Bon alors. C’est jeudi et la question cruciale du jour est : Kill The Thrill au Sonic ou bien Café Flesh au Metal Café ? Même en appréciant quelques titres de Kill The Thrill, je ne peux pas affirmer être un grand fan du groupe marseillais et surtout, désolé, je n’ai jamais vu un bon concert d’eux – mis à part peut être la toute première fois, il y a une quinzaine d’année en première partie de Treponem Pal, mais maintenant, après moult déceptions répétées, je préfère mettre ça sur le compte de l’effet de surprise, les premières fois on sait trop bien le genre de cruelles désillusions que cela peut procurer par la suite. Et puis la principale raison est que j’avais vraiment envie de revoir les Café Flesh en action, ce ne sera jamais ce soir que la troisième occasion de le faire.
Il faut croire que j’ai bien été le seul à tenir ce raisonnement – Kill The Thrill a ses fans, c’est largement mérité – puisque si je sais bien compter il y a du y avoir moins de dix entrées payantes au Metal Café contre à peu près quatre vingt au Sonic (j’ai mes informateurs), là c’est clair qu’on ne joue pas dans la même division. Ceci dit, toujours à propos de Kill The Thrill, une affluence aussi moyenne dans une grande ville, pour un groupe respecté, qui tourne depuis aussi longtemps, ça en dit long sur l’état de la prétendue scène underground française. Mais je suis heureux d’apprendre aussi que certains ont adoré le concert des marseillais, alors tant mieux. Mais pour en revenir à ce qui nous occupe, je ne regrette rien vu que les Café Flesh nous ont balancé un concert tout simplement énorme et puissant. Et comme pour cette tournée baptisée
Gypsy Tour 2010 ils étaient accompagnés de ÖfÖ Am dont j’admets bien mal connaître la musique, c’était là également l’occasion d’une découverte supplémentaire.
Je me dirige donc vers le Vieux Lyon ®, dans un quartier qui le jour ressemble à un musée pour touristes homologué par l’Unesco comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité et qui la nuit ressemble plus à un immense abreuvoir pour étudiants qui s’emmerdent en attendant les examens ou pour blaireaux de toutes origines qui s’emmerdent toujours et encore parce que leurs études n’ont étonnamment pas réussi à donner un sens à leurs vies de merde. Un quartier détestable au bord des quais de Saône, peuplé de boites de nuit et de pubs. Le
Metal Café est un tout petit endroit au début d’une rue de ce vieux quartier, le genre d’endroit où je n’ai pas envie d’entrer pour boire une bière mais qui miraculeusement a une salle en sous-sol, une cave quoi, bien aménagée et équipée avec ce qu’il faut pour faire du son et de la lumière. Donc des concerts.
Mais comment ÖfÖ Am et Café Flesh ont-ils fait pour atterrir dans un tel endroit ? C’est encore cette vieille histoire de solution de repli, après s’être fait baladés pendant quelques semaines les deux groupes, qui avaient bloquée cette date de leur tournée pour Lyon, se sont retrouvés sans salle pour les accueillir, ne pouvaient pas jouer au Sonic (puisque la place était déjà prise) ni à Grrrnd Zero (problème de lenteurs administratives du politburo général incompatibles avec l’organisation de concerts de dernière minute). Ce sera donc le Metal Café ou rien car même un plan pourri est plus souhaitable qu’un day off dans une tournée qui financièrement n’est même pas forcément rentable au départ – essayer de perdre le moins de thunes possible et continuer à jouer sa musique ça c’est du courage, bravo les gars.
Les locaux de
Six Shooter sont les premiers à jouer, il me semble qu’ils organisent aussi le concert. Leurs vieux potes de toujours et leurs copines du moment sont venus les soutenir, c’est le groupe de la soirée qui aura le plus de public à savoir dix pélots qui ont payé et huit autres qui n’ont pas payé (les membres des deux autres groupes), le tout entassé dans un bar pourri mais du coup bien trop grand, avec un patron qui fait la police parce qu’il a peur que ça joue trop fort.
Je n’ai rien de particulier ni de méchant à dire sur Six Shooter qui joue un stoner rock très mélodique tout ce qu’il y a de plus classique et bien gaulé, avec des bonnes parties à deux guitares. C’est bien au point et correctement envoyé (malgré un manque certain de puissance de la part du batteur), seulement je suis aussi fan du genre que de la théorie des cinq fruits et légumes par jour pour rester en bonne santé, aussi une certaine circonspection s’impose. C’est comme si vous me demandiez mon avis sur la nouvelle politique économique du gouvernement** : je n’y connais rien, j’en ai rien à foutre mais ça me fait râler quand même. A noter que Six Shooter annonce son premier enregistrement pour bientôt, les fans du genre devraient s’y retrouver.
Cette mise en bouche m’a permis de tester la lumière pour prendre des photos avec un appareil beaucoup trop sophistiqué pour moi et que je ne maîtrise toujours pas. Mais j’ai bien l’intention de prendre des clichés mortels de la mort de Café Flesh et de ÖfÖ Am. Et c’est justement
ÖfÖ Am qui joue ensuite. J’avais complètement raté ce groupe de Montpellier qui sort ses disques sur Head records et pratique le stoner comme on joue au foot entre potes sur un terrain vague au lieu d’aller au lycée, en décapsulant une nouvelle cannette entre chaque action. Ça sent la sueur, la graisse, le punk et ce qui ne devrait être qu’un agréable moment passé à faire de l’anthropologie musicale – je rappelle, doux euphémisme, que le Stoner n’est guère ma tasse de thé – se transforme en un bon concert poilu et ventru.
Guitariste et bassiste fuzzent et wahwahtent à tout va, utilisant des pédales que maintenant j’imagine construites par le batteur (car j’ai depuis appris qu’en plus d’être moustachu comme Philty Taylor et de porter le t-shirt d’un groupe ami, celui-ci déploie également quelques talents avec un
fer à souder). Une
connaissance enfin arrivée au concert m’apprend au passage que le Stoner power instrumental de ÖfÖ Am est plus qu’influencé par Karma To Burn, trio américain et incontournable parait-il, d’ailleurs les deux groupes viennent de sortir un single ensemble chez
Napalm records. Comme depuis tout à l’heure je n’y connais toujours absolument rien au stoner mais que j’ai apprécié le concert malgré mes habituelles réticences à la nouveauté et à l’ouverture d’esprit, je décide de lui faire confiance – même si j’ai l’âge d’être son père à ce gamin – et d’empocher le dit single à la fin de la soirée.
Le drame c’est qu’alors que je continuais à prendre des photos, l’indicateur de batteries qui clignotait déjà depuis quelques temps déjà se met carrément au rouge et qu’un message crypté m’indique que mon super appareil de winner se met en mode extinction des feux automatique. Qu’à cela ne tienne, j’ai toujours une batterie chargée de rechange dans mon sac, j’assume mon côté top organisationnel et maniaco-dépressif de la perfection ordinaire. Horreur : lorsque j’insère la nouvelle batterie dans l’appareil celui-ci m’indique clairement qu’elle est elle aussi presque vide – j’ai tout simplement oublié de la recharger. Je m’arrête donc de prendre des photos d’ÖfÖ Am – même s’ils sont très beaux et sympathiques – parce que je veux garder un peu de jus pour Café Flesh.
Lesquels s’installent promptement : ils sont arrivés terriblement en retard à cause d’une panne de van (encore un grand classique) ce qui pour un groupe tel que
Café Flesh est finalement guère préjudiciable, il leur suffit bien de brancher les amplis et de jouer non ? Alors que le bassiste teste le son de sa basse, le patron du bar redescend pour la énième fois en criant
pas trop fort ! pas trop fort ! Ce le sera suffisamment quand même et les Café Flesh vont démonter en un set assez court mais intense tout ce dont ils sont vraiment capables en concert, passant en revue les meilleurs titres de leur dernier album
I Dumped My Wife, I Killed My Dog ainsi que quelques autres des disques précédents.
C’est donc la troisième fois que j’assiste à un concert de Café Flesh et c’est la deuxième fois que je les vois jouer à quatre. Lorsqu’ils étaient passés au Rail Théâtre avec Akimbo l’absence (à l’époque momentanée…) de leur deuxième guitariste posait parfois quelques problèmes de cohérence à l’ensemble – ça se comprend aisément. A la réflexion, je trouvais même le groupe déséquilibré : le chanteur/saxophoniste et le bassiste vraiment à fond, assurant tout le spectacle, attirant l’attention et faisant la majeure partie du boulot pour faire péter la tension alors que le guitariste et le batteur restaient trop en retrait, beaucoup trop discrets. Cette impression je ne l’avais pas eu lors du passage de Café Flesh au Sonic et alors qu’ils jouaient encore à cinq : les deux guitaristes se répondaient bien et offraient un bon contrepoids à la doublette infernale chanteur/bassiste.
Jeudi soir, les Café Flesh ont tous joué ensemble, comme un seul homme, et on peut dire que le groupe a trouvé son équilibre parfait et à quatre. L’implication du batteur qui a bien compris qu’au Metal Café il fallait qu’il tape comme un malade (la batterie n’est pas sonorisée) est flagrante, c’est la première fois que je le remarque autant. C’est surtout le guitariste qui me surprend le plus, oui le jeune homme qui sort des disques en solo sous le nom de MSL JAX et dont nous avons parlé
il n'y a pas très longtemps : il se démène comme un beau diable, saute comme un cabri, mouline et maltraite le manche de sa six cordes comme un punker survolté, responsable d’une bonne part du son blues cradingue et amrepien du groupe.
D’une manière générale c’est la prestation de l’ensemble de Café Flesh qui est excellente et survitaminée, sale, crue, intense et folle et vraiment, vraiment, chapeau bas au groupe qui a terminé son set devant cinq personnes (les trois ÖfÖ Am, mon petit camarade et moi) avec de temps en temps un curieux qui redescendait dans la salle pour voir ce qui pouvait bien s’y passer encore – continuant à jouer dans le rouge et sans défaillir, avec la même ténacité que celle du chien qui t’agrippe le gras pour ne pas que tu t’enfuis, avec un plaisir évident, le feu au cul, le feu de partout. Encore une fois bravo les gars.
Epilogue avec une bonne nouvelle pour la fin à propos du projet de Café Flesh de faire un split avec les américains de
Hawks : les morceaux ont été enregistrés depuis longtemps mais les français n’avaient plus aucune nouvelle… jusqu’à ce que les Hawks se manifestent à nouveau pour dire que les test pressings dudit split étaient arrivés. Les deux groupes espèrent maintenant une publication rapide et l’idée d’une tournée commune des deux côtés de l’Atlantique refait enfin surface. Les Café Flesh aimeraient bien rejouer dès la rentrée et même repasser par Lyon parce qu’ils ne confondent pas rancune et tenacité, qu’on se le dise…
* ce titre est franchement nul mais là j'ai clairement la flemme
** demandez moi mon avis sur les reformes envisagées par l’actuelle opposition politique si elle passait au pouvoir : je m’en foutrais tout autant mais en plus de râler comme un con dans mon coin je rirais également de tant d’absence et d’invisibilité idéologiques