jeudi 31 mai 2012

Ambarchi & Brinkmann / The Mortimer Trap





Suite des aventures discographiques d’Oren Ambarchi pour le label Black Truffle records. Après Imikuzushi, un troisième album en compagnie de Keiji Haino et de Jim O’Rourke, l’australien a cette fois ci enregistré avec Thomas Brinkmann qui – les spécialistes le savent déjà – est l’un des pontes de la techno minimal allemande ayant émergé dans les années 90. Cette association n’a en soi rien d’étonnant puisque on soupçonne depuis longtemps Oren Ambarchi d’être un garçon aussi ouvert que curieux : que Audience Of One, son dernier album solo en date pour Touch records, soit un demi échec n’enlève rien au fait que le musicien/compositeur est aussi allé explorer d’autres musiques avec ce disque.
Non, ce qui surprend le plus à propos de The Mortier Trap c’est d’apprendre que cette pièce tourne autour du For Bunita Marcus composé par Morton Feldman en 1985. Voilà qui semble être une fausse bonne idée : For Bunita Marcus est l’une des pièces pour piano solo les plus belles et les plus sensibles écrites par le plus grand compositeur de la fin du XXème deux années seulement avant sa mort et en hommage à son élève préférée et amie. Et le seul point commun qu’un esprit chagrin pourrait trouver entre For Bunita Marcus et The Mortimer Trap, c’est la durée extensible de ces deux pièces qui chacune s’étale au delà des 70 minutes.
C’est un fait que la musique de Morton Feldman s’étend sur la durée, est semi aléatoire et économise ses moyens. Elle ne peut pas être qualifiée de musique minimaliste en ce sens qu’elle n’est pas répétitive (comme celle d’un Steve Reich ou même celle d’un LaMonte Young) mais elle s’adonne malgré tout à un certain minimalisme car – particulièrement dans le cas de For Bunita Marcus – chaque note joué jouit d’une double vie, aussi courte qu’éternelle. La musique de Morton Feldman est tel un flot incessant de notes et que celles-ci soient jouées de manière ténue, forte, lente ou rapide ne change rien au fait que l’on entend comme une litanie spectrale et enveloppante. Chaque note est reliée aux autres comme au sein d’un système plus vaste. Imaginez-vous allongé une nuit d’été en train de contempler un ciel sans lune et par conséquent chargé d’étoiles. Si chaque étoile ou planète scintillant à vos yeux émettait en même temps un son, ce que vous entendriez serait très proche d’une composition de Morton Feldman. Comme un gouffre sans fin de notes décrivant l’harmonie immatériel née du chaos lointain de l’univers en expansion.
The Mortimer Trap réussit son pari dans le sens où Oren Ambarchi et Thomas Brinkmann ont composé une musique formellement extrêmement éloignée de celle de Feldman (utilisation de modes opératoires propres à la musique électronique moderne, de samples ou de manipulations sonores) mais dont les effets, mais les effets uniquement, finissent par être similaires. Au début on pense avoir seulement affaire à une énième – quoiqu’excellente – resucée ambient/drone de l’idiome électronique or The Mortimer Trap est également surchargé de détails (grésillements spectraux, fausses pulsations, accidents sonores, rythmique pointilliste, nappes sonores taillées au laser et même des voix) qui grouillent dans la masse, en font intégralement partie et finalement lui donnent vie. Un peu comme les cheminements impromptus empruntés par les notes libérées par Morton Feldman.
Si on ne connait pas la musique du compositeur américain, au passage l’une des plus belles musiques du monde, ou bien – hypothèse stupide mais malheureusement plausible – si on ne souhaite pas la connaitre, on peut écouter The Mortimer Trap tel quel puisqu’en définitive l’hommage imaginé par Ambarchi et Brinkmann ne lui ressemble absolument pas. Mais ce long morceau est vraiment très beau, son évanescence finit par devenir complètement folle et par bonheur on doute également que The Mortimer Trap puisse se terminer un jour car il y a un réel sentiment de bien-être qui se dégage de cette musique, sorte de chill out métaphysique. Cet « hommage » tient donc plus de l’intention que du résultat formel.

mercredi 30 mai 2012

High On Fire / De Vermis Mysteriis





De Vermis Mysteriis est déjà le sixième album studio* de High On Fire en quelques douze années. Et il aura fallu que j’attende ce De Vermis Mysteriis pour devenir réellement fan du groupe de Matt Pike. La bienveillance c’est mal mais c’est effectivement la bienveillance qui à chaque nouvel album d’High On Fire m’avait poussé à en écouter le résultat. Reflexe complètement idiot puisque entre les deux groupes de Matt Pike (Sleep, archétypal du doom 70’s, au siècle dernier et donc High On Fire maintenant) il n’y a strictement aucun rapport. Mais l’ostrogoth à poils longs qui sommeille en moi est teigneux voire tenace.
De Vermis Mysteriis apparait ainsi non seulement comme l’album d’High On Fire qui montre la lumière mais surtout comme le tout meilleur enregistrement du trio**. Pourtant les choses n’ont guère évolué depuis The Art Of Self Defense publié en 2000 par Man’s Ruin (le label de ce gros businessman de Frank Kozik). High On Fire c’est toujours et ça a toujours été beaucoup de gras. Et du très lourd. Et de la vitesse. Et puis des pochettes de disques superbement moches. Faire mieux à chaque fois semble être l’objectif que s’étaient donné Matt Pike et ses petits copains mais ils n’y étaient jamais parvenus. Il n’y a certes aucun mauvais album d’High On Fire. Il n’y a que des albums parfois un peu moins bons, parfois un peu routinier et un peu étouffé par ce gras sursaturé.
Sur De Vermis Mysteriis High On Fire s’est donc surpassé tout en faisant preuve de la même absence totale d’imagination***. Même les quelques titres que l’on aurait voulu haïr (l’instrumental Samsara à la fin de la première face, l’emphatique King Of Days au milieu de la seconde) gagnent leurs galons d’honneur. Que ce soit dans le registre de l’ultraspeedé mais lourd (Bloody Knuckle) que dans le lent et encore plus lourd (Madness Of An Architect) High On Fire reste le maitre incontesté d’un metal qui allie fureur thrash, riffs 70’s et exaltation rock’n’roll. Le meilleur titre de l’album reste Spiritual Rites avec ce mélange symptomatique de Slayer, Motörhead et Black Sabbath qui défie voire écrase les suédois d’Entombed sur leur propre terrain de jeu. Pour l’instant De Vermis Mysteriis est bien parti pour être l’album de metal de l’année****.

* car il y a aussi le LP Live From The Relapse Contamination Festival en 2005
** aux cotés de Matt Pike il y a effectivement l’indéboulonnable Des Kensel à la batterie ainsi que l’excellent Jeff Matz (ex Zeke) à la basse depuis l’album Death Is This Communion (2007)
*** à ce propos avoir enregistré De Vermis Mysteriis aux God City Studios de Kurt Ballou s’est révélé être une excellente idée : il fallait bien un tel environnement sans personnalité et un tel tâcheron pour permettre à High On Fire d’exprimer librement sa suprématie
**** De Vermis Mysteriis a été publié aux US en version double 12’ par eOne music ; la version européenne est chez Century Media mais en vinyle simple – il existe toutefois une version double européenne avec un deuxième disque comprenant enregistrements live ou inédits

mardi 29 mai 2012

Ceremony / Zoo




Pour son nouvel album Zoo les californiens de CEREMONY ont signé chez Matador records et dans un premier temps ce saut « qualitatif » en compagnie d’un label indépendant important et parmi les plus notables des US s’est révélé des plus décevants. Encore de l’arty punk mais cette fois-ci d’une manière beaucoup trop visible, en vient-on à penser. Des formations pétomanes prétendument significatives ce n’est pas ce qui manque au pays des indés – de la pop au hardcore en passant par la noise – mais on aurait été extrêmement chagriné que Ceremony rejoigne la cohorte des groupes qui se préoccupent davantage de comment ils sont perçus que de ce qu’ils ont effectivement à offrir (rien que les infâmes et euthanasiables Fucked Up sur le même label mais aussi Liturgy, dans un style bien différent, sur Thrill Jockey cette fois).
Les cinq petits gars de Ceremony sont peut être plus malins que les autres. C’est ce que l’on finit par se dire à l’écoute de Zoo. Hormis Citizen ce nouvel album est nettement moins crust et hardcore que Rohnert Park (la courte intro d’Hysteria est là presque uniquement pour servir de leurre), voire même pas du tout, le son est assez clean et lisse, le disque privilégie les mid tempos comme les titres ralentis et il s’articule autour de deux grands axes : le presque post punk et le proto garage. Par presque post punk on entend ces titres que l’on jurerait enregistrés par un groupe anglais commençant à s’extirper même maladroitement ou inconsciemment de ses racines punk 76/77 et découvrant de nouvelles façons de faire et surtout un son qui deviendra de plus en plus léché avec le temps. Musicalement Ceremony en est exactement là, à cette jointure, ce moment où presque rien n’a encore basculé mais où le basculement est pourtant inévitable. Sauf qu’on n’est pas en 1978 ou en 1979 mais en 2012. Pour en revenir au Covers EP, on comprend de plus en plus pourquoi Ceremony avait si brillamment – mais c’est vrai sans dévier de l’orthodoxie de base – repris le Holocaust de Crisis.
L’autre versant de Zoo c’est donc le garage mais de façon encore plus floue, distillée sur nombre de titres et ne dominant qu’à de très rares occasions – sur les couplets de Repeating The Circle et sur Community Service par exemple, deux exemples extrêmement flagrants. Il y a aussi le très swamp Hotel et ses minauderies enfumées. Seul cas à part, Video ressemble à du Pixies sous champignons. Il s’avère que post punk, garage et les quelques rares relents crust qui subsistent encore ici se marient très bien sur Zoo. L’écoute du disque est très fluide et ne marque presque aucune cassure nette entre plusieurs styles. Auparavant Ceremony arrivait à maitriser ces cassures en une identité qui lui était propre, le tout sans artificialité. Avec Zoo le groupe va bien plus loin – seule cassure notoire : celle entre Hotel et Ordinary People sur la deuxième face – et se paye le luxe de plus d’homogénéité de style et surtout de son (bonne production un peu gonflée mais pas suffisamment pour jouer la carte du racolage facile). On a alors le sentiment d’écouter un vrai groupe, très sérieux et qui a bien bossé dans son coin, alors que le côté naturel et brut du Ceremony d’avant manque à l’appel. Ce que l’on perd en excitation et en gaminerie on le gagne en maitrise et en lisibilité. Encore un effet pervers de la maturité ?

lundi 28 mai 2012

Report : Blackthread et Microfilm au Périscope - 24/05/2012





Jeudi 24 mai : retour au Périscope pour un concert programmé par les désormais incontournables Active Disorder. Les très attendus Microfilm sont à l’affiche et il y a déjà du monde qui attend à l’extérieur de la salle, les jours se suivent mais donc ne se ressemblent pas. Les organisateurs sont évidemment ravis alors qu’au passage le Périscope a sûrement fait quelques nouveaux émules et séduit quelques personnes puisque nombre de présents ce soir ne s’étaient encore jamais rendus dans cette salle, pourtant bien agréable et dont la programmation révèle toujours de bonnes surprises (pour mémoire : Katawumpus y jouera le 30 juin et à la mi-juillet se déroulera le Festival Expérience(s)*).
En attendant que tous ces nouveaux venus se fassent faire une carte de membre (l’indispensable plaie des lieux associatifs) j’écoute les échos de plus en plus favorables du tout premier concert qu’Alabaster a donné une semaine auparavant aux Capucins et je regrette encore plus de n’avoir pas pu y aller – il faut dire qu’Alabaster a un line-up de premier choix : deux ex Overmars au chant et à la guitare, un ancien Kiruna à la basse et un ex Geneva à la batterie, cela fait du beau monde alors vivement le prochain concert de ces jeunes gens.



La première partie de ce soir est assurée par Blackthread. Il ne fait pas beaucoup de concert (le précédent remonte déjà à six mois, en première partie de Tarwater au Sonic), il déclare qu’il déteste monter sur scène, il semble faire des efforts pour disparaitre dès qu’il y est effectivement mais ce jeune homme devrait avoir un peu plus confiance en lui. Un peu plus seulement mais pas trop car la fragilité et les vacillements de Blackthread sont aussi pour une bonne part dans l’identité de sa musique. Allez mon garçon, on se détend, on décapsule cette bouteille de bière récalcitrante et on joue.
Blackthread ce sont quelques boucles sensibles et délicates, un peu de basse très aérienne, un peu de synthétiseur, quelques effets, une pointe de mélodica ou de percussions électroniques et un chant à la limite du spoken words mais pourtant très incarné. Et c’est toujours aussi beau et émouvant. On remarque une certaine ampleur retrouvée – le son au Périscope est toujours très bon – mais qui n’altère pas le côté fugace, rêveur et sombre que l’on aime tant.
Une demi heure plus tard et c’est déjà fini. Et pas besoin d’en faire plus. On peut ouvrir les yeux si on les a fermés pendant tout le concert de Blackthread ou au contraire si on les avait gardés ouverts on peut les fermer pour faire durer le plaisir un petit peu plus longtemps. On attend aussi cet hypothétique deuxième album que Blackthread semble désormais décidé à enregistrer lorsqu’il aura trouvé un label ou un mécène. A bon entendeur…




Comme tout bon groupe de rock instrumental qui se respecte Microfilm a déployé un sacré bordel sur scène. Je ne m’amuse pas à compter le nombre de pédales de chaque guitariste et du bassiste mais le cœur y est. On remarque l’écran pour les projections vidéo et, plus étonnant encore, les amplis sur les côtés servent également de mini-écrans. Le tout semble commandé par un laptop placé sur le devant de la scène et un synthétiseur collé à la batterie complète le tableau. Avec Microfilm on peut donc espérer avoir du gros son et du bon spectacle.
Quelques bandes annonces sont diffusées en guise de préambule – La Planète Interdite, classique de chez classique des séries B de science fiction, le génial L’Homme Qui Rétrécit de Jack Arnold… – et lorsque les quatre musiciens arrivent enfin et commencent à jouer je comprends instantanément pourquoi souvent je hais les groupes de post rock ou de rock instru tout court : une partie du public s’est assise, visiblement très à l’aise comme à la maison et ces braves gens semblent bien décidés à assister à tout le concert dans cette position, comme une bande de vieux hippies répugnants ou des spectateurs lambda assurant leur devoir cultureux de la semaine.




C’était sans compter sur Microfilm et toute l’énergie du groupe. Deux guitaristes aux opposés de la scène qui rivalisent de riffs et d’arpèges et un bassiste un rien poseur (sûrement qu’il a du jouer dans un groupe de hardcore dans une vie antérieure). Après un titre seulement la partie du public qui était assise comprend qu’elle n’a pas d’autre choix que de se lever et surtout de se rapprocher de la scène. On est à un concert, bordel. Pas à la messe. Alors faut que ça vive.
Passé ce moment de frayeur bien compréhensible, Microfilm s’évertuera et réussira à nous emmener ailleurs. Je dois certes avouer que les débuts du concert ont été un rien appliqués, scolaires et un peu froids mais plus le groupe mouillera la chemise – au propre comme au figuré parce qu’il faisait très chaud dans la salle – plus il fera décoller sa musique et y mettra ce supplément d’âme nécessaire et suffisant pour faire vibrer les foules. En fond les extraits d’images de films s’enchainent, les dialogues tirés de ce mêmes extraits se mélangent donc avec la musique de Microfilm et je n’en reconnais pas la moitié (ah si quand même, Carnival Of Souls, un film référence à la fois pour Dario Argento et David Lynch, réédité par Le Chat Qui Fume) alors que peu à peu mon attention abandonne tout le côté visuel : la musique vit par elle-même tout en formant un tout avec les images, que l’on regarde sans regarder.
Car c’est bien à un concert que l’on assiste, ce sont bien quatre musiciens que l’on regarde et que l’on écoute et c’est bien la musique qui nous fait touche ainsi. Microfilm aura joué nombre de titres de son récent AFL 127 mais piochera également dans ses albums précédents. Evidemment on peut toujours avoir quelques regrets lorsqu’un groupe n’a pas joué le titre que l’on voulait entendre plus que tous les autres mais dans le cas de Microfilm cela n’a finalement eu aucune importance – l’important c’était l’instant présent, l’émotion entière et ce sentiment d’avoir passé un sacré bon moment

* au programme et en vrac : Kouma, Pneu, L’Ocelle Mare, Christine Abdelnour-Sehnaoui en duo avec Ryan Kernoa de Kourgane… on en reparle bientôt

dimanche 27 mai 2012

Comme à la télé : Big Black dans ta gueule





Je ne suis pas assez vieux pour connaitre quelqu’un qui a connu quelqu’un qui a connu quelqu’un qui (sans mentir) a vu un jour BIG BLACK en concert pour de vrai.

Mais heureusement qu’internet est là. Voici donc un concert complet du premier groupe de Steve Albini enregistré en 1987 (donc pas très longtemps avant le split de Big Black) à Seattle. Et le tracklisting qui fait carrément baver d’envie : Fists of Love, Bad Penny, Cables, Fish Fry, The Model, Deep Six, Dead Billy, Big Money, Kerosene et Jordan Minnesota






Pour info Shellac – qui comme chacun le sait est le nouveau groupe de Steve Albini depuis 1992 – est actuellement en tournée européenne. Pour les lyonnais qui n’ont jamais vu Shellac ainsi que pour les fans indécrottables du binoclard en chef signalons la date du mercredi 30 mai à l’Epicerie Moderne (la magnifique Helen Money plus un petit groupe de hippies hirsutes dont je préfère taire le nom assureront les deux premières parties de cette soirée). 

vendredi 25 mai 2012

Café Flesh / Lions Will No Longer Be kings





Si je voulais jouer la carte de la provocation et du pugilat avec une volonté certaine et ferme de botter les culs de tous les pisse-froids qui avaient trouvé le troisième album de Café Flesh – le pourtant excellent I Dumped My Wife, I Killed My Dog – banalement rock’n’roll et poussivement beuglard, je rajouterais avec plaisir une bonne couche dans l’exagération à propos de ce nouvel enregistrement du groupe. Or le fait est que Lions Will No Longer Be Kings, l’enregistrement en question, ne saurait se passer de louanges autrement exaltées mais effectivement sincères. A l’attention de celles et ceux qui n’aimaient pas Café Flesh avant on concédera uniquement qu’effectivement Lions Will No Longer Be Kings est le meilleur disque du groupe à ce jour.
On l’a déjà dit plus d’une fois mais on le répète à nouveau, avec encore plus de force si nécessaire : CAFE FLESH est également l’un des meilleurs groupes de noise punk du coin. Comprenez que si ces quatre garçons n’étaient pas banalement moustachus et charentais mais magnifiquement tatoués et originaires de Minneapolis (Etats Unis d’Amérique) ou même d’Atlanta (idem), on parlerait sûrement un peu plus de Café Flesh et de ce superbe Lions Will No Longer Be Kings.
Bien sûr je les entends déjà les frileux qui rétorqueront que sans les groupes du label Amrep ayant sévi pendant les glorieuses – pour certains – années 90, Café Flesh ne serait pas grand-chose voire même rien du tout. Et oui, cela est sûrement très vrai. Ecoutez-moi donc ce bon gros son de basse (Lions Will No Longer Be Kings a été enregistré par Miguel Constantino et la qualité est au rendez-vous), un son bien épais et bien gras au service de lignes qui placent efficacement les dix compositions en position d’attaque.
Lions Will No Longer Be Kings est ainsi un vrai bonheur, un parfait moment de jouissance rock’n’roll et déjantée servi par un groupe au mieux de sa forme. On a parlé du bassiste qui c’est vrai prend beaucoup de place mais qui ne saurait pourtant faire ombrage au guitariste – tout seul à ce poste depuis deux albums – et chez qui les idées fusent, ni à ce batteur intraitable qui frappe fort. Mais celui qui en quelque sorte se taille la part du lion c’est le chanteur. Egalement saxophoniste (et auteur d’un magnifique et très sensible album solo intitulé Palais Des Enfants), ce garçon a trouvé le moyen de passer la vitesse supérieure – apparemment et contre toute attente il en restait encore une – et de s’époumoner toujours plus comme un beau diable.
Il est également responsable de la coloration particulière de la musique de Café Flesh puisqu’il ne cesse de la pimenter de ses judicieuses interventions au saxophone (baryton, alto ou soprano) et offre ainsi un solide pendant à la crasse naturelle et humide du groupe. On retiendra de Lions Will No Longer Be Kings des titres tels que ce Black Crow qui démarre comme une valse puis se paie le luxe d’attendre un peu, de sous-entendre l’accélération et le durcissement avant de foncer effectivement dans le tas – voilà un bel exemple, finalement, d’un effort de composition certain. Plutôt à part Zoo Went Crazy est lui un titre plutôt calme, très roots, jazzy, baloche et enfumé mais qui délivre peut-être le secret du noise punk sauce Café Flesh : quoiqu’il arrive le groupe ne se relâche jamais du côté du blues, du boogie et de la tradition mais sans volonté réactionnaire ni obscurantiste. Café Flesh c’est à la fois de l’élixir d’éternelle jeunesse et de l’eau de feu et le groupe en a trouvé le dosage parfait – c’est du 50/50, évidemment.

Lions Will No Longer Be Kings est publié sous la forme d’un beau LP (accompagné d’un CD au livret rachitique) par les labels Head records, Furne records et Smalltones records.

jeudi 24 mai 2012

Turing Machine / What Is The Meaning Of What





Je vais essayer d’être gentil.

En dehors de toutes considérations « artistiques » – c'est-à-dire l’appréciation de la musique en elle-même – il semble bien que l’objectif majeur du music business soit désormais de faire chanter/jouer les morts. On est habitués maintenant aux politiques de rééditions de disques en version remasterisée/deluxe/etc (dernier exemple en date : les deux albums et une compilation de EPs de My Bloody Valentine), rééditions toujours meilleures et plus indispensables que les précédentes, cela va de soit. On est également habitués aux reformations de groupes tous plus ringards les uns que les autres il n’y a encore pas si longtemps que cela. Ces pratiques pointant directement sur la nostalgie sont monnaie courante aussi bien chez les majors que chez les indépendants. Mais il y a encore une autre façon de procéder : celle qui consiste à terminer puis publier un disque sur lequel joue un musicien disparu. Un disque posthume donc. Pas un enregistrement testamentaire pour mettre un point final à l’histoire, tourner la page et se laver les mains. Non : un enregistrement soi-disant pour l’avenir.
What Is The Meaning Of What des américains de Turing Machine est de ceux-là.  Turing Machine était un groupe composé de Justin Chearno et Scott DeSimon, deux anciens Pitchblende – groupe noisy/arty des 90’s à redécouvrir absolument, trois excellents albums au compteur – ainsi que du batteur Gerard Fuchs (également dans !!! et Maserati). On connait l’histoire : Gerard est mort dans un stupide accident d’ascenseur le 8 novembre 2009 à presque 35 ans. On connait également l’histoire de Maserati qui a terminé son album Pyramid Of The Sun dont l’enregistrement avait débuté avant la mort de Fuchs. Les pistes du batteur préalablement enregistrées ont été incluses sur l’album, quelques pistes manquantes ont été rajoutées par des batteurs invités et Maserati a enfin publié son quatrième album en 2010 avant de repartir en tournée, jusqu’en Europe.
On assiste avec Turing Machine et What Is The Meaning Of What à quasiment la même chose. Turing Machine a toujours été un groupe assez lent – quatre années séparent le premier album A New Machine for Living (2000) du deuxième, le génial Zwei (2004) – et Justin Chearno, Scott DeSimon et Gerard Fuchs se sont retrouvés en 2008 seulement pour donner une suite à leurs enregistrements. On peut comprendre que les deux musiciens survivants aient voulu terminer ce disque, ne serait-ce que par amitié, pour la beauté du geste, comme un hommage…
Là où on comprend beaucoup moins c’est qu’à l’écoute de What Is The Meaning Of What la déception est de taille. On ne reconnait tout simplement pas Turing Machine. Zwei avait été un disque merveilleux, mariant folie math rock et psychédélisme kraut à la perfection. Guitare tour à tour voltigeuse et noise, basse inventive et extrêmement présente, batterie à l’avenant. Un modèle du genre, encore inégalé. What Is The Meaning Of What c’est à peu près tout l’inverse c'est-à-dire une collection de poncifs musicaux qui font fureur du côté des groupes instrumentaux soi-disant expérimentaux. Yeah, C’Mon ! pourrait être du Trans Am ultra robotique (son intro pourrait elle être du Marvin), Lazy Afternoon Of The Jaguar est carrément un pompage de Maserati époque Inventions For The New Season… Et on se demande bien où est passé le jeu de batterie de Jerry Fuchs et pourquoi le reste de Turing Machine s’est senti obligé d’engager des batteurs remplaçants : on entend quasiment systématiquement tout le temps une batterie ultra métronomique voire une grosse caisse marquant chaque temps de chaque mesure (Slave Of The Algorithm et What Is The Meaning Of What, tout simplement stupides et vains). Autant se servir d’une boite à rythmes. Dans le même genre d’idée on part à la recherche des lignes de basse virevoltantes d’antan : lorsqu’on arrive à discerner à peu près cet instrument c’est pour s’apercevoir qu’il se contente d’assurer un groove funk aussi éculé que racoleur. Par contre les couches de synthés en base rythmique sont bel et bien là. Quant à Sex Ghost et It’s Gone (It’s On) avec Brian Case de Disappears en guest, on n’y entend que des assemblages de boucles formatées à l’ordinateur. La belle affaire.
Tout ça pour ça ? Et bien oui. What Is The Meaning Of What pourra certainement ravir les jeunes gens branchés et les vieux hipsters avides d’electro rock à la DFA/LCD Sound System mais il ne fait clairement pas honneur au passé de Turing Machine pas plus qu’il rend hommage à la mémoire de Gerard Fuchs. On ne remercie pas Temporary Residence d’avoir publié un tel disque, même si celui-ci redonne furieusement envie de se replonger dans les sinuosités psychédéliques de Zwei.

mercredi 23 mai 2012

STAER / self titled





STAER est la très grosse surprise/découverte de ce début d’année 2012. Le trio norvégien est même pas très loin de décrocher avec ce tout premier album sans titre la palme du groupe et du disque de l’année. Découvert à l’occasion d’un concert en compagnie de Child Abuse STAER s’inscrit tout à fait dans une certaine logique de destruction/reconstruction propre aux groupes norvégiens marquants voire incontournables de ces dix dernières années (dans le désordre : Noxagt, MoHa! et Ultralyd). A l’image de celle de ses illustres prédécesseurs, la musique de STAER est lourde, massive mais ardente, précise et extrêmement réglée mais complètement folle, imaginative et implacable.
En concert on se focalise beaucoup sur le batteur de STAER – un garçon réellement impressionnant – qui par son jeu tournoyant insuffle une dynamique cyclique au trio, agit comme par un effet de tectonique des plaques qu’il projette les unes contre les autres avec des conséquences éprouvantes et démoniaques, un immense chaos. Il semble ainsi donner la parole au guitariste et au bassiste, orchestrant leurs déflagrations respectives. Ces premières impressions ressortent renforcées après plusieurs écoutes de cet album sans titre : la musique de STAER est une architecture monstrueuse, un système d’entrelacs psychotiques, une succession de mécanismes apparemment déréglés, un bouillonnement incessant, un magma permanant, un trou noir cosmique. Et au milieu, ce batteur.
Mais ce que révèle également et encore plus ce disque c’est tout le travail du guitariste et du bassiste. Et il serait terriblement injuste de les mettre au second plan. Les six compositions présentes ici rééquilibrent parfaitement les positions de chacun – sans doute un effet de l’enregistrement car bien que la prise de son soit en direct live le rendu est très bon, à la fois rugueux et lisible. On avait déjà remarqué le guitariste : il s’avère que le son de son instrument est plus percutant que jamais, très noise mais toujours très inventif, presque constamment trafiqué mais très organique, un son brûlant comme de la lave. On peut tirer les mêmes conclusions avec le bassiste. Sauf qu’un bassiste qui n’est pas qu’un simple faire-valoir rythmique et fait preuve de tant d’inventivité destructrice et de présence c’est beaucoup plus rare qu’un guitariste qui sort des sentiers battus.
Une guitare, une basse et une batterie : STAER est vraiment un power trio de première catégorie. Sa musique entre noise, tribalisme, psychédélisme cannibale et attaques bruitistes est l’une des plus passionnantes et enivrantes du moment. Décidemment la Norvège est un pays à part.

Ce disque incontournable est publié par Gaffer records dont il constitue l’une des meilleures sorties à ce jour. L’autre bonne nouvelle c’est que STAER sera de retour à l’automne prochain, une nouvelle chance de voir le groupe en concert si jamais vous l’avez raté lors de sa tournée d’avril dernier. Ainsi STAER sera à l’affiche de la troisième édition du Festival Gaffer qui se déroulera à Lyon les 11, 12 et 13 octobre 2012. On en bave d’avance.

mardi 22 mai 2012

Homostupids/ Strawberry Orange Peach Banana





Le retour d’un groupe doté d’un des noms les plus géniaux et les plus excitants que je connaisse : les Homostupids. Sauf qu’à nouveau j’ai encore et toujours un avion train de retard au sujet de ce groupe de Cleveland puisque Strawberry Orange Peach Banana a été publié il y a déjà une bonne année maintenant sur Fashionable Idiots.
Digne successeur de The Load publié lui en 2009 chez Load records (cela ne s’invente pas), Strawberry Orange Peach Banana n’est qu’un mini album de neuf titres. Une courte démonstration du punk lo-fi et arty des Homostupids, lesquels se donnent vraiment du mal pour avoir l’air de vrais branleurs – mais la posture n’est en rien agaçante, elle est juste joyeusement inutile. Ah oui, j’en vois des sceptiques ou même des jaloux qui rigolent et bavardent dans le fond mais tout ça est pourtant bien vrai : les Homostupids déploient des trésors d’intelligence pour pouvoir être pris pour des imbéciles et ça marche très bien. Mine de rien ce n’est pas donné à tout le monde.
Les titres ne dépassent presque jamais les deux minutes et on tourne même très souvent autour de la minute nécessaire et suffisante pour dire tout ce qu’on a à dire (c'est-à-dire rien du tout du tout). L’anti prog et l’anti démonstration par excellence. La touche arty réglementaire mais pas rédhibitoire est elle assurée par un discret violoncelle sur Wildman ou les voix d’enfants sur Sea Wolfmann – oui, moi aussi j’ai remarqué que ces neuf plages ont toutes des titres en quelque chose-man. Sûrement un concept débile que je ne comprendrai jamais. Tant pis pour moi.
Pour le reste on a affaire à du punk terriblement mal enregistré (les voix saturent quasiment systématiquement) mais bien plus finaud qu’il n’en a l’air au départ, telle cette intro très new-yorkaise et la guitare noisy de Noseman. Mais le meilleur titre de Strawberry Orange Peach Banana est bien le génial Cannon Foddermann qui clôture la première face de ce disque : en ouverture un riff de guitare chargée d’une nonchalance qui fait terriblement penser à The Fall via les sursauts déséquilibrés des défunts Country Teasers. Je ne pouvais pas trouver plus grand compliment pour ces jeunes gens qui s’en foutent très certainement par ailleurs.

Strawberry Orange Peach Banana a été enregistré fin 2010 et publié en 2011 par Fashionable Idiots. Aux dernières nouvelles ce vinyle 12’ est encore très largement disponible. Et on ne parlera pas du nouveau EP des Homostupids publié lui en 2012 avant l’année 2013 (si tout ce passe comme prévu).

lundi 21 mai 2012

Report : OK au Périscope - 16/05/2012



Pitoyable. C’est à peu près l’effet que je me suis fait lorsque je me suis retrouvé en voiture de l’autre côté de l’échangeur de Perrache, en direction des quais de Saône, comme si je me rendais à un concert au Sonic. J’aurais mieux fait de prendre mon vélo, moyen de locomotion parfaitement irresponsable puisqu’il permet de penser tout le temps à tout autre chose et certainement pas à l’endroit où on doit se rendre ni à l’itinéraire que l’on est censé emprunter pour y parvenir.
Bon. Demi-tour et rebelote sous l’échangeur de Perrache (une merveille 70’s de conception urbaine et routière), embouteillages, piétons déjà bourrés qui veulent se suicider juste au moment où je passe devant eux, un crochet du coté de la place Carnot – la chose à ne pas faire à Lyon le soir – et enfin arrivée au Périscope.
Il est pas loin de 22 heures et je suis persuadé d’avoir raté quelque chose. Mais non, la salle est presque vide, les organisateurs attendent encore qu’un peu de monde rapplique parce qu’un concert sans public c’est toujours un peu triste. Ce soir cela ne va pas se bousculer au portillon, les gens sont allés s’amuser ailleurs ou sont déjà partis en week-end de quatre jours dans la maison des grands-parents à la campagne. Moi aussi je vais partir à la campagne. Mais plus tard.




Plus tard parce que cela fait trois semaines que je n’ai pas assisté à un seul concert et qu’en plus le groupe qui joue ce soir au Périscope n’est autre que OK, groupe dont le deuxième EP Wet a ensoleillé ce printemps 2012. Pour rien au monde je n’aurais voulu louper ça, d’autant plus que jusqu’ici j’ai toujours joué de malchance avec le trio et raté tous nos précédents rendez-vous.
Il est vrai que le pari parait plutôt risqué : après une diète de trois semaines assister à un concert de pop n’est peut être pas une bonne idée. Neuf fois sur dix les groupes popeux un rien sophistiqués m’ennuient sur scène, même lorsqu’ils m’ont préalablement ravi sur disque. Un certain désarroi face à l’impression d’être confronté à des chanteurs et des musiciens au charisme d’huîtres mais beaucoup trop persuadés qu’ils ont des choses intéressantes à dire. Oui… et alors ? Alors rien ne peut remplacer la spontanéité d’un live et de ce point de vue là celles et ceux qui agissent comme de sages interprètes gentiment scrupuleux me fatiguent. Il n’y a rien de tel que les erreurs surprises en musique. Il n’y a rien de tel que la sueur aussi. Au moins ça sent la vie.




Je récupère à l’entrée de la salle mon ticket gagnant et alors que les trois musiciens d’OK montent enfin sur scène une partie du maigre public en profite pour avancer les fauteuils placés sur les côtés de la salle et quelques uns s’installent confortablement comme dans leur salon. J’avoue qu’à ce moment là j’ai failli tourner les talons et fuir en courant.
La configuration d’OK est vraiment inhabituelle. Au milieu un chanteur/guitariste barbu et à la voix aigue et nasillarde. A droite un batteur (qui jouera une pointe de guitare sur le premier titre) souffrant terriblement du dos et dont la présence n’est due qu’à une absorption généreuse d’anti-inflammatoires, antalgiques et autres décontractants. A gauche un deuxième batteur qui joue également du clavier et de quelques autres instruments/objets bizarres – batteur que je connais déjà, ce n’est autre que le big boss de Carton records et le batteur d’IRèNE, excellent groupe vu il n’y a pas si longtemps que cela au même endroit. Deux batteurs dans un groupe de pop, fut-il un groupe de pop bancale et subtilement décalée ? Vous allez me dire : Hazam Modoff tu te fous de notre gueule !

Mais non, pas du tout.



On aura compris que l’un de ces deux batteurs est davantage rythmique et que l’autre sert plutôt de trublion et de complément mélodique puisqu’il ne fait pas que jouer de la batterie. Cela permet à OK d’élargir sa palette sonore et cette configuration possède deux avantages, avantages qui ressortent encore plus avec l’expérience du concert : premièrement lorsque les deux batteurs jouent en même temps on peut dire que OK envoie du bon gros grain – voilà enfin un groupe de pop qui pulse et sait mouiller sa chemise ; deuxièmement la musique d’OK fourmille de détails, complémentarité fine et jeu de questions/réponses entre les deux batteurs d’un certain côté et multiplications des arrangements de l’autre.
Ainsi encadré, le chanteur/guitariste en chef fait plus que jamais figure de pièce centrale de la mécanique OK. Mais ce qu’il y a de vraiment bien c’est que cette mécanique, huilée et précise, élégante et fine, racée et nerveuse, est réellement une mécanique humaine. Le concert est très dynamique – bien sûr les chansons plus mélancoliques telles que The Right Way virent au poignant mais sans aucune emphase –, un concert servi par un son précis et volumineux, mettant la voix en avant (pop oblige…) et OK se révèle également être un bon groupe de rock dans son acceptation la plus simple qui soit, avec parfois une touche noisy due notamment au son de guitare très convaincant.
Ce concert aura également permis d’éclairer sous un jour nouveau les compositions des deux EPs déjà enregistrés par OK. Plus le concert avançait et plus les hits s’enchainaient, sans discontinuité ni baisse de régime. OK est un groupe qui peut s’enorgueillir d’avoir composé un répertoire de qualité, riche en émotions et en sensations, un répertoire où chaque chanson trouve sa juste place et possède sa propre valeur.




Pitoyable… Pour la seconde fois de la soirée ce mot m’est revenu à l’esprit. Un concert pour happy fews – enthousiastes c’est vrai – c’est peut être très agréable à vivre en tant que public mais honnêtement OK mérite beaucoup mieux. OK mérite un vrai public, des salles remplies, plus d’échos favorables car le trio possède quelque chose de rare que même les mots de classe et de talent ne sauraient résumer. Alors la prochaine fois que les trois garçons d’OK passeront en concert près de chez vous, ne le ratez surtout pas.

dimanche 20 mai 2012

Comme à la télé : Will Guthrie bricole dans son hangar






Une vidéo assez courte mais intense de Will Guthrie en pleine action, tout seul avec sa batterie et son attirail, au milieu d’un hangar. Un batteur réellement impressionnant et imaginatif, s’amusant à tordre le cou des poncifs récurrents dès que l’on parle performance solo et de musique improvisée.




A ce propos, on n’a toujours par parlé ici de Sticks, Stones and Breaking Bones l’album solo que Will Guthrie a récemment publié sur Antboy Music, Les Pouricords, Electric Junk et Gaffer records. Mais, promis, cela ne serait trop tarder…

samedi 19 mai 2012

Nadja / Excision





Excision n’est en aucun cas un nouvel album de Nadja mais une compilation. Un double CD regroupant des titres déjà parus entre les années 2007 et 2009, sur différents supports, souvent à des tirages extrêmement limités et sur des labels que personne ne connait ou presque. Dans l’ordre Excision redonne à entendre un titre issu du 12’ Trinitarian paru en 2007 sur Important records, un titre de Trinity ainsi qu’un autre d’un split 12’avec 5/5/2000 (tous deux datent de 2008), le Magma To Ice publié en 2008 par Fario, deux versions alternatives de Autosomal tiré de l’album Bodycage (2005) – mais ces deux versions proviennent de l’édition en double LP de Bodycage publiée en 2007 par Equation records –, un titre du split avec Kodiak publié en 2009 par Denovali records et enfin Clinging To The Edge Of the Sky (2009, chez Vendetta records et Adagio 830). En tout huit titres pour se refaire une cure de Nadja. Cela faisait bien longtemps.
Le point vraiment intéressant est que Excision correspond exactement à la période pendant laquelle le groupe d’Aidan Baker et de Leah Buckareff a subrepticement atteint son apogée puis a inexorablement mais sûrement basculé dans le moins en moins bon. En 2007 Nadja avait en effet déjà aligné pas moins de huit albums dont pas un n’est à jeter pour les admirateurs du groupe – juste pour se faire plaisir et dans l’ordre : Touched, Corrasion, Skin Turn To Glass, Bodycage, Truth Become Death, Bliss Torn From Emptiness, Thaumogenesis et Radiance Of Shadows. Nadja n’a ensuite jamais fait mieux que ces huit albums, lesquels font en ce moment même ou vont faire l’objet de jolies rééditions en CD via Broken Spine, le propre label d’Aidan Baiker (Bodycage l’est déjà depuis quelques mois, Thaumogenesis vient juste de l’être, à suivre donc…).
Que Aidan Baker/Nadja pense avant tout à rééditer une énième fois ses anciens enregistrements ou lieu d’en publier de nouveaux est presque un aveu : le duo canadien n’est plus ce qu’il a été et Excision en est une nouvelle démonstration, démarrant par du très bon et du très typique de Nadja – couches de guitares surenveloppantes voire qui ensevelissent tout, rythmiques pachydermiques, brouillards de saturation, mélancolie métallique – puis se délitant au fur et à mesure d’enregistrements de moins en moins intéressants. Le deuxième disque fait presque figure de remplissage avec ses plages instrumentales et bruitistes qui mises bout à bout frôlent le gavage et l’overdose (les deux versions alternatives de Autosomal sont même pas très loin d’être parfaitement inutiles). Par contre on remarquera que la contribution de Nadja au LP et demi Primitive North en compagnie des affreux A Storm Of Light n’a pas été incluse dans Excision alors qu’elle tombe pile-poil au milieu de la période étudiée (début 2009). Dommage.

C’est Important records qui est responsable de la parution d’Excision et que le label en soit remercié puisque nombre de ces titres étaient désormais devenus complètement introuvables. Rappelons également qu’Important n’en est pas à son coup d’essai puisque le label avait déjà réédité des raretés d’Aidan Baker en solo, également sur un double CD, I Wish Too, To Be Absorbed, en 2010.

vendredi 18 mai 2012

Aerôflôt / Santa Muerte






Il y a un peu plus d’un an, lors de la troisième édition du Fuckfest, Aerôflôt avait récolté un méchant vent parfumé à la merde, n’arrivant pas à dérider les sphincters rétrécis et mal embouchés d’un public parisien et breton volontairement et odieusement partisan. Heureusement pour le groupe bordelais il y a au moins deux personnes dans le public qui ce soir là avaient aimé la prestation d’Aerôflôt : moi et – beaucoup plus important – le boss et directeur artistique du label Head records.
Trois ans après Disco Negro Aerôflôt publie donc Santa Muerte, son deuxième véritable album et le premier (vous l’aurez compris) sur Head records, en version CD uniquement mais un CD comme on les aime c'est-à-dire chouettement emballé dans une pochette entièrement cartonnée, gatefold et agrémentée d’un bel artwork (signé Skal*). Aerôflôt sait soigner ses visuels, voilà un groupe d’esthètes qui de ce côté-là n’en rajoutent pas non plus. Une affirmation certaine de leurs goûts et une façon assez subtile et discrète de se démarquer et d’afficher leurs différences.
Je ne m’appesantis pas sur l’artwork et la présentation de Santa Muerte uniquement pour le plaisir – des disques géniaux avec des artworks moches ça existe aussi** – mais bien parce que la musique d’AERÔFLÔT est aussi l’une des plus vivifiantes et originales qu’il m’ait été donné d’écouter ces derniers temps. La formation du groupe est certes du genre atypique puisque comprenant un guitariste/chanteur, un joueur de synthé (un Korg je crois) qui chante un peu aussi, un deuxième joueur de synthé et un batteur (que l’on connait également pour avoir intégré le line-up de Year Of No Light en tant que second batteur). La musique d’Aerôflôt pourrait surprendre à cause de la représentation importante des synthétiseurs or il n’en est rien : tandis que l’un assure sa part dans les rythmiques en tenant finalement le rôle d’une basse, l’autre assure les mélodies – jamais écœurantes – ou les trouble-fêtes lorsque c’est plutôt la guitare qui occupe le premier plan.
Beaucoup plus fort, Aerôflôt se passe de toute dichotomie guitare/synthés – et les deux instruments finissent pas être non seulement complémentaires mais surtout parfaitement indissociables. Il n’y a pas le synthé d’un côté et la guitare de l’autre comme chez de trop nombreux groupes. L’attitude parfaitement décomplexée par rapport aux synthétiseurs c’est donc bien chez Aerôflôt qu’on la trouve tant le groupe arrive à jouer une musique aussi compacte qu’inventive, pensée qu’immédiate. Parce que les compositions sont l’énorme point fort d’Aerôflôt, des compositions en juste équilibre entre accroches mélodiques et ruades noise. Vous aurez beau chercher, vous ne  trouverez pas non plus ici de quelconques relents de ce prog 70’s qui infeste actuellement les musiques dites imaginatives et à la pointe du bon goût ; vous ne trouverez que de multiples références au post punk, celui qui est né vers la fin des années 70 dans le sillage du kraut et qui peu de temps après (au début des années 80) s’est malheureusement brutalement cassé les dents sur un mur de mièvrerie insupportable et racoleuse.
Santa Muerte est un album beaucoup moins jovial et beaucoup plus sombre que son prédécesseur. C’est surtout un disque encore plus réussi parce que plus abouti et si les quatre petits gars d’Aerôflôt tempèrent (très relativement) leurs ardeurs de jeunes chiens fous, c’est pour mieux nous toucher, nous troubler et nous émouvoir. Sur Santa Muerte les hits fracassants tels que Me Siento Mal et Master ou simplement new wave – on dirait presque Ian McCulloch qui chante sur God Is Satan – succèdent aux titres plus aventureux (Dance Of The Dead) mais Aerôflôt est encore meilleur lorsque le groupe navigue entre clair-obscur et éther – Last Blow et surtout People, dernier titre en forme d’au-revoir chargé de mélancolie.

[Santa Muerte est dispo auprès de Head records]

* dont je ne connais rien d’autre et pour qui je n’ai malheureusement pas trouvé de site internet mais j’aurais bien aimé
** le Counterclockwork de Xaddax par exemple, quelle pochette dégueulasse

jeudi 17 mai 2012

Q / self titled





Q est un trio dans lequel on retrouve Julien Desprez (DDJ, IRèNE, Linnake, etc) à la guitare électrique. A ses côtés il y a Fanny Lasfargues à la basse ainsi que Sylvain Darrifourcq à la batterie. Et il n’est pas faux d’affirmer que cet album sans titre – le premier disque de Q me semble-t-il – est un disque de guitares. Il n’y a pratiquement que ça, de partout et tout le temps. Normal me direz-vous, puisque toutes les compositions sont signées du seul Julien Desprez : c’est lui le seul maitre à bord, ou presque. Ou presque parce que les deux autres sont tout de même crédités aux arrangements – on imagine très bien les discussions lors des répétitions – et surtout parce que Q est une sorte de power trio instrumental naviguant entre rock, jazz et pourquoi pas prog. Or qui dit power trio dit forcément une vraie section rythmique qui emballe sec et ne se contente pas de faire de la figuration ou d’assurer le service minimum.
Là où Q surprend, c’est quand le groupe ne se contente pas non plus d’être un groupe de free rock – quelque chose entre Massacre (le groupe de Fred Frith, Bill Laswell et Fred Maher) et Last Exit (Peter Brötzmann, Sonny Sharrock, encore Bill Laswell et Ronald Shannon Jackson) – mais propose, malgré une saine et légitime passion pour la fée électricité, une musique plus coulante, plus groove et à l’occasion plus atmosphérique. Attention : Q provoque bien des étincelles mais toujours sur un fond d’élasticité rythmique, une presque nonchalance qui tire les envies supersoniques du trio vers des territoires plus lysergiques et hallucinés – on peut affirmer que Q ne manque pas d’air (aujourd’hui c’est l’école du rire).
La guitare pourra bien déployer des trésors de frontalité, de dissonances et de larsens, il y aura toujours derrière cette rythmique sur coussins d’air – que l’on ne se méprenne pas, on ne parle absolument pas ici de mollesse –, comme un ascenseur caoutchouteux vers le firmament. Cette caractéristique on pourrait peut-être l’expliquer par le jeu du batteur mais surtout parce que la basse est une basse acoustique, un instrument qui précisément possède une rondeur souple et vibrante qu’une basse électrique, elle, ne saurait restituer. Alors, Q est-il un groupe psychédélique ? D’un certain côté oui, tout à fait, mais on parle de ce psychédélisme qui commence à s’étirer, à se dégourdir les papattes et à lorgner du côté du progressif sans pour autant tomber dans les affres et les pièges de la démonstration.
Car tout ici est question d’instincts et d’ambiances, des ambiances plutôt contrastées où le son de la guitare éclate perpétuellement, entre décharges électriques et typographie rêveuse. Plus on écoute cet album sans titre de Q et plus on en découvre… Ce qui permet à chaque fois de se focaliser sur tel passage plutôt que sur tel autre. On ne peut rien demander d’autre à un disque de musique instrumentale et en cela celui de Q se rapproche de l’idiome jazz : simplement nous emmener ailleurs sans nous perdre au passage, pour mieux nous ébouriffer et nous faire rêver. Mission accomplie.

Ce disque est publié par Rude awakening, un label dont le catalogue abrite bien d’autres belles et bonnes choses.

mercredi 16 mai 2012

Crash Taste / Le Tigre A 5 Pattes





Un Tigre A 5 Pattes ? Et pourquoi pas. En tous les cas l’artwork signé Tanxxx ne nous laisse guère le choix : ce tigre là est prêt à nous bondir dessus, griffes et crocs en avant. Crash Taste est un groupe originaire du côté de Poitiers (France) et pour la petite histoire il comprend dans ses rangs un ancien Seven Hate – une référence que ni dira quelque chose qu’aux vieux de la vieille et qu’aux amateurs de punk rock mélo, genre honni entre tous et c’est peu dire.
Mais la précision a une certaine importance parce que les mélodies bien marquées, c’est un peu le cheval de bataille de Crash Taste qui en fout de partout mais qui le fait bien, dans une veine émo à la Washington DC c'est-à-dire avec cette force d’insistance faussement tranquille mais déterminée. Washington DC et toute la clique Dischord records (le troisième titre s’intitule Hoover…) ce sont donc les premières choses auxquelles on pense à l’écoute de ce Tigre A 5 Pattes un rien austère et appliqué.
S’il y a quelque chose que par contre on regrette c’est le chant. L’accent angliche n’est pas la question – moi aussi je speak easy – mais lorsque le guitariste également chargé de la voix essaie de passer en force, de montrer ses poils et ses muscles, on frise la catastrophe de très près. Oh rien de grave mais cela peut gâcher tout le plaisir comme ces « ho ho ho » indéterminés à la fin de Hoover, titre qui sans cela remporterait haut la main la palme du meilleur titre de cet album. Le groupe en est sûrement conscient car nombre de compositions du Tigre A 5 Pattes sont instrumentales et d’une manière générale le chant est assez lapidaire (toujours sur Hoover, il n’intervient que dans la dernière minute).
En fait plus le chant est monotone et plus la musique de Crash Taste prend du relief, notamment ce beau travail sur les guitares qui s’en donnent à cœur joie. Mais ce chant, en dépit de tous ses défauts, reste une nécessité : malheureusement, lorsqu’il est totalement absent, le temps semble s’allonger et ce malgré quelles coquetteries comme l’inclusion de cuivres (épiçant à propos Panty Hose et l’instrumental Le Tigre A 5 Pattes, moins convaincant avec son groove chaloupé). On peut regretter que Crash Taste se retrouve ainsi le cul entre deux chaises, dépendant d’un chant qu’il n’arrive pas encore à maîtriser. Mais il y a suffisamment de bonne choses dans Le Tigre A 5 Pattes – le très bon Two Left Hands par exemple – pour que l’on s’y arrête. On attend donc la suite.

Le Tigre A 5 Pattes a été publié par Sicksack records. Crash Taste peut être contacté à l’adresse suivante : crashtaste[at]gmail[point]com.

mardi 15 mai 2012

Eyes Behind / La Déclinaison





Lorsque un « disque » débarque virtuellement dans les locaux de 666rpm avec à la clef une demande de chronique, la réaction du responsable en chef du politburo éditorial est presque toujours la même, inévitable et injuste : les mp3 envoyés sont tout simplement jetés à la poubelle. Tout au plus une mini séance d’écoute est-elle consacrée à ce qui ne pourra se révéler être, on en est d’avance assurés, qu’un disque pourri de plus parmi tant d’autres. Shit happens.
Dans le cas de celui de Eyes Behind la proposition était même encore plus floue et incertaine : un seul titre en écoute et si ça te plait mon gars tu pourras ensuite toujours perdre ton temps à télécharger tout le reste du disque. Je déteste faire des efforts mais précisément après avoir écouté I Stumble, l’intégralité de La Déclinaison a atterri dans la machine à musique pour en occuper durablement les premières places. Je n’ai jamais pu résister à ce genre de titre instrumental réactualisant avec succès ce bon vieux kraut rock enflammé et groovy. Seulement voilà, Eyes Behind n’est pas qu’un groupe lorgnant du bon côté des musiques expérimentales des années 70 et La Déclinaison est une mine de bonnes surprises.
Déjà il y a du chant chez Eyes Behind, un chant féminin (assuré par la guitariste), omniprésent et très bon. Le côté instrumental de I Strumble n’est donc qu’un one shot. Et Eyes Behind de revisiter toujours avec réussite quelques musiques du siècle dernier : Slumberland est un petit bijou electro cold décharné à la Kas Product, She une très belle chanson velvetienne tirant sur le shoegaze, Scissere un déferlement noise entre gothique et no wave, Omonia réaffirme une certaine prédominance électro et précieuse, Winter Walk est une chanson noisy pop dont les harmonies vocales font penser à Electrelane et, enfin, I Stumble est ce magnifique titre kraut instrumental que l’on a déjà décrit.
Eyes Behind est très certainement un groupe dans l’air du temps – air du temps qui consiste à piller le passé et à se le réapproprier pour le meilleur comme pour le pire. Or dans le cas d’Eyes Behind on est résolument dans le meilleur : les compositions, malgré la grande variété proposée, possèdent le même niveau d’achèvement et de réussite certaine, tranchant nettement avec tout ce que Eyes Behind a pu enregistrer auparavant. La teneur générale est bien sûr aux sensations réfrigérées et à la glaciation des atmosphères, entre cold wave, synthèse berlinoise et noise new yorkaise, c'est-à-dire un programme de choix qui n’est pas sans rappeler celui de Talk Normal.

Tout le reste je ne l’ai appris qu’après avoir maintes fois écouté La Déclinaison. Le reste c’est que Eyes Behind est un trio avec deux filles (l’une est donc chanteuse et guitariste, l’autre est batteuse) et un garçon (bassiste, échappé de Cheveu et arrivé sur la tard dans le groupe après le départ de la bassiste originelle). Je peux également vous dire que ce même bassiste a mixé La Déclinaison préalablement enregistré au studio Mains d’Œuvre tout comme l’avait déjà été le premier album sans titre de Eyes Behind publié en 2011. Un album que l’on peut en partie écouter sur la page bandcamp de Heia Sun et que j’aime nettement moins. En ce qui concerne La Déclinaison, le disque a été publié en vinyle uniquement et à 300 exemplaires par Jeet Kune records.

lundi 14 mai 2012

Xaddax / Counterclockwork





XADDAX. Soit la (ré)union de Nick Sakes à la guitare et au chant et de Chrissy Rossettie à la batterie, à la bidouille électronique et à la voix également. Cela fait déjà quelques mois maintenant que tournent des informations parcellaires au sujet de ce duo basé à Brooklyn/New-York – la vidéo cheapos/gonzo/recyclage de Lives On Nerves par exemple ou des extraits jetés en pâture sur le soundcloud du groupe – et l’excitation est rapidement mais réellement parvenue à son comble. Pensez-donc : Xaddax est le nouveau groupe de Nick Sakes, c'est-à-dire l’homme des Dazzling Killmen, de Colossamite et de Sicbay !
Mais cette excitation a un autre motif : l’annonce de la parution de Counterclockwork, le tout premier album de Xaddax et chez Skingraft s’il vous plait (le label sur lequel Nick Sakes a publié il y a une éternité les disques de ses deux premiers groupes). Un album de dix titres pressé en vinyle avec une couleur dégueulasse ou en CD incolore et inodore. Dix titres qui de Lives On Nerves à Stark Terms vous arrachent du sol et vous entrainent dans une tornade terrible et incessante de riffs hachés, de rythmes tribaux et concassés, de voix hurlées et de touches électroniques inquiétantes. Disons-le clairement Xaddax c’est en quelque sorte le retour du noise rock des années 90 dans sa version la plus dure, la plus intransigeante mais aussi la plus flamboyante et de très loin la plus classieuse.
Mais c’est un retour effectué par l’un de ses principaux acteurs d’il y a plus de quinze ans et ça, c’est encore mieux. Le plaisir de retrouver le son de guitare de Nick Sakes, sa voix, ses compositions, sa rage et sa hargne sont sans commune mesure. Non seulement parce que tout cela nous manquait terriblement mais surtout parce que, sans trop y réfléchir davantage, on n’a jamais rien préféré d’autre – oui, y compris le son plus sec et décharné des groupes influencé par Chicago et Touch And Go, ou celui, plus gras et plus sale, des groupes plutôt dans la mouvance d’Amrep, toutes ces choses que l’on apprécie pourtant également beaucoup. La musique de Nick Sakes est au dessus de tout cela et Counterclockwork en est la preuve irréfutable. S’il existe réellement des musiques irremplaçables, insurmontables, indépassables alors celle de Xaddax, même si elle n’atteint pas le niveau d’excellence pure de certains projets antérieurs de Nick Sakes, en fait malgré tout partie car elle en est la digne héritière et l’imparable continuité.
On a déjà décrit plus haut Xaddax comme un duo. L’autre moitié de Xaddax est la batteuse Chrissy Rossettie et précisons que Nick Sakes est monsieur Rossettie à la ville. Xaddax est donc également un couple. Je me demande très sérieusement si ce n’est pas l’énergie et la volonté de cette femme de caractère qui ont réussi à convaincre Nick Sakes de remonter un groupe, de refaire de la musique et de nous faire chavirer à nouveau. Il y a des mercis qui peuvent paraitre dérisoires et qui ne servent pas à grand chose tant ils semblent en dessous de la reconnaissance que l’on souhaiterait exprimer. Mais merci quand même. Beaucoup.

dimanche 13 mai 2012

Bientôt John Peel au musée de Madame Tussaud





C’est dimanche et on s’emmerde. Alors autant aller faire un petit tour du côté de ce site très rigolo et très interactif – mais encore partiellement en construction, notamment du côté de la discothèque – grâce auquel on peut réécouter certaines John Peel Sessions pour la BBC, consulter la monstrueuse collection de disques* du célèbre DJ/animateur anglais et aussi visiter le John Peel Centre For Creative Arts (glups). 

Des heures et des heures d’archives à regarder, lire et écouter, donc des dimanches et des dimanches à (s’) occuper. 

Si j’ai mis ci-dessus la reproduction de la pochette du 12’ regroupant les quatre titres que Birthday Party avait enregistrés pour la deuxième Peel Sessions du groupe le 21 avril 1981 c’est tout simplement parce que voilà l’un de mes disques préférés de la série. Malheureusement cet enregistrement ne figure pas encore (ce sera pour bientôt ?) sur le site mais vous pouvez toujours vous consoler avec l’intégrale des sessions de The Fall, Killing Joke, Siouxsie And The Banshees, PJ Harvey ou avec des titres de The Cure, Extreme Noise Terror, Smiths ou XTC. La nostalgie et la muséification de la musique continuent.

* laquelle est mise à jour lettre par lettre, en ce mois de mai on n’est qu’au début, au B – il semblerait également que seulement les cents premiers disques de chaque lettre seront référencés ici et ça c’est vraiment dommage...