dimanche 30 janvier 2011

Binaire et le compte est bon






















Il doit y avoir un truc de pas respirable dans l’air parce qu’en ce moment, dès qu’un concert a lieu, le public répond présent. Même si cela n’en a pas toujours été ainsi et même si on sait pertinemment que cela changera un jour ou l’autre, cela fait rudement plaisir. Ce n’est pas tous les jours que le Grrrnd Zero dans sa version Gerland dépasse les 250 entrées payantes (dont, me dit-on, au moins 200 lecteurs assidus de Pitchfork).
Pourtant, à 21 heures, il n’y avait encore que peu de monde, à tel point que le pronostic vital de la soirée pouvait être raisonnablement réservé. A mon arrivée j’apprends également non sans un certain soulagement que les Binaire vont jouer en premier – j’estime alors je pourrai être au lit aux alentours de 23 heures, gros pépère que je suis. Et en attendant que mon duo stéphanois-marseillais préféré commence à envoyer du bois, un petit rendez-vous mondain avec les gens des Disques De Plomb s’impose tout naturellement. Ces jeunes gens ont vaillamment parcouru les 140 bornes qui séparent leur bled (Valence) de la ville des lumières (Lyon) mais ils ont une excellente raison à cela : leur label vient tout juste de publier le volume 2 des Rosemary K’s Diaries, une suite prenant cette fois ci la forme d’un split partagé entre Binaire (justement) et Nicolas Dick de Kill The Thrill (en solo). On se rappelle évidemment du volume 1 qui avait fortement marqué les esprits et on reparle de ce deuxième épisode et même du reste sans faute et dès que possible, c'est-à-dire dans pas très longtemps parce que les Disques De Plomb ont aussi d’autres très chouettes prévisions en réserve…















Comme la vie est mal faite ou – plus honnêtement – comme j’ai encore du faire n’importe quoi, je n’ai pas revu Binaire en concert depuis la parution du troisième album du groupe, le formidable Idole. Le duo joue finalement assez rarement sur Lyon comme ailleurs mais rien explique non plus pourquoi en 2010 j’ai été absent lors des seuls passages de Binaire dans le coin, au Clacson à Oullins puis lors du festival Avatarium à Saint Etienne au printemps dernier. Ce soir constitue en quelque sorte une séance de rattrapage.
La musique de Binaire a évolué entre Bête Noire, le deuxième album, et Idole. Sur scène – enfin, par terre puisque Binaire joue toujours à même le sol, les deux guitaristes/chanteurs de front, dans un dispositif qui leur est vraiment propre – sur scène donc le groupe a également appris à faire passer autrement toute sa rage. Plus de Kasque A Pointe* par exemple en guise d’intro fracassante, et logiquement moins de frontalité.
Les concerts de Binaire pouvaient régulièrement tourner à l’émeute mais désormais c’est le côté massif voire dark qui est privilégié, tout ça ressemble donc moins à un match de boxe qu’auparavant. Je ne regrette pas ces changements, tout comme j’ai su apprécié la tournure sombre et plombée de Idole, d’autant plus que le son du concert est bon – contrairement à ce qui est écrit un peu plus haut et contrairement à ce que tout le monde pense en général ils ne sont pas deux dans Binaire mais trois : il ne faut pas oublier le fidèle et efficace soundman qui n’est pas pour rien dans la réussite du groupe.
Et puis tout ceci ne signifie pas que désormais un concert de Binaire soit sans énergie, bien au contraire. Cette énergie est juste utilisée différemment et le groupe fera doucement mais très sûrement monter la pression pour nous offrir une fin de concert emballante avec en prime quelques batifolages d’agités (avinés ?) dans le public.















Contre toute attente et contre toute logique je décide de rester au Grrrnd Zero. C’est vrai que je n’ai rien à faire de spécial le lendemain mis à part attendre qu’il se passe rien, justement. Pendant le concert de Binaire les gens sont arrivés en masse et l’air est presque devenu irrespirable. Il va donc y avoir foule et quelques jeunes gens s’agglutinent déjà devant la scène pour réserver les meilleures places et attendre de pied ferme le groupe d’après, j’ai nommé : Shellshag.
En fait je n’ai fait que lire le nom du groupe sur une bannière pourrie accrochée sur le mur du fond de la scène. Je tapote gentiment sur l’épaule de mon voisin de devant que je connais (vraiment très vaguement) de vue pour lui demander quelque chose du genre : c’est ça le nom du groupe ? tu connais ? c’est bien ? t’es fan ? ça ressemble à quoi ? Au moment même où ces mots sortent de ma bouche je comprends toute la stupidité de mes questions mais mon interlocuteur ne se démonte pas et me répond on ne peut plus courtoisement que – bien que détestant les appellations débiles de groupes – il rangerait Shellshag quelque part entre Pavement et les Ramones. Me voilà donc rassuré.
En attendant un garçon et une fille aux tignasses ébouriffées sont montés sur scène et ont installé leur matériel dont un kit batterie particulièrement rudimentaire. Deux micros se font face et donc Shellshag c’est un garçon hirsute qui joue de la guitare et qui chante et une fille non moins hirsute qui tambourine et chante elle aussi. Après s’être présentés en précisant qu’ils sont spécialement venus de New York – en fait Shellshag accompagne les Japanther sur toute leur tournée –, les deux se lancent effectivement dans une pop noisy et punky mais surtout très lo-fi dont je me fous complètement. Donc je dégage, laissant la place aux fanatiques de Shellshag qui s’agitent déjà comme des parasites assoiffés grouillant sur le dos d’un clébard du Bronx. J’aurais du comprendre à ce moment là qu’il était vraiment temps pour moi de rentrer me coucher mais non, mon côté hipster a résolument pris le dessus et je suis donc resté afin de papoter de sujets complètement secondaires avec quelques éminents représentants du monde du spectacle musical. La vie est si difficile, parfois.





















Tellement difficile que lorsque Japanther commence je suis toujours là, en quelque sorte victime consentante de ma procrastination – ce mot tellement à la mode pour décrire un phénomène vieux comme le monde moderne et surtout un comportement essentiel pour arriver à le supporter. Mais passons…
Japanther… comment dire… le groupe, je parle des disques, est insupportable, non ? Deux jeunes mecs – au demeurant ils ont l’air charmant – qui jouent de la power pop bubblegum complètement rétrograde et mentalement limitée, à faire passer les Ramones et les Barracudas pour de dangereux groupes de rock progressif. Je n’ai pas tenu plus d’un titre et demi, juste le temps de prendre quelques photos avant de partir en courant pendant que les fans de Japanther (encore plus nombreux que ceux de Shellshag) entamaient leur danse du ventre rituelle. C’est à ce moment là que j’ai du admettre que Shellshag ce n’était pas si mal que cela, en tous les cas ces derniers au moins savent torcher de vraies compositions, à la différence des Japanther dont le talent de compositeurs frise le néant à force de trop de caricature. Mais c’est vrai que Japanther en concert c’est megateuf, le public était ravi et agité. C’est sûrement là l’essentiel… ?

* non non, ton ordinateur n’est pas en train de s'éteindre

jeudi 27 janvier 2011

Papaye / La Chaleur























Une précision très importante pour commencer : Papaye n’est absolument pas un groupe de math rock. Il y en a déjà qui rigolent face à une telle affirmation – car ils savent eux aussi que dans Papaye il y a un artificier échappé de Room 204, un mécanicien/conducteur de char habituellement employé chez Pneu et enfin un grenadier-torpilleur issu des rangs de Komandant Cobra – mais c’est pourtant l’exacte vérité. Papaye n’est absolument pas un groupe de math rock pas plus que Papaye est, malgré le pedigree catégorie haute voltige de ses trois membres, un supergroupe. Et ne me parlez pas non plus de side project, ce truc inventé par/pour les vieux rockers fatigués/en bout de course, pauvres pantins sans plus aucune idée neuve ni envie et talent pour continuer à faire de la musique comme lorsqu’ils avaient débuté, ceux-là même devenus beaucoup trop jaloux de la liberté des jazzmen voltigeant de session en session. Je veux bien admettre que ce line-up en ferait mouiller voire triquer plus d’un, qu’il réunit au moins deux musiciens particulièrement appréciés et que donc ça nous laisse quelque fol espoir d’entendre quelque chose d’incroyable, une musique à la hauteur de celle de Pneu ou de Room 204*. Papaye, fruit bien mûr, bien juteux et aussi appétissant que le mini-short rouge trônant au milieu de la pochette** du tout premier album du groupe, est bien mieux que ça : Papaye est un trio inventif, incisif, plein d’idées, et de sacrément bonnes en plus, et son disque, enregistré à l’ombre du studio de Miguel Constantino, s’intitule La Chaleur. Maintenant, tout le monde se met à poil.
Papaye joue donc du rock instrumental – le disque est fort logiquement sorti chez Africantape – mais un rock vif, concis, souvent puissant, jouissif parfois et un rock qui ose se perdre sans hésitation dans de drôles de méandres, de ceux qui te font gratter l’urticaire crânien en signe d’incompréhension alors que, espèce de gros bêta, il n’y a rien à comprendre. Papaye joue, tout simplement, avec spontanéité, un plaisir qui s’entend même au travers d’un enregistrement filtré par un vulgaire bout de plastique de douze centimètres de diamètre, un disque quoi. Et pas de tentation exotique non plus – sauf peut être ce dernier plan sur le dernier titre du disque, Megaplus. Papaye combine le basique et l’immédiat, le foisonnement des idées qui fusent de toutes parts et l’intelligence du jeu. Dès lors, effectivement, on ne peut plus parler de math rock car il n’y a aucune ostentation, aucune volonté avérée de péter plus haut que son cul, pas plus qu’il n’y a de calculs préétablis et de schémas volontairement trop construits. On sait que pour arriver à briller dans le genre il faut être, bizarrement, plutôt sacrément doué pour au contraire réussir à faire oublier que justement on l’est. Très peu y sont parvenu. Ou alors uniquement par erreur. Papaye n’a pas du tout besoin de ça. Le groupe sait aussi bien exposer un thème, fut-il très court, accélérer, ruer dans les brancards, dévier en sens contraire, noyer le poisson, vous servir le tout en salade de fruit mais Papaye ne raconte jamais de conneries pas plus que les trois musiciens ne s’en racontent à eux-mêmes.
La Chaleur
est déjà disponible depuis décembre 2010 et en vinyle du côté de chez Kythibong. Il ressortira également – en CD cette fois – chez Africantape en février 2011. C’est pourquoi ce disque, s’il a raté le classement dans le Top Of The Dope 2010, figurera très certainement dans celui de 2011. Papaye tourne en février aux côtés de Marvin et le groupe remettra ça en avril avec Oxes et Big’N (whammy !). Le trio sera bien évidemment présent le 30 avril prochain lors du premier Festival Africantape à Lyon/Grrrnd Zero.

* oui je dois avouer ici que je n’ai jamais réellement écouté Komandant Cobra…
** et la pochette de La Chaleur est une photo de Tom Bianchi – on ne clique sur le lien que si on a plus de 18 ans et que si les beaux mecs bronzés, trop musclés mais bien membrés et avec des petits culs serrés vous intéressent

mercredi 26 janvier 2011

Neige Morte / self titled




















Tout commence par une banale discussion sur les goûts et les couleurs : à ma droite un guitariste/multi-instrumentiste et patron de label plutôt orienté noise et free, à ma gauche un batteur émophile, également chanteur pour le comité des fêtes de la Schutzstaffel, graphiste talentueux et patron de label lui aussi. Les deux se découvrent quelques goûts en commun pendant une pause clope au travail et décident alors de répéter ensemble, d’abord pour rigoler un peu et prendre du bon temps – mais n’est-ce pas là la meilleure raison pour monter un groupe et commencer à faire de la musique ? Et cela plait terriblement à nos deux amis. Le groupe s’appellera donc Neige Morte, une référence cinématographique assez douteuse, se lancera sans trop savoir où il va exactement dans le black metal et le line-up sera très rapidement augmenté d’un hurleur patenté en la personne d’un chanteur encore tout fraîchement débarqué d’Overmars.
Aussi étonnant que cela puisse paraitre et après une petite poignée de concerts seulement,
Neige Morte publie un premier enregistrement, dont il est question ici, sur Aurora Borealis (on a déjà vu nettement pire comme entrée en matière discographique). Ces sessions datent déjà d’une année et représentent cinq titres pour une grosse demi-heure. Le résultat, pouvant à première vue paraître bigarré et incertain, laisse entrevoir les aspirations de chacun de ses membres : les guitares sont saturées mais dissonantes et bidouillées à mort – normal quand on est fan de Krallice ou de Liturgy –, la batterie ultra puissante reste très linéaire et martelée à la crust – normal lorsqu’on est un sale punk – et le chant flirte sans cesse avec les hurlements et les immondices – logique lorsqu’on est en colère. N’allez tout de même pas croire que ce premier disque n’est qu’un fourre-tout en guise d’exutoire aux désirs de ses différents protagonistes. En fait c’est presque tout le contraire : ici tout se tient et si l’aficionado un rien pointilleux et exégète en matière de black metal ne pourra pas s’empêcher de noter la qualité technique relative de l’exécution, si tel autre regrettera la non orthodoxie des riffs, si celui-là se montrera un brin mécontent des parties bidouillées de guitare, si celui-ci trouvera qu’il y a trop de passages ambient avec invectives hurlées, bruissements inquiétants de vent ou bêlements de biquettes, ces cinq titres restent d’une crudité et d’une cruauté sans nom et ce qui en ressort avant tout c’est le son bien sûr, si particulier, ainsi que l’ambiance malsaine d’un disque aussi fulgurant que sale (écoutez moi donc le début oppressant de Tout Sonne Faux, les décharges de Need Some Air, ainsi que Fausse Victime Vrai Bourreau).
Peut être sans le vouloir, Neige Morte a donc réussi à mettre sur pied et faire tenir debout une musique qui doit autant à la fureur crust qu’aux dissonances d’un metal dévoyé et sanguinolent. Les choses évolueront sûrement puisque depuis cet enregistrement – en comptant également un tout dernier à paraitre au mois d’avril prochain chez Music Fear Satan sur un 10 pouces partagé avec le génial The Austrasian Goat – Neige Morte a changé de batteur et a donc perdu son élément le plus punk. Le petit nouveau, batteur du duo math noise lyonnais Burne, se débrouille très bien aussi question chaos mais a une approche bien plus technique de la chose. A suivre, donc…

mardi 25 janvier 2011

Maria Goretti Quartet / self titled


Il faut toujours pouvoir compter sur ses amis. La personne qui m’a envoyé ce disque a du le rajouter à la dernière minute – genre et si j’osais ? – dans l’enveloppe à bulles qui m’est parvenue dès le lendemain par la poste. Oui, vous m’avez bien compris : cet album sans titre de Maria Goretti Quartet est arrivé sans crier gare, accompagnant un autre disque que j’attendais lui de pied ferme. Non mais vous imaginez ? C’est comme si moi je m’abaissais à faire de la pub pour un webzine prétendument ami mais néanmoins concurrent. En ces temps d’individualisme et d’égoïsme forcenés, le geste a quelque chose de profondément touchant, sur le disque était même collé un petit post-it laconique avec une écriture fermement féminine indiquant ça c’est le disque des copains. Pour d’obscures raisons qui m’échappent encore je n’ai pas pris ce geste d’altruisme délibéré pour la manifestation d’un écœurant état d’esprit bisounours – chose que pourtant mes mauvais penchants naturels auraient du me convaincre de faire. J’ai vaguement écouté cet album de Maria Goretti Quartet une seule petite fois puis j’ai l’ai abandonné sur la pile des disques à réécouter, un jour, plus tard, peut être.






















La blague la plus nulle que j’ai trouvée à propos du Maria Goretti Quartet c’est qu’ils ne sont que trois dans le groupe et qu’à priori le chanteur/guitariste ne s’appelle pas Maria. J’ai ensuite vaguement recherché d’où pouvait bien provenir ce nom un peu ridicule, et je n’ai trouvé que ça comme explication – inutile de vous dire que cela m’a naturellement mis très en colère. Mais si maintenant je peux vous raconter qu’ils ne sont que trois dans le groupe, c’est bien parce que j’ai écouté ce disque et que celui-ci constitue une bien bonne surprise.
Maria Goretti Quartet joue du post punk vigoureux et sautillard, vindicatif mais avec quelque chose de fleuri. Le couple basse/batterie est réellement bien en place et très impressionnant, on le remarque de suite, on le suit allègrement le long de rythmiques en général rapides mais jamais lassantes, dépositaires d’un groove tout ce qu’il y a de plus exien – exien comme The Ex – dans les passages les plus lents. La guitare vrille, scie et rivette à tout va et à grande vitesse elle aussi : les compositions de Maria Goretti ne laisse que très peu de temps au temps (justement) et vont à l’essentiel avec un entrain et un enjouement sans cesse renouvelés. Inexplicablement, ou peut être pas si inexplicablement que ça, j’ai eu envie de réécouter Dawson, vieux groupe (britannique ? écossais ?) complètement oublié après deux ou trois albums publiés au début des années 90. Maria Goretti fait partie de cette école là, la fleur au fusil mais le fusil quand même.
La seule chose que je regrette un petit peu c’est le chant – pas foncièrement original mais là n’est pas le problème – qui aurait gagné à être un peu moins mis en avant dans le mix. Sinon on se délecte sans problème des trouvailles de Maria Goretti Quartet, comme ce plan de guitare surf à la fin de Owls, les chœurs de hooligans sur Krishnou ou la bourrée auvergnate de Ainsi Parlait Tintin (mais des trouvailles, il y en a plein d’autres). Chouette.

[ce disque est une coproduction entre Et Pourtant Ça Avait Bien Commencé, Rockerill records, Love Mazout et Tandori records, plus Rockmitaine qui si j’en crois mes infos n’est pas un label mais un magasin de disques de Lille]

lundi 24 janvier 2011

Première Rondelle


Le principe de Première Rondelle est aussi simple qu’il est sympathique : Assos’Y’Song est un label qui organise également des concerts et devant la galère des trop faibles défraiements/cachets proposés aux groupes venant jouer dans leur bled – ce n’est pas la question de payer les groupes qui se pose mais bien celle de le faire décemment – les gens de Assos’Y’Song ont eu l’idée de cette compilation en forme de caisse de soutien. 21 groupes ont donné un titre (parfois inédit), 21 groupes qui ne bénéficieront peut-être pas des retombées de cette Première Rondelle mais qu’importe puisque d’autres y auront droit. Principe de solidarité.
Avec un prix de vente tiers-mondiste fixé à 6 euros maximum, Première Rondelle est surtout un échantillonnage aussi miraculeux qu’efficace de la scène musicale do-it-yourself du moment. Difficile de faire la moue même si bien sûr on ne peut pas tout aimer sur ce disque. Il y a le choix. Ce que l’on apprécie par contre totalement c’est l’artwork du CD signé Lilas et la sérigraphie assurée par Le Dernier Cri. Si on se fout complètement de l’aspect d’utilité publique de Première Rondelle, on sera au moins sensible à la qualité visuelle de l’objet. Et c’est parti pour l’énumération forcément fastidieuse des groupes participants…
A tout seigneur, tout honneur : les Death To Pigs déballent leur reprise de Hahaha de Flipper, ligne de basse bien en avant, interprétation pute à groove, chant démoniaque d’obsédé sexuel et guitare ramasse miette un peu en retrait. Tout simplement excellent et le titre qui a lui tout seul justifie l’acquisition de cette compilation.
Allez Kikette
Kiss My Feet. Oui le nom est ridicule. A nouveau une grosse basse – merci Ki(c)kette –, une batterie tellement sommaire qu’on jurerait qu’elle est tenue par une fille et un résultat punk criard et lourd, éthylique et bon enfant. Rien d’inoubliable mais finalement sympathique (non, sympathique n’est pas forcément une insulte).
Avec Deity Day les Rubiks envoient un titre datant de la préhistoire du groupe, un titre très punk à roulettes – je préfère lorsqu’ils font les gorilles sabbathien et montrent leur luxuriance poilue et dévastatrice.
Hallux Valgus débarque avec My Own Pet et même si ce titre n’a rien d’inédit puisque publié à l’origine sur Gale = Paranoïa + Psychose + Frustration on retrouve non sans bonheur le meilleur duo noise punk du coin. Les pieds qui puent, et haut la main.
Les PayDay les suivent au plus près et gare aux fesses ! Ces jeunes gens balancent un hard core mathématique et anguleux – et pourquoi pas chaotique pendant qu’on y est ? – du meilleur effet et tout simplement excellent. Ces mecs ont-ils jamais sorti le moindre enregistrement, une démo, une cassette, un CDr ? Quelle que soit la réponse, je suis preneur.
Après les homos stupides, les nîmois de Shub prennent les devants avec un Sunday funky punk as fuck, snappy as Shub et de bonne facture. Ah oui, on n’a pas dit que du bien de Fuck My Luck, le nouvel album du groupe, mais on n’en a pas dit que du mal non plus. L’ambivalence continue.
X-Or et AB Production. N’ayant aucun humour ni aucun respect pour les matamores trépassés – qu’ils soient bataves comme Jacques Brel ou, c’est le cas ici, occitan comme Claude Nougaro – je n’ai rien à dire sur cette chose dont il paraitrait qu’il s’agit d’une blague. Promis je vais essayer de m’enlever ce doigt que les PayDay m’ont carré bien profond tout à l’heure et que je n’arrive toujours pas à enlever.
Black Kite pourrait y parvenir avec son Zip si le chant féminin n’était aussi réfrigérant. Dommage parce que pour le reste le mélange post punk/new wave de Black Kite est plutôt réussi. Je suis sûr que le groupe peut faire beaucoup mieux si ce n’est déjà le cas.





















Pour savoir tout le bien que je pense d’Headwar, autant aller lire ceci. Malgré le son un peu terne et un niveau de composition plutôt moyen, Diligence fait plus que jamais espérer qu’un jour ou l’autre ce groupe d’Amiens publie enfin un véritable album. Non mais qu’est ce que vous attendez les garçons et les filles ? De jouer au Fuckfest #3 par exemple ?
Les Prosperr, youpla boom, sont les rois du jeu de mot foireux mais ce Highway To Whales instrumental et puissant distribue les pains dans la gueule et ne manque pas d’épices. Une excellente surprise. Prosperr a publié un album il y a quelques années sur le non moins excellent label A Tant Rêver Du Roi donc la question est : ce groupe existe-t-il encore ?
Retour à la new wave/post pounque avec Dr Benway et Sadya. C’est la même chanteuse que Black Kite ? Non je ne crois pas : elle chante mieux et apparemment elle chante des trucs dégueulasses, ses histoires de sex toys me décontractent suffisamment le sphincter laxiste pour me débarrasser définitivement des PayDay.
Je connais cette voix… ah oui : One Foot Dancer partage son chanteur avec Shub, sauf que là il joue de la basse et non de la guitare. Monkey Proof est loin d’être génial mais par contre One Foot Dancer vient tout juste de publier un nouvel album, The Dead Note Theory, dont vous me direz des nouvelles et plus vite que ça. Peut être même qu’on finira par le chroniquer ici, ce disque d’unijambistes new-wave.
Rosvita est le seul groupe méditerranéen pour de vrai de cette compilation de sudistes puisque il est espagnol. Malheureusement Calcetines Rojos De La Suerte est un peu trop court pour se rendre vraiment compte de quoi que ce soit. Dommage, ça avait l’air plutôt bien.
Je passe sur le Mister Lover de Out Of School Activities (à cause du nom du groupe j’ai espéré un temps qu’il s’agisse d'un tribute band à Turbonegro mais non).
C’est ensuite au tour de Calva : Kato est un titre que l’on retrouve dans une version très différente sur le split du duo avec Io Monade Stanca mais ici tout est bien plus sec et sans le côté vocomurder. Voilà un excellent titre, entre math rock et noise voltigeuse. J’aimerais bien voir ces jeunes gens un de ces quatre sur scène.
Dure Mere et Quien La Mato A Lulu. Même punition que pour X-Or et que pour Out Of School Activities : j’appuie sur la touche avance rapide du lecteur CD même si j’avoue que je me laisserais sans doute volontiers embringuer par cet accordéon si j’assistais à un concert de Dure Mère. En fait Quien La Mato A Lulu me fascine autant qu’il me révulse.
Ntwin. 60 Fingers est l’un des meilleurs titres de l’album sans titre que Ntwin a publié en 2010, album qui a d’ailleurs largement mérité sa place dans le Top Of The Dope de cette même année. En bref que du bon et rien à ajouter sauf que la version présentée ici n’est pas la même.
Poutre propose Kill Monsanto ! que l’on connait déjà, c’est un titre de l’album Escalade des Nîmois et une excellente façon de faire, si ce n’était déjà le cas, connaissance avec la noise carrée et traditionnaliste du trio.
Jubilé avait partagé un excellent split album avec Ntwin. Revoici le groupe avec un Nein Nein qui figure justement sur ce split et dont il était au passage l’un des moments de bravoure.
Pord : Joyeux Mimosa n’a rien d’un inédit puisque on le retrouve sur le meilleur split single publié en 2010. Pord est aussi l’auteur d’un des meilleurs concerts vus l’année dernière et le groupe s’apprête à marquer cette année 2011 au fer rouge avec la publication d’un premier album qui est, c’est le moins que l’on puisse dire, attendu avec une impatience grandissante.
Superbeatnik termine Première Rondelle avec un Woo power psyché stoner qui contre toute attente réussit son coup. Contre toute attente ? Je n’ai jamais osé écouter le disque de ce groupe, échaudé par l’étiquette stoner de sa musique. Sans doute ai-je eu tort mais je ne saurais en dire davantage non plus. Tant pis pour ma gueule.
Cette compilation tirée à 500 exemplaires est disponible auprès des groupes qui figurent dessus – j’ai acheté la mienne à un concert de Pord – ou bien auprès du label, ici.

vendredi 21 janvier 2011

La Terre Tremble !!! / Travail






















Travail a été publié il y a maintenant plus d’une année (sauf erreur de ma part, au dernier trimestre 2009) et La Terre Tremble !!! reste depuis l’un des secrets les mieux gardés de ce petit monde. Travail… voilà vraiment un nom d’album très curieux et limite rédhibitoire pourtant choisi par un groupe au nom tout aussi improbable – La Terre Tremble est aussi le titre d’un film de Luchino Visconti – pour son deuxième album. Le premier était parvenu jusqu’à nos oreilles grâce à Whosbrain (et est toujours disponible à ce jour) mais malheureusement ne nous avait pas échauffés plus que cela. Ce qui n’est absolument pas le cas de ce Travail aussi finement ciselé que captivant. Abrité par le Collectif Effervescence (le label des géniaux Papier Tigre, de The Patriotic Sunday et avant de Room 204 ou de Chevreuil), La Terre Tremble !!! est littéralement passé au stade supérieur, rejoignant la cohorte des groupes certes arty mais classieux, impertinents, imaginatifs, funambules et poétiques.
Pourtant les choses n’ont pas été si aisées lors des premières écoutes d’un album subtilement extravaguant, insaisissable, donnant l’impression de se défausser sans cesse : mélodies de côté, rythmique en pas chassés, tropicalité post rock, jazz rock hémiplégique, chant d’invertébré. Ce qui aurait pu passer pour une accumulation de mauvais goût (le chant sur Der Ungeheuer par exemple) se révèle être en fait un savant assemblage d’éléments détonnants que seule une volonté farouche accompagnée d’un sérieux niveau d’inconscience ont pu faire fusionner ensemble. Tout le monde est capable de jouer au Lego ou au Mecano mais tout le monde n’est pas forcément capable de construire un modèle différent de celui qui figure sur la boite.
Indéniablement La Terre Tremble !!! est pourtant un groupe de pop, mais une pop ayant renoncé au céleste – qui de toute façon, même presque quarante cinq années plus tard, pourrait faire encore mieux que les Beatles, les Kinks et les Byrds ? – pour se concentrer sur l’atelier mécanique et électricité du petit bricoleur avant de se diluer dans l’eau du robinet : voilà donc une pop enfiévrée et qui coule de source. On pense souvent en écoutant la musique de La Terre Tremble !!! à ce qu’aurait pu donner Gastr Del Sol si David Grubbs avait remplacé Jim O’Rourke par Sam Prekop.
On attend logiquement et impatiemment la suite mais la suite n'est pas pour maintenant : La Terre Tremble !!! a en effet arrangé et joué sur le nouvel album de The Patriotic Sunday, un album annoncé pour ce début d’année encore une fois chez le Collectif Effervescence. Mais par contre le groupe semble n’avoir rien prévu pour lui-même. Tant pis, on se réjouit à l’avance d’une telle collaboration…












… les parisiens seront par contre bien chanceux demain samedi puisque Mowno organise sa troisième soirée Mind Your Head à la Flèche d’Or – au programme La Terre Tremble !!! justement mais également Ventura et Room 204, un fin line-up qui fait franchement rêver ici, il n’y a qu’à relire les chroniques consacrées à We Recruit de Ventura et Balloons de Room 204.

jeudi 20 janvier 2011

No Drum No Delay et The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers au Sonic






















Je n’en reviens toujours pas : la soirée de la veille a tout simplement été excellente malgré un conflit d’intérêt majeur autour du catering et plus particulièrement de l’approvisionnement en tarte aux pralines (mais finalement rien de grave). Les groupes étaient globalement bien, le public nombreux, la bière fraîche et les gens sympathiques – un vrai rêve de petit poney. Le comité rédactionnel de 666rpm a donc décidé de décerner à l’unanimité et un peu en avance sur son timing habituel le Glaoui d’Or 2011 à l’organisation du jour pour récompenser la qualité impeccable des prestations proposées ainsi et surtout pour saluer cette chance monstrueuse d’avoir eu un public aussi nombreux – rappelons qu’à Lyon comme ailleurs ce n’est pas toujours le cas –, en espérant que cela se reproduira le plus souvent possible.
Et voilà qu’il faut remettre ça dès le lendemain puisque le Sonic accueille cette fois No Drum No Delay ainsi que The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers. L’organisation du jour n’est autre qu’Under A Big Black Sun ou plutôt ce qu’il en reste, certains membres de l’asso étant désormais très pris par leurs (pré)occupations professionnelles. C’est vraiment regrettable parce que cette équipe représente en quelque sorte le canal historique de l’organisation des concerts sur Lyon (avec des bouts de Silly Hornets dedans) et que la tradition et l’expérience ça a aussi du bon : il faut toujours avoir des vieux cafards aux côtés des jeunes cloportes.
Disons-le tout de suite, ce deuxième concert de ce début d’année sera également un franc succès, moins impressionnant que celui de la veille mais suffisant toutefois pour bien remplir la péniche du Sonic et ce malgré une absence totale de promotion de la soirée (pas d’affiches, ni de flyers…). Et surtout, surtout, l’affiche en valait une nouvelle fois vraiment la peine.















Car je vais enfin pouvoir voir No Drum No Delay en concert. Certains le savent déjà mais No Drum No Delay est le nouveau groupe des anciens Bananas At The Audience, groupe lyonnais qui en son temps avait grandement fait son effet – excellente formation sur scène et bons enregistrements à l’appui – mais s’était éteint de lui-même, un peu dans l’indifférence, y compris la mienne, en 2008. Le bouche à oreilles a des fois des vertus incommensurables, surtout lorsqu’il s’accompagne d’un certain capital sympathie. On avait beau me dire mais tu sais le nouveau groupe n’a rien à voir avec l’ancien, No Drum No Delay paraissait être le truc à voir et à entendre. Il fallait juste attendre que ces garçons sortent enfin de leur tanière pour leur tomber dessus.
Après un rendez-vous manqué avec le groupe lors de la deuxième soirée du festival S.K. au mois de décembre dernier, voilà donc No Drum No Delay programmé au Sonic, pour le plus grand bonheur d’amis et de connaissances venus exprès pour les soutenir – et oui, ça marche toujours comme ça mais c’est très bien ainsi. Le line-up du groupe comprend guitare, basse, batterie, voix, bidouilles électroniques et saxophone, un line-up qui n’est pas sans rappeler (la voix en plus) celui de Laddio Bolocko – le groupe de Drew St Ivany et de Ben Armstrong avant Psychic Paramount. Le sens de l’exagération, c’est presque un métier, en tous les cas ça peut être une vocation (voire un vice) mais il aurait été malgré tout difficile de ne pas sentir l’ombre psychédélique, noise et prog des new-yorkais sur la musique exponentielle des lyonnais.
Quelques maladresse subsistent – il n’est pas toujours bon de trop insister sur les effets bidouillés à la voix – mais No Drum No Delay impressionne vraiment, le groupe arrivant à partir littéralement en vrille stratosphérique tout en gardant l’énergie hard core d’antan. Le chanteur/bidouilleur/saxophoniste, implacable, trépigne et enrage, le bassiste se contorsionne et contraste avec le guitariste plus attentif et très à l’écoute. Les lignes de basses sont à la fois le moteur et la colonne vertébrale de la musique de No Drum No Delay qui ne délaisse pas non plus le free – je ne dis absolument pas ça à cause du saxophone qui de toute façon n’interviendra qu’à la fin du set – car le groupe s’essaie beaucoup à l’impro et laisse de larges passages ouverts lui permettant d’aller voir ailleurs. Outre le fait que découvrir enfin un nouveau groupe sur scène est toujours une expérience, lorsque le groupe en question est aussi bon et prometteur on sait déjà que le concert restera en mémoire.















La suite du programme n’est autre que The Health Boy & The Badass Moterfuckers. Rappelons pour les incultes et les fans de math rock que The Healthy Boy est un ménestrel barbichu adepte de folk songs tourmentées mais lumineuses (un peu comme Smog mais il y a très très longtemps) et qui ne rechigne pas non plus à dérailler comme un vieux bluesman alcoolique ou un country boy échauffé. Les Badass Motherfuckers ne sont autres que trois membres de Zëro (Eric Aldea, Ivan Chiossone et Franck Laurino) plus un guitariste plutôt facétieux et adeptes de blagues salaces.
Devant un Sonic pas toujours très concerné ni concentré – contrairement au concert précédent à la librairie Grand Guignol qui s’était déroulé dans une ambiance ne pouvant qu’imposer attention et ferveur – la musique de The Healthy Boy aura plus de mal à se frayer un chemin, sauf parmi les irréductibles qui resteront collés à la scène. La voix grave du bonhomme est pourtant très impressionnante, on le sent prêt à en abuser parfois mais l’humour vient toujours à son secours, sans compter la qualité indéniable des compositions.
Je me sentais prêt moi aussi à ressortir mon couplet à propos de Remember Me, élue plus belle chanson de l’année 2010 par l’ensemble du comité rédactionnel, seulement voilà : pour une raison que j’ignore (en fait une raison à laquelle je n’ai absolument rien compris malgré les explications d’après concert), le guitariste facétieux mentionné plus haut se plantera complètement dans l’accordage de sa guitare et ne sera donc pas en mesure de jouer toutes ses parties correctement – donnez une nouvelle paire de bottes et du nouveau matos à un musicien et le voilà complètement perdu. Pas grave, Remember Me reste malgré tout une très belle chanson mais on se focalisera davantage sur un ultime titre joué en rappel, un titre tout nouveau et assez enlevé, presque country punk et qui laisse augurer que The Healthy Boy & The Badass Motherfuckers ont encore quelques bonnes surprises à nous offrir dans l’avenir.

[on peut aussi regarder toutes les photos du concert et écouter des extraits de la musique de No Drum No Delay mis en vidéo et postés ici – message à l’attention des allergiques et des sectaires : laissez tomber les Acapella Ninja et préférez (donc) la série Dunk’s Not Dead, surtout la quatrième partie, bien que cet enregistrement réalisé par Fab l’ancien à la friche RVI (R.I.P) date déjà un peu, le groupe ayant l’air d’être dans une sacrée phase de progression]

mercredi 19 janvier 2011

Le Triomphe des jeunes loups

















Un mois sans aucun concert à se mettre entre les oreilles c’est particulièrement dur à supporter mais c’est pourtant exactement ce qu’il vient de se produire : après un mois de novembre puis une première quinzaine de décembre 2010 particulièrement chargés – avec en point d’orgue un concert extraordinaire de Borbetomagus que les trop rares spectateurs présents ce jour là ne sont pas près d’oublier – il ne s’est plus passé grand-chose dans cette bonne vieille ville de Lyon. Mais si on en croit les infos circulant sur le net ou ailleurs, la trêve des concerts a été générale. A noël on bouffe. Entre noël et le jour de l’an on digère. Le 31 décembre on espère. Le 1er janvier on gerbe et débande.
Pas de bonnes résolutions pour 2011 mais déjà quelques bonnes perspectives de concerts. En avril aura lieu le FuckFest #3 (on espère bien en être) puis ce sera le tour du Festival Africantape (là, on y sera, c’est sur). Deux évènement incontournables histoire de prouver – mais à qui ? – que question vitalité et activisme les scènes do-it-yourself et indépendantes n’ont rien à envier à personne et qu’au contraire elles restent à la pointe. On souhaite également que d’ici ce fantastique mois d’avril d’autres concerts tout aussi captivants auront lieu. Quelques prévisions pour Lyon : Goudron, Gay Beast, Shub, Lucertulas, Alaska Pipeline, les Welldone Dumboys (enfin !) et surement d’autres encore dont on ne manquera pas de vous reparler en temps et en heure.





















En ce mardi 18 janvier c’est donc en quelque sorte la rentrée. Est-ce le manque insoutenable ? La variété exemplaire des groupes à l’affiche ? Le charme indéniable de la jeune fille postée aux entrées ? La forme pour le moins kabbalistique du flyer officiel imaginé par les esprits tordus de Maquillage & Crustacés ? Toujours est-il que le compteur frôlera de très très près les 120 entrées payantes. Détail amusant, ce soir nous allons uniquement entendre et voir des duos.
Kaumwald commence alors à jouer devant une audience non négligeable. Ils sont donc deux dont un garçon que je reconnais pour avoir joué auparavant dans l’incarnation à cinq de Kandinsky, l’un des projets free impro de Franck Gaffer/Sheik Anorak. Nos deux garçons se sont installés devant une avalanche de matériel (tables de mixage, pédales d’effet, pads, claviers, etc) : le concert sera statique mais absolument pas rébarbatif – les mystères de la musique et comme quoi on peut avoir le jeu de scène d’une algue marine ballotée au gré des marées et réussir à captiver une partie non négligeable du public.
La musique de Kaumwald est des plus étranges : synthétique et industrielle, bruitiste mais harmonique, expérimentale mais accessible, claustrophobe mais attirante, froide mais belle. Quelques choses comme du Throbbing Griste (plutôt fin de partie : 20 Jazz Funk Greats) ou du Ike Yard avec des aspirations plus contemporaines, tripes hop et fission moléculaire à froid. Des interventions au micro confèrent rapidement un côté émouvant à la musique de Kaumwald. Parfois une sorte de tribalisme donne froid dans le dos. Le duo a peut être joué un peu trop longtemps mais il a réussi à ne pas trop s’essouffler pour autant. Les extraits musicaux mis en ligne sur la page bandcamp (désormais incontournable pour tout groupe qui se respecte) sont bien décevants en comparaison. Un groupe à revoir rapidement.















Autre duo, à cheval entre St Etienne et le Canada, et œuvrant cette fois dans le « post rock » : .Cut featuring Gibet, prononcez [dot cut], merci. Un groupe de post rock… enfin je dis ça mais si vous demandiez à Albérick, le garçon au laptop et par ailleurs maître d’œuvre du label [Walnut + Locust] depuis une douzaine d’années maintenant, il vous répondrait que les étiquettes il s’en fout et que pour qualifier la musique de .Cut il préfère employer le simple terme d’« expérimental », terme qui a l’avantage certain de ne pas vouloir dire grand-chose et surtout d’en énerver plus d’un et plus d’une.
Certes, lorsque vous assistez à un concert de Cut Featuring Gibet vous entendez beaucoup de choses : les textures et autres manipulations sonores orchestrées par Mr .Cut et les nappes de brouillard ou arpèges célestes que Mr Gibet extirpe avec une certaine nonchalance de sa guitare ainsi que de quelques effets. Des projections visuelles permettent d’habiller une musique très magmatique et mouvante et qui finalement doit autant aux murs du son du harsh qu’aux paysages éthérés du « post rock ». Surtout .Cut featuring Gibet s’évite toute grandiloquence et joue même jusque sur le terrain de l’agression. Il est toujours très agréable de revoir le duo en concert une fois l’an – lorsque celui de ses deux membres installé au Canada revient faire un petit tour au pays natal – même si d’une année sur l’autre on n’a que peu de surprises et qu’on ne découvre pas de changements notoires dans la formule musicale proposée. Mais mine de rien .Cut featuring Gibet reste l’un des rares groupes du genre à envisager une approche originale de celui-ci et c’est bien tout ce qui compte.















Les stars de la soirée ce sont eux mais on ne le sait pas encore. Loup, duo composé de Clément Lunatic Toys et de Franck Sheik Anorak, a déjà donné quelques concerts, sorti un bon disque et avec ce concert à Grrrnd Zero ils s’apprêtent à inaugurer une tournée de dix jours qui les mènera jusqu’en Angleterre. Autant dire que les deux petits loups sont chauds comme des lapins.
Le dispositif des deux musiciens ne change pas : Franck à la batterie, à la guitare, aux boucles et à la bidouille. Clément au saxophone alto et à la bidouille également – il a un joli pad électronique qui fait plein de couleurs différentes et dont il se sert pour triturer le son de son saxophone. Autant dire tout de suite que l’album de Loup ainsi que les précédentes prestations scéniques du duo n’étaient qu’une mise en bouche tout juste bonne à égailler nos fins de soirée d’hiver : Loup va en effet procéder dès le début de son set à un décollage fulgurant, ira immédiatement effectuer quelques loopings dans la stratosphère, passera par la case gratouilles et frottements mais sans se donner un air intelligent et surtout sans s’appesantir et le groupe reviendra au ras du sol pour une série d’explosions finales qui conduiront le public à réclamer un rappel – ce à quoi Loup consentira de bonne grâce.
Le plus impressionnant et le plus enthousiasmant est que l’on ne peut pas discerner les parties pré-écrites des parties improvisées, que si le duo s’embarque sur un nouveau plan ou décide d’en faire durer un autre un peu plus longtemps ou même de le dévier, on ne se rend compte de rien. Homogénéité et conviction dans l’interprétation : on peut dire que Loup est le croisement hybride d’un désir noise et d’une logique free mais que le duo ne laisse ni l’un ni l’autre prendre le dessus, préférant aller au delà et y arrivant parfaitement.















Alors que le public réclame un deuxième rappel à Loup, les deux musiciens tout sourire expliquent qu’il y a encore un dernier groupe après eux. De l’autre côté de la salle Black Packers s’est en effet déjà installé. La salle se vide, tout le monde comprenant que Loup ne jouera pas une note de plus mais personne ne reviendra pour écouter le duo franco-norvégien. Black Packers est composé de Jean-Philippe Gross et de John Hegre, ce dernier étant plus connu pour faire partie des énormes Jazkamer.
Le pedigree des deux musiciens parle de lui-même, Black Packers pratique le harsh noise : Jean-Philippe Gross s’affairant à un appareillage analogique, générant du feedback et bidouillant des micros contact et John Hegre faisant peu ou prou la même chose mais avec sa guitare. Voilà un descriptif bien banal serait-on tenté de dire… et bien oui, le résultat l’étant tout autant. Black Packers est un groupe harsh travailleur et sans originalité qui arrivera de temps à autres à inspirer une certaine nausée sonore plus que bienvenue mais rien de renversant non plus.
Pourtant les deux sont très rigolo à regarder, surtout Jean-Philippe Gross avec ses grands écarts et autres génuflexions limite rock’n’roll. Et puis le son n’était pas assez fort ni assez agressif et donc manquait de richesse : il a bien fallu au bout d’un moment enlever les bouchons d’oreilles si on voulait vraiment entendre quelque chose d’un peu outrageux et malgré cela il n’y a eu aucun sifflement ni acouphène à déplorer le lendemain. Je reste persuadé que ces deux malades peuvent faire bien plus fou et bien plus dangereux.

[quelques photos de cette soirée duo à regarder ici]

mardi 18 janvier 2011

Tormenta / La Ligne Âpre






















L’année vient à peine de commencer que déjà les bonnes surprises débaroulent sans crier gare. Tormenta est un trio – devenu plus récemment duo – qui retient l’attention pour au moins une raison (bonne ou mauvaise ? là n’est pas la question) : Tormenta est le « nouveau » groupe de Vincent Beysselance, plus connu pour avoir été le batteur de Cheval De Frise entre 1998 et 2005. Si son ex acolyte Thomas Bonvalet a depuis donné régulièrement de ses nouvelles sous le nom de L’Ocelle Mare, notre homme s’est lui montré bien plus discret. Pourtant Tormenta existe depuis 2006, aurait déjà publié un mini album et s’apprête à dévoiler La Ligne Âpre d’ici le mois de février sur Africantape, le label des grosses têtes, des joueurs d’échecs kolkhoziens, des matheux à boutons et des adeptes de déviations musicales le plus à la pointe du moment.
L’autre chose qui retient l’attention à propos de Tormenta, c’est que le groupe n’hésite pas à parler de metal à propos de sa musique tout en se défendant de vouloir adhérer à un style ou à un autre. Pour celles et ceux qui tiennent absolument à sauvegarder leur pré carré et à s’imposer eux-mêmes des petites barrières toutes bien confortables et limitatives on rappellera qu’une chapelle c’est avant tout fait pour être brûlé et qu’il ne faut pas confondre choix esthétique et obscurantisme fanatique. Tormenta est précisément dans ce cas là, celui d’une bombe incendiaire et d’un groupe qui, pourtant conscient de jouer dans un espace a priori fini et restreint, ne s’impose guère de limites ou plutôt prend un certain plaisir à tout faire exploser en plein vol. Ceci posé, le metal on le sent carrément, bien gros et bien profond, dès les premières notes de Pagan, titre introductif large des épaules et au parlé fort. Et on le retrouvera tout au long des sept titres de La Ligne Âpre, dans ces guitares au son épais sculpté dans le roc et donc franchement et dangereusement tranchant.
Tormenta est donc plutôt un groupe de tailleurs de pierres que de ferronniers : ses membres choisissent des gros blocs bien lourd, de préférence du granit, et les jettent les uns sur les autres, les éclatent, en obtiennent des plus petits, les agencent, les jointent, les mettent en équilibre et les soulèvent le plus haut possible, en bon bâtisseurs qu’ils sont. Ainsi, la musique de Tormenta vous écrase, vous assomme, empêche le sang de vous monter à la tête (essayez donc d’étrangler quelqu’un pour voir un peu l’effet que procure La Ligne Âpre), vous étouffe mais aussi vous donne le tournis, vous enchante, majestueuse, stratosphérique et irréelle. Les fondations sont profondes, les piliers sont robustes, les voutes sont épaisses mais Tormenta a la force alliée au charme magique d’une architecture romane. Le jeu de batterie n’est en rien étranger à cette alchimie mais les guitares (un peu de basse et quelques incursions d’un violoncelle) sont les ciseaux à pierre, œuvrant d’arrache-pied, de ce colossal chantier minéral et ascensionnel.
Même pas un seul petit reproche ? Et bien La Ligne Âpre est un album un peu bref (une grosse demi-heure) et même si les élucubrations instrumentales les plus courtes sont souvent les meilleures, on regrettera de ne pas pouvoir en entendre un peu plus. A part ça, on se réjouit déjà de pouvoir découvrir Tormenta sur scène, lors d’une tournée que le groupe a prévue d’enquiller au mois de février. Et puis on les verra également lors du festival Africantape, le samedi 30 avril pour être plus précis.

lundi 17 janvier 2011

Lydia Lunch / 13 13


On ne peut pas nier que l’on ne manque pas de nouveautés question musique – enfin, on parle de nouveautés discographiques, pas vraiment de nouveautés musicales – mais que dire alors des rééditions ? Le marché du disque s’effondre, on le sait, on en entend parler, et voilà donc une bonne aubaine pour certains labels peu scrupuleux : rééditer à tour de bras les fonds de catalogue en leur collant une remasterisation dont l’effet le plus flagrant n’est le plus souvent qu’une augmentation du volume sonore et du niveau de compression, un laminage en règle parfait pour écouter de la musique sous format mp3 au casque ou en bagnole. Dans un autre genre, rééditer un disque moins d’un an après sa parution initiale, avec juste un pauvre CD bonus contenant quatre titres et deux vidéos pouraves est devenu une pratique courante – alors que voilà justement une pratique qui incite toujours et encore à se servir d’un bon vieux peer to peer pour trouver les fameux inédits (qui souvent n’ont de fameux que le nom et la mention qui va bien sur le sticker promotionnel imaginé par un quelconque service marketing). Et je ne vous dirai même pas ce que je pense également des suprêmes rééditions « deluxe », surtout celles qui proposent sur un deuxième CD un mix 5.1 de l’album orignal, en complète contradiction avec l’esprit initial du disque (cf les rééditions des premiers albums de Nick Cave & The Bad Seeds depuis quelques mois).
Mais, fort heureusement, il y a des rééditions qui ont encore valeur de découverte, de témoignage, de documentation et de résurrection. Et c’est précisément le cas de celle de 13 13, l’un des albums historiques et mythiques de Lydia Lunch. L’évènement – puisque il faut bien nommer les choses telles qu’elles sont – est de taille et ce pour plusieurs raisons : premièrement ce disque était devenu très difficile à trouver à des prix décents aussi bien en vinyle (il en existe plusieurs versions, certaines assez crapuleuses comme celle éditée par le label italien Expanded Music avec son pressage tout simplement dégueulasse) qu’en CD (chez Line records, en 1988…!) ; deuxièmement Le Son Du Maquis a promis une réédition en CD mais aussi et surtout en vinyle ; enfin 13 13 est considéré comme l’un des meilleurs disques de Lydia Lunch post Teenage Jesus & The Jerks, coincé entre Queen Of Siam et la paire In Limbo/Honeymoon In Red. Pour ma part 13 13 est même mon album préféré de la Dame, et si ses travaux les plus récents ne se sont pas toujours révélés à la hauteur (la très grosse déception de Big Sexy Noise par exemple), voilà une réédition qui tombe à point nommé pour réaffirmer que oui, c’est bien Lydia Lunch qui commande.





Curieusement 13 13 était le seul enregistrement d’importance de Lydia Lunch à n’avoir jamais été réédité décemment. Tous les autres l’ont été par Atavistic. L’erreur est désormais réparée, Lydia Lunch a elle-même supervisé la chose, par exemple elle a insisté pour que le point ou le tiret compris dans le titre original du disque (donc 13.13 ou 13-13, selon les versions) soit enlevé, estimant qu’il ne s’agissait là que d’une erreur et expliquant que « 13 13, a double negative equals a positive »*. On parlera donc dorénavant et uniquement que de 13 13.
Le disque est bien évidemment le même**. 13 13 est l’enregistrement le plus lourd, le plus trainant, le plus suintant et le plus gothique de Lydia Lunch. Et de loin. Mais pas ce gothique australien et boueux qu’elle a engendré aux côtés du regretté Rowland S. Howard (les excellents Honeymoon In Red et Shotgun Wedding) : 13 13 est un album réellement glacé, combinant une cold wave sale et humide (la basse dopée au flanger de Greg Williams) avec un psychédélisme heavy (la guitare de Dix Denney, échappé des Weirdos !). Le chant de Lydia Lunch a subi le même traitement, aboiements de prophétesse adolescente comme sous calmant, la rage sous une épaisse couche de glace, le feu qui embrase mais n’embrasse pas. 13 13 est un album d’autant plus terrifiant mais captivant qu’il n’explose jamais frontalement, il préfère vous entourer, semble vous enlacer mais surtout opte pour l’asphyxie. Le son, à la fois très mat, comme étouffé, et flamboyant, en pleine combustion, est un modèle d’efficacité sournoise – faire le moins pour obtenir plus. Mais le plus fort sur 13 13 – si on excepte la combinaison instrumentale piano + bruit + reverb de Dance Of The Dead Children ainsi que This Side Of Nowhere et Lock Your Door, titres plus aérés si c’était possible – c’est qu’il ne comporte que des tubes. Bien sûr on pourra préférer Stares To Nowhere et Snakepit Breakdown qui éclairent la première face du disque d’une lumière trouble et sale mais 3x3 (excellente batterie tenue par Cliff Martinez***), l’incroyable Suicide Ocean et le terrifiant et final Afraid Of Your Company sont du même niveau et vraiment tout aussi bons. Question interprétation également, Lydia Lunch ne retrouvera jamais un tel groupe pour l’accompagner, même lorsqu’elle s’acoquinera avec Rowland S. Howard, Nick Cave, Thurston Moore ou Clint Ruin/JG Thirlwell. N’enlevons rien à ce qu’elle enregistrera par la suite avec ces derniers, sa discographie des années 80 étant purement et simplement exempte de tout faux pas : 13 13 est juste son meilleur disque de tous les temps et impossible à dépasser, un point c’est tout.

* mon faible niveau d’anglais me permet tout de même de comprendre qu’il y a du cryptique dans cette affirmation
** on remarquera uniquement la modification de l'artwork avec l'adjonction de ces épines tribales pas du meilleur goût et trahissant quelque peu l'épure d'origine – mais là aussi il s'agit de l'artwork initialement désiré par Lydia Lunch à l'époque
*** notre homme se fera ensuite connaitre en composant et produisant plusieurs musiques de film pour Steven Soderbergh

vendredi 14 janvier 2011

Einstürzende Neubauten / 2002 - 2010


Ce 2002 – 2010 est le quatrième volume et dernier né de la série des compilations retraçant de manière perpendiculaire les aventures sonores d’Einstürzende Neubauten. Tous les épisodes estampillés Strategies Against Architecture sont très importants dans la chronologie du groupe, établissant soit les fondations (le premier volume publié en 1984 et résumant les années 1980 à 1983), soit décrivant l’apogée du groupe (le second volume paru en 1991 et se concentrant sur les années 1984 – 1990) puis décrivant la dégringolade et la décomposition de Neubauten (le volume 3 à propos des années sombres 1991 – 2001). Emballé dans un élégant digipak malheureusement desservi par des illustrations sans intérêt mais agrémenté d’un épais livret comportant textes et notes techniques nécessaires à tout amateur et fanatique du groupe, ce volume 4 laisse d’abord quelque peu perplexe et ce uniquement pour un tout petit détail : on ne trouve pas sur le recto du disque la sacro-sainte mention du titre Strategies Against Architecture. Comme si Einstürzende Neubauten avait définitivement tourné une page, était passé à autre chose, avait changé d’optique, ne détruisait plus pour reconstruire, était enfin devenu un maitre d’œuvre positif, ne courait plus après le chaos et ne convoquait plus obligatoirement le bruit pour en faire émerger une musique sonnant nouvelle à ses/nos oreilles. Dans les faits, c’est exactement ce qui s’est passé avec la musique d’Einstürzende Neubauten : le groupe n’est plus exactement le même, son approche est différente, ses disques ont fini par sonner autrement – seule la voix de Blixa Bargeld, bien que celui-ci a réellement changé de techniques de chant entretemps, sert de fil conducteur entre les débuts de groupe et maintenant et les in(ter)ventions sonores de N.U. Unruh tel le ressort basse passent de plus en plus au second plan au profit d’un effort certain de composition plus académique.





















Mais si on regarde à nouveau le disque de plus près, on finit par découvrir la fameuse mention Strategies Against Architecture IV au verso, comme par défaut. Ce n’est peut être qu’un pur hasard du aux caprices du graphiste qui a composé la pochette de ce disque mais on retrouve là toute l’ambivalence d’Einstürzende Neubauten vis-à-vis de sa propre histoire et de son évolution : Blixa Bargeld, Alexander Hacke et N.U. Unruh vous diraient* qu’il s’agit toujours du même groupe tout en admettant à demi-mots que les départs de Mark Chung puis et surtout de FM Einheit s’étaient révélés inévitables, que les choses n’étaient plus du tout possibles autrement. Cette position est particulièrement intenable lorsqu’on écoute en même temps le volume 3 de Strategies Against Architecture, illustration flagrante de la décrépitude musicale de Neubauten et marqué par le changement de line-up du groupe : c’est justement après ce changement que musicalement rien ne va plus pour Einstürzende Neubauten… L’épisode 2010 de Strategies Against Architecture donne par contre raison aux membres survivants du groupe sur un seul point mais il est primordial : ensemble, avec l’adjonction de Rudolf Moser et Jochen Arbeit, ils ont su/pu reconstruire Einstürzende Neubauten, lui redonner vie, ont fini par rattraper leur passé et ont même à de trop rares occasions recommencé à expérimenter sans plus ressembler aux tristes clowns blancs arty qu’ils avaient fini par devenir. Les Einstürzende Neubauten ont cessé d’être des démolisseurs et des iconoclastes et sont devenus des architectes voire des urbanistes quasi scientifiques – la mention Strategies Against Architecture n’a pas donc effectivement plus lieu d’être.
L’histoire d’Einstürzende Neubauten soulève alors ce nouveau paradoxe : tout en minimisant les effets de la rupture et sa propre désagrégation, le groupe est finalement revenu vers des formes plus intéressantes, du moins intéressantes comme il n’en avait plus créées depuis trop longtemps. C’est comme un parcours elliptique – finalement une histoire bien banale tant on peut la rencontrer chez bien d’autres groupes – et ce qui est d’autant plus amusant c’est que la musique de Neubauten elle-même a suivi cette forme elliptique : si le bruit brut, le fracas industriel et le chaos nihiliste (plus tard convertis en tension et en malaise, cf l’album Fünf Auf Der Nach Oben Offenen Richterskala de 1987) ne sont plus depuis longtemps les trois premières règles d’un groupe démoniaque, ils se retrouvent malgré tout derrière toute la création d’Einstürzende Neubauten de ces huit dernières années, création désormais marquée par des problématiques de maîtrise du bruit et du silence, d’harmonies et de structures parfois très ambitieuses. On avait défendu l’album Alles Wieder Offen en 2007, on avait aimé The Jewels en 2008 et bien ce 2002 – 2010 nous donne entièrement raison.
Comme pour tous ces prédécesseurs, le volume 4 de Strategies Against Architecture reprend des inédits, des versions alternatives et du live. C’est précisément ce qui en son temps rendait le volume 3 malgré tout mille fois supérieur aux albums Ende Neu et Silence Is Sexy – le pire de tous – de Neubauten. Ici on retrouve également quelques titres et extraits de travaux qui n’étaient jusqu’ici parus que sur des disques en souscription et réservés aux membres du fan club du groupe et on retrouve également un montage issu de la série Musterhaus. Il n’est pas faux non plus d’affirmer que ce sont ces programmes interactifs via internet entre Einstürzende Neubauten et les plus grands admirateurs du groupe** qui ont quelque part sauvé la bande à Blixa Bargeld du désastre.

* à ce sujet il faut donc lire Pas De Beauté Sans Danger de Max Dax et Robert Defcon aux Editions du Camion Blanc
** idem

jeudi 13 janvier 2011

Crippled Old Farts / self titled























La vengeance des pets foireux. Après un split album partagé avec les amis d’Unlogistic, les Crippled Old Farts sont déjà de retour avec un 7 pouces de sept titres mais rien de kabbalistique là dedans : nos parisiens péteurs ont toujours ce goût résolument orienté vers le hard core old school né il y a plus de trente années du côté de Washington DC (Minor Threat), Los Angeles (Black Flag, Circle Jerks) ou Orange County (Adolescents). Plus de trente ans c'est-à-dire à une époque où les quatre musiciens de Crippled Old Farts en étaient encore pour la plupart au stade anal décrit par ce cher Sigmund – si vous cherchiez une explication, bonne ou mauvaise, à propos du nom du groupe, vous venez assurément de la trouver.
On aura donc compris que question « univers musical personnel » voire même « personnalité à fleur de peau », le nouveau méfait des Crippled Old Farts va à l’exacte encontre d’une quelconque originalité : les groupes préhistoriques cités ci-dessus donnent une indication suffisante pour décrire les sept compositions de cette galette bien menée du début à la fin. Le cahier des charges est parfaitement rempli, les titres oscillent tous entre la poignée de secondes et la paire de minutes, autrement dit la durée que les Crippled Old Farts mettront d’ici pas très longtemps pour assurer une performance dominicale digne d’un stade génital bien tassé que bien sûr ils ne manqueront pas de connaitre un jour – toujours selon ce cher Sigmund.
Le reste est une question d’affinité. Les gamins pourront trouver ça hyper cool, les vieux pourront y aller de leur couplet nostalgique – ronchon ou satisfait –, les copains rigoleront à l’idée du prochain concert punk as fuck des Crippled Old Farts dans la cave d’un bouge parisien, les curieux iront écouter et aimeront peut être et quant aux autres… et bien les autres en auront sûrement rien à foutre. Vous faites partie de celles et ceux qui justement s’en tapent complètement des Crippled Old Farts ? Quelque chose me dit aussi qu’ils vous le rendent bien. On peut être à la fois appliqué et sincère.
Ce très joli disque (avec un artwork décliné en orange mais aussi en jaune ou en marron et œuvre de Steph Rad Party, également littérateur et chanteur des Crippled Old Farts) mérite d’être défendu car, outre sa très bonne tenue, il correspondant bien à l’esprit rétrograde et conservateur très souvent mis en avant ici. En fait la seule surprise du disque se produit au moment du changement de face puisque si la première tourne en 45 tours, la seconde passe en 33. Une petite blague qui, comme continuer de jouer une musique immuable et instantanée quelques décennies après l’invention du genre, se révèle assez drôle.
Ce 7 pouces a été publié à 350 exemplaires par Shogun recordings, les plus observateurs d’entre vous auront remarqué que le logo du label est complètement pompé sur Discharge : qu’est ce que je vous disais ?

mercredi 12 janvier 2011

Berline0.33 / Flying Above Scarecrows






















Berline0.33 : une guitare, une basse, une batterie et une chanteuse. Vous croyez, bande de macho-sexistes psychorigides que je vais encore vous refaire le coup du combo noise rock avec en guise de cerise sur le gâteau une formidable chanteuse brunette et à frange ? Et bien vous avez parfaitement raison. Non pas d’avoir le jugement esthétique aussi rétréci que vos érections matinales sont ridicules, mais vous avez tout de même raison parce que je vais vraiment vous dire tout le bien que je pense d’un groupe plutôt bruyant avec chant féminin et de sa musique : tous les deux ont plus d’une qualité incontournable à vous servir.
Berline0.33 nous vient de Lille, un endroit où comme ailleurs il se passe autre chose que ce que l’ennui vous impose. Ces jeunes gens n’ont pas froid aux yeux ni aux oreilles et nous présentent avec Flying Above Scarecrows un EP de trois titres particulièrement enthousiasment. Evitons tout de suite les sempiternelles comparaisons : en France, dès qu’il y a un groupe avec une fille au chant, on la ramène forcément avec Heliogabale et Sasha Andrès or ceux-ci ont beau avoir prouvé qu’ils sont toujours un groupe important et qu’avec Blood ils ont sorti l’un des meilleurs disques de 2010, rien ne saurait justifier non plus un raccourci aussi flatteur bien que forcément réducteur. Berline0.33 – dont c’est apparemment le deuxième enregistrement, le groupe a semble t-il publié un autre disque (un album entier ?) en 2009 – est un groupe possèdant une identité forte et bien à lui. A chacun ses épanchements de sang et ses épouvantails.
Musicalement on navigue effectivement dans un noise rock mid tempo ou même franchement au ralenti (To The Core) qui se développe en mode rouleau compresseur, fonctionnant par leitmotivs, choisissant la répétition plutôt que la cassure, privilégiant l’empilement (le synthé qui apparait sur la deuxième moitié de Flash), l’intensité et l’étouffement libérateur. Berline0.33 a ce talent de faire monter la pression, inexorablement, tout en faisant en même temps baisser la température d’un cran : Flying Above Scarecrows vous décolle du sol tout en vous glaçant les sangs. Le synthétiseur fait à nouveau une apparition discrète mais remarquée sur le tyrannique Hoopladder et démontre que (contrairement à un groupe comme Frustration qui ne joue que la carte du mimétisme et du cliché) les quatre Berline0.33 ont tout compris à l’héritage cold wave, s’en servant comme d’un trampoline et non pas d’un cocon. Malgré la température qui persiste à descendre, la noise de Berline0.33 continue son ascension mais la pression à froid du groupe ramène malgré tout un côté entrainant et impérieux : on sent que cette musique doit être parfaitement taillée pour la scène*.
Reste le cas d’Emilie, chanteuse flamboyante, dotée d’une voix grave d’une puissance indéniable, aux intonations troublantes, au chant de sirène destroy/vampire shootée au fréon et ne s’endormant jamais sur la dynamique musicale décrite ci-dessus : cette dynamique imparable c’est elle qui la conduit, c’est elle qui la justifie et c’est elle qui l’emporte toujours plus loin et toujours plus fort. Sa voix finit par être un instrument comme les autres, travaillant à ce martèlement répétitif qui vous hypnotise mais jamais non plus on ne saurait l’oublier pour autant – elle est à la fois dans, autour et au dessus de la musique.

*à ce propos Berline0.33 cherche des dates n’importe où ou presque entre le 16 avril et le 02 mai, n’hésitez pas à les contacter

mardi 11 janvier 2011

Big'N / Dying Breed






















En 2010, je n’aurais jamais cru que l’annonce d’une reformation de Big’N allait pouvoir susciter autant d’enthousiasme et de réactions globalement positives. Archétype de la noise chicagoan des 90’s pour les uns, seconds couteaux pour les autres, les quatre Big’N n’auront, du vivant de leur groupe, publié que deux albums, Cutthroat en 1994 et Discipline Through Sound en 1996 – les deux sur Gasoline Boost, un label allemand* monté par un fan de noise complètement inconscient et qui au passage a aussi publié le premier album de Shorty (Skingraft rejoindra l’aventure en s’associant à la sortie de Discipline Through Sound). Big’N avait également enregistré une petite flopée de titres dispatchés sur presque autant de 7’ et de split singles et réunis pour la première fois sur ce Dying Breed, CD compilatoire parvenu jusqu’à nos oreilles grâce aux efforts fanatiques d’Africantape**. C’est donc très logiquement aussi que Big’N constituera l’une des têtes d’affiches incontournables de la première Convention Annuelle Des Cassettes Africaines qui se tiendra à Lyon à la fin du mois d’avril prochain***.
Dying Breed est une bénédiction. Et le pire cauchemar des collectionneurs de raretés qui s’enorgueillissent pompeusement de posséder tous les disques – même le plus obscur single – d’un groupe que l’on croyait oublié : il y a presque tout ce qu’il pouvait y avoir de rare de Big’N sur ce disque et même plus encore. Presque tout ce sont ces singles incandescents et malsains, plus ce sont des versions démos avec quelques inédits qui parcourent le disque. Lequel n’a pas été compilé de manière chronologique. Ainsi Dying Breed démarre avec Dirtfarmer, titre qui figurait sur l’album Cutthroat de Big’N mais présenté ici dans sa version du split single avec Pencil et qui est donc différente ; pendant ce temps là, Godawful, première face du tout premier single de Big’N, a été relégué en troisième position du disque et on ne découvrira Small Giant (la face B, bien meilleure) que vers le fin du programme. A défaut de bien saisir la formidable montée en puissance qu’a constitué la discographie de Big’N (le couple Godawful/ Small Giant, seuls titres enregistrés avec le bassiste Chris Johnson en 1991, étant encore un peu faiblard à mon goût), Dying Breed tord le cou aux détracteurs de Big’N qui voyaient dans le groupe une version bien trop simpliste de cette noise made in Chicago qui en avait retourné plus d’un au milieu des années 90, la gueule ensanglantée contre le mur. Il suffit d’écouter pour se rendre compte qu’au contraire il n’y avait peut être rien de mieux que cette batterie de malade (Brian Wnukowski), cette basse de boucher (Michael Chartrand), cette guitare de tueur (Todd Johnson, oui c’est de frère d’Al Johnson de Shorty et US Maple) et ce chant de psychopathe à la fois hors de lui et étouffé (William Akins).
Le simplisme supposé de la musique de Big’N n’est qu’un leurre et n’arrive bien évidemment pas à cacher ni à entacher une réelle efficacité (Old Negro Work Song présenté ici en version demo et dont la version initiale figurait sur le split posthume partagé avec Oxes) et une violence frontale élevée purement et simplement au rang de grand art. Et réfléchissons un peu plus – mais pas trop quand même : ce n’est pas pour rien que les quatre Big’N excellaient autant dans les reprises d’AC/DC. On connaissait déjà celle de TNT à l’origine publiée par Skingraft sur un double split single en 1996 avec Shellac, US Maple et Brise Glace. On découvre ici celle de Dirty Deeds Done Dirt Cheap, meilleure encore : Big’N est bien le seul groupe capable de transposer à sa sauce toute la rage d’une vieille composition rock’n’roll des frères Young et de Bon Scott sans jamais avoir l’air ridicule. Je ne connais pas beaucoup de groupes capables d’un tel exploit.

*c’est sans doute pour cela qu’aujourd’hui on trouve encore Cutthroat en distribution chez X-Mist (à un prix ridicule, même pour un CD)
** un mini album avec que des enregistrements récents est également prévu, toujours sur le même label, pour le mois d’avril
*** Big’N en profitera pour faire deux autres dates françaises avant de retourner à Chicago : une à Rennes le 28 avril avec Oxes et Papaye (incontournable) et l’autre à Paris le 29 avril (en toute logique), toujours en compagnie des deux mêmes groupes.

lundi 10 janvier 2011

Pas De Beauté Sans Danger


Enfin un livre digne de ce nom sur l’un des groupes de musique expérimentale les plus importants de ces trente dernières années. Il était temps. Max Dax et Robert Defcon ont appliqué à Pas De Beauté Sans Danger (Keine Schönheit Ohne Gefahr est aussi l’un des titres de l’album Fuenf Auf Der Nach Oben Offenen Richterskala de Neubauten) la même méthode que l’on retrouve sur le Please Kill Me de Legs McNell et de Gillian McCain ou sur le plus récent Manchester Music City de John Robb : procéder par interviews des principaux acteurs de l’histoire que l’on souhaite raconter, enlever les questions, ne garder que les réponses et laisser ainsi apparaitre un récit croisé et parfois contradictoire qui va au fond des choses sans tomber dans le didactisme soporifique ou le fanatisme révérencieux. Il y a en effet trop de livres trop complètement acquis à la cause de leur sujet et pontifiant jusqu’à l’absurde – bien que comme nous allons le voir le propos de Pas De Beauté Sans Danger est finalement clairement orienté mais ça c’est aussi le droit le plus strict de ses auteurs.





















Il y a deux façons de voir et apprécier Einstürzende Neubauten. La première est de considérer que le groupe a eu deux vies distinctes : la première de 1980 jusqu’en 1993, année de sortie de l’album Tabula Rasa, le dernier avec le line-up constitué de Blixa Bargeld, FM Einheit, NU Unruh, Alexander Hacke et Mark Chung, et la seconde de 1994 à nos jours. L’autre façon de considérer Einstürzende Neubauten est de dire que toute l’histoire du groupe est pertinente, suit un cheminement logique qui a amené Neubauten d’une ère d’autodestruction et de bruits à celle d’une maîtrise toujours plus grande du chaos sonore mais aussi du silence tout en formalisant et structurant des compositions toujours plus abouties. Mise à part l’intervention un peu dépitée d’un FM Einheit qui prétend qu’après son départ et celui de Mark Chung Einstürzende Neubauten aurait mieux fait de changer de nom, Pas De Beauté Sans Danger privilégie la vision au long cours de l’esprit créatif et bouillonnant du groupe. On a le droit de ne pas être tout à fait d’accord mais on doit également reconnaitre que toute l’évocation de la « deuxième vie » d’Einstürzende Neubauten est pour les auteurs du livre l’occasion d’une réelle analyse musicale des plus passionnantes. Ainsi, alors que le groupe de Blixa Bargeld lâchait peu à peu les amphétamines et le marteau-piqueur pour les résidences d’artistes et la composition sérieuse, le livre passe du registre historique et sociologique – les années 80, les excès, Berlin ville prison, etc – à celui presque scientifique d’une histoire de l’art et de l’apparition des nouvelles technologies.
C’est que non content d’avoir su massacrer le béton des murs et bruler les scènes des salles de concert qui les accueillaient, les Einstürzende Neubauten ont également été parmi les tous premiers à comprendre le rôle d’internet et du multimédia en musique grâce à des programmes exclusifs de souscription sur le net, la retransmission en direct de séances d’enregistrement, l’interactivité entre fans et groupe, les premiers étant invités à donner leur avis sur le travail en cours des seconds, la gravure quasi instantanée puis la vente de CD des concerts auxquels les fans venaient tout juste d’assister, bref toutes ces choses qui désormais pourraient presque nous sembler banales ou récupérées. Blixa Bargeld avait également mis au point un jeu de cartes qui, tirées au hasard, servaient de base à l’écriture de nouveaux titres (et qui a abouti à l’album The Jewels). Toutes ces innovations ainsi que la remontée qualitative des disques d’Einstürzende Neubauten – le petit dernier, Alles Wieder Offen, étant une pure merveille – sauvent donc le point de vue des auteurs du livre. Lire Pas De Beauté Sans Danger tout en écoutant les différents volumes des compilations Strategies Against Architecture se révèle d’ailleurs des plus pertinents car cette écoute illustre parfaitement les interventions parfois très descriptives et techniques des musiciens et permet aussi de se rendre compte que le volume III de la série marque un sacré creux créatif (sur son deuxième CD) alors que le volume IV qui vient tout juste de paraître chez Mute records est celui du renouveau.
Quel que soit le point de vue où l’on se place, on ne peut donc que reconnaitre que si le Einstürzende Neubauten de Let’s Do It A Dada n’est pas le même que celui de Abfackeln! ou de Seele Brent, on finira par s’accorder sur le fait que les deux sont finalement tout aussi passionnants. Les Neubauten ont su transmuter, se métamorphoser et il est vrai que l’expérimentation et la recherche d’un ailleurs ont toujours été la raison d’être d’un groupe aussi inclassable qu’essentiel. Pas De Beauté Sans Danger a été publié par les éditions du Camion Blanc.












[cette chronique peut également être lue dans le n°2 de (new) Noise qui vient tout juste de paraître]