lundi 30 novembre 2009

Lords / Fuck All Y'All Motherfuckers























Continuons donc avec Fuck All Y’All Motherfuckers, deuxième album de Lords (le premier, Swords, date déjà de 2005 et était sur Jade Tree), une galette publiée en vinyle par Destructure records. La première version de ce disque, en CD, date de la fin 2008 chez Black Market Activities. Celle de Destructure a elle été pressée en blanc et à trois cents exemplaires à l’occasion de la tournée européenne du groupe cet automne – seulement deux dates en France : le 29 novembre au Havre et le 30 à Paris (ce soir donc). Lorsque un groupe est capable de vous enquiller huit titres sur les deux faces d’un 45 tours (The House That Lord Built, le premier disque de Lords, sur Initial records en 2004), il ne faut pas s’étonner qu’il soit également capable de vous tasser seize petits titres punk as fuck sur un album pour un total de vingt trois minutes chrono. En ligne de mire : le hardcore violent et ultrarapide – pour l’époque, hein – de Black Flag, Damaged quoi, et des compos enchaînées les unes après les autres, sans temps mort ou presque, méthode que Lords applique également lors de ses concerts. Ça pulse, ça braille, ça défouraille, ça te crache à la gueule des petites chansons méchantes et tu peux aller de faire enculer (qu’ils disent).
Fuck All Y’All Motherfuckers commence par un speech, enregistré lors d’un concert j’imagine, speech pendant lequel Chris Owens (guitare et chant) prononce et répète son mot favori de quatre lettres un nombre incalculable de fois, se fait invectiver, insulter et répond avec toute la franchise et la diplomatie que l’on est en droit d’attendre de lui. Cette blague introductive dure suffisamment de temps pour que l’effet de surprise intervenant avec l’arrivée abrupte du premier titre soit total : Robbed, Raped And Beaten débaroule à fond la caisse, vitesse de pointe atteinte dès la première nanoseconde suivant le démarrage, rythmique de malade, riffage de bucheron et beuglante ahurissante, fuck! fuck! fuck! fuck! fuck! fuck! – c’est vraiment trop trop bon.
Pas moyen de s’emmerder à penser à autre chose ni de laisser refroidir sa meuf (ou son mec) le temps de ces deux faces ultra speed et haineuses, aucune baisse de régime, aucun relâchement, même les quelques parties mid tempo suintent le bourrinage grand cru et le défoulement pour pas cher. Ebullition et éjaculation garanties. Un solo de guitare pourri tout en larsen sur Cause All Of You Are Fucked (cette fois ci c’est sur, Lords nous ne aime vraiment pas) et c’est la mandale finale, une vraie correction, de celles dont on redemande forcément, encore et toujours – vas-y fais moi mal.

dimanche 29 novembre 2009

Lords - Karysun / split 10'























C’est alléché par l’excellence du titre Salvation de Karysun sur un tout récent split single partagé avec les bordelais de Year Of No Light que l’on se jette goulûment sur cet autre split, en format 10 pouces cette fois, partagé avec Lords. C’est une production Destructure records et un beau vinyle rouge. Comme il ne semble faire aucun doute que ça va effectivement saigner sur la face Karysun, on écoute d’abord celle consacrée à Lords, un groupe de Louisville/Kentucky – détail sans importance puisque la sauvagerie de ces punkers invétérés n’a pas grand-chose à voir avec Slint ou même les actuels Young Widows, tout juste peut on trouver un certain lien de parenté avec nos amis de Coliseum (les deux groupes ont d’ailleurs tourné ensemble dans le passé).
Les cinq titres proposés ici par Lords ne laissent planer aucune ambiguïté sur les mauvaises intentions d’un trio qui vous assortit son punk rock d’une bonne dose de hard core basique et métallisé aux entournures. Tout ça donne envie de taper du pied et de boire des bières – point barre : c’est con mais c’est bon. Outre trois compositions originales, Lords a enregistré deux reprises. D’abord Hair Of The Dog, non pas le hit interplanétaire de Bauhaus (c’eût pourtant été fort drôle) mais une vieilleries signée Nazareth – un affreux groupe ricain des années 70 et 80 – et Clayfist, une reprise de Kinghorse, un groupe obscur de Louisville mais apparemment très important pour les musiciens du coin et fondé par des anciens membres de Maurice, groupe dans lequel on retrouve aussi des futurs Slint comme David Pajo (on y revient, c’est pourtant simple à suivre et c’est tout bien expliqué ici). Tout cela donne tellement envie que je ne vais pas tarder à jeter mon dévolu sur Fuck All Y'All Motherfuckers, nouvel album des Lords – également sorti en LP par Destructure records.
Face Karysun. D’emblée, avec le premier titre Spit On Their Face, on retrouve le gros son bien gras du duo normand, la rythmique poilue et suante qui vous colle quelques baffes bien placées. Le son est énorme, la voix déchire la putain de sa race de sa mère (comme on dit et l’écrit dans les magazines respectables) et la guitare distille ses riffs suramplifiés avec la délicatesse et l’entrain d’un troupeau de bikers en plein gang bang actioniste sur une pauvre hippie égarée dans l’arrière pays californien. Seule la ligne de chant au moment du refrain gâche un peu ce paysage tout en virilité conquérante et motorisée – un souvenir mélodique hérité des années 70 peut être ? – sans toutefois perturber un final apocalyptique en mode accéléré mais tout aussi pachydermique. Walk On Them, le second morceau de Karysun, est entièrement instrumental et c’est presque dommage, avec un titre pareil on aurait pu s’attendre à une nouvelle démonstration de puissance et de domination masculine. Walk On Them est finalement l’occasion de mieux entendre et de découvrir les aspirations mélodiques de Karysun, d’ordinaire davantage masquées par la production grasse et lourde. Un bon point supplémentaire et maintenant messieurs, un nouvel album ne serait vraiment pas de refus.

samedi 28 novembre 2009

Mathématiques Modernes























Semaine de merde. C’est à peu près ce que je me suis répété tous les jours, sans interruption, jusqu’à la nausée, tout en me disant que la prochaine de semaine sera pire encore, etc. Les fins d’année ont toujours cette tendance à me rendre encore plus hargneux et réfractaire (plaisir d’offrir, joie de recevoir – mon cul, oui) et ça ne va pas s’arranger. Passons. Seule accalmie dans un océan de violence moderne, d’obligations coercitives et d’activité forcenée : le concert de Keelhaul – enfin ! je ne les ai encore jamais vus sur une scène alors qu’ils ont déjà tourné en Europe il y a à peu près cinq ans – avec en hors-d’œuvre de lux(ur)e Neige Morte, nouveau groupe/projet monté par quelques musiciens lyonnais resplendissants et sans complexes.
Oui, j’ai bien vu que le flyer mentionne également un troisième groupe mais à ce sujet je ne dirai absolument rien : Deadwood représente exactement tout ce que j’ai détesté et fui à grande vitesse pendant toutes les années 90, quelque chose que l’on a appelé de la fusion ou je ne sais trop quoi, quelque part entre Urban Dance Squad, Senser, FaceDeTaMort ou RageMachinTruc, jamais je n’aurais pensé pouvoir un jour mentionner ces noms là. J’ai donc passé presque toute cette première partie du concert dehors, non sans avoir insisté pendant les trois premiers titres, attendant que les mots noise ou industriel pourtant évoqués prennent enfin un sens, à fumer cigarettes sur cigarettes d’un air narquois et ne me sentant nullement concerné par une musique que je ne supporte pas. Au revoir et à jamais, c’est la formule consacrée que je ressors à chaque fois dans ces cas là.


















Neige Morte. Ne cherchez pas, ces garçons n’ont pas de site internet, pas de monospace, pas de fesse bouc, pas de démo enregistrée dans la cave à vous refiler et ce soir c’était même leur premier concert. A la guitare : Franck Gaffer (Sheik Anorak, SoCRaTeS, Hallux Valgus, Lewis Karloff, Kandinsky…). A la batterie : Hugues Pzzl (12XU). Ces deux là ce sont découverts pendant la pause syndicale au boulot une passion commune pour le black metal et le mal absolu. Le nom de leur groupe est un hommage à peine déguisé à Dead Snow, petite gâterie norvégienne de 2008 qui – hasard de l’actualité – vient tout juste de bénéficier d’une édition DVD grâce aux bons sons de Wild Side.
Au duo de base s’est ajouté un chanteur/grogneur invétéré récemment victime d’un plan social drastique au sein d’Overmars mais toujours désireux de faire de la musique et c’est tant mieux pour nous. Ce line-up réuni au grand complet n’a répété ensemble que trois fois mais le résultat est déjà bien satisfaisant voire impressionnant. Sauvage, cru, entrelardé de passages lents/atmosphériques, le black metal de Neige Morte est froid et sale, bien blasté là où il faut et comme il faut et on reconnaît dans les plans de guitare quelques réminiscences des influences noise et tordues habituelles de celui qui en joue. Surtout, le braillard en chef a toujours cette présence imposante et massive, Neige Morte ça rigole vraiment pas même si un sample final – quelque chose ressemblant à des cris de biquettes perdues dans une forêt inhospitalière – en dit long sur l’humour au second degré de ces jeunes gens. Pour un premier concert, c’était franchement prometteur.


















Arrive le gros morceau du programme. En débarquant au Sonic en début de soirée il y avait deux types assis au bord du quai qui fumaient un truc énorme et bien chargé juste à côté de l’endroit où j’ai pris l’habitude de garer mon vélo. Ces deux là, je vais les retrouver un peu plus tard pour le concert de Keelhaul : Aaron Dallison (basse et chant) et Chris Smith (guitare, chant et lunettes) sont le cerveau du groupe. Ils se sont installés à même le sol devant la scène tandis que dessus trônent Dana Embrose (guitare) et Will Scharf (batterie), la cheville ouvrière.
Un premier titre instrumental, rapide et très technique pour se mettre en jambe – c’est facile de s’en rendre compte : les musiciens de Keelhaul en profitent pour faire un concours de grimaces impossibles et décidemment c’est le batteur le plus fort – et le math metal du groupe semble déjà tourner à plein régime. Deuxième titre. Keelhaul balance un Glorious Car Activities, extrait mollasson du dernier album Keelhaul’s Triumphant Return To Obscurity. Ils voudraient déjà casser l’ambiance qu’ils ne s’y prendraient pas autrement sauf que cette complainte beuglée comme un chartier par Dallison (le concert sera encore plus chanté que ce à quoi je m’attendais, Keelhaul en 2009 n’est plus un groupe instrumental à 90 %), cette complainte disais-je se transforme très vite en tourbillon implacable. Mentalement je note qu’il faudrait peut être que je réécoute et réévalue cet album et je me laisse glisser dans une euphorie bourrée de notes métalliques, de mesures impaires et de breaks de malades.























Keelhaul en concert c’est donc – comme les jeunes se plaisent à le dire vulgairement – une grosse grosse claque. Un festival de prouesses jouées par des punks quarantenaires remplis de bonne humeur et de bière (Chris Smith fera même tout en continuant de jouer une démonstration de décapsulage de bouteille avec les dents, on appelle ça l’art et la manière). L’ensemble est d’une décontraction parfaite qui fait passer la pilule de la technicité, de la maîtrise instrumentale, de la complexité des compositions et de la recherche forcenée de la difficulté. Et surtout ça défouraille, ça envoie, ça pulse, ça tarte, ça blaste et ça troue (encore du teen language).
Lorsque Chris Smith s’aperçoit que son micro ne fonctionne pas, c’est Aaron Dallison qui prend immédiatement le relais, tout naturellement, et les deux comparses continueront pendant tout le concert de s’échanger le micro – y compris sur les titres à deux voix ce qui fera l’objet d’une petite chorégraphie assez amusante – sans se poser plus de questions ni faire de caprice ou exiger un deuxième micro. De la simplicité, du savoir-faire, du savoir-vivre, de la déconnade, de l’alcool et de la drogue : Keelhaul en concert apporte la seule définition de musique festive qui me paraisse supportable et acceptable.
Quelques titres plus anciens montrent cependant que le groupe était bien meilleur avant, plus violent aussi et plus vicieux. Qu’à cela ne tienne, le public réclame quand même et obtient un rappel conséquent. Et je ne suis pas très loin de mettre ce concert dans le peloton de tête de mon futur classement pour l’année 2009.

mardi 24 novembre 2009

Todd / Big Ripper























Il y avait de quoi être triste à l’annonce de la séparation de Todd… enfin de séparation on n’en a jamais été très sûr : d’abord un changement de line-up, puis un changement de nom, puis plus rien. Et surtout pas l’espoir de pouvoir réécouter un jour cette grosse chiasse noise rock vous dégoulinant dans les oreilles. Le dernier album du groupe, Comes To Your House, datait déjà de 2006. Eugene Robinson en personne était venu y pousser la chansonnette sur un titre et mis à part une demi poignée de singles (dont celui-ci, particulièrement excellent et dont je pensais qu’il était le chant du cygne de Todd) on n’avait plus de nouvelles de Craig Clouse, la tête pensante de Todd, guitariste et chanteur de son état, l’homme qui composait tout, enregistrait tout et se tapait même Fifi Cernoskek, la bassiste du groupe, faut dire qu’elle était également sa femme dans la vraie vie*. Fifi a quitté le navire, le second guitariste et le batteur aussi. C’est donc avec un line-up renouvelé au trois quart que Todd revient aux affaires avec un nouvel album, Big Ripper, sur un nouveau label, Riot Season, lequel publie également les enregistrements bordéliques des affreux Shit And Shine (dont Clouse est aussi un illustre membre).
La meilleure nouvelle – musicale s’entend, parce que si tu veux des vraies bonnes nouvelles tu ferais mieux d’aller lire ailleurs si j’y suis – c’est donc cette résurrection d’un groupe que l’on croyait disparu trop tôt et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, on peut déjà affirmer haut et fort que Big Ripper rentrera directement dans les dix premières places de notre classement Top Of The Dope 2009, rien de moins (oui, l’année s’achève, c’est bientôt l’heure des bilans – saignants, sanguins, malhonnêtes et tout ce que tu voudras).
Si j’ai l’air euphorique comme ça, à parler d’un album qui tourne en boucle à la maison depuis une bonne semaine, c’est tout simplement parce qu’à chaque écoute je suis à deux doigts de me faire dessus tellement je jouis. Pour faire simple, remémorez vous un peu les très bons moments que vous avez passés dans les bras de Todd à vous faire découenner les méninges et décapsuler le conduit auditif sur Purity Pledge et Comes To Your House et multipliez ça par autant de fois que vous le pourrez, mais c’est à vos risques et périls. Si les enregistrements précédents de Todd foutaient le feu à la baraque, enflammaient les esprits et embrasaient les corps, Big Ripper les surpassent en effet aisément : voilà un disque encore plus bordélique, anarchique, encore plus bruyant, sans aucune trace de mélodies ou d’efforts de composition et qui plus est voilà un enregistrement doté d’un son particulièrement crasseux et baveux. Un disque qui en fout de partout, explose de toutes parts, vous colle contre le mur, vous écrase, vous éclate. Question petites nouveautés on remarque cette guitare au son particulièrement aigu qui se lance régulièrement en solo de façon calamiteuse, sapant ce qui aurait pu ressembler à du psychédélisme heavy seventies pour le transformer en raclement de truelle et couinement de chien de laboratoire. On remarque également French And In France et French And Out Of France, deux instrumentaux bizarroïdes et rampants, du poison pour nous achever. Sinon, des titres rapides, furieux, bruyants et courts il y en a plein sur Big RipperHappy Easter Florida par exemple. On trouve également du lourd et du suintant, tel Best Plaid Plans drivé par une ligne de basse qui le fait ressembler à du Cows caoutchouteux, ralenti et sous acide. Au total treize titres de fureur animale incontrôlée, hargneuse et malade – et pour la première fois de ma vie je me mettais presque à apprécier les chemises à carreaux**.

* depuis Craig Clouse s’est mis au vélo, comme en attestent les photos du groupe incluses dans le livret du disque, mais bien sûr tout ça n’a rien à voir
** ce qui n’a rien à voir non plus

samedi 21 novembre 2009

Pan Sonic & Keiji Haino / Shall I Download A Blackhole And Offer It To You


Keiji Haino est un musicien hors normes et surtout un performer solo incroyable. Si on excepte ses tout premiers groupes (Lost Aaraaff, plutôt free jazzeux, dans les années 70 puis Fushitsusha dans les années 80 et 90), Keiji Haino a surtout marqué les esprits depuis plus de trente années grâce à des concerts en solitaire inconcevables oscillant entre noise ultra bruitiste et folk fantomatique, psychédélisme ethnique et musique pour rituels et transes shamaniques. Que ce soit à la guitare électrique, à la voix, aux percussions ou à la vielle à roue, Keiji Haino a toujours su transcender les genres, édictant des lois qui lui sont propres avant de les dynamiter à leurs tours. Ajoutées à une théâtralité non dénuée d’absurdité (je me rappelle d’un concert où il s’était mis à se jeter violemment et de manière répétée sur la porte de l’issue de secours de la salle : lorsqu’une bonne âme charitable a enfin daigné ouvrir cette porte, Haino s’est rué vers la sortie pour disparaître et ne plus jamais revenir, fin du concert) et ajoutées également à une allure de vampire dandy (manteau noir, longue chevelure de corbeau et la fameuse canne), toutes ces qualités font de Keiji Haino une figure essentielle de la musique expérimentale de la fin du 20ème et début du 21ème siècle.
Ses collaborations, surtout dans le domaine de la musique improvisée et elles sont nombreuses, sont parfois moins heureuses, notamment celles avec des musiciens occidentaux – ses duos avec le saxophoniste Peter Brötzmann frisent même la catastrophe. On trouve heureusement de nombreuses exceptions avec d’autres musiciens japonais comme le duo Kikuri (avec Masami Akita alias Merzbow) et l’excellent album Black: Implication Flooding que Haino a enregistré en 1997 avec Boris alors tout jeune groupe de chevelus frappadingues gavés au psychédélisme acide et à la fuzz atomique. 























Capté en 2007 et à Berlin par BJ Nilsen, Shall I Download A Blackhole And Offer It To You est un concert réunissant Keiji Haino et Pan Sonic, duo électronicien qui en a vu d’autre quand on sait qu’il a vaillamment su résister à Merzbow le temps d’un album live paru chez Victo en 2003 ou à Charlemagne Palestine à l’occasion d’une des célèbres sessions Morts Aux Vaches produites par la radio hollandaise VPRO et publiées par Staalplaat. Shall I Download A Blackhole And Offer It To You a tout du programme alléchant et dans les faits on entend un enregistrement de Keiji Haino accompagné d’un backing band de luxe tant c’est la personnalité écrasante du japonnais qui oriente les débats. Le plus souvent Ilpo Vaisanen et Mika Vainio (les ex deux Pan Sonic, puisque le groupe est désormais dissout) se contentent d’assurer les enluminures ou les rythmiques (ce qu’ils font très bien) et de mettre en valeur la guitare – en mode plaintif ou bien saturé – et la voix – murmurée et parfois hurlée – d’un Keiji Haino que l’on a tout de même connu plus inspiré. Pas de réelles bonnes surprises donc et pas de mauvaises non plus. Shall I Download A Blackhole And Offer It To You est un objet un peu mou et très design (assuré par Steven O’Malley) qui laisse une impression d’inachevé. Un disque beaucoup trop éparpillé pour ce qu’il a à dire, un disque qui ne provoque que rarement des émotions. Ce jour là, le 15 novembre 2007 à Berlin, le temps a du paraître un peu long aux personnes venues assister à ce concert.

[la deuxième partie de cette chronique a intégralement été pompée et sans leur accord dans le numéro 13 de Noise mag, merci à eux]

vendredi 20 novembre 2009

Sunn & Pan Sonic / Che























Blast First Petite, filliale de Blast First et de Mute, avait annoncé vouloir sortir un vinyle 10 pouces tous les mois pendant une année complète afin de fêter l’anniversaire (70 ans) et de payer le séjour en maison de retraite d’Alan Vega. Le but du jeu : sur la première face un artiste connu reprend Suicide et sur la face B on trouve un inédit ou un titre ultra rare de Suicide ou d’Alan Vega. J’ai depuis longtemps lâché l’affaire, n’ai rien suivi de cette série de disques, ces 10 pouces sont hors de prix, et je n’ai même pas jeté mon dévolu sur l’épisode avec Lydia Lunch (bien chroniqué ici, pour les curieux), au final complètement désintéressé par la liste des chanteurs/musiciens participant à cette opération humanitaire – en vrac dans ceux que j’ai croisés dans les bacs : The Horrors, Bruce Springteen ou Primal Scream… vraiment que du très lourd et du nauséeux.
Mais je me suis complètement fait avoir avec Che, une chanson maléfique à l’origine sur la deuxième face du premier album de Suicide et qui réussit l’exploit de ne pas passer inaperçue après les dix minutes de folie pure et simple de Frankie Teardrop. Cette nouvelle réinterprétation de Che est due à Sunn s’associant à Pan Sonic. Ce n’est pas tant la présence de Stephen O’Malley and C° mais cette association avec les électroniciens finlandais qui m’intriguait.
Première déception, ce n’est pas Pan Sonic qui joue sur ce disque mais Mika Vainio tout seul (Ilpo Vaisanen devait encore être à la pêche). C’est donc une version de Che interprété par Sunn & guests – les autres sont les habituels Rex Ritter et Steve Moore à l’orgue – que nous écoutons. Et c’est Joe Preston qui donne de la voix, une voix à la fois caverneuse et désincarnée, exactement l’opposée dans les graves de celle d’Alan Vega lorsqu’il avait enregistré Che en 1978. Une excellente reprise – appuyant sur le côté létal de l’original alors que la version des Spaceman 3 (en face B du single Revolution mais aujourd’hui dans les bonus de l’album Playing With Fire) insistait sur le côté halluciné. Six minutes d’intensité qui vous coûteront au minimum 10 euros.
On retourne quand même la galette pour entendre Alan Vega électronouiller un Thirteen Crosses (de son album solo Station publié en 2007) enregistré live en 2008. Puis, comme il restait de la place, on trouve une version voix et guitare acoustique de Goodbye Darling (de l’album Saturn Strip d’Alan Vega) par un certain Stephen Buroughs, parfait dans son imitation de Michael Gira du pauvre. Mais qui est Stephen Burroughs ? Tout simplement le chanteur de Head Of David, groupe britannique de la fin des années 80 récemment reformé comme tant d’autres et qui en son temps avait excellemment repris Rocket USA de Suicide. Il y a une certaine logique dans tout ça.

jeudi 19 novembre 2009

Le grand soir (in bed with Eugene)























J’ai une vie trépidante. Lundi, 19 heures, j’expédie trop rapidement les dernières tâches courantes, manière bien élégante et polie pour dire que je torche comme un malpropre tout ce qui me reste à faire avant de fuir mon lieu de travail : je m’apercevrai dès le lendemain – mais heureusement pas trop tard – que j’ai fait au moins deux conneries assez énormes qui maintenant me font bien rire.
19 heures 30 : ça y est je suis sur mon vélo et il va me falloir à peine une demi heure pour traverser Lyon du sud au nord et arriver au Rail Théâtre. La blague du jour consistait à savoir si les organisateurs du concert du jour étaient réellement sérieux en indiquant 20 heures sur le fly comme horaire d’ouverture… heureusement tout était vrai : lorsque j’arrive les portes du Rail Théâtre sont grandes ouvertes et les gens qui attendent dehors fument tranquillement leurs clopes, décontraction totale. Aux entrées je salue un jeune parisien arriviste installé à Lyon depuis seulement deux mois et qui a déjà trouvé le moyen d’intégrer l’équipe de bénévoles du lieu. Je lui demande de me faire rentrer à l’œil, ce qu’il refuse.
A l’intérieur le stand de merchandising d’Oxbow est plutôt pauvre, les deux bouquins d’Eugene Robinson, The Narcotic Story en LP, les fameuses serviettes de bain (reprenant un vieux visuel que le groupe avait utilisé pour un t-shirt à l’époque de Serenade In Red) et puis surtout les derniers exemplaires en vinyle de Songs For The French que le groupe avait emportés avec lui pour cette tournée. Je ne sais absolument pas ce qu’il y a sur ce nouveau disque mais j’en embarque un direct. Puis je regarde la salle se remplir doucement mais sûrement.


















J’espérais qu’il y aurait un peu de monde pour FiliaMotsa. Disons que le duo (violon et batterie) de Nancy ne recueillera que des applaudissements polis et froids. La prestation n’est pas excellente et le son est assez bizarre, pas très équilibré et en creux. Lorsque je me déplace du centre de la scène – le batteur se trouve sur la gauche – vers la droite – devant la violoniste – c’est déjà beaucoup mieux, on y entend de bien meilleure façon le travail mélodique (et parfois de sape) opéré par un violon renforcé d’effets multiples et souvent mis en boucle.
Mais il difficile de saisir toutes les subtilités du jeu de la violoniste, certains titres sonnent étrangement post rockeux, comme s’ils ne comportaient que des suites de notes tombant à plat – ce qui normalement est très loin d’être le cas. Ceux où distorsion et déstructuration arrivent à se frayer un chemin me conviennent nettement plus. Outre le violon qui parait trop unidimensionnel et sans saveur le batteur a un jeu pataud, pas très inspiré et je suis donc moins sous le charme que lors du précédent passage du duo en avril dernier.
Je crois surtout que la scène du Rail Théâtre était un peu trop grande (et trop haute) pour FiliaMotsa, que le groupe avait du mal à la remplir, à occuper tout l’espace et qu’une trop grande fébrilité a empêché les deux musiciens de s’affranchir – oui ils ont dit qu’ils étaient vraiment contents et super fiers d’ouvrir pour ce concert de Pneu et d’Oxbow mais ça les a peut être aussi perturbés. Moi, cela ne m’a pas empêché après leur set de leur acheter leur premier album, Tribute To KC, tout fraîchement gravé par Chez Kitokat et sérigraphié par Percolation. Lorsque à cette occasion les deux musiciens me demandent ce que j’ai pensé du concert je bredouille quelques explications foireuses, c’est toujours trop difficile d’expliquer que l’on n’a pas aimé autant que l’on aurait voulu.























Arrivent donc les Pneu qui ont eux un tout autre plan d’occupation des sols. Pas de problème de scène trop grande ou trop haute, le duo tourangeau guitare et batterie va jouer par terre et au milieu de la salle. La batterie est toujours aussi rudimentaire, quant au guitariste il dispose désormais d’un deuxième ampli, à l’aspect tout aussi pourrave que le premier. Voilà : avant Pneu c’était un excellent moyen de devenir sourd en moins de deux minutes et je n’ose imaginer que cela peut donner maintenant. Je tourne la tête et j’aperçois juste à côté de moi mon petit parisien lui aussi bien décidé à ne pas en perdre une miette. Pneu c’est de la musique pour les gamins et je me sens tout de suite concerné.
Nos deux garçons ne mettent pas beaucoup de temps à s’installer, incitent les gens du public à se rapprocher dangereusement, à les coller (ce qu’ils redemanderont à plusieurs reprises lors du concert) et jouent un premier titre en forme d’échauffement. Un échauffement qui durera en fait quelques titres supplémentaires, non pas que le début du concert a été mollasson et/ou mauvais mais plus ce groupe joue et plus il devient complètement fou.
Le guitariste vous enquille des missiles incompréhensibles, à la punk, s’abstenant de répéter le même plan plus de deux fois tandis que le batteur fait tout son possible pour ressembler à un pantin désarticulé pendant qu’il frappe sa caisse claire ou ses cymbales. Nos Masters Of Muppets enfoncent un clou dans nos crânes, jouent avec, le tortillent dans tous les sens et le replantent juste à côté. Pneu achève son concert (et nous avec) par un titre lent et presque lourd, du doom parodique pourrait on dire, le genre de truc qui me fait définitivement redevenir un gosse. Et étrangement je m’aperçois que je ne suis pas encore totalement sourd.


















Il n’y aura pas d’effet de surprise après tout ce qui a été dit et lu au sujet de l’entrée en matière lors des précédents concerts d’Oxbow de cette énième tournée européenne (notamment celui de Paris et celui de Nantes). Le groupe commence sa prestation par un mini set acoustique au milieu du public. Guitare sèche pour Niko Wenner, un violoncelle pour Dan Adams, une caisse claire pour Greg Davis et pas de micro pour Eugene Robinson. C’est plutôt amusant mais complètement anecdotique, j’ai toujours trouvé que l’acoustique collait mal à la musique d’Oxbow et ce que j’entends ne me fait pas vraiment changer d’avis. J’attends donc avec impatience que l’électricité reprenne enfin ses droits. Et lorsque retentissent les premières notes de Babydoll je sais déjà que je vais adorer.
Parlons tout de suite de la qualité du son de ce concert. Les grincheux prétendent que comme d’habitude au Rail Théâtre/Grrrnd Zero il était vraiment en dessous de tout. Sans aller jusque là on peut en effet regretter l’absence de la basse pendant presque tout le concert et les quelques moments ou la voix a disparu, est devenue carrément inaudible (deux fois, pas plus…). Mais c’est le genre de détail dont on se contrefout complètement lorsque on passe presque la moitié d’un concert d’Oxbow le nez à moins de dix centimètres des couilles d’Eugene Robinson. C’est peu dire que ce type est un véritable monstre de scène, une présence inouïe et intacte. Derrière le reste du groupe assure plus que très bien – OK le bassiste fait ce qu’il peut et tire la gueule, il aimerait bien qu’on l’entende un peu plus – surtout Niko Wenner qui balance ses riffs bluesy trempés dans le chaudron noise avec une belle conviction et un talent fou. Ce soir on va donc avoir droit à la version musclée d’Oxbow.























Le concert passe a une vitesse affolante, quelques nouveautés (des extraits de Songs For The French ?), plus de clavier pour Wenner et un titre diablement funky sur lequel Robinson se lance dans une imitation parfaite de la danse pelvienne d’André Williams lui-même en pleine imitation de Tina Turner ante chirurgie esthétique – petite danse qui colle parfaitement avec la nouvelle moustache de macro du chanteur/performer. Grandiose. Le groupe quitte déjà la scène et j’ai l’impression qu’il a tout juste joué un quart d’heure. Le genre de faille spatio-temporelle qui vous donne tous les pouvoirs surhumains de la terre et dont on voudrait qu’elle ne se referme jamais. Oxbow remonte sur scène pour ce qui va être ses deux derniers titres et joue un Over définitivement bouleversant, presque à en chialer.
L’après concert a un arrière-goût de gueule de bois, pas vraiment envie de retrouver mes esprits mais les commentaires qui fusent ici ou là m’y obligent quelque peu. Si certains sont très mécontents, d’autres essayent comme moi de rester sur leur petit nuage. Mon jeune ami parisien m’avoue lui qu’il n’a pas réussi à rentrer totalement dans ce concert, je crois qu’il est surtout déçu de sa déception et de ce rendez-vous demi raté – même impression que me donneront d’autres personnes encore. Et pourtant Oxbow a encore une fois prouvé qu’il était un groupe unique, inqualifiable, inimitable, grandiose, insurpassable : de la maîtrise autant que de la liberté, ce n’est pas donné à tout le monde.

lundi 16 novembre 2009

Oxbow, ce soir!























Est ce que vous le reconnaissez ce jeune punk à crête ? Oui, c’est bien Eugene Robinson il y a plus de vingt ans, à l’époque de son premier groupe, Whipping Boy, sans tous ses tatouages et sans ses kilos de muscles de batailleur mais déjà avec une attitude de viens pas m’emmerder sinon tu vas le regretter.
Notre homme est en concert ce soir au Rail Théatre/Grrrnd Zero de Vaise avec ses petits camarades d’OXBOW, une sémillante moustache et un nouvel enregistrement sous le bras, Songs For The French. Autant dire que c’est l’un des concerts les plus attendus de l’année.
Pour chauffer la salle on aura droit à FiliaMotsa, un excellent duo violon et batterie de Nancy que l’on avait déjà pu apprécier en avril dernier à Grrrnd Gerland et Pneu, autre duo mais en version noise matheuse et foutraque et que l’on ne présente plus, quoique. Pour plus d’efficacité le guitariste de Pneu s’est offert un second ampli, bienvenue au pays des sourds.
C’est donc le moment de ressortir la sacro-sainte formule : tu viens ou tu crains.





[une video du tout récent passage d’Oxbow au Nouveau Casino de Paris par Mariexxme]

dimanche 15 novembre 2009

The Feelies / Crazy Rhythms























Crazy Rhythms : je crois que l’on peut faire difficilement plus essentiel* que cette réédition du premier album des Feelies, disque datant déjà et de manière assez incroyable de 1980. Bar/None records et Domino (pour l’Europe) l’ont effectivement ressorti – en CD mais également en vinyle s’il vous plait – ainsi que The Good Earth (1986). Il y a tout un monde entre ces deux premiers enregistrements, six années ce n’est pas rien et surtout ce n’était plus vraiment le même groupe, plus exactement la même musique. A chacun alors de préférer telle ou telle période des Feelies. Le groupe a en effet survécu jusqu’en 1992 et quatre albums, a fait de nombreux émules, a pourri de désespoir tout ce que le petit monde indépendant américain pouvait compter de musiciens sans aucun talent. Mais Crazy Rhythms reste une sorte de pierre angulaire de l’indie rock U.S., une comète éternellement brillante en mode combustion perpétuelle et revenant nous éclairer régulièrement, magiquement.
Difficile donc de croire que cet album a déjà vingt-neuf printemps. Même si on ne l’écoute – ce qui est mon cas – que depuis une bonne vingtaine d’année, grâce au hasard d’une rencontre et d’une discussion nocturne. Crazy Rhythms a gardé intactes toute sa fraîcheur et toute sa pertinence. Son allant. Sa spontanéité. Un trésor de musique. A l’époque, outre la paire de guitaristes/chanteurs composés de Bill Million et de Glenn Mercer, The Feelies comprenait une section rythmique des plus étonnantes – et donc folle – avec Keith DeNunzio à la basse et Anton Fier à la batterie (qui connaîtra la carrière que l’on sait dans l’underground jazz et expérimental new-yorkais au sein des Lounge Lizards ou aux côtés de John Zorn). Ces deux là quitteront The Feelies, rendant définitif mais également inimitable l’esprit d’un premier album inégalé.
On objectera éventuellement que tous les titres de Crazy Rhythms ont été coulés dans le même moule avec rythmiques enlevées, guitares au son clair (marque de fabrique) et dissonances velvetiennes – au hasard European Son – comme sur le final incroyable de Loveless Love, chef d’œuvre archétypal et incontournable. C’est tout à fait vrai mais est ce réellement important lorsqu’on parle d’un album de neuf chansons et qui dure une grosse demi heure ? Evidemment non et heureusement non est on tenté de dire en même temps : la pop speedée de Crazy Rhythms se suffit à elle-même, est une définition du genre et avale au passage Everybody’s Got Something To Hide (Except Me And My Monkey), reprise d’un titre de l’album blanc des Beatles qui devient logiquement un titre des Feelies comme un autre. Brillant et essentiel.
Cette nouvelle réédition propose quelques bonus disponibles uniquement en mp3 et ce quelque soit la version – CD ou LP – que l’on s’est procurée. La bonne idée c’est de ne pas avoir remis la reprise de Paint It Black des Rolling Stones rajoutée sur la précédente réédition CD (1990) de Crazy Rhythms et qui n’avait rien à faire là puisque ni Keith DeNunzio ni Anton Fier ne jouaient dessus. Par contre on trouve la version single de Fa Cé-La, deux versions démo (The Boy With The Perpetual Nervousness et Moscow Nights) et deux titres live, Crazy Rhythms et une version amphétaminée et excellente d’I Wanna Sleep In Your Arms des Modern Lovers (le groupe de Jonathan Richman, encore un type terriblement en avance sur son temps).

* pourtant cette année est déjà bien chargée question rééditions incontournables avec les albums de Jesus Lizard chez Touch & Go, le Fuckfest d’Oxbow chez Hydra Head, les trois premiers albums des Beasts Of Bourbon chez Provenance records ou les deux uniques albums d’Iron Monkey chez Earache…

samedi 14 novembre 2009

The Austrasian Goat / Witch























On ne va pas refaire tout l’historique de The Austrasian Goat ni expliquer le comment du pourquoi de ce qu’est l’Austrasie (en gros l’actuelle Lorraine, chèvres et petits démons cornus inclus) et puis pour toutes celles et tous ceux qui tiendraient quand même à obtenir absolument des explications complémentaires je les renvois directement à ces deux interviews - ici et surtout (certes elles commencent à dater). Non, le plus surprenant à propos de The Austrasian Goat c’est que son unique membre fait également partie de Meny Hellkin, petit détail dont je ne me lasse pas depuis que je l’ai appris, tout à fait par hasard. Le fossé qui sépare les deux groupes est un élément de plus qui attise une curiosité sans cesse renouvelée à propos du bouc autrasien. Pourtant pas surgi de nulle part (le bonhomme a un bon passé de musicien dans le hardcore/metal/truc et s’occupe de 213 records), The Austrasian Goat est un projet dont le mystère brumeux fait beaucoup pour le charme - vénéneux, le charme.
Ce single publié par Noxious Noize! records (un label de La Nouvelle Orléans…) et limité à cinq cents exemplaires numérotés est l’une des plus récentes productions d’un groupe aussi prolifique qu’une chaude-pisse animalière est douloureuse : t’as voulu te taper une chèvre ? et bien tu as eu le nez creux, celle-ci vient tout juste de se transformer en sorcière sous tes coups de boutoir diabolique. Witch est en effet naïvement dédié à toutes les sorcières du passé, du présent et du futur. Je dis naïvement parce que l’artwork un rien enfantin dans sa réalisation me pousse à ce genre de considérations, considérations qui sont très loin de me déplaire.
Sur la face A de ce joli vinyle rouge transparent The Austrasian Goat nous propose un Celebration touffu, son hyper crade (pas vraiment arrangé par la qualité médiocre du pressage), arpèges typiquement black metal et brouhaha rythmique au fond. Devant la voix hurle tout ce qu’elle peut de souffrance avant un break avec guitare acoustique, violoncelle et chant féminin, de quoi être agréablement pris au dépourvu dans cet océan de haine et de stupre satanique, décidément il n’y a que les voies du seigneur qui soient impénétrables.
De l’autre côté Amenorrhea continue dans le blasphématoire car c’est bien connu si tu ne respectes pas le précepte baisons mais baisons utile cher aux religieux hypocrites et frustrés tu es forcément une salope bonne pour le bûcher et le barbecue purificateur. Amenorrhea est un véritable petit chef d’œuvre de noirceur mélancolique (son intro au ralenti, le break du milieu avec ses couches de guitares qui copulent) et de violence convulsive (tout le reste). Un excellent single et un excellent disque de plus pour The Austrasian Goat qui n’en finit pas de nous épater.

vendredi 13 novembre 2009

Microfilm / The Bay Of Future Passed


The Bay Of Future Passed est déjà le troisième album de Microfilm, le meilleur groupe français de rock instrumental du monde, après un Stereodrama qui avait marqué les esprits et les mirettes grâce à des vidéos 3D vintage (c'est-à-dire à visionner avec des lunettes comprenant un filtre bleu à droite et un filtre rouge à gauche). Je fais exprès de parler de rock instrumental et non pas de post rock tout simplement parce que Microfilm est l’un des très rares groupes du genre à savoir insuffler une réelle énergie dans sa musique, vous coller de la trépidation entre les oreilles (et dans les yeux) sans avoir recours aux structures trop compliquées ni aux arpèges putassiers utilisés comme cache misère par les types qui s’écoutent incessamment jouer tellement ils n’ont rien à dire - c’est même pour ça qu’ils ne chantent pas ces abrutis - et nous font perdre notre temps et notre patience, pas très grande c’est vrai. Head records s’est chargé de la version CD de The Bay Of Future Passed et pour les ayatollahs accrocs au plastoc Rejuvenation, Theatre records, Migouri et Impure Musik se chargeront de la version LP, forcément beaucoup plus belle mais aussi plus chère et qui viendra plus tard lorsque tout ce beau monde aura fini de régler ses comptes et de payer l’usine de pressage. On se contentera donc pour l’instant de la version de douze centimètres qui en jette quand même pas mal.
C’est que visuellement The Bay Of Future Passed est une réussite avec son illustration rappelant un film des années 50 - Alfred Hitchcock ? Otto Preminger ? Rear Window ? Anatomy Of Murder ? non, aucun de ceux là : l’extrait de film utilisé sur Blood Sample est terriblement parlant (sic) et semble directement relié au visuel du disque sauf que je suis absolument incapable de mettre un nom sur le film dont il est effectivement tiré. Pour en revenir à la présentation même de l’objet, on remarquera aussi le petit trou dans le carton à l’endroit où la balle a traversé le corps et en bas à gauche se trouve la lettre G entouré d’un carré et de la mention suggested for all audience façon visa de censure américaine des films.























Extraits de dialogues, références incessantes au cinéma : le principe de la musique de Microfilm n’a donc changé en rien depuis A Journey To The 75th (2004) et Stereodrama (2007). L’accroche est peut être un peu moins évidente car la vitesse de croisière des sept titres est un peu plus lente qu’auparavant et que le disque ne démarre pas sur un titre aussi flamboyant que Dpt 1, l’ouverture exaltante de Stereodrama. Brute Force se révèle être quand même un sacré moment de suspens musical, tout comme le passionnant Blood Sample déjà mentionné : si le rythme général est moins vivace, les ambiances plus froides, Microfilm arrive tout autant à vous harponner avec sa simplicité évidente (évidente simplicité ?) et réussit donc son pari de faire évoluer sa musique sans perdre l’auditeur en route, comme si on se retrouvait soudain en plein milieu d’un polar introspectif et futuriste - Alphaville ? non plus : la teneur du morceau titre The Bay Of Future Passed très indie pop évoquerait plutôt une sociologie sentimentale façon The Unbelievable Truth ou Trust Me. Mon seul regret concerne la deuxième version de Blood Sample fort heureusement placée en fin de disque, une version entièrement jouée au piano et rappelant les errements mièvreux d’un groupe instrumental écossais que je déteste tellement que je ne saurais le nommer ici.
Et pour celles et ceux qui ont toujours été gêné(e)s par l’utilisation des samples mixés en avant par rapport à la musique, sachez que de ce côté-là rien n’a changé : on les entend toujours aussi bien mais le film parcellaire qu’ils évoquent se fond complètement dans le paysage musical du groupe et inversement - le plus fort c’est qu’en concert cela fonctionne aussi parfaitement.

jeudi 12 novembre 2009

Blackthread / self titled


Qui n’a encore jamais vu (et entendu) Blackthread en concert serait assez surpris de la teneur générale de ce nouveau projet solo emmené par Pierre, ancien bassiste et chanteur de One Second Riot – il semble en effet que le duo ait cessé toute activité, ce qui est fort dommage, ici on était franchement fan de la musique de ces deux garçons et décidemment l’été 2009 a été singulièrement fatal aux groupes lyonnais.
A base de boucles, d’un peu de basse, de synthétiseur, d’une boite à rythmes minimale, de quelques effets cheap et de chant, Blackthread construit une musique fragile, presque flottante, à l’armature légère et aux ambiances plutôt tristes, émouvantes pour le moins. Pas vraiment chantées, presque en mode spoken words, les compositions de Blackthread explorent plus en avant une piste déjà partiellement empruntée par One Second Riot sur Brautigan, un titre très narratif du seul et unique album du duo. Après une petite année de bricolage en appartement et d’essais dans son salon, Blackthread a enchaîné sur une dizaine de concerts – essentiellement entre Paris et Lyon – puis sur un premier enregistrement entièrement autoproduit. Illustration signée Amandine Urruty, sérigraphie par Madame Lapin, lettrage enfantin, ce premier mini album de neuf titres est emballé dans un cartonnage recyclé. Un beau petit objet qui derrière ses allures propres et soignées recèle une personnalité musicale affirmée, une tension latente et quelques bonnes surprises.

















Très loin de toute rhétorique noise et de toute explosion hardcore, Blackthread pratique ce qu’il est bien convenu d’appeler de la chanson. Textes (uniquement) en anglais, voix en avant, arrangements minimaux ainsi que mixage soulignant toujours la primauté vocale et durée des compositions assez courte, comme autant de vignettes sonores s’arrêtant dès que les derniers mots finissent eux aussi de résonner. La séduction opère immédiatement malgré (grâce à ?) une absence totale de joliesse et d’enjouement. Ici c’est le recueillement, le recroquevillement voire la prostration qui priment et en écoutant Blackthread on a l’impression d’assister à la naissance maladroite d’un petit animal, à l’éclosion d’une fleur encore toute froissée, à la mue d’un insecte tout étourdi par une nouvelle vie inconnue.
C’est que cette musique chétive, presque instantanée tellement les titres ont du mal à atteindre les 2 minutes 30, a tout du passage, du franchissement : celui d’une porte entre deux pièces ou de l’ombre d’un mur à la lumière d’un lampadaire, du sommeil à l’état de veille. Pourtant les éléments de la musique de Blackthread semblent avoir été tous précisément placés, agencés avec une minutie maniaque et subtile et un sens mélodique très à-propos (bonne utilisation du synthétiseur). Les détails ont tous de l’importance, un sample d’un célèbre titre de jazz par ici, des notes de piano par là ou des percussions aux sonorités chaudes. La petite poésie – petite mais immanquable – qui se dégage de ces neuf titres est émouvante et vous gratouille les sens, lancinante mais gênante ce qu’il faut, interpellante donc. Un très bon début.

mercredi 11 novembre 2009

Slayer / World Painted Blood























S’il y a un groupe de metal dont je continue malgré tout - tout y compris les racontars, les mauvais échos et la lassitude - de me procurer les enregistrements c’est bien Slayer. Il y a Napalm Death aussi et puis Motörhead (au passage Lemmy a annoncé que le trio rentrera en studio en février prochain pour enregistrer un énième album de boogie metal gériatrique, parution comme d’habitude à la rentrée de septembre 2010) mais Motörhead est devenu un groupe hors catégories avec le temps, presque un souvenir d’enfance.
World Painted Blood
est le onzième album studio de Slayer en vingt six années de carrière discographique (j’ai tout recompté et j’y inclus l’album de reprises Undisputed Attitude), c’est une moyenne honorable. World Painted Blood c’est aussi le deuxième album de Slayer depuis le retour au bercail du batteur originel, Dave Lombardo. D’ailleurs si j’avais réellement un vide à combler à propos de ces californiens ce serait de les voir enfin en concert avec ce gars là derrière les fûts - oui j’ai vu Slayer sur scène avec Paul Bostaph qui s’en sortait très bien mais quand même… Dave Lombardo ! Là aussi cela relève du mythe fondateur. La seule et unique date française de Slayer sera le 13 décembre à Paris au Bataclan.
World Painted Blood sort dans un beau digipak et en grandes pompes chez Sony Music, lequel label a également réédité l’avant dernier album Christ Illusion il y a un an et demi et vient de ressortir le classique intemporel Reign In Blood dans un boîtier en ferraille (tous les autres albums de Slayer de la période Def Jam/Universal devraient suivre). Outre l’album et ses onze titres inédits on a droit à un DVD, pas regardé malgré la présence annoncée dessus d’un titre supplémentaire : Atrocity Vendor. Le public français peut même bénéficier d’un troisième disque, un CD intitulé La Story De L’Extrême qui raconte en vingt minutes et à grand renfort de voix de speaker aseptisée et de commentaires stupides sur fond sonore décalé (les titres dont on parle ne sont pas forcément ceux que l’on entend derrière) comment Slayer est devenu le plus grand groupe de metal du monde. On s’en serait douté et c’est l’occasion de rire au moins une fois à propos de Slayer tellement ce CD bonus, qui fait presque l’impasse sur la période Bostaph, allie stupidité, angélisme - un comble - et consumérisme. Merci à la maison de disques pour ce cadeau d’avant Noël.
World Painted Blood
. Le vieux fan sera-t-il déçu par ce nouvel album ? Assurément non, tant chaque riff, chaque break, chaque ligne de basse, chaque ligne de chant ont déjà maintes et maintes fois été entendus sur tout les albums précédents de Slayer. Il n’y a pas un moment de World Painted Blood pendant lequel on ne se surprend pas en train de se dire tiens j’ai déjà entendu ce passage sur (là tu mets n’importe quel titre tiré d’un vieil album des californiens). Et puis on finit par oublier : ce disque est tout simplement très bon, imparable et jouissif comme une bonne bourrade de bière tiédasse entre potes boutonneux un après-midi d’ennui au fond du garage parental. Rien de nouveau, rien de révolutionnaire (Chemical Warfare appartient à l’histoire) et rien de novateur et c’est franchement tant mieux.
Le seul point à éclaircir - puisque Slayer fait du Slayer - vise à déterminer quel est le niveau de forme de nos thrashers préférés. La réponse ne se fait guère attendre : Tom Araya, Kerry King, Jeff Hanneman et Dave Lombardo pètent le feu, littéralement, et vous envoient onze déflagrations avec tout autant de conviction qu’à la grande époque. Ni déçu, ni surpris, l’amateur de Slayer le restera donc au moins jusqu’au prochain album du groupe, celui qui paraîtra dans à peu près quatre années, si tout va bien au royaume du metal - Tom Araya a quand même déclaré qu’il ne se voyait pas continuer à produire les mêmes thrasheries pendant encore longtemps et que l’avenir de Slayer devrait bientôt être discuté.

mardi 10 novembre 2009

Converge / Axe To Fall























Allez, c’est au tour de Axe To Fall, le nouvel album de Converge. Les quatre de Boston nous reviennent comme tous les trois ans, avec une régularité sans failles. Des horlogers, des maîtres d’œuvre perfectionnistes, calculateurs peut être, décidés sûrement et clairement ambitieux. Les adorateurs de la sainte trinité Petitioning The Empty Sky/When Forever Comes Crashing/Jane Doe, de ses méandres torturés et de sa folie rampante et contagieuse vont encore râler. Converge n’est plus le groupe le plus innovant de la planète hardcore mais, avec un album pareil, nos quatre tatoués risquent bien de devenir, si ce n’est déjà le cas, le plus gros groupe actuel de hardcore tout court. C’est tout le mal que je leur souhaite. Quelle bienveillance me direz-vous, il est vrai que ce n’est pas le style de la maison et non ça ne me perdra pas.
No Heroes
, l’album précédent et pas si différent que ça de Axe To Fall, n’avait pas laissé un souvenir impérissable, disons qu’il ronronnait et recyclait passablement efficacement les recettes méthodiquement mises en place depuis Jane Doe. Et bien Axe To Fall fait exactement la même chose mais au centuple. Converge y accentue tous ses traits de caractères, les plus violents et directs (la salve prévisible et attendue des quatre premiers titres joués à fond les ballons, vertigineuse et jouissive) comme les plus pathétiques et dégoulinants (le final Cruel Bloom/Wretched World).
La production - signée comme il se doit et comme d’habitude par Kurt Ballou - est d’une clarté et d’une lisibilité hallucinantes, avec un relief et une définition des concours des différents instruments qui réussissent à ne pas trop tomber dans le clinique et l’aseptisé. On est très loin de la cradeur et de la noirceur de When Forever Comes Crashing mais le son de Axe To Fall est parfaitement équilibré - une écoute répétée au casque ne donne pas mal aux oreilles, tout va bien monsieur l’oto-rhino. Sur ce tapis technique Converge place donc tous les éléments déjà connus de sa musique de dingues : rythmiques effrénées, rasades de double pédale, turbobasse, guitare-roquette, chœurs de guerriers en rut et le chant toujours aussi limité de Jacob Bannon. On a droit également aux quelques ralentissements reptiliens imposés par le cahier des charges (aération du disque et, pour les futurs concerts, repos des musiciens avant la prochaine cavalcade) et on trouve de-ci de-là des soli de guitare parfois très drôles avec plein de notes sur fond de D-beat, effet à haute teneur métallurgique garantie – par exemple les parties de guitare de Steven Brodsky de Cave In (et ancien membre de Converge) sur Effigy.
Oui, Steve Brodsky puisque Converge a surtout et comme à son habitude invité plein de musiciens extérieurs et amis à participer à l’enregistrement de Axe To Fall. Sauf que là aussi la surenchère est de mise, la liste de ce who’s who hardcore et metal est beaucoup trop longue pour en faire un tour d’horizon exhaustif. Citons tout de même Steve Von Till de Neurosis toujours aussi impérial au chant. Le problème de ces featurings est que les invités peuvent tellement bien s’approprier le titre sur lequel ils jouent (et qu’ils ont composé en commun avec Converge) que l’on en vient à se demander si c’est toujours du Converge que l’on écoute. Remarque particulièrement évidente à propos de Wretched World, chanson sur laquelle on retrouve l’intégralité du line-up de Genghis Tron. Mais que l’on se rassure tout de suite : Wretched World ne ressemble pas non plus à la diarrhée prog metal habituelle du trio new-yorkais, disons que l’on écoute un hybride mélodramatiquement ralenti et sucré de Converge associé au kitsch insupportable de Genghis Tron… On ne peut pas non plus nier que tous ces invités sont également là pour cacher les limites (admises et reconnues) du chant de Jacob Bannon, donnant un peu de relief vocal à Axe To Fall.
Un dernier mot sur l’artwork très symptomatique - signé Jacob Bannon - qui passe limite sur le recto mais qui se révèle terriblement affreux et répétitif dans les pages du livret (au passage beaucoup trop épais pour des textes aussi basiquement hardcore) : cet artwork est une énième resucée de ce que le groupe de Boston nous a déjà proposé dans le passé, on y reconnaît même des bouts de celui de Jane Doe, là aussi l’imagination est en berne. Converge saura t-il éviter encore longtemps l’écueil du mauvais goût ? Le groupe trouvera t-il un jour de nouvelles sources d’inspirations ? Non, je ne pense pas mais en attendant Axe To Fall réussit son pari d’un hardcore violent mais accessible.

lundi 9 novembre 2009

Un hiver éternel
















Samedi soir. Puisque madame a décidé qu’elle irait voir dans la semaine une pièce de théâtre orchestrée par une metteuse en scène généreuse et innovante au sujet des travaux d’un photographe caladois naturaliste et obsédé par les paysans arriérés, je décide moi aussi d’y aller de ma petite sortie culturelle. Pas de hard core, pas de grind core, pas de doom, pas de noise rock ou de pimpo bimbo bruitiste ce soir. Non, ce soir je vais au Sonic assister à un concert estampillé Télérama (pourtant à ma connaissance il n’y avait qu’un seul instituteur dans le public), Libération (qui lit encore ce torchon de/pour social-traites ?) et Les Inrockuptibles (le journal des futurs lecteurs de Telerama). J’ai l’air de me moquer comme ça mais Winter Family a effectivement bénéficié d’une couverture médiatique dans tous ces canards culturellement bien pensants aussi je suis extrêmement surpris du faible nombre d’entrées - on va dire une cinquantaine - pour une soirée qui promettait pourtant à tout un chacun de s’enrichir les neurones dans la finesse et le bon goût. J’en connais quelques uns également qui avaient promis qu’ils viendraient et qui ont sûrement dû être empêchés de se déplacer à cause d’une avalanche imprévue de houblon dans un rade croix-roussien interlope. Et une fois de plus les absents ont eu tort, terriblement tort (fin des messages personnels).























Je m’apprête ainsi à bien occuper ma dernière soirée du week-end… Quelle idée aussi de rattaquer le boulot le dimanche en fin d’après midi, ce qui au passage va me faire rater Hair Police et The Feeling Of Love à Grrrnd Zero - OK, j’arrête immédiatement de pester contre les branleurs qui ne vont pas aux concerts et je ferme ma gueule*. Donc ça commence avec Perrine En Morceaux, une jeune fille qui chante toute seule (la plupart du temps en anglais) et qui tient un combi sampleur/pad/pédales d’effet en bandoulière. Je m’approche un peu plus près pour écouter/voir/apprécier - rayer la mention inutile, la réponse n’est pas très dure à trouver. Et je vais faire vite parce que là je me sens terriblement hors sujet : Perrine En Morceaux c’est de la chanson légèrement expérimentale sur fond de bidouille électronique et minimale. Elle chante très (très) bien, double, triple, quadruple sa voix grâce à son installation, c’est rigolo deux secondes et d’ailleurs deux secondes c’est le temps qu’elle chante avant de s’arrêter net et de protester officiellement auprès du sondier parce qu’il y a un buzz dans les enceintes qui lui tortille désagréablement les oreilles.
Les chansons de Perrine s’adressent aux fans de Bjork, Camille (et qui d’autre encore ? j’en sais foutrement rien) et lorsque j’en ai vraiment marre de me dire qu’avec la nature de cheveux épais et bouclés qu’elle a elle pourrait sans problème se faire une mise en plis à la Farah Fawcett - l’une de mes idoles sexuelles de jeune garçon seventies - je quitte le devant de la scène pour aller m’accrocher au bar et siphonner quelques bières, juste à côté de l’un des co-organisateur du concert qui a envie de se pendre parce qu’il a déjà compris que ce soir il ne va pas engranger son taf d’entrées pour équilibrer ses comptes. Un chouette début de soirée de merde.























Arrive Agathe Max, l’une des deux principales raisons de ma venue ce soir. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu la jeune femme en concert, seule sur scène avec son violon, ses pédales d’effet et son gros ampli. Je ne compte plus non plus le nombre de fois que j’ai écouté This Silver String, son premier et unique album paru à ce jour, chez Xeric/Table Of The Elements. Et je ne comprends toujours pas les commentaires qui parlent de joliesse (voire de petitesse) et de confort agréable à propos de la musique d’Agathe Max - les gars, réécoutez donc This Silver Strings et retournez la voir en concert la prochaine fois qu’elle passe vers chez vous. Parce que cette musique, placée sous la haute influence de Tony Conrad, est tout sauf jolie et confortable. On peut même dire qu’elle peut faire mal (utilisation des stridences et de la saturation), qu’elle incommode, qu’elle déstabilise aussi parfois, avant de vous ouvrir les oreilles (multiplication des harmoniques du violon amplifié, dissonances et décalages des sons) puis de littéralement vous ensevelir.
Fidèle à elle-même, Agathe Max n’a pas déçu en ce samedi soir, nous offrant une longue pièce avec passages inédits et d’autres où l’on croit reconnaître quelques bribes. Une longue pièce pendant laquelle Agathe Max, majestueuse et aérienne, a imposé sa vision unique, claire et personnelle de la musique, entraînant très très loin le public dans son sillage. Devant tant de rareté je ferme les yeux et me laisse bercer par toute cette beauté fulgurante.























Entre temps les Winter Family sont arrivés au Sonic (ils ont de la famille dans le coin et ont donc raté le début de la soirée). On m’explique que le duo a pris son temps pour faire ses balances et - oh bonheur - qu’ils ont emmené un paquet de matériel avec eux : un harmonium, un orgue, un célesta, des percussions et une platine cassette. Autant Xavier Klaine (l’homme de toutes les musiques) a l’air taciturne et imposant autant Ruth Rosenthal (voix, textes et percussions) est fluette et effacée. La mise en place est un peu difficile sur les deux premiers titres joués par le groupe - orgue trop en avant et donc voix pas assez audible - mais cela va très rapidement aller en s’arrangeant.
C’est peu dire que Ruth Rosenthal est en fait une très grande dame. Une présence saisissante, bouleversante et une voix envoûtante - à la fois monocorde et habitée, comme par un étrange phénomène de distanciation - une voix plutôt dans le registre du récitatif/spoken words avec quelques incartades d’un lyrisme froid et retenu. Les textes sont en anglais (mais assez difficiles à suivre) et en hébreu, langue magnifique s’il en est, intonations rocailleuse et sonorités magiques. Si au contraire du concert d’Agathe Max je ne ferme pas les yeux c’est parce que je suis littéralement hypnotisé par cette petite femme aux si grands retentissements.


















L’émotion est à son comble lorsque le lecteur de cassettes diffuse un vieux discours politique, quand Ruth Rosenthal entonne Auschwitz ou imite le tir des mitraillettes et l’explosion des bombes sur Omaha. Ses textes parlent de toutes les souffrances, pas seulement du problème israélo-palestinien (loin de là), de l’impudence des hommes face à leur soif de destruction, de leur impudeur de pouvoir et de domination. Il n’y a pas de message, juste un effroyable constat sur les souffrances accumulées, le point de non-retour se rapprochant dangereusement et l’espoir ténu d’une nécessaire rédemption. Certainement l’un des plus beaux concerts de toute cette année 2009, une ambiance proche du recueillement - mais absolument pas mortifère malgré les thèmes abordés. Un mélange d’apaisement et de tristesse insondable, d’espoir et de résignation.
Question discographie, le seul et unique album - un double CD - de Winter Family publié par Sub Rosa est épuisé depuis longtemps aussi le duo propose lors de ses concerts des versions CDr de ce disque magnifique. Mais il y a beaucoup mieux : huit des quatorze titres ont été compilés sur un vinyle publié par Marienbad records, intitulé Where Did You Go My Boy ? et dont l’artwork représente la carte d’un pays morcelé et divisé. Une trop vieille histoire. Est également inclus un DVD comprenant notamment le magnifique République, images que je vous invite également à découvrir ici.

* à propos de ce concert raté au Grrrnd, voici les délicieux commentaires qui m’ont été dits et qui me font encore plus râler : Feeling Of Love ça valait pas un kopek mais alors Hair Police, houlala Khanate vs Wolf Eyes qui font en choeur l'apologie de la défonce, ouh mon dieu je suis pas prêt d'oublier! (sic)

samedi 7 novembre 2009

300 Images Sauvages























Pour une fois parlons d’un livre mais attention, pas d’un livre qui se lit pour de vrai avec des mots dedans (une activité dangereuse qui la plupart du temps empêche d’écouter correctement de la musique en même temps) mais parlons d’un livre d’illustrations et pas de n’importe quelles illustrations : 300 Images Sauvages a été édité grâce aux efforts de Barbe A Pop, association on ne peut plus active sur Lyon dans le domaine de l’organisation de concerts et la défense des cultures underground de tous poils et dont on a encore récemment parlé à propos d’un jugement hallucinant dans le procès intenté contre l’affichage libre dans cette ville de lumière et de culture.
Le projet de 300 Images Sauvages est à la fois très simple et ambitieux. Le livre collecte autant de reproductions d’affiches crées à l’occasion de l’organisation de concerts entre les années 2004 et 2009. Un édito souligne qu’il s’agit d’une période charnière à Lyon, consécutive à la fermeture du Pezner, du [kafé myzik] mais avec la naissance de Grrrnd Zero puis du Sonic, mouvement de réorganisation des musiques undeground voyant dans un même temps l’activation de nombreuses associations pour certaines extrêmement dynamiques et imaginatives.
On feuillette donc ce livre dont les illustrations sont plus ou moins classées par concepteur puis par ordre chronologique. Quelques dessinateurs ou bidouilleurs d’affiches attirent l’œil et notre préférence : les collages tellement bien léchés de Nabil, les personnages grotesques et/ou mutants du commissaire et surtout les images de Jüül, certes parfois complètement illisibles mais tellement belles (c’est mon côté gothique qui me fait dire ça). Et puis il y a toutes les autres affiches, celles que l’on n’aime pas, celles que l’on trouve carrément moches… mais qu’importe ? Elles permettent de se rappeler de certains concerts, on regrette de ne pas s’être déplacé à d’autres et éventuellement on découvre des affiches et des soirées dont on n’avait même pas eu connaissance alors. A la fois boite de Pandore et catalogue militant, 300 Images Sauvages est la preuve éclatante de l’hyper activité lyonnaise en matière de musiques souterraines. Presque un manifeste de contre culture dans une ville où - répétons-le - l’évènement de masse, la couverture médiatique et une forte propension à l’autocélébration semblent être les seuls critères retenus par les responsables locaux en matière de politique culturel et d’obtention de subsides.
La réussite du livre ne doit cependant pas cacher les problèmes récurrents qui touchent de plein fouet les organisateurs de concerts underground à Lyon : cette honteuse et inadmissible série de procès contre l'affichage libre par faire court. On ne parlera même pas des convocations au commissariat du coin à chaque fois qu’un voisin ne peut plus entendre sa tv après 20h30 ou faire déjecter son clébard sur le trottoir en bas de chez lui sans croiser un jeune amateur de musique à l’allure forcément louche et dangereuse. Précisons également que bien qu’ayant fêté son troisième anniversaire en avril dernier, le Sonic touchera pour la première fois en 2010 une subvention municipale à hauteur de 10 000 euros (il était temps !), ce qui finalement parait bien peu au regard du travail fourni quotidiennement par cette structure devenue incontournable dans le paysage. Rappelons enfin que Grrrnd Zero sera bientôt au pied du mur : les plaintes du voisinage se multiplient à l’occasion des concerts se déroulant au Rail Théâtre de Vaise (salle dont l’utilisation est gérée par une convention on ne peut plus bancale et qui arrive bientôt à expiration) et le collectif devra également quitter ses locaux vétustes de Gerland prêtés par la mairie à très moyen terme. L’avenir proche n’a donc rien de radieux et de certain. Les acteurs des musiques underground à Lyon ont besoin de bien plus que des promesses vagues et anesthésiantes. Ou alors opter pour le retour à une certaine clandestinité et les concerts quasi privés en appartement.