lundi 12 avril 2010

Nick Cave & The Bad Seeds / The Good Son


















Suite des rééditions deluxe des albums de Nick Cave & The Bad Seeds par Mute records, après une première fournée regroupant le quarteron magique que constituaient From Her To Eternity, The Firstborn Is Dead, Kicking Against The Pricks et Your Funeral… My Trial. Le principe de ces nouvelles rééditions est toujours le même que sur les précédentes : un premier disque (CD) avec l’album d’origine sans titres ajoutés et un deuxième disque (DVD) avec le même album mais en mix 5.1, plus les éventuelles faces B et inédits d’époque, plus la suite du documentaire Do You Love Me Like I Love You et deux ou trois vidéoclips attenants. Encore une fois, l’idée d’un mix spatialisé pour un album des Bad Seeds est d’une stupidité sans nom, ce vieux procédé couramment appelé stéréo étant largement suffisant lorsqu’il s’agit de diffuser de la musique qui n’a rien d’une sculpture sonore (non en fait je mens : le top du top c’est le mono, ce truc qui s’apparente le plus à un son de façade lorsqu’on assiste à un vrai bon concert).

The Good Son (1990) est le premier album réellement mal aimé de Nick Cave et de ses petits amis, celui – pour de nombreux fans de la première heure – par lequel il a fauté. The Good Son est surtout l’album sur lequel l’écriture de Nick Cave évolue radicalement : de son propre aveu il compose désormais tous ses titres exclusivement au piano et surtout il souhaite incorporer de nouveaux arrangements à savoir des cordes. Glups. C’est Mick Harvey qui se chargera de ces arrangements et c’est le début de la main mise du multi-instrumentiste sur la musique de Cave (jusqu’à son départ des Bad Seeds début 2009). Le résultat n’est pourtant, avec le recul des années, pas aussi décevant que l’on a bien voulu le dire – le groupe arrivera sans aucun problème à faire bien pire après, vers la fin des années 90 et au début des années 2000 ou même avec son album le plus récent, Dig !!! Lazarus Dig !!!. Dans le même genre d’idées, Nick Cave souhaite accompagner l’épuration de sa musique – en fait il n’épurera rien du tout : il remplacera juste le malaise de ses premiers enregistrements par une mise en scène du tragique se tournant de plus en plus du côté du chamallow grandiloquent – par une simplification de ses textes, déjà entamée sur l’album précédent, Tender Prey. Nick Cave ne souffre plus mais il doute toujours. Soit. Son chant aussi se calme singulièrement : le crooner Nick Cave supplante définitivement Nick The Stripper. Lorsque l’australien avait repris In The Ghetto d’Elvis Presley sur un single paru entre les albums From Her To Eternity et The Firstborn Is Dead il ne s’agissait pas que d’un hommage mais bien d’une véritable profession de foi dont la mise en pratique se déroule tout de suite et maintenant sous nos yeux, Nick Cave se prenant pour le roi du rock’n’roll à l’époque de sa résurrection du 68’ Comeback et The Good Son est le premier exemple d’une longue série d’albums qui le verront s’éloigner de plus en plus de la crasse et de la fange pour se rouler dans une mystique certes ironique et tourmentée mais trop proprette pour faire vraiment peur. En réussissant à exorciser ses démons internes Nick Cave a aussi perdu le côté maléfique de sa musique, c’est malheureusement un cas d’école.

Dans le détail, The Good Son ne peut s’apprécier que si on fait abstraction du premier titre, Foi No Cruz, basé sur une chanson traditionnelle brésilienne. Le Brésil, c’est là que s’est installé Nick Cave puisque la femme avec laquelle il partage désormais sa vie est brésilienne. Or, lorsque j’entends Astrud Gilberto, je sors mon revolver et ce Foi No Cruz reste assurément la pire des monstruosités jamais enregistrées par les Bad Seeds, loin devant tout le reste, y compris l’infâme album No More Shall We Part. Cette épreuve passée, The Good Son est un album plein de surprises. On peut regretter le bruit et les guitares – alors que le line-up comprenait encore deux guitaristes et pas des moindres : Blixa Bargeld et Kid Congo Powers – et on tique sur certaines balades vraiment trop niaises (The Ship Song, Lucy). Mais The Good Son, The Hammer Song ou The Witness Song rattrapent largement ces écarts de conduite. Surprise de taille, The Weeping Song est un duo très émouvant entre Blixa Bargeld et Nick Cave (c’était également un moment fort des concerts de l’époque des Bad Seeds, alors que Bargeld commençait déjà à se détacher de ses petits camarades, du moins sur scène où il en foutait de moins en moins).
Coté bonus on a droit à des faces B pas très intéressantes. Les versions acoustiques de The Mercy Seat, City Of Refuge et Deanna pourtant présentes sur le single offert avec le tirage de tête de The Good Son n’ont pas été incluses dans cette réédition mais sur celle de Tender Prey ce qui n’est pas sans une certaine logique. La sixième partie du documentaire Do You Love Me Like I Love You propose les habituelles interviews des acteurs de l’époque et des admirateurs de maintenant de Nick Cave, on passe.