jeudi 24 septembre 2009

Pissed Jeans / King Of Jeans























Ce n’est pas tout de mettre un disque tout en haut de sa play list, des fois il faut savoir expliquer pourquoi. Dans le cas de King Of Jeans, troisième album des Pissed Jeans (et deuxième pour Sub Pop) l’explication va être on ne peut plus rapide. Dès les premières secondes de False Jesii Part 2 - son riff basique et simplissime qui tourne inlassablement, les yahyahyahuah éructés par un Matt Korvette survolté et le décollage de la guitare de Bradley Frey pour un solo de turbofuzz spatiale tandis que la basse reste seule à terre pour assurer tout le sale boulot -, dès le début donc on soupçonne que cet album va être grand. Arrivé au deuxième titre, Half Idiot, la question ne se pose même plus tellement cette suite est encore meilleure - c’est tout simplement la rage qui anime ces quatre gars d’Allentown, Pennsylvanie, il n’y a pas que Matt Korvett qui a la bave aux lèvres dans ce putain de groupe de fous furieux, tous sont concernés.
Des titres de l’ampleur et de la virulence de False Jesii Part 2 et de Half Idiot, il y en a un bon petit paquet sur King Of Jeans, on peut même affirmer qu’ils sont très largement majoritaires et tous défendent avec une énergie primale et sale une musique brute devenue bien trop rare par les temps qui courent (et qui disqualifierait presque la noise trop léchée d’un Young Widows… en fait il n’y a que Black Elk qui semble encore pouvoir rivaliser avec la folie et les assauts des Pissed Jeans). Même lorsque le rythme ralentit quelque peu (She Is Science Fiction ou encore Lip Ring avec sa ligne de basse qui vous tortille comme un bon vieux Cows) et rappelle le côté sournois d’un Fang ou le côté vicieux d’un Flipper, on sent toute la virulence des bouteilles de booze vidées rapidement mais consciencieusement et des coups de boutoir assénés sans ménagement.
Il n’y a pas beaucoup de disques de la trempe d’un King Of Jeans, peut être même qu’il n’y en a pas eu tant que ça dans toute l’histoire du rock’n’roll violent, tordu, malade et drogué - un par décennie : Fun House, Junkyard, King Of Jews… ?* - mais il y en a déjà eu, c’est vrai. King Of Jeans n’apporte rien de neuf dans une musique qui de toutes façons ne pourra jamais aller beaucoup plus loin que les limites de l’auto destruction et/ou de l’embrasement spontané mais voilà un album qui remet promptement les pendules à l’heure, botte le cul des faiseurs attentifs et des précieux pseudo bruyants : King Of Jeans aurait pu s’appeler King Of Noise, King Of Rock’n’Roll, King Of Shit mais non, les Pissed Jeans savent qu’ils ne sont que les rois d’eux même, s’ils doivent beaucoup à certains de leurs prédécesseurs ils règnent sans partage sur un royaume dévasté, s’autoproclamant rois des trous du cul. La spontanéité de leur folie est le sésame de leur domination.
Et puis il y a une autre sorte de compositions sur King Of Jeans, des titres vraiment lents, parfois fatigués comme Goodbye (Hair) et surtout franchement inquiétants comme Spent, pierre angulaire d’un album qui vous éclate (à) la gueule et vous chavire pour le restant de vos jours. Merde, j’espère ne pas avoir à attendre encore pendant dix ans.

* OK, j’avoue, j’aime exagérer : Fun House est le meilleur disque du monde et le restera à tout jamais, très loin devant King Of Jeans