Quel intérêt me demanderez-vous ? A priori, absolument aucun. Ce n’est pas le patch – rouge cette fois ci – planqué à l’intérieur du livret et représentant un christ en croix sur une feuille de cannabis qui va pouvoir attirer à nouveau le fan de Brutal Truth transi d’amour vers un nouvel achat, même si Evolution In One Take est vendu à un prix ultra raisonnable par le label (ils ne sont pas fous quand même chez Relapse, ils savent que la manne des produits dérivés doit bien avoir une fin, tout comme la patience du chaland). On passe à autre chose ?
Non. La théorie du pas content et/ou du caprice refait donc surface. Les quatre Brutal Truth, un album monstrueux – bien que d’un classicisme évident et remarqué – sous le bras, sont allés exprès passer un après midi dans un studio pas trop loin de chez eux pour fumer quelques kilos d’herbe bien poivrée, descendre quelques hectolitres de houblon fermenté, refaire le monde, trouvant finalement que les groupes signés chez Relapse ont tous ce même son trop lisse et sans bavures (ça aussi c’est vrai) et ont réenregistré Evolution Through Revolution pour pas que l’on oublie qu’ils étaient et qu’ils demeurent toujours ce groupe de deathgrind de légende, crade, violent et sale. Comme si on risquait d’en douter.
Et c’est réussi. De Sugardaddy à Grind Fidelity en passant par Fist In Mouth, Powderburn ou par la reprise du Bob Dylan Wrote Propaganda Songs des Minutemen, Brutal Truth joue le plus vite possible, faisant honneur à son nom et surtout se faisant un immense plaisir perso, un peu comme la dernière fois quand tu a supplié ta copine (ou ton mec) de te sucer la bite tout en lui promettant que tu ne lui éjaculerais pas dans la bouche alors que c’est exactement ce dont tu avais l’intention et donc exactement ce que tu as fait. Gros dégueulasse.
Dire que le temps total de Evolution In One Take
est de cinq minutes inférieur à celui de Evolution Through Revolution devrait suffire pour expliquer que Brutal Truth ne fait ici pas semblant et tant pis pour les approximations, la multiplication des pains, seul compte le résultat. Fans only. La grande leçon, s’il en faut une, à tirer de Evolution In One Take c’est que Brutal Truth est parfaitement capable de rejouer tous ses titres avec toute la hargne nécessaire sur un huit pistes pourri à la place de Pro Tools et d’un son calibré. Mais là non plus on n’en doutait pas une seule seconde.

vendredi 6 août 2010

This Comp Kills Fascists volume 2


This Comp Kills Fascists. La machine métallique à tuer les connards est de retour, toujours chez Relapse records. Il fallait au moins un deuxième volume à la série au vu de l’ampleur de la tâche. L’épisode 2 sera-t-il à la hauteur du premier ? On ne change pas une équipe qui gagne et Scott Hull de Agoraphobic Nosebleed et Pig Destroyer est toujours le curateur/bienfaiteur/parrain de cette suite, comme pour le premier volume il a sélectionné, parfois enregistré, produit et mastérisé les groupes représentés ici. Et il y a du monde : pas moins de 19 formations, 74 titres et presque 80 minutes de musique furieuse dans la gueule. A ne pas écouter d’une seule traite parce que sinon cela devient vite fastidieux et monotone. Quelques têtes d’affiches honorent ce volume 2 de leur présence mais ces têtes d’affiches seraient plutôt des seconds couteaux, pas de Brutal Truth, de Magrudergrind, de Total Fucking Destruction ou d’Insect Warfare à l’horizon. On devra se contenter de Despise You, Lack Of Interest ou des ignobles Appartment 213.
C’est justement Lack Of Interest qui démarre This Comp Kills Fascists Volume 2 avec son grind/hardcore classiquement talentueux. Derrière, Owen Hart est la première claque du disque avec ses passages metal bien techniques et ses accélérations pied au plancher. La vitesse ce n’est pas non plus ce qui fait peur à Noisear qui joue un pur grind ultra violent et excellent. Hummingbird Of Death se taille la part du lion avec dix titres mais le son de ce groupe de l’Idaho parait bien faiblard, surtout après la tornade Noisear. Heureusement que le niveau des compositions rattrape le reste, malgré trop d’abus de passages lents et puis que ce batteur arrête de foutre des roulements de partout, surtout là il n’y en a pas besoin. Drugs Of Faith est le premier groupe réellement sans intérêt de cette compilation, fastidieux et à l’énergie défaillante. Marion Bary – en hommage au militant du mouvement pour les droits civiques dans les années 60 – souffre également d’un problème de mise en place malgré le recours à des samples et autres bidouilles. Le chant est pénible, la guitare quelconque et la batterie inutilement chaotique. Crom ne propose qu’un seul titre, mais quel titre. Long et chaotique, Hags démarre sur un mid tempo presque sludge et les moments les plus fougueux sont entrelardés de ces mêmes ambiances poisseuses et glauques. Un must. Puis c’est le tour d’Appartment 213. Je n’ai jamais supporté le côté lourdaud de ce groupe pourtant adulé par nombre de fanatiques à travers le monde. Plus que toute chose, c’est la voix du chanteur qui est à oublier. Donc j’oublie, sans y penser une seule seconde de plus. Septic Surge fait craindre le pire. Et le pire ne se fait pas attendre. Encore l’exemple typique d’un groupe qui confond sa haine des autres avec l’ennui pour tous. Qu’ils retournent dans leur cave. Population Reduction a vraiment un nom ridicule, pratique un mix grind/death metal avec beaucoup plus de death que de grind dedans et c’est déjà mieux que les deux ou trois groupes que l’on vient de subir auparavant. Mais rien d’extraordinaire non plus.























Là il est temps de marquer une pause. La moitié de This Comp Kills Fascists Volume 2 vient de s’écouler, on en profite pour aller faire son petit tour aux toilettes, récupérer un deuxième pack de bière au frigo et manger son sandwich vegan en regardant à la tv les derniers résultats sportifs. Et c’est reparti. Despise You fait plaisir avec son grind crust parsemé de hurlements de jeune fille paumée. Si j’ai bien tout compris ces deux titres figureront sur un futur split LP avec Agoraphobic Nosebleed. Triac est l’une des meilleures surprises du disque. Il n’y a rien à redire sur la rage acérée qui anime les trois titres proposés par le groupe et la voix du hurleur est ignoble tout comme il faut. Idiots Parade – un groupe slovaque – n’œuvre pas non plus dans la finesse, le goret au chant n’a plus de couilles depuis longtemps, mais le résultat est là, aigu, aiguisé et tranchant. Extortion y arrive très bien également, ces australiens réussissant surtout à maintenir l’attention alors que l’on va bientôt aborder le dernier quart de This Comp Kills Fascists Volume 2. En effet l’overdose n’est pas loin et elle est préjudiciable à Three Faces Of Eve qui se revendique comme étant le groupe de doom le plus rapide du monde. Vraiment ? On relève une certaine originalité des plans de guitares, c’est certain… Suit Voëtsek et la monstrueuse chanteuse Ami Lawless (je ne pense pas qu’elle soit la petit sœur de Blackie ‘I Fuck Like A Beast’ Lawless). Ce groupe californien œuvre plutôt dans le revival thrash. Sauf que Ami est moins en forme que d’habitude, la musique de Voëtsek est moins rageuse aussi – ce qui était déjà un peu le défaut de leur deuxième LP Infernal Command – et comme la production ne suit pas, Voëtsek n’arrive pas à faire mosh. Superbad est malheureusement desservi à la fois par un son calamiteux (la batterie qui sonne comme autant de casseroles) et des compositions qui donnent envie de bailler. Même verdict ou presque pour Strong Intention, le son est juste meilleur et le groupe un peu plus hargneux que son prédécesseur. Reste Social Infestation qui avec un son plus gras et des chœurs de hooligans sanguinaires vous redonne envie de monter le son.

Voilà, on est enfin parvenu au bout de This Comp Kills Fascists, deuxième du nom. Le résultat est plus mitigé que pour le premier épisode, moins de groupes de qualité mais c’était certainement le prix à payer pour plus de découvertes et un vrai line-up garanti obscurantiste de chez obscurantiste. Question présentation, les illustrations sont toujours aussi classe quoique très cliché hardcore en matière de détournement – Cro-Magnon qui joue avec une bombe sur fond d’images de guerre et Jésus qui bouffe des frites McDonalds – et tous les groupes ont eu droit à une page du livret où chacun a mis ses paroles, son contact, etc. Ces groupes peuvent dire merci à monsieur Scott Hull pour ce très sérieux coup de pouce, on se joint à eux pour également le remercier et rendez-vous pour le volume 3.

jeudi 5 août 2010

Narrows - Heiress / split























Au risque de passer pour le ronchon de service, je dois bien avouer que je suis plutôt volontairement passé à côté de New Distance, l’album que Narrows (ou NRWS puisque ils ne veulent plus être confondus avec un autre groupe portant le même nom qu’eux) avait publié l’année dernière chez Deathwish. Que le line-up de Narrows comprenne entre autres un guitariste issu de This Arms Are Snakes et un chanteur qui du temps de sa splendeur officiait dans Botch n’y change pas grand chose : le hardcore du groupe, tout efficace, métallisé, poilu et couillu qu’il est ne m’arrachait pas plus d’un demi sourire de satisfaction – et encore, uniquement si son écoute était accompagnée d’une bonne bière bien fraiche. Des comme ça on peut en écouter tous les jours à la pelle et être un bon élève de la classe hardcore ne suffit plus à se faire remarquer au milieu du troupeau.
Débarque ce split single (toujours chez Deathwish) partagé avec les potes de Heiress. Il y a des détails très amusants à propos de ce 7 pouces : à l’intérieur de la pochette les lettres composant les noms des deux groupes sont imbriquées les unes dans les autres (seule l’utilisation de deux couleurs différentes – du blanc et du gris clair, hum – permet de s’y retrouver un peu), les noms des membres des deux groupes sont également listés ensembles (là aussi il y a les deux mêmes couleurs sinon la liste des noms suit l’ordre alphabétique) et puisque le label insiste sur le fait que certains des membres des deux groupes ici présents ont par le passé parfois fricoté ensemble – John Pettibone aurait même poussé la gueulante dans Botch à l’occasion d’un featuring, c’est tout dire – on s’amuse d’un tel aveu de consanguinité.
A l’écoute du disque ce constat est encore plus flagrant. Les deux chanteurs chantent exactement de la même façon et ont le même timbre de bourrin patenté, les compositions tendent à se ressembler, le son des guitares idem, etc. De quoi, en fait, hurler de rire à moins que l’on préfère hurler à l’escroquerie. Une écoute plus attentive – accompagnée d’une seconde bière – permet cependant de nuancer très légèrement le propos. La première face est tout simplement bien meilleure que la seconde. La première c’est celle de Narrows. Les deux titres proposés par le groupe sont courts (moins de trois minutes), nerveux et puissants. Le break à la basse sur Recurring est le bienvenu et s’il n’y a rien de révolutionnaire dans tout ça on est loin de s’ennuyer. La face Heiress c’est la même chose mais donc en moins bien, en beaucoup moins bien. Communionist, très court et ralenti, passe encore. Mais le titre d’après, Husk Worship, frôle la médiocrité plus d’une fois, sur ces pseudos passages aériens post machin notamment, quel ennui. Heiress n’est qu’une version romantique et cheesy de Narrows, et voilà qui soudain donne envie de réécouter New Distance, un album peut être pas aussi passe-partout que cela... (?) Cela prouve en tous les cas que, comme souvent avec ce genre de groupe, le format court convient mieux à Narrows et que malgré son titre leur album ne tenait pas la distance.

mercredi 4 août 2010

Starkweather / This Sheltering Night























On ne compte pas les films qu’a inspirés Starkweather, charmant tueur en série américain des années 50 ayant dégommé avec la complicité de sa petit copine nombre de victimes lors d’une belle échappée mortifère : du plus pure étron cinématographique (Natural Born Killers d’Oliver Stone) au film grand public finalement gentillet (The Frighteners de Peter Jackson) en passant par l’épure distanciée (Badlands de Terrence Malick). On ne compte plus non plus les musiciens qui se sont inspirés du bonhomme ou de l’horreur qu'il a pu susciter – entre incrédulité et fascination. Si certains prétendent tirer des leçons de vie (?) de tels agissements, d’autres ont du mal à cacher leur admiration, prétendant au passage que cette admiration est comme un défouloir. La vérité est très certainement entre les deux, l’illusion de la mort donnée via un intérêt toujours grandissant pour la barbarie humaine s’accommodant fort bien avec les illusions perdues d’une vie réelle sans cesse malmenée – il n’y a pas que la virtualité née d’internet qui donne à notre petite vie le vernis d’une autre existence. Qu’un groupe tel que Starkweather ait précisément choisi ce nom là n’est pas la question : la violence sous-entendue par ce nom s’accorde parfaitement avec la violence naissant de la musique du groupe. C’est assez faible comme argument mais c’est le seul. Même lorsqu’on se fout complètement comme moi des tueurs en série.
Censément pionnier du metalcore, en tous les cas pilier d’une musique extrême bien trop riche pour être uniquement catégorisé quelque part entre metal et hardcore, le groupe de Todd Forkin (guitare) et Rennie Resmini (voix) revient enfin avec un nouvel album, This Sheltering Night, successeur d’un Croatoan (en 2005) qui avait plus que marqué les esprits. Mais rien n’est simple avec Starkweather : les enregistrements de This Sheltering Night datent déjà de 2007… Un délai tout aussi déconcertant que les plages ambient qui parcourent l’album et qui sont le fait de deux musiciens invités, Elizabeth Jacobs aka Sophia Perennis et Oktopus, l’homme machine de Dälek. Ces intermèdes, bien trop longs et bien trop nombreux (cinq sur un total de onze titres) plombent dangereusement un disque qui n’avait absolument pas besoin de ça. La musique de Starkweather est en effet plus violente, plus difficile, plus obtuse que jamais et, loin de permettre à l’auditeur de reprendre son souffle entre deux assauts furieux du groupe, ces plages atmosphériques et pas très intéressantes en tant que telles noient un peu plus l’amateur de Starkweather dans un disque prenant une apparence bien trop labyrinthique et compliquée via un flot de questions inutiles – oui, pourquoi faire ? pour rien…
Une bonne surprise c’est l’édition en vinyle de This Sheltering Night : tous les passages ambient en ont été éradiqués (starkweatherisés ?), ramenant le contenu de l’album aux seuls six morceaux composés par Starkweather et tenant désormais sur les deux faces d’un LP. Encore mieux, le tracklisting est même carrément chamboulé. This Sheltering Night en devient encore plus insoutenable de violence et de densité mais en même temps il en ressort bien plus empli de pureté et de clarté. Que ce remaniement soit l’unique fait du label Deathwish ou pas, que le groupe ait été au courant et d’accord ou non je n’en sais rien mais le résultat est là. Sur ce format d’un autre âge This Sheltering Night est bien ce monstre métallique que l’on vous vante de partout et dégueulant sans discontinuer des titres fleuves plus narratifs que classiquement composés, dominés par la versatilité quasi démoniaque du chant, les accords asymétriques de la guitare, les nombreux soli déconstruits et presque aigrelets, les mesures impaires, l’utilisation intensive de la double pédale… Sorte de Today Is The Day en encore plus malsain, plus lyrique, plus metal si possible et surtout en plus cérébral, Starkweather n’a jamais été aussi bon et surtout aussi violemment animal et cauchemardesque : derrière la complexité d’une musique allant toujours plus loin c’est bien la chair et le sang qui s’étalent sous nos yeux captivés.

mardi 3 août 2010

Melvins / The Bride Screamed Murder























Se débarrasser des Melvins est vraiment une chose trop difficile à réussir. Ils font partie de cette classe privilégiée de groupes que l’on aime détester – sur le même banc d’école il y a d’autres (mauvais) élèves tels que Sonic Youth, Jesu, ou pourquoi pas Mike Patton ainsi que quelques labels notoires comme Hydra Head et Skingraft. Mais les Melvins remportent le premier prix car ils possèdent ce petit quelque chose en plus : les Melvins sont profondément agaçants. La bonne affaire me direz-vous, des groupes d’apprentis prétentieux pétomanes ce n’est pas ce qui manque. Certes. Mais eux ont une classe certaine – appréciation fort douteuse et éminemment personnelle (dont l’échelle de valeur varie qui plus est selon le sujet dont on parle) – qui fait toute la différence. On résume : les Melvins sont agaçants, arrogants, magnifiques et ont enregistré dans le passé quelques disques essentiels si tant est que l’on s’intéresse aux guitares plombées, aux voix de pachydermes émasculés et aux supercheries arty.
Les choses ne sont plus vraiment les mêmes depuis que les Melvins ont ingéré le duo basse/batterie Big Business*, mettant fin à des années de line-up en trio et renouvelant de manière alors inédite le poste de bassiste/souffre douleur régulièrement laissé vacant pour cause de harcèlement psychologique permanent de la part du couple dominateur King Buzzo/Dale Crover. L’arrivée des deux pouilleux de Big Business (Coady Willis à batterie et Jared Warren, basse et chant) c’est comme si les Melvins avaient mis un nez rouge et avaient décidé d’être drôle pour de vrai, basiquement. On les préférait décalés (Ozma), stupides (Bullhead), pachydermiques (Lysol), pourris par l’argent (Houdini, Stoner Witch) et même enregistrant un album de reprises fort dispensables avec des guests différents au chant (The Crybaby) ou carrément escrocs (Prick, Colossus Of Destiny).

(A) Senile Animal
, le premier disque (en 2006) des Melvins enregistré à quatre était décevant mais ce n’était rien comparé à Nude with Boots (2008), un album que les plus aimables qualifieraient aisément d’étron. The Bride Screamed Murder est le troisième épisode des aventures du Melvins quartet et, après quelques hésitations dues à trop peu d’écoutes et donc une déception supplémentaire mais finalement passagère, il s’avère que ce vingtième (?) album des Melvins est bien meilleur que ses deux prédécesseurs. On n’échappe toujours pas au nez rouge – My Generation dans une version digne des Ludwig Von 88 s’ils avaient eu les capacités techniques de jouer du stoner, les chœurs imbéciles sur fond de batucada de The Water Glass ou PG X 3, dernier titre aussi incompréhensible qu’inutile, comme si Johnny Clegg se prenait pour un cowboy – mais ailleurs la science du riff est largement à la hauteur (Evil New War God, Inhumanity And Death) et le songwriting dans la bonne moyenne (I’ll Finish You Off ). Par contre la double batterie apparait toujours comme un gimmick sans fondements et le doublement de la voix de King Buzzo par celle de Jared Warren n’échappe que de justesse à l’impardonnable. Autant ce dernier chantait foutrement bien lorsqu’il faisait encore partie de Karp**, autant il s’adonne depuis à une science du bêlement tout simplement insupportable.
The Bride Screamed Murder
se contente donc d’être un album moyen mais c’est déjà mieux que rien. Les Melvins ont clairement fini par atteindre leurs limites qu’ils avaient sans cesse réussi à repousser jusqu’à l’excellent Hostile Ambient Takeover. Désormais il ne reste que deux solutions à Dale Crover et King Buzzo : le suicide collectif sur scène – Mike Patton pourrait le filmer en vue d’un future DVD à succès pour Ipecac – ou bien virer Willis et Warren et rebondir une énième fois en espérant qu’ils réussiront à atterrir correctement, quelque part. Pas si sûr…

* Big Business est désormais un trio puisque le groupe a intégré un guitariste à plein temps mais on s’en fout
** son groupe avant Big Business

lundi 2 août 2010

Hey Colossus / Dominant Male























Déjà un nouvel album de Hey Colossus ? Pas exactement. Dominant Male est présenté par le label No Lite records comme le petit frère du monstrueux Eurogrumble vol 1, album que les anglais ont sorti un peu plus tôt dans l’année sur le label Riot Season et sous le nom quelque peu extravagant de Hey Colossus And The Van Halen Time Capsule. En fait Dominant Male a été publié une première fois en format cassette par Clan Destine Productions, un tout petit label spécialisé dans les supports obsolètes de losers et les objets fabriqués à la main pour les snobs. Et il semblerait même que Dominant Male ait effectivement été publié avant Eurogrumble vol 1… difficile de savoir dans ses conditions lequel des deux est le petit frère de l’autre mais une chose est sûre : alors qu’Eurogrumble vol 1 est un album incroyable et indispensable à tout amateur de musiques psychotiques et malsaines (ou prétendant l’être), Dominant Male est une collection d’expérimentations, de fonds de tiroirs, de titres inachevés, de démos, de foutages de gueule, de bizarreries, de branlettes malfaisantes, un peu dans la lignée du long titre qu’avait proposé fin 2009 Hey Colossus sur un split album partagé avec Dethscalator.
Cela ne signifie pas pour autant que Dominant Male est un mauvais disque. Passée une certaine déception de ne pas pouvoir se mettre entre les oreilles aussi rapidement que ça un nouvel album complet de Hey Colossus, une fois que l’on a fait abstraction de tous les titres assez courts et bidouillés qui servent d’interludes entre les vraies compositions (?), on s’aperçoit enfin que Dominant Male recèle d’excellentes choses et que Hey Colossus s’impose comme l’un des groupes les plus génialement malades et tordus à l’heure actuelle. Hood Up est un long instrumental – juste quelques grognements de bête égarée dans le lointain – d’un répétitif et d’un lourd à donner des complexes d’infériorité aux Swans. Avec Golden Eggs on croit tout d’abord que c’est la même chose mais on a plutôt affaire à des ambiances certes tribales mais lorgnant plus du côté d’une musique industrielle poisseuse et bruitiste. False Start est une trop courte déflagration d’à peine plus d’une minute et commençant effectivement par un faux départ, avec du vrai chant cette fois ci (plus exactement de la voix parce que je ne vois pas ce que pourraient raconter d’éventuelles paroles) et qui vous colle directement au plafond, la cervelle éclatée dans la boite crânienne par la force centrifuge. Eurogrumble Part 2 prend les chemins d’un krautrock sanguinolent, comme un Oh Yeah apocalyptique passé à l’envers sur l’autoradio d’un Interceptor conduit par un Mad Max sous speed. On espère vaguement pouvoir respirer avec Love Nuts dont les grésillements et murs de saturation intensive ne nous en laissent pas l’occasion mais malheureusement aussi ce titre fleure un peu trop le remplissage et tombe à plat alors qu’il est coupé par un fade out laissant à peine entrevoir un redémarrage des hostilités en bonne et due forme. On voit donc que si Dominant Male n’atteint pas les sommets horrifiques et barrés d’Eurogrumble vol 1, il s’en montre toutefois assez digne à plusieurs moments. Décidément il faut vraiment compter avec Hey Colossus, groupe un peu trop oublié à mon goût par les amateurs déclarés de noise/bruit/guitares en mode totale apocalypse.

dimanche 1 août 2010

Un dernier pour la route























Cette fois ci, en ce qui me concerne, c’est réellement le dernier concert de la saison, il n’y aura strictement rien à faire au mois d’août – mis à part glander à la belle étoile, boire des coups à des horaires pourtant interdits pour de soi-disant et évidentes raisons d’hygiène personnelle et d’hygiénisme social (mais on s’en fout) et nourrir les chats des potes partis pendant ce temps là en vacances à l’autre bout de la planète. C’est le dernier concert de la saison et c’est le Grrrnd Zero qui a le dernier mot avec une splendide affiche réunissant L’Ocelle Mare et Zs.
La rentrée à venir s’annonce déjà belle elle aussi avec la quadruplette Marvin/Papier Tigre/Pneu/Electric Electric et Melt Banana à ce même Grrrnd Zero ainsi que Raymonde Howard, Liturgy ou Souvaris au Sonic. Sans compter la venue annoncée des Swans récemment reformés, celle de The Thing (avec Mats Gustafsson), à l’heure actuelle le meilleur groupe de free jazz du monde et qui partagera l’affiche avec Otomo Yohihide, ou le retour en novembre ou décembre d’Extra Life, le groupe de Charlie Looker, un ancien Zs justement. En attendant tout ça on va essayer de se reposer un peu…
Ce vendredi soir la motivation des troupes ne semble pas au rendez-vous. Il est presque 21 heures lorsque j’arrive et je compte qu’il y a presque plus de musiciens que de spectateurs potentiels qui glandent dehors devant la salle. Beau temps + fin du mois de juillet + promo sur les barbecues vegans + obscurantisme arty new-yorkais = la grenouille pour les organisateurs ? Comme dans le plus beau des rêves d’ascension sociale et de réussite pécuniaire le public finira par arriver, tardivement donc, et il aura bien eu raison ce public d’arriver autant en retard parce que cela lui aura permis de ne pas avoir à supporter le premier groupe de la soirée.
















Super Fédor est un trio de Chambéry (ils n’arrêteront pas de le répéter de tout le concert, trouvant que l’on est triste à Lyon et, ceci dit, ils n’ont pas tout à fait tort), un trio déguisé et jouant un rock festif – un gros mot – à base de rythmiques assez rapides, de synthétiseurs agaçants, de guitare au rendu plat et de chant navrant. L’humour est le crédo de ces trois garçons mais je rappelle que je n’ai aucun humour. Mais alors là vraiment pas. Dans le meilleur des cas Super Fédor rappellerait les heures sombres de l’alternatif français des années 80, lorsque certains esprits supérieurs arrivaient à penser que la franchouillardise pouvait enfin sonner arty et que le Professeur Choron était le roi des punks français, à la droite de GG Allin mais toujours sous le haut patronage de la tartiflette, du litron de jaja et de la gaudriole. Totalement affligeant
Mais de telles différences de vue – je rappelle également encore une fois que je suis musicalement psychorigide et totalement intolérant – ne seraient rien si en plus la musique de Super Fédor ne s’était révélée aussi inepte. Sa stupidité, pour réussir à la rendre géniale, faut la travailler un peu plus que ça. Ou alors avoir la fulgurance de l’instinct. Rien de tout ça avec Super Fédor, groupe uniquement bas du front et finalement bas en couleurs. Tant mieux pour celles et ceux qui on aimé (il y en avait ce soir là au Grrrnd Zero). Faute de goût définitive et rédhibitoire : annoncer une reprise de Metallica et dans la foulée massacrer Père Ubu sans aucune hésitation. A la poubelle les gars.
















Suit Cogne & Foutre soit un garçon croisé régulièrement dans le public des concerts à Lyon et qui derrière ce patronyme de bon goût et d’une élégance folle va nettement relever le niveau. Trois écrans tv lui font face et durant son (très) court set il va s’ingénier à balancer des sons aussi désagréables que stridents, modifiant en même temps la neige et les parasites défilant sur les trois écrans et modulant ses interventions en se servant de l’activité de ces mêmes écrans comme repères – à tout bien y réfléchir il aurait aussi pu faire l’inverse : tirer ses sons de l’activité des écrans, donc jouer sur les images parasites pour générer du bruit, un peu comme les Voice Crack extirpaient des fréquences de l’activité électrique et des champs magnétiques de leurs cracked everyday electronics.
Musicalement Cogne & Foutre cela ressemble à du pipo bimbo ultra corrosif et visuellement on nage en pleine installation vidéo contemporaine sauf que le cheap et la brutalité y règnent en maître. Un petit rigolo, sûrement un ami d’enfance de notre apprenti terroriste sonore, s’amuse en même temps à allumer des pétards et fort à propos ce dernier profitera d’une dernière explosion pour couper court c'est-à-dire couper l’alimentation du courant électrique. Fin du concert. C’est qu’il avait du faire aussi le tour des possibilités de son installation.























La partie la plus intéressante de la soirée arrive enfin. C’est sous le nom de L'Ocelle Mare que le funambule Thomas Bonvalet a donné une suite à ses aventures musicales après la débandade de Cheval De Frise. Il vient de sortir un troisième enregistrement – absolument magnifique – intitulé Engourdissement et sur lequel il va encore plus loin dans la poésie des sons.
Véritables vignettes aux résonnances incommensurables, les compositions de L’Ocelle Mare offrent ces rares moments de vérité, là où fragilité et beauté se rejoignent, des moments qui étourdissent autant qu’ils émerveillent. Voir Thomas interpréter sa musique juste devant soi est un miracle, ses formats courts sont constamment placés sous le signe de l’atemporalité et s’il ne ponctuait pas chaque fin de titre d’un merci retentissant et sincèrement vibrant on resterait collé tout là haut au milieu des notes qu’il distille avec son banjo à six cordes, un orgue à bouche chinois et ses micro-rythmiques assurées à l’aide d’un métronome affolé ou ses pieds frappant un bout de carton ou une vielle cymbale. Un grand et rare moment de pureté et de beauté brute.
















L’Ocelle Mare/Thomas Bonvalet s’est taillé un franc succès. Les applaudissements s’accélèrent et l’enthousiasme redouble. Pourtant la vraie grosse curiosité arrive juste après en la personne de Zs, quartet basé à Brooklyn et précédé d’une réputation aussi flatteuse qu’incendiaire. L’album New Slaves est l’un des meilleurs du groupe – qui a déjà une solide discographie derrière lui –, en tous les cas c’est l’un de ses disques les mieux enregistrés, les plus puissants et les plus homogènes malgré la présence dessus de compositions exécutées en solo par chacun de ses membres.
Cela tombe bien, New Slaves, le titre dantesque de vingt minutes et qui a donné son nom à cet album, constituera également le corps du concert de ce soir, dans une version rallongée. Sorte de synthèse de la musique de Zs – laquelle navigue, pour simplifier les choses, entre free jazz robotique et musique contemporaine décomplexée – New Slaves sur scène est une longue transe hypnotique et tribale, noise et échevelée, oscillant entre kraut industriel et harsh acoustique. Le jeu des deux guitaristes est très complémentaire (il y a même de nombreuses parties jouées à l’unisson) tandis que Sam Hillmer, bien confortablement installé dans rôle de gourou, ne souffre aucun concurrence.























L’exécution est impeccable, si les quatre Zs jouent assis et presque en cercle mais de manière remuante une composition écrite dans un local de répétition, ils se passent pourtant sur scène des fameuses partitions qui faisaient beaucoup pour leur réputation et cela ne les empêche pas non plus de développer davantage encore New Slaves, visant toujours plus de paroxysme, ce que l’écoute du disque, malgré toute ses qualités, ne permet malheureusement pas. A la fin du titre les deux guitaristes n’ont plus qu’à remplacer les cordes cassées de leurs guitares avec manche en alu – tu connais Shellac ? – s’ils veulent continuer à jouer. Zs enchaine alors avec l’excellent Acres Of Skin, un deuxième titre beaucoup plus court du dernier album, basé sur la dissonance des guitares et un rythme très marqué et presque chaloupé. Excellent également.
Malheureusement le public – ou ce qu’il en reste parce que la musique de Zs comme l’horaire du dernier métro auront eu raison des moins résistants – en redemande et le groupe remontera sur scène pour un dernier titre tout juste passable, ternissant la très bonne impression du concert mais constituant également une très bonne méthode pour dégouter son petit monde et arrêter définitivement de jouer malgré l’épaisseur d’un cachet qui aurait permis à une veuve de guerre bosniaque de nourrir six enfants faméliques pendant la moitié de l’année. Quelques commentaires acerbes – ouais Zs ça se touche bien quand même –, commentaires que justifie sans peine ce dernier titre joué, ne m’empêchent pas de rester sur un petit nuage.
















Petit nuage que même Mein Sohn William ne parviendra pas à dissiper. Encore un gentil garçon qui s’affuble d’un couvre-chef ridicule (mais c’est fait exprès) et qui joue au pitre. Il a disposé son synthétiseur, son ampli, une caisse claire et deux micros en cercle : il court de l’un à l’autre comme un zouave, avec sa guitare autour du cou. Bon, je ne vais pas ressortir les mêmes propos bilieux voire haineux que pour Super Fédor, après tout Mein Sohn William leur était nettement supérieur mais une nouvelle fois je trouve toujours les andouilleries festives profondément indigestes même lorsqu’elles se veulent décalées et désaxées. Inutile donc de s’attarder sur une prestation à laquelle je n’entends pas grand-chose, au propre comme au figuré.
Malheureusement pour lui, Mein Sohn William jouait en dernier, en toute fin de programme pour les ivrognes, personne n’était donc obligé de rester pour voir s’il arrivait ou non à supporter les simagrées du garçon en attendant que les groupes d’après jouent à leur tour. Je quitte alors le Grrrrnd Zero sans aucun regret, il est deux heures du matin, pour une fois j’ai même une voiture à disposition et pour une fois également j’en profite pour dépanner un pauvre spectateur également cycliste qui sans ça aurait été obligé de rentrer dans la nuit noire sur son vélo. Une grande victoire sur moi-même. J’en éprouve encore aujourd’hui un certain sentiment finalement assez semblable à de la fierté mal placée. Oui le progrès technique ça rend con.