lundi 30 avril 2012

L'Ocelle Mare / Serpentement





Thomas Bonvalet est L’Ocelle Mare a lui tout seul. Et on se demande comment il fait. L’ancien guitariste de Cheval De Frise – deux disques et demi au compteur, des enregistrements aussi essentiels qu’inclassables – est sans aucun doute l’un des rares voire même le seul exemple actuel de musicien dont la musique ne ressemble pas à une autre, n’est ni une redite ni un hommage et surtout pas une énième posture postmoderne teintée d’ironie et de second degré. De l’inqualifiable, de l’étrange, du mystérieux, de l’exaltant, du magique, de la beauté brute et d’incroyables sensations.
Thomas Bonvalet est donc L’Ocelle Mare et L’Ocelle Mare c’est Thomas Bonvalet. Une entité, une pierre brute mais précieuse, un diamant non taillé ni façonné à l’image quelconque de ce qui chérissable : L’Ocelle Mare est largement au-delà de l’attendu, de l’établi et du mesurable.
Cependant affirmer que L’Ocelle Mare ne doit rien à personne ni à aucune musique est sans doute faux. Si on interrogeait Thomas Bonvalet il nous en dirait peut-être davantage mais voilà, on ne veut pas savoir. Et on ose même penser qu’en guise de repères musicaux et historiques le musicien solitaire nous parlerait plutôt des paysages qu’il redécouvre chaque matin lorsqu’il ouvre les volets de sa maison, du livre qu’il est peut être en train de lire, de la dernière odeur qu’il a sentie et qui lui a étrangement picoté le nez, du bruit que font ses pas lorsqu’il marche sur quelque sentier et que les pierres se mettent à rouler sans prévenir ou de la dernière conversation qu’il a eu avec un ami.
Serpentement, le nouvel album de L’Ocelle Mare, échappe ainsi et plus que jamais aux discours et aux analyses. Une musique dans laquelle on s’immerge et qui nous envahit. Une musique pourtant difficile, faite de crissements, de frottements, de cassures, de stridences, de bourdonnements et de chocs d’origine inconnue. On pourrait perdre son temps à tenter de décrypter ce langage secret et mystérieux mais qui nous parle tant, on pourrait noter dans un coin de nos mémoires qu’à tel moment on entend un bandonéon, le tic-tac d’un métronome, un bourdonnement électrique, la réverbération naturelle d’un vieux temple protestant mais on ne le fait pas. C’est tout juste si on remarque que les instruments à cordes – banjo ou guitare acoustique – avec lesquels Thomas Bonvalet est non seulement familier mais surtout dont il est un expert de longue date sont volontairement sous-employés ici.
Le choc procuré par cette musique est définitivement brutal mais vivifiant. Non… vivifiant est un mot bien trop limité. Serpentement est seulement une histoire de vie et de vérité. Et c’est déjà beaucoup.

Serpentement est le quatrième album de L’Ocelle Mare. Il est publié conjointement par Souterrains-refuges – le propre label de Thomas Bonvalet – et Murailles Music.

dimanche 29 avril 2012

Comme à la télé : Dog Faced Hermans


Wow ! La magie d’internet, épisode #54 322 : les écossais de Dog Faced Hermans enregistrés en concert le 1er novembre 1994. Plus d’une heure de musique en compagnie d’un groupe alors au sommet de sa forme – les albums Hum Of Life (1993) et Those Deep Buds (1994) dont sont tirés la plupart des titres présentés ici.




Et pour celles et ceux qui penseraient avoir reconnu le guitariste là sur la droite et bien ils ont tout à fait raison : il s’agit d’Andy Moor qui joue avec The Ex depuis 1990 (d’abord par intermittence puis à temps plein, après le split de Dog Faced Hermans en 1995). Enjoy.

vendredi 27 avril 2012

Microfilm / AF127



OK. Défendons encore une fois Microfilm contre les attaques incessantes des amateurs de chansons à textes et de voix hurlées. Après un The Bay Of Future Passed (2009) lui-même presque similaire à Stereodrama (2007), Microfilm ne change rien. Ou pas grand-chose. Celles et ceux qui ont cordialement détesté les trois précédents albums de Microfilm tout comme celles et ceux qui ne voient pas l’intérêt de publier un nouvel album en forme de redite peuvent décréter, même sans avoir écouté une seule note de AF127, qu’ils détesteront à nouveau ce quatrième album. Cette chronique honteusement élogieuse ne s’adresse donc pas à eux. Pour les autres, on va tenter de détailler ce qui fait de Microfilm et de AF127 un très bon groupe et un très bon album.




La question centrale concerne la nature même de la musique de Microfilm. Certains appellent cela du post rock. Terme aussi imprécis que galvaudé mais qui ici sert à décrire une musique rock, instrumentale, cinématographique (sinon pourquoi le nom du groupe serait-il Microfilm ?) et à tendance mélodramatique. On a parfaitement le droit de détester le post rock. Personnellement je déteste cette musique d’invertébrés auto-suffisants et prétentieux car elle m’ennuie et m’agace au plus haut point. Les gens qui prétendent raconter des histoires, faire voyager l’auditeur et émerveiller les petites âmes sensibles ne sont pour la plupart que des charlatans et des bonimenteurs. Or Microfilm est l’exception parmi les exceptions ce qui, littéralement, signifie que Microfilm est un groupe exceptionnel car il sait comment composer des titres instrumentaux c'est-à-dire qu’il sait attirer puis retenir l’attention, y compris sur les titres les plus atmosphériques et les plus longs (le très beau Claude et son violoncelle). Le talent ça ne s’invente pas (du moins s’il est inventé de toutes pièces le résultat ne tient pas la route très longtemps et les mois ou les années auront raison de lui et de sa pertinence) mais surtout le talent, ça ne s’explique que très difficilement. Microfilm c’est donc juste une histoire – oui, encore –, une histoire de coup de foudre.
La deuxième question à propos de Microfilm c’est celle des samples. Une marque de fabrique qui consiste à insérer au début des compositions ou en plein milieu de celles-ci des dialogues tirés de films plus ou moins connus, plus ou moins reconnaissables. Cette greffe sonore semble poser deux problèmes : premièrement le niveau sonore des samples en question est très fort, rivalisant sans problème avec celui de la musique elle-même et ça, ça peut gêner les vrais mélomanes ; deuxièmement l’inclusion évidente de samples de voix au sein d’une musique pourtant instrumentale ne serait-elle pas un aveu de faiblesse de la part du groupe ? Toutes ces remarques sont pertinentes mais balayons-les d’un efficace revers de main chargé d’un mépris généreusement condescendant. Déjà, les samples ne parasitent pas l’ensemble du disque, ils sont souvent drôle et lorsqu’ils s’effacent c’est parce que précisément la musique est en mode impérial, généreux et inévitable (voir sur ce point précis la question du coup de foudre explicitée un peu plus haut). L’argument concernant le « manque de confiance en une musique instrumentale » ne tient pas non plus : enlevez les samples des compositions de Microfilm et la musique du groupe fonctionnera quand même très bien mais juste différemment. Je suis même prêt à parier que ces samples finiraient par manquer à certains.
En guise de conclusion, tentons de déterminer quel est le meilleur titre de l’album. Et bien ils sont tous aussi bons les uns que les autres. Mais je vais vous dire celui que je préfère : Carnival, uniquement pour une seule raison, cette guitare en balancier qui au début du titre rappelle le final sur deux notes de The Map, l’un des tout meilleurs titres de Deity Guns ; puis Carnival part sur totalement autre chose mais ne faiblit pas, la magie reste intacte. Et de la magie c’est exactement ce que propose Microfilm tout au long de AF127.

AF127 a été publié par Head records pour la version CD et par Impure Muzik, Migouri records et Theatre records pour la version vinyle (c’est un double LP en plastoc tout blanc).



Microfilm c’est également des concerts à ne pas rater. Les dates sont à consulter sur le site du groupe – pour les lyonnais signalons la date du 24 mai au Périscope organisée par les insouciants activistes d’Active Disorder
(clic donc sur le flyer si tu veux tout savoir)

jeudi 26 avril 2012

Oren Ambarchi / Audience Of One





Il y a bien longtemps qu’Oren Ambarchi n’avait pas publié d’album solo stricto sensu – In The Pendulum’s Embrace datant déjà de 2007. Avec Audience Of One, toujours sur Touch records, l’australien a choisi de surprendre. Mais il prend également le risque de décevoir. Disons que cet album est à la fois une confirmation des savoir-faire et des talents du monsieur et en même temps une tentative de proposer autre chose. Pour ce faire Oren Ambarchi a invité quelques musiciens extérieurs et Audience Of One se divise en quatre titres comme autant de parties distinctes mais pas réellement complémentaires.
Salt est la première grosse surprise d’Audience Of One. Outre Oren Ambarchi à la guitare, le line-up comprend l’américain Paul Duncan (Warm Slime) à la voix, Elizabeth Welsh au violon ainsi que James Rushford au violon alto et au piano. Salt est une chanson. Une chanson qui doit beaucoup à des gens comme Robert Wyatt mais une chanson quand même, illuminée par le timbre très particulier de Paul Duncan et une mélancolie pleureuse à couper au couteau. Oren Ambarchi aurait voulu surprendre ses fidèles qu’il ne s’y serait pas pris autrement.
Sur Knots on retrouve autour d’Oren Ambarchi Eyvind Kang (un pote à Zorn, Patton, habitué du label Tzadik et membre intermittent de Secret Chiefs 3) au violon, Janel Leppin au violoncelle, Stephen Fandrich à la voix, Josiah Boothry au cor et Joe Talia à la batterie. Knots commence comme une pièce interprétée par Ambarchi seul : jeu d’ombres et de lumières à base de grésillements et de nappes de guitare. Puis vient une longue partie centrale, très belle, sur laquelle les autres musiciens apparaissent petit à petit et sur laquelle la batterie impose un rythme à la fois free et atmosphérique. La dernière partie de Knots relève du concassage sonore et tranche avec les précédentes par son approche à la fois très vibratoire et très rythmique. Cela peut paraitre un peu éprouvant après toute la beauté étalée précédemment.
Sur Passage on retrouve Crys Cole à la manipulation de microcontacts, Jessika Kenney à la voix et à nouveau Eyvind Kang au violon ainsi qu’au piano. Passage est un titre très cristallin et contemplatif, un peu trop new age/psyché-baba et résolument tourné vers le recueillement minéral. Fais tourner.
Fractured Mirror est directement enchainé après Passage et constitue la grosse déception d’Audience Of One. Oren Ambarchi y est rejoint uniquement par Natasha Rose à la guitare acoustique et envahissante – il assure pour sa part la guitare électrique, la basse, le mellotron, les percussions et la voix. Fractured Mirror n’évite malheureusement pas une certaine démagogie bienheureuse et des bons sentiments dignes d’un Mike Oldfield, sans oublier une certaine léthargie toute printanière (techniquement, Fractured Mirror est une reprise d'Ace Frehley, un titre tiré du premier album solo du guitariste de Kiss...).
Oren Ambarchi signe donc avec Audience Of One son album le plus varié mais aussi le plus accessible. En voulant diversifier son propos le musicien australien n’a pas non plus réussi à défricher avec succès de nouveaux territoires (pour lui) très intéressants ni très palpitants. On ira même jusqu’à parler de dilution voire d’assagissement et on constate que malheureusement lorsqu’un musicien expérimental un peu extrémiste au départ cherche à se renouveler, il tombe trop souvent dans les travers du conformisme de la musique picturale, décorative et gentillette. Heureusement que l’excellent Knots et ses 33 minutes occupent une bonne moitié d’Audience Of One car c’est uniquement cet Oren Ambarchi là que l’on aime.

mercredi 25 avril 2012

Mistress Bomb H / 9 Pictures



 

9 Pictures, comme autant de vignettes electro et ravagées. Ce deuxième enregistrement de Mistress Bomb H est très surprenant : visiblement chaque composition, ultra minimale, repose sur un nombre volontairement réduit et limité d’idées mais le résultat est toujours réussi. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. 9 Pictures pouvait même faire un peu peur avec trop d’intentions arty, trop d’électronique, trop de goth industriel, trop de charbon, trop de noirceur forcée… Et puis non : 9 Pictures n’a aucun mal à convaincre après quelques écoutes, malgré le côté résolument ardu, obtus et même parfois obscurantiste du propos.
Mistress Bomb H c’est donc une fille, Hélène Le Corre de son vrai nom, qui fait tout. Elle compose, elle chante, elle assure les instrumentations – en concert c’est Jean Feraille d’Aphasia/Revolutions Per Minute qui donne le coup de main – et surtout elle dévoile sans fard une identité bien affirmée et bien trempée. On ne saurait finalement parler avec 9 Pictures de musique électronique au sens strict tant ce qui vous intrigue puis vous colle c’est d’abord cette voix, cette façon de chanter et ces textes (sur lesquels on finit par jeter un œil pour les lire, intrigué). Il y a tout le temps du chant sur 9 Pictures, il est volontairement au premier plan, littéralement envahissant, il est à la fois le pourquoi et l’épine dorsal de ces neuf compositions. Un chant qui n’a rien de terriblement lyrique et d’exalté mais qui est très incarné, avec un soupçon de maniérisme (et d’effets sur la voix), ce qui lui permet par ailleurs de gratter avec insistance là où ça peut éventuellement faire mal. Et même lorsque la voix passe en mode parlé, ce qui arrive assez souvent, le résultat demeure très expressif – ce qui peut également passer pour un exploit.
On découvre alors petit à petit ce que cette voix a à nous dire tout en se surprenant à penser non sans une certaine délectation que l’on se trompe peut-être et l’envoutement devient presque total. Un envoutement qui ne serait sans doute pas possible sans la musique de Mistress Bomb H qui bien que sciemment placée au second plan est elle aussi d’un attrait majeur. Extrêmement minimale on l’a dit – pas plus de trois sons en même temps, des rythmiques démembrées, des sonorités crues et rudes – la musique électronique de Mistress Bomb H est porteuse d’un malaise fascinant. Une sorte d’actualisation des musiques industrielles – les vraies : Throbbing Gristle et SPK en tête de liste – malaxées au breakcore et à l’acide digital. On en redemande.

9 Pictures a été publié en vinyle uniquement (trois cents exemplaires) par les labels Bruits De Fond et L’Autre Idée. Les illustrations et la sérigraphie sont l’œuvre d’EM.

mardi 24 avril 2012

Tentaculos / Vampyroteuthis





Un vibrant hommage au monde parfois inquiétant et toujours mystérieux des profondeurs océanes, un hymne à la gloire de la Grande Bleue, de ses abimes insondables et de la vie sous-marine aussi riche qu’exaltante. Tout Vampyroteuthis, le premier LP de Tentaculos, est à l’avenant : sur le recto de la pochette des jolis tentacules de pieuvre sortent d’une bouche consentante, sur le verso on reconnait la gueule et le bonnet rouge d’un capitaine écologiste de navire, explorateur et un rien réactionnaire, un premier insert à découper et recoller soi-même permet de se fabriquer une jolie pieuvre, un deuxième insert est en fait une page de bande dessinée mettant en scène le même capitaine de navire évoqué ci-dessus avec des phylactères en écriture cyrillique ou en anglais (parce que la mer appartient à tout le monde ?) et, enfin, le disque en lui même est d’un beau vinyle bleu transparent. Un concept qui ne serait rien sans les quelques samples qui parcourent également Vampyroteuthis et dont je vous livre celui qui en quelque sorte sert de climax au disque :

« Est-ce vrai que les ventouses de tentacules font plus de dégâts que les griffes d’un tigre ?
- Comparées aux ventouses des tentacules les griffes de tigre ne sont rien, monsieur Turner, rien »

Ce sample, coupant en deux Turner (dernier titre de l’album, il s’agit d’un instrumental) et semble-t-il tiré d’un film à gros budget pour enfants et préadolescents attardés, spectaculairement débile et tournant autour d’histoires maritimes et de pirates maudits toujours plus assoiffés de richesses, ce sample (donc) semble inversement indiquer que nous vivons sur terre dans un monde merveilleux d’insouciance frivole et de facilité.
Les dix titres de Vampyroteuthis – dont certains peuvent être écoutés dans des versions plus anciennes et donc primitives sur la page bandcamp de Tentaculos – sont pourtant d’un punk noise violent et aride. Tout ça n’est bien sûr que de la grosse déconnade, ces quatre petits gars n’ont l’air que très raisonnablement accrocs au Captain Igloo mais par contre ils savent comment aligner une rythmique bien remuante et sévère avec une grosse basse et une batterie nerveuse, une guitare à l’acidité no wave, un chant plutôt rauque lorsqu’il n’est pas passé au travers d’un porte-voix (un chant rauque en matière de no wave et de post pounque ça nous change grandement des voix suraigües un rien maniérées qui sévissent habituellement dans le genre et c’est tant mieux) plus quelques interventions très réussie et bien senties à la clarinette basse (jouée par le chanteur), ce qui donne un côté freeture supplémentaire à la bouillabaisse punk (mais sans rouille) de Tentaculos.
Vampyroteuthis n’est pas un disque si facile que cela alors qu’il semble prendre les choses à la légère et Tentaculos – décidemment, j’adore ce nom et tous ses sous-entendus –, derrière le côté bordel joyeux/amusons-nous en attendant la mort, est un groupe à la fois âpre et vivifiant. Une très bonne découverte, un disque à écouter impérativement et un groupe à aller voir en concert puisque Tentaculos y excelle en matière d’harponnage.

Vampyroteuthis est publié grâce aux efforts conjoints des labels Aïnu records, Oni Red Chords et Fuck A Duck auprès desquels vous pouvez bien évidemment vous le procurer.

lundi 23 avril 2012

Report : IRèNE au Périscope - 20/04/2012


Faire des listes serait le symptôme d’un dérèglement névrotique certain, un peu le même qui consiste à collectionner inutilement des disques. J’ai donc scrupuleusement fait la liste de tous les concerts que j’ai ratés pendant une semaine pour une (mauvaise) raison ou pour une autre (bonne, évidemment) : Papier Tigre le vendredi 13 à l’Epicerie Moderne, Ned et Flipper au même endroit le 14, à nouveau Papier Tigre mais au Kraspek le 15, Chelsea Wolfe au Sonic le 16, And Also The Trees (mais oui !) le 17 et toujours au Sonic et enfin The Feeling Of Love le 18 au Trokson. Sacrée liste, sacrée lose.
Alors je devrais peut-être arrêter d’affirmer qu’il ne se passe jamais rien dans cette ville. Mais non, je vais insister au contraire encore un peu : avec la mise en sommeil de Grrrnd Zero et les incertitudes planant sur l’avenir du Sonic, l’offre de concerts DIY, à la marge ou hors catégories se raréfie dangereusement. Le Périscope est l’un des derniers endroits qui ne ressemble pas à un mouchoir de poche ni à une usine et qui accueille en plus de sa programmation propre des concerts à mon sens intéressants. Dans les semaines à venir on notera la venue de Microfilm le 24 mai (c’est un concert Active Disorder) ainsi que celle de Katawumpus le 30 juin et on reparlera dès que possible de la programmation du prochain festival Expérience(s). Mais les premiers noms qui sont tombés pour ce rendez-vous annuel organisé par l’équipe du Périscope font carrément envie*. 




Aussi il était presque hors de question que je rate ce concert d’IRèNE. Le quartet, habitué du Périscope, vient tout juste de terminer l’enregistrement de son premier véritable album, un album qui devrait être publié en octobre prochain sur Carton records – tout comme le premier EP du groupe. Il était déjà très bien ce premier EP d’IRèNE. Mais après avoir enfin revu le groupe en concert et entendu pleins de ses nouveaux titres, l’impatience d’écouter la suite des enregistrements de cet excellent groupe n’a fait qu’augmenter. L’attente risque de paraître très longue.
Au sein d’IRèNE on retrouve une sacrée brochette de musiciens, Yoann Durant au saxophone soprano et alto (et aussi un peu au tuyau d’aspirateur), Julien Desprez à la guitare électrique, Clément Edouard à la bidouille électronique ainsi qu’au saxophone alto et, pour finir, Sébastien Brun à la batterie. IRèNE regroupe ainsi des personnalités dont on apprécie par ailleurs la musique avec d’autres formations tels que les Lunatic Toys, Loup, OK, DDJ, Q, Kandinsky (R.I.P.) alors autant affirmer que ce quartet est en quelque sorte la crème de la crème d’une « scène » oscillant entre modernité free jazz et actualité électrique. Or IRèNE est peut être le groupe le plus surprenant de tous**.




Le titre d’ouverture du concert a montré un groupe au sein duquel les musiciens se répondaient en une sorte de ping-pong nerveux et sec (mais vraiment très drôle) s’amplifiant de plus en plus tout en tirant vers une abstraction aussi irréelle que comique. Une idée très simple – et une mise en œuvre qui par contre ne doit pas l’être – pour un résultat génialement décalé en ce sens qu’il incorpore de l’humain dans les rouages d’une machine imaginaire.
En écoutant IRèNE en concert je me faisais alors l’effet de regarder un de ces films muets et en noir et blanc, ceux que je préfère : une reproduction forcément imparfaite parce qu’incomplète d’une certaine réalité mais en même temps une telle abnégation et une telle inventivité dans les moyens employés que cette reproduction/représentation en devient criante de vérité et de pertinence.
IRèNE réussit à insuffler tellement de fraicheur et d’immédiateté dans une musique qui pourtant sur le papier pourrait se montrer tellement cérébrale et calculée. Pour être un peu plus exact, cérébrale et calculée, cette musique l’est très certainement, mais elle est également d’une inventivité, d’une drôlerie, d’une beauté et d’une puissance qui la rendent à nulle autre pareille. IRèNE ne joue jamais en force mais pourtant assaisonne sec – on ne dira jamais combien Julien Desprez et sa guitare peuvent tenir la dragée haute à nombre de noiseurs patentés –, IRèNE n’est pas un groupe de free jazz mais jouit d’une liberté constante et débridée, IRèNE n’est pas un groupe de musique contemporaine mais transcende les règles de l’abstraction sonore vers toujours plus de poésie. La générosité ne sert réellement que lorsqu’on a quelque chose à dire, c’est qui est bien le cas d’IRèNE. Merci beaucoup pour ce beau concert.




En première partie CT4C proposait quelque chose de radicalement différent. Un vidéaste, un trompettiste (également au bugle) et un manipulateur de machines étaient sur scène devant un écran. Ma nature capricieusement conservatrice me force à plus ou moins détester tout ce qui se rapproche de près ou de loin d’un mélange entre musique électronique et jazz. En outre, puisque je suis loin d’être parfait, j’ai toujours eu un peu de mal avec la trompette.
CT4C n’est donc pas fait pour moi, même si je dois admettre que les passages bruitistes – bruits de bouche du côté de la trompette et bruits parasitaires/clics and cuts du côté des machines – ont réveillé mon intérêt. Une autre fois peut être.

* n’insistez pas, j’ai juste le droit de ne rien dévoiler
** il est vrai qu’OK et sa pop lumineuse et inventive sont aussi un cas à part

dimanche 22 avril 2012

Municipal Waste / The Fatal Feast






Alors quoi de neuf chez Municipal Waste ? Mais rien du tout, fort heureusement. Le groupe de Richmond/Virginie vient de publier son cinquième album chez les allemands de Nuclear Blast (après des années de fidélité à Earache). The Fatal Feast (Waste In Space) ne change rien, ne révolutionne rien et ne va pas perturber outre mesure les fans de Municipal Waste – si, il y en a.
On remarque simplement que le groupe a réenclenché la turbine à conneries partiellement mise en veilleuse sur le prédécesseur Massive Agressive (2009). Et au moins l’emballage est à l’avenant. L’artwork – signé Justin Osbourn et non plus Andrei Bouzikov – n’a pas là pour entretenir le suspens ni réellement renouveler l’imagerie de Municipal Waste car The Fatal Feast tente uniquement de rajouter une chouille de sci-fi aux thématiques habituelles du groupe qui sont – rappelons-le – boire, faire la fête, vomir, baiser (éventuellement dans son vomi), les zombis (avec lesquels une petite fuckerie n’est jamais à exclure non plus), jouer dans un groupe de thrash, s’emmerder et donc boire, baiser, faire la fête, etc. Ainsi ce cinquième album s’ouvre-t-il sur un Waste In Space (Main Title) instrumental, torché avec l’aide de Steve Moore de Zombi et qui en rajoute lui aussi une couche question enrobage intergalactique. Mais une première et rapide écoute de The Fatal Feast permet de se convaincre que le groupe aime toujours autant jouer de la stupidité, de la régression et de l’immaturité. Nous voilà rassurés.
Musicalement Municipal Waste garde également la même formule, celle d’un thrash crossover totalement 80’s. Il n’y a pas un titre de The Fatal Feast qui n’évoque pas une vieillerie d’époque. Le nombre de plans piqués à l’album Speak English Or Die de S.O.D. – side-project de certains membres d’Anthrax et qui lui-même n’était qu’une bonne grosse blague – est proprement hallucinant (écoutez donc le début de New Dead Masters) mais on retrouve également beaucoup de Slayer et de Nuclear Assault là dedans. Il y a même John Connelly, ancien chanteur/guitariste de Nuclear Assault, qui apparait sur l’album. Et puis il y a des choses beaucoup plus surprenantes comme cette ligne de basse en intro du titre The Fatal Feast empruntée (involontairement ?) au Regulator des Bad Brains.
On peut malgré tout émettre quelques réserves au sujet de Municipal Waste en général et de The Fatal Feast en particulier. Bien que plaisamment nostalgique et rétrograde la musique du groupe finit pas lasser, surtout lorsqu’on ne sait pas quoi faire de son dimanche et qu’on s’emmerde déjà un peu. Les plaisanteries les plus courtes sont souvent les meilleures or les albums de Municipal Waste durent de plus en plus longtemps (38 minutes pour The Fatal Feast, ce qui fait beaucoup trop). La voix du chanteur, encore plus limitée que celle de son idole Mike Muir de Suicidal Tendencies (c’est tout dire), est également lassante à la longue. Les riffs tout pompés qu’ils sont se répètent invariablement et The Fatal Feast finit par bien porter son nom, synonyme d’indigestion. On regrette aussi que ce merveilleux batteur qu’est Dave Witte – ex Burnt By The Sun et uniquement efficace lorsqu'il joue avec Municipal Waste – soit aussi sous-employé ici. C’est un peu du gâchis, non ?

The Fatal Feast existe en LP avec plein de couleurs différentes et c’est très joli. Le LP comprend d’ailleurs un titre bonus (le très court et redondant Eviction Party) qui figure également mais uniquement sur une version limitée en CD avec fourreau (slipcase pour les non-anglophobes).

samedi 21 avril 2012

Comme à la télé : A Place To Bury Strangers


Réalisé par Alexis Magand, Sprites est un court métrage documentaire qui en 19 petites minutes nous parle d’A Place To Bury Strangers. Les images de concert ont été filmées lors du passage du groupe à Paris en juillet 2011 (à la Maroquinerie) et sont entrecoupées – à moins que ce ne soit l’inverse – de bribes d’interview d’Oliver Ackermann, guitariste et chanteur (et il a plutôt des choses intéressantes à dire).



Vous avez bien sûr remarqué que désormais Oliver Ackermann porte moustache et queue de rat dignes d’un footballeur anglais des années 70. Vous avez surtout remarqué que formellement Sprites tente de reproduire le chaos sonore d’A Place To Bury Strangers, tentative que personnellement je trouve plutôt réussie.

vendredi 20 avril 2012

Fordamage / Volta Desviada





Ce troisième album de Fordamage déçoit. Oh bien sûr on y retrouve une bonne part de l’énergie que le groupe a déployée jusqu’ici mais sans doute attendait-on un peu plus de prise de risque et d’esprit d’aventure de la part d’un groupe qui en avait l’air parfaitement capable. Volta Desviada est donc un album tout juste honnête et traversé de très bons moments de la part des quatre Fordamage à propos desquels on ne pourra plus parler de jeunes gens prometteurs. Car Fordamage ne promet plus rien, Fordamage est Fordamage et c’est à prendre ou à laisser. Je laisse.
Il est plaisant de constater que sur le titre d’ouverture Throwing Stones Fordamage rend une fois de plus hommage à The Ex. Loin d’être un plagiat inutile et honteux, ce premier titre apporte intelligemment son quota de fraîcheur et de dynamisme à Volta Desviada dont il est logiquement l’ouverture idéale. D’autres titres pourront un peu plus loin refaire penser aux hollandais volants  (le début de A Man And A Dog par exemple) or on apprécie surtout que désormais Fordamage ne pointe plus trop l’évidence exienne du doigt, ayant bien digéré cette influence que l’on pouvait juger trop envahissante et qui n’apparait plus qu’en filigranes, au détour d’un couplet, d’un refrain, d’une intro ou d’un break. On peut ainsi affirmer que Fordamage a fini par trouver son identité propre.
Mais c’est là que le bât blesse : la plupart des compositions de Volta Desviada se révèlent ennuyeuses. Qu’elles se ressemblent toutes, qu’elles fassent appel aux mêmes idées, parfois aux mêmes structures ou gimmicks n’est pas un problème, le problème est qu’elles génèrent un sentiment mitigé entre attentes déçues – car Fordamage est très fort pour torcher une intro alléchante – et rejet de ce que l’on ressent être comme de la gonflette et de l’hystérie mal placées. Ces choses qui ne peuvent jamais fonctionner surtout lorsque les compositions ne suivent pas – les gaver d’une certaine volubilité et d’un foisonnement un rien braillard ne suffit pas à les rendre intéressantes ou pour le moins intrigantes.
Il y a un dernier point qui peut paraitre crucial : le chant. Celui-ci n’a jamais été la qualité première chez Fordamage et une nouvelle fois il laisse sur Volta Desviada une bien curieuse impression. Comme si des efforts étaient constamment faits pour l’améliorer mais comme si en même temps ces efforts ne servaient à rien. Le chant est le gros point noir de Volta Desviada : il fout en l’air la plupart des compositions (comme sur The Border ou Funeral) d’autant plus qu’il est mixé bien trop en avant. Cette façon forcée de chanter et de s’imposer est également symptomatique d’un disque qui aurait voulu convaincre à tout prix.
Alors, tant qu’à faire, je préfère réécouter l’album précédent, Belgian Tango, tant celui-ci me semble pétri d’une certaine naïveté et donc d’une spontanéité qui collent bien davantage avec la dynamique et l’explosivité du groupe.

[Volta Desviada est publié en LP par Kythibong]

jeudi 19 avril 2012

OK / Wet





Personne ne pourra un jour affirmer que Carton records n’a jamais rien fait pour développer son catalogue au delà de toute une mouvance free jazz actuelle, fantastiquement moderne et toujours innovante – mouvance fortement appréciée par ici. Carton se contenterait de produire des formations aussi passionnantes et inventives que les Lunatic Toys et IRèNE que l’on y verrait aucun inconvénient et rien à redire mais, positivement, le label mené par Sebastien Brun a également choisi de farfouiller ailleurs et peut déjà s’enorgueillir d’avoir publié les disques de Gilles Poizat ou de OK. Le trio est justement de retour avec un second EP, toujours chez Carton records, et il s’intitule Wet.
Le premier EP sans titre d’OK avait d’abord créé la surprise avant de susciter l’adhésion. Wet ne change pas réellement la donne mais, si on peut dire, améliore encore la formule du groupe mené par Guillaume Magne (chant, guitare et compositions) soutenu par deux batteurs complémentaires. OK joue à la fois une musique très pop c'est-à-dire une musique directe, qui donne le sentiment d’être de maintenant et une musique aux atours expérimentaux qui ne l’empêchent jamais de tourner dans le bon sens. Par bon sens on entend celui décidé par ce chanteur/guitariste aux idées toujours piquantes. Ainsi les cinq compositions présentes sur Wet répondent toutes à deux critères – assez larges malgré tout – qui sont immédiateté et étrangeté. D’apparence tout est simple chez OK mais en même temps tout est bizarre. Rien n’est facile mais rien n’est insipide. Rien n’est bêtement primesautier et tout est généreusement exigeant. Et quand l’émotion s’en mêle (The Right Way et Your Third Strike), OK développe une idée de la beauté aussi intrigante que prenante.
Wet présente en outre l’avantage d’avoir été enregistré dans de meilleures conditions techniques que son prédécesseur bien plus lo-fi et la qualité de la production s’en ressent d’autant, largement plus dynamique et soulignée. Particulièrement on goûte davantage au travail de la guitare (avec un vrai beau son), aux manipulations de clavier effectuées par l’un des deux batteurs et au travail sur les voix. On savoure une fois de plus le talent d’écriture de Guillaume Magne, ses lignes de chant décalées et sa voix nasale, son éclectisme et après tout un groupe qui ose mettre une vache – le plus bel animal du monde soit dit en passant – en illustration de son disque est forcément une groupe qui attire l’attention.

mercredi 18 avril 2012

Nonagon / People Live Everywhere





People Live Everywhere n’est que le deuxième enregistrement de Nonagon depuis 2007 et si le groupe n’avait pas imprudemment contacté le service propagande de 666rpm, je n’en aurais très certainement jamais entendu parler. Voilà qui est presque parfait puisque cela va t’éviter, ami lecteur qui n’aime pas trop perdre ton temps, les habituelles et sempiternelles présentations biographiques, toujours un peu fastidieuses et inutiles. Quand on ne connait rien d’un groupe, on ferme sa gueule. Mais quand même : dans Nonagon il y a un ancien Taylor (à la batterie) et Taylor était vraiment un bon groupe dont la plus grande gloire a été de publier un magnifique double 7’ il y a une petite éternité. Les deux autres membres de Nonagon – un guitariste/chanteur et un bassiste – sont selon leurs propres dires de parfaits inconnus. People Live Everywhere a (très bien) été enregistré par Justin Foley – l’une des deux têtes pensantes des géniaux The Austerity Program – et masterisé par Bob Weston de qui vous savez.
Alors autant dire que Chicago est directement dans la ligne de mire de Nonagon. Et il y a des signes qui ne trompent pas comme cette basse bien ronde et cette caisse claire qui claque dans les oreilles et qui toutes deux nous ramènent quelques années en arrière. Or Nonagon n’est pas un énième clone du Chicago sound : le trio dévoile immédiatement un intérêt et une certaine capacité à trousser de la mélodie à accroche fortement durable. Dans le chant déjà, un rien émophile, comprenez tremblotant juste ce qu’il faut mais toujours convaincu, un chant qui change de celui des braillards sans discernement. Dans les parties de guitare ensuite. Fresnel Lens est un bien bel exemple de cette maturité musicale qui n'empêche aucunement Nonagon de dépoter. Un écart pas si grand que ça entre tension sèche et attrait harmonique. People Live Everywhere est très convaincant mais certes un peu court : cinq titres – dont un instrumental – répartis sur les deux faces d’un 12’. Heureusement que l’objet est beau.



Nonagon insiste également sur le fait que People Live Everywhere est une production purement do it yourself. Le seul moyen de se procurer ce bon petit disque est donc de contacter le groupe directement ou de passer par la page de l’omniprésent bandcamp que Nonagon a mis en place pour People Live Everywhere. Et puis n’hésitez pas non plus à jeter un œil sur la vidéo promotionnelle que Nonagon a tourné pour le Fresnel Lens susmentionné. Ces types ont vraiment su rester jeunes.

mardi 17 avril 2012

Pylone / self titled demo



Le harcèlement a commencé par une série de mails insistants et vindicatifs : « hey Hazam ! viens découvrir notre première démo ! ». Puis j’ai carrément reçu par voie de courrier la démo en question, gravée sur CDr, dans une pochette monochrome (avec insert et autocollant à l’intérieur) uniquement marquée en argenté du nom de PYLONE. Il y avait également une petite carte dont l’illustration était lourde de sous-entendus quand à mon addiction à l’alcool ainsi qu’un petit mot m’enjoignant subtilement – « pas forcément pour avoir une chronique, mais pour faire partager notre nouveau projet » – de parler de cette démo dans 666rpm. La réaction du comité rédactionnel a été immédiate et tranchante : rien à foutre des démos envoyées par des petits groupes obscurs qui répètent le dimanche après-midi dans la grange des grands-parents. Donc pas de chronique. 


Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Et si le contenu de 666rpm/Heavy Mental se distingue souvent par la nature péremptoire et stupide de jugements hâtifs portés à l’encontre de disques de merde qui après tout ne méritent que ça, l’écoute des trois titres de la démo de Pylone m’a retourné comme une girouette. Cette démo vous pouvez l’écouter et la télécharger gratuitement sur le net parce que jusqu’à la preuve du contraire il n’est pas encore interdit aux musiciens/groupes de diffuser librement leur musique. Mais ça viendra sûrement.
Le plus remarquable à propos de Pylone, c’est que le groupe n’a même pas un an d’existence. Il s’est formé en juin 2011 et, sans doute mu par une avalanche d’idées et d’envies irrépressibles, a fait rapidement des progrès. Au point d’avoir enregistré dès le mois de novembre 2011. Les musiciens qui composent Pylone ne sont pas des novices non plus. Certains jouent ou ont joué dans des groupes tels que Headwax ou Xnoybis. Je me suis même laissé dire que dans Pylone il y a au moins un des terroristes sonores qui toutes les semaines polluent les ondes hertziennes au sein de l’émission Rien A Branler (pour la plupart des gens qui habitent ni dans le Gers ni du côté de Toulouse mais dans des endroits civilisés il y a également la possibilité très moderne du podcast).
It’s Funny, Marangoni et Twin Engine Aircraft : ces trois compositions restent juvéniles (la voix surtout) mais possèdent déjà une maturité indéniable. Des beaux riffs, des rythmes plutôt lents (et lancinants), une basse qui sonne et une façon de savoir prendre son temps parce que l’on est sûr de son fait, de ce que l’on veut dire, de sa musique. Le résultat est bluffant et occupe durablement les esprits au bout de quelques écoutes – on en voudrait donc plus.
Pour un coup d’essai c’est une réussite. En conséquence le directoire plénipotentiaire de 666rpm présente des excuses immédiates et évidemment sincères à Pylone et à l’ensemble des membres du groupe. En espérant avoir très bientôt d’aussi bonnes nouvelles de leur part. Et, ami lecteur, si tu es soudainement intéressé, n’hésite pas non plus à contacter ces jeunes gens.

lundi 16 avril 2012

Report : Royal McBee Corporation et The Electric Roberts au Moko - 12/04/2012





Jeudi 12 avril, direction le centre-ville de Lyon – du côté des Terreaux pour être un peu plus précis – pour assister à un concert dans un bar que je ne connais pas, Le Moko. Quand j’arrive (à l’heure) j’ai presque l’impression de m’être trompé d’endroit : il n’y a strictement personne et au bout d’une bonne demi-heure d’attente je croise enfin une connaissance qui joue ce soir avec son propre groupe et qui me confirme que je suis bien le premier… et pour l’instant le seul à m’être déplacé. Ce concert sent la bonne grosse lose et effectivement l’audience cumulée, membres des groupes inclus, culminera très exactement à 16 personnes entre 22h45 et 23h12. Joli score de merde pour un concert qui aurait mérité plus mais l’absence presque totale de promo (physique et sur le oueb) explique à coup sûr ce fiasco inénarrable.
Le Moko est sinon un endroit plutôt sympathique. A l’intérieur du bar je remarque quelques affiches des Beatles – qui, rappelons-le, reste toujours le meilleur groupe du monde à avoir foulé le sol de cette planète – et le patron n’arrête pas d’écouter des vieux trucs de Devo, ce qui nous fait deux preuves indiscutables de bon goût. Au sous-sol la cave qui sert de salle de concerts proprement dite est carrelée tout bien comme il faut, les murs et la voute sont peints en blancs alors j’ai comme l’impression de me retrouver dans l’anti chambre un peu cheap d’un hammam. Malheureusement ce n’est donc pas la présence d’une foule aussi nombreuse que délirante qui me permettra de transpirer ce soir.




Le premier groupe qui joue s’appelle The Electric Roberts, un duo basse/batterie et voix originaire de Macon. Rapidement je remarque que le batteur utilise une double pédale et, comme d’habitude, voilà un détail qui m’émoustille plus que de raison. Ce batteur est d’ailleurs très amusant à regarder jouer, il semble plein de désinvolture et de nonchalance alors qu’en fait il envoie sévèrement, maitrise très bien son jeu et démontre une puissance surprenante.
Plus généralement la musique de The Electric Roberts fait rarement dans la dentelle et la prise de conscience mélodique, le groupe préférant nettement les cavalcades noise blindées de breaks construits la tête en bas et (donc) de blasts bien sentis. Le bassiste/chanteur braille juste, aligne des lignes de basse qui ne donnent pas envie de rigoler. Surtout le duo possède la capacité de rattraper non sans humour ses quelques (très légères) approximations : il a semble-t-il joué nombre de tout nouveaux titres pour la première fois lors de ce concert et les dérapages étaient repris aussi sec, hop pas de temps à perdre, et avec le sourire – malgré le public maigrichon ça sentait bon le plaisir de jouer et de donner un concert.
Voilà, The Electric Roberts est une bonne petite découverte, à noter que le groupe a enregistré une première démo trois titres qu’il vend à ses concerts et que l’on peut découvrir et écouter sur la page bandcamp de Flying Oyster Digital Industries. Que du bon.




Après The Electric Roberts on reste dans la métaphore mammaire avec les T.T. Twisterz. Programmé à la toute dernière minute en remplacement de Grand Plateau – que je n’ai donc toujours pas vu en concert, cruelle déception – ce groupe comprend dans ses rangs diGo, un ancien Chick Peas et ça fait toujours plaisir de retrouver ce garçon en concert.
Bon, malheureusement, T.T. Twisterz joue du punk un rien grungy et beaucoup trop pop et mélo pour mes pauvres petites oreilles fragiles de petit vieux réactionnaire. L’ambiance était plutôt à la rigolade mais comme je n’ai aucun humour non plus je suis resté pendant tout le concert le cul bien serré en attendant que ça se passe.



Arrive enfin Royal McBee Corporation, l’autre groupe que j’étais venu voir ce soir. Le duo parisien joue une musique assez atypique et originale dans le paysage musical actuel : ici pas de happy noise instrumentale pour guincher avec les copains ni de garage de hipsters pour se donner des airs de dépravés mais une noise métallique et industrielle, très dense et très sombre. Le bassiste s’occupe également du chant et envoie des samples tandis que le batteur manipule aussi des machines.
Le son de Royal McBee Corporation est à la fois très travaillé et très brut. La musique est capable de parfaits moments fulgurants de violence puis devient complètement prenante dès qu’elle vire au ralenti répétitif et oppressant. Malheureusement le duo n’a vraiment pas joué assez longtemps à mon goût, préférant se limiter et se focaliser et sur ses titres les plus récents. Dommage.
Ce fut donc plutôt bref mais vraiment intense. Et puis cela a permis de se faire une bonne petite idée du split (en compagnie de 400 The Cat) que Royal McBee Corporation vient tout juste de publier chez Swarm records – le bassiste/chanteur du groupe s’occupe également de ce label que l’on aime bien ici (il a entre autres publié les disques d’Ed Wood Jr). On reparlera de ce split dès que possible.

dimanche 15 avril 2012

Comme à la télé : Pissed Jeans



Pissed Jeans, meilleur groupe de noise punk du monde ? Pour en débattre longuement et pour apporter un peu d’eau au moulin des admirateurs de ce groupe assez fabuleux dans le genre, voici l’intégrale (?) d’un concert (25 minutes) que les Pissed Jeans ont donné le 4 février dernier à New-York.


Tout ceci ce passe de commentaires, non ? Même si le single Your Life Is Worth avait quelque peu déçu, on attend toujours des nouvelles de Pissed Jeans après un King Of Jeans qui commence à sérieusement dater. Quand on aime on ne compte pas, sauf le temps qui passe – et le dimanche le temps passe encore plus lentement.

vendredi 13 avril 2012

Marylin-Rambo / Baleine A Nourrir





Marylin-Rambo. Je me suis parfois demandé quel rapport il pouvait bien y avoir entre ces deux personnes. Parce que je suis certain que l’on parle ici d’une actrice peroxydée retrouvée morte noyée dans sa piscine un beau matin d’aout 1962 et d’un célèbre personnage incarné par un acteur qui mourra comme tout le monde en décembre 2012 (mais je ne me rappelle plus du jour exact). Et je suis également sûr qu’il y a un rapport entre ces deux là parce que sinon il n’y aurait pas de tiret entre leurs deux noms. A part le fait que Marylin comme Rambo sont deux versants d’une culture populaire et impérialiste qui privilégie le paraître et la chosification des corps conjugués à une minimisation optimale du cerveau, je ne vois rien d’autre. Alors oui je préfère me dire que Marylin comme Rambo sont tous les deux membres honoraires de la confrérie secrète des pectoraux surdéveloppés – ce qui, avouons-le, revient à peu de chose près à la première hypothèse, celle teintée d’un antiaméricanisme forcené.
Marylin-Rambo c’est surtout un duo qui vient de publier son deuxième album, Baleine A Nourrir (le premier s’appelle Skiez Plus Vite et date de 2010). Un duo avec Marylin Aurélien à la guitare et Rambo Vincent à la batterie. Quand je vous disais que ces deux là avaient un rapport. Baleine A Nourrir est un très beau vinyle avec une pochette sérigraphiée sur un chouette cartonnage recyclé à faire pleurer de bonheur un écolo confortablement installé en zone urbaine. En outre je sais de source sûre qu’il y a des copies CDr de Baleine A Nourrir qui circulent également et celles-ci sont tout aussi bellement présentées avec une sérigraphie. S’attacher aux objets il parait que c’est vraiment très mal or dans le cas présent le soin apporté à l’édition de ce disque dénote de plusieurs choses : 1- Marylin-Rambo ne se fout pas de notre gueule ; 2- le duo aime mettre en valeur sa musique alors autant affirmer tout de suite qu’il en est fier ; 3- Marylin-Rambo a effectivement toutes les raisons d’être fier de sa musique.
Baleine A Nourrir c’est treize titres de punk noise instrumental envoyé au quart de tour. Ça grouille de riffs accrocheurs, sanguinaires, drôles et pointus comme de rythmiques au cordeau et explosives. La musique de Marylin-Rambo est aussi foisonnante que rapide, jouissive qu’extravertie. Et puis surtout elle sonne naturel. Il n’y a pas de temps de perdu c'est-à-dire qu’il n’y a aucun plan répété inutilement ou plus que nécessaire et il n’y a aucune facilité non plus, même pas de facilité technologique (ces saloperies de loop stations et de sequencers à pédales). Si on entend parfaitement chaque note jouée à la guitare et chaque frappe assenée sur la batterie c’est bien parce qu’elles sont jouées pour de vrai, comme si on était juste à coté du groupe, à transpirer avec lui.
Malheureusement le titre Rock La Poste – plus étoffé parce que multipliant au contraire les pistes de guitares – perd de la saveur naturelle et vraie de Marylin-Rambo. Doom-Doom qui comme son nom l’indique est une parodie de titre lent et evil utilise les mêmes moyens que Rock La Poste mais fonctionne lui parfaitement (sûrement parce qu’un titre composé avec une volonté réellement maléfique ne peut que bénéficier de l’appui silencieux des forces obscures). Et s’il fallait vraiment exprimer un tout dernier petit regret, ce serait à propos de Zouk Machin qui l’air de rien empiète un peu trop franchement sur les platebandes d’un duo tourangeau aussi caoutchouteux que la plastique irréprochable de Marylin-Rambo. Mais je chipote. Car Baleine A Nourrir est tout simplement un bon disque vivifiant, entrainant et positivement punk (et merci pour les quelques intermèdes electro simon /démo de bontempi vraiment très drôles qui parcourent le disque).

Baleine A Nourrir est aussi l’occasion d’une super-coproduction avec pas moins de sept participants : Coulis Crew, Et Mon cul C’Est Du Tofu, Gabuzo records, Label Brique, No Way Asso, Roue Libre, Taenia Solium plus quelques copains (je n’ai pas trouvé les adresses/sites de tout le monde, désolé). Surtout le disque est sous licence Creative Commons – tout comme 666rpm – ce qui signifie qu’il est librement téléchargeable et diffusable mais uniquement à des fins non commerciales et en respectant la volonté et la création de l’auteur premier – fuck Hadopi.

jeudi 12 avril 2012

Calva / Sacrifice





Calva revient avec un nouvel album et l’évidence nous tombe dessus dès la première écoute : le groupe a mis les bouchées doubles. Sacrifice vise clairement plus haut que tout ce que Calva a publié jusqu’ici, tant au niveau des compositions qu’en ce qui concerne la qualité de l’enregistrement. Mais ce n’est pas tant l’évolution du groupe depuis le déjà très bon split publié conjointement avec Io Monade Stanca qui attire durablement l’attention. Sacrifice séduit rapidement et définitivement avec ses seuls moyens.
En guise de premier tir de barrage Dolcetto dégaine les guitares, des guitares dentelières et cristallines, sur un mid tempo entreprenant. Le break au milieu ne dénature pas la dynamique de Dolcetto – par contre il rappelle et souligne très bien que Calva a toujours eu un côté fortement électro – et le post punk chaleureux de Calva s’envole déjà à haute altitude. Le principal changement c’est ça : moins de mathématiques et moins de post rock arithmétique et beaucoup plus de bourre-pif. Mais ce n’est pas la seule évolution que l’on remarque car l’autre gros changement dans le groupe c’est le chant. Désormais Calva en met presque de partout, le groupe est moins tenté par les compositions purement instrumentales et qui plus est il abuse moins d’artifices camoufleurs à l’utilisation aussi facile que banale, comprenez qu’en écoutant Sacrifice vous ne risquerez pas de faire une sale overdose de voco(mur)der ou de voix samplées.
Les guitares et les rythmiques sont donc de sortie (Swamp King, Rubik’s Cube, Blank Shooter certes plus lent et presque insidieux ou Macadam) mais les synthétiseurs ne sont jamais très loin (Titan, Trompette De La Mort – tiens, un instrumental, avec la trompette de Snævar Njáll Albertsson en guest – et Robocop – ah ! un titre énervé avec du vocoder) et quoi qu’il arrive Calva ne cesse de pousser le bouchon toujours un peu plus loin. Des compositions variées, mêlant intelligemment guitares organiques et sons synthétiques avec un coefficient de réussite probante à rendre tout vert de rage un hipster electro recyclé tardivement dans le garage punk à paillettes. L’équilibre et l’alchimie qui en résulte sont la plupart du temps très bien vus, Calva a vraiment fait de terribles progrès et a su creuser là où il le fallait.
Sacrifice n’a pourtant rien d’un album linéaire où tous les titres se ressembleraient. Déjà Titan casse un peu le rythme mais le très beau Rosemary en début de seconde face y contribue également, d’une façon certes bien différente : sur ce titre Caroline, ChooChooShoeShooteuse émérite*, vient poser son chant tout en émotion – on sait que la demoiselle a de la ressource et qu’elle sait pertinemment nuancer ses éclats passionnés envoyés en pleine face mais avec Rosemary elle opte plutôt pour le pas de côté en forme de douceur faussement cajolante. Sur Robocop, c’est un autre invité par ailleurs chasseur d’élan chevronné qui fait à son tour des prouesses vocales – Fred Kourgane fait décoller Robocop en un tour de main et les doigts dans le nez, ce qui bien sûr ne surprendra personne. Ce qui surprendra peut-être c’est son phrasé moins parlé à la fin de titre, moins narratif mais tout aussi puissant, oui il chante de sa plus belle voix. L’entendre c’est à nouveau avoir des frissons garantis. Et voilà donc des invités qui rehaussent un peu plus le caractère énergétique et sombre aux entournures d’un disque qui tient toutes ses promesses jusqu’à la fin.



Sacrifice est logiquement publié par A Tant Rêver Du Roilogiquement parce que le batteur de Calva est aussi l’un principal activiste du label. Calva est bien sûr également au programme des 10 ans d’A Tant Rêver Du Roi qui pour l’occasion se paie ses deux jours de festival, à la maison à Pau. Allez-y si vous le pouvez, ça commence demain et ça dure jusqu’à samedi, le Béarn c’est magnifique et les occasions de voir réunie une aussi belle affiche se font un peu rares.

* à ce propos A Tant Rêver Du Roi publiera au mois de mai Playland, le très attendu deuxième LP de ChooChooShoeShoot – whammy !

mercredi 11 avril 2012

Silent Front - Clean Kitchen / split





Groupe de scène imparable et époustouflant, Silent Front avait pourtant une sérieuse revanche à prendre : le trio anglais n’avait jusqu’ici jamais réussi à enregistrer un disque à la hauteur de ses concerts supersoniques. OK, on admet que ceux-ci sont particulièrement volcaniques et tendus, tirant le noise rock un brin émophile de Silent Front bien au delà des limites de la concurrence. Mais cela ne justifie pas le demi-ratage – pour ne pas parler de désillusion – engendré par Dead Lake, le premier véritable album de Silent Front paru déjà en 2010.
Le trio a donc décidé de remettre ça et a enregistré deux petits titres figurant sur un 10’ split partagé avec Clean Kitchen. Tactic A et Plunder sont enfin les deux petites bombes que l’on pouvait espérer du groupe. On ne parlera pas de miracle parce que l’on pensait bien que cela finirait par arriver un jour mais il n’empêche, nous voilà enfin satisfaits, rassasiés et comblés par un disque de Silent Front, un vrai disque de noise rock teinté de post hardcore 90’s (le vrai, celui de Washington DC donc).
Le groupe s’est donné du mal pour arriver à un tel résultat. Questionné à ce sujet, Russel Whitehorn (bassiste) a même avoué que Silent Front s’y était repris à deux fois pour mettre ces deux titres en boite, a purement simplement jeté les premières bandes à la poubelle, a tout recommencé à zéro, ne voulant pas réitérer les erreurs de Dead Lake. Mission accomplie de bien belle façon, maintenant on attend impatiemment le retour de Silent Front pour une énième tournée des bars français et d’ailleurs, c’est prévu pour les mois de mai/juin, alors que la publication de ce split est annoncée elle pour le 7 mai.
Mais comme il s’agit d’un split, on va quand même vous parler de l’autre groupe, Clean Kitchen ou plutôt A Clean Kitchen Is A Happy Kitchen. Un  trio là aussi et dans lequel on retrouve Craig Ward, un ancien dEUS et surtout ex Kiss My Jazz. On ne s’étonnera donc pas de la tournure très arty de Molasses Fo The Masses, unique titre proposé ici par Clean Kitchen. Un titre qui sent la jam psychédélique improvisée et à rallonge – comme dans un voyage spatio-temporel sauf qu’on est resté bloqués les pieds dans la merde en pleine année 2012. Et puis sur ses deux ultimes minutes Molasses Fo The Masses change de fusil d’épaule et lorgne davantage du côté d’un free form freak out un peu plus nerveux bien que tout aussi daté. Puisque ainsi on peut avoir le choix (dans la date), je préfère nettement cet aspect là d’A Clean Kitchen Is A Happy Kitchen. Néanmoins le contraste est tellement flagrant avec la face Silent Front que je suis prêt à parier n’importe quoi qu’à l’avenir (après 2012 donc) j’écouterai bien davantage la face occupée par les anglais.

[ce 10’ split – agrémenté d’un CD inutile – sera bientôt disponible auprès de Jesus Factory records, CYT... CYB!!! records et Triple Jump]

mardi 10 avril 2012

Adolina / Caldeira





J’avoue que cette illustration de pochette avec son motif genre pull jacquard désaxé m’a un peu (beaucoup) perturbé au départ. Alors j’ai cherché sur l’insert du LP si la chemise à grosse rayures n’était pas fournie avec. La réponse est non. Mais aussi laide soit-elle, cette pochette a le plus grand des mérites, celui de préserver le mystère autour d’Adolina et de sa musique. Caldeira est le deuxième album du groupe – le tout premier pour A Tant Rêver Du Roi* – après une paire de singles et un premier long format, tous autoproduits.
Un groupe qui semble sortir de nulle part et qui publie un disque sur un label fortement apprécié, il n’en faut vraiment pas plus pour tendre l’oreille, aiguisé par la curiosité. Alors disons-le tout de suite, Caldeira peu d’ores et déjà être considéré comme un petit joyau. Et, comme on le dit également parfois non sans une pointe de jalousie exclusive, Adolina était jusqu’ici un trésor bien caché. Cette formulation qui certes sent bon le cliché décrit pourtant une réalité bien tangible et incontournable : il va désormais être difficile de se passer d’Adolina**.
Deux guitares, une basse, une batterie et deux voix, pour faire simple Adolina joue de l’indie pop fiévreux et habité. Sec et nerveux. Racé et élégant. Barré mais accessible. Mélodique mais pas racoleur. De la (grande) classe à tous les étages. On se repose donc la question : d’où sortent ces quatre types avec leurs guitares finement aiguisées, leurs rythmiques nerveuses et saccadées et leurs copines qui font les chœurs à l’occasion ? On écoute attentivement la première face de Caldeira, déjà bien gonflée de six titres sans qu’il y en ait un seul à foutre en l’air (y compris l’instrumental Less Is More) puis on enchaine avec la seconde et c’est exactement le même topo.
Des braises qui couvent sous la cendre, une chaleur enveloppante, du feu qui brûle avec la régularité de la détermination… Sans démonstration de force – ni démonstration tout court d’ailleurs –, Adolina séduit également sans compromission ni facilité. La musique du groupe est parfois si austèrement répétitive, tellement sèche et rocailleuse, que l’on pourrait craindre de s’y écorcher et d’y laisser sa tranquillité. Or les miracles pullulent sur Caldeira ou plutôt les perles s’accumulent, jusqu’à ce très étonnant Contrôler Et Sévir qui comme son nom l’indique est écrit en français***. Le chant, à la limite du slam, colle merveilleusement bien à la nervosité sourde d’Adolina (sans compter qu’il s’agit également là du titre le plus vindicatif de l’album) et un sample de cette vieille guenon ultralibérale et réactionnaire de Margaret Thatcher enfonce le clou du dégoût et de la révolte. Tout simplement parfait.

* plus exactement ce LP est une coproduction entre A Tant Rêver Du Roi, Uproar For Veneration et Whosbrain records
** aussi je ne puis résister de vous donner quelques dates de concerts puisque Adolina est en ce moment même sur les routes : le groupe joue ce mercredi 11 avril à Saint Etienne (au Thunderbird), le 12 à Montpellier (au Mojomatic), le 13 dans le cadre du festival A Tant Rêver Du Roi à Pau et le 14 à bordeaux (lieu encore à définir).
*** maintenant je peux bien vous le dire : Adolina étant un groupe belge, voilà que tout s’explique enfin