lundi 29 mars 2010

Kimmo / Bolt And Biscuit























Je devrais me contenter d’un laconique j’aime beaucoup ce que vous faîtes et m’en tenir là. Ça me ferait gagner du temps, ça t’en ferait gagner à toi aussi, petit lecteur qui esquive à ton travail – fais gaffe ton chef de service est en train de faire sa tournée d’inspection, ferme vite ton navigateur internet et fais donc semblant de t’intéresser au chiffre d’affaire de l’entreprise et aux possibilités d’amortissement de la nouvelle voiture de fonction de ton patron adoré. Mais comme ce monde est de plus en plus peuplé de chômeurs, de RMIstes, de traîne-savates en tous genres subventionnés par l’Etat, de faux malades tirant le déficit de la Sécurité Sociale vers le haut, d’artistes maudits intermittents du spectacle, de paresseux qui refusent de faire n’importe quel travail dégradant pour un salaire ne couvrant même pas leurs maigres besoins, je me sens bien obligé d’évoquer un peu plus profondément le cas de Kimmo, quartet qui contrairement à ce que cette courte intro pourrait laisser penser n’est absolument pas un groupe politisé – quelle horreur – mais avec quelques activistes en son sein, ça oui sûrement, d’une manière assez évidente même.
Bolt And Biscuit a le format dont rêvent éternellement les amateurs de beaux objets et de musique qui tourne pour de vrai, sur une platine, le format d’un 12 pouces et c’est Karaoke666, My Kimono, Les Disques Du Hangar 221 et Rejuvenation (toujours les mêmes) qui se sont associés pour la sortie d’un album qui devrait atteindre le firmament des réussites discographiques 2010. Pour celles et ceux qui ne possède qu’une platine pour CD ça tombe bien, il y en a un également de glissé dans la pochette, laquelle, conçue par le guitariste de Kimmo, fera pour l’occasion un chouette tableau à accrocher dans un salon neo zen post suédois. Voilà pour les détails techniques. Et maintenant la musique.
Durcissant magnifiquement son propos par rapport à After The Show, son disque précédent, Kimmo a également étoffé son vocabulaire ou plus exactement le groupe a approfondi son travail – quel vilain mot lorsqu’on parle musique : on n’est pas en train de gagner sa croûte, là – tout en allant toujours dans la même direction, celle fine et racée d’une musique oscillant entre pop noisy, post rock dynamique (oui ça existe) et incartades teintées de dissonances élégantes auxquelles on peut ajouter quelques tentations emocore (encore un vilain mot). Donc si on doit parler de travail à propos de Kimmo, c’est de travail d’orfèvre, d’horloger ou de dentelière dont il s’agit. De l’exigence, de la précision dans les détails, des contrastes discrets, du surlignage bien vu et en finesse, des blocs de couleurs contrastées mais toujours bien en place, rien ne bave, des volumes savamment ciselés. Je parle des compositions bien sûr, compositions à la fois haut de gamme, racées et nerveuses, mais pas seulement : la mise en son (orchestré par un Miguel Constantino toujours aussi efficace) développe les mêmes qualités, celles d’une production sèche et claire tout en gardant un son extrêmement chaleureux. La discrète dualité de la musique de Kimmo – entre effluves pop et lignes de tir noise – est ainsi toujours davantage mise en exergue et possède au final un charme fou.
A propos de Kimmo on parle aussi souvent des deux guitares, merveilleuses d’allant, de répondant et de trépidation, tirant à boulets rouges, forçant le passage, remuant ciel et terre à la recherche d’un peu plus de bruit mais sachant également et fort heureusement calmer le jeu ou plutôt brouiller quelque peu les pistes, lignes claires légèrement dissonantes dans la grande tradition mélancolique. N’oublions pas non plus la rythmique, ce couple basse/batterie d’une souplesse et d’une conviction à toutes épreuves semble t-il, d’une précision qui frise le tatillon et avec un groove exemplaire que l’on remarque dès le premier titre, l’excellent Kikkoman, groove qui nous collera au plus près tout le long des douze titres de Bolt And Biscuit, provoquant une sorte d’addiction bien irrésistible.
Que de compliments me direz-vous. Et bien ce n’est pas encore fini. Toujours dans ce registre dual, Kimmo a deux voix à son actif. L’une féminine et l’autre masculine. Alors que la première est nettement prédominante – et pour cause, cette chanteuse au timbre aigu a vraiment quelque chose pour elle – la complémentarité entre les deux voix aurait pu suffire à notre plus grand bonheur bien que recoupant un schéma sinon trop classique du moins déjà maintes fois entendu. Or, parlons encore et toujours de cette voix féminine, celle-ci se révèle posséder à elle seule tout le secret alchimique de Kimmo, entre le charme des lignes de chant les plus pop avec en filigrane un je ne sais quoi de vénéneux et les moments où cette même voix sait faire monter la tension, ne tombant pas dans le piège de la fébrilité, tenant au contraire en équilibre sur une ligne bien tracée conduisant tout droit vers l’éclat sonique. Ces caractéristiques vocales déterminantes – tout comme la variété intrinsèque des couleurs de la musique de Kimmo – atteignent leur sommet sur le quatrième titre de Bolt And Biscuit, le magnifique After The Show et ne cessent elles aussi de nous hanter. Un album magnifique, tout simplement.

dimanche 28 mars 2010

Michael Gira / I Am Not Insane


The Swans are not dead. C’est ainsi que Michael Gira, chanteur/performer charismatique des Swans, a fait savoir qu’il voulait réactiver son groupe. Le monospace officiel des Swans a instantanément été rebaptisé de ce The Swans are not dead (en référence au dernier enregistrement officiel du groupe, un live datant de 1998 et a contrario intitulé The Swans Are Dead) tandis que Young God records, le label de Gira, lançait une imposante campagne d’information sur le pourquoi du comment du parce que et annonçait la parution d’I Am Not Insane, un pack CD + DVD comprenant les démos acoustiques du futur album des Swans (actuellement en cours d’enregistrement ?) ainsi que les images de deux performances solo de Michael Gira, tout aussi acoustiques. L’objet est strictement limité – mais on ne sait pas vraiment à combien d’exemplaires – et toutes les pochettes sont uniques, faites à la main et numérotées par Gira lui-même. I Am Not Insane est déjà réputé sold out mais une version CDr (et sans DVD) est annoncée pour tous les retardataires.
Le but avoué de la manœuvre est de lever des fonds pour financer le nouvel album des Swans et permettre au groupe de recommencer une nouvelle vie, de repartir en tournée par exemple. J’en connais parmi les plus chanceux qui ont pu voir les Swans à l’Elysée Montmartre en 1987 avec les débutants Treponem Pal et les excellents Dazibao en première partie (pour donner une idée c’était la période Children Of God des Swans), j’en connais d’autres qui ont assisté quelques dix années plus tard à la tournée d’adieu des Swans, tournée passant entre autres par un Pezner lyonnais pas aussi rempli qu’on aurait pu l’imaginer (honnêtement le souvenir de ce concert est également loin d’être très bon) et donc on pourra peut être à nouveau voir Michael Gira et son groupe sur une scène… peut être parce que si j’en crois tous les racontars à propos du cachet réclamé par les new-yorkais, voilà qui est très loin d’être gagné. Pour celles et ceux qui voudrait aider encore plus Michael, le portfolio de vingt dessins originaux est lui toujours disponible.























Le CD comprend donc des démos. En fait il s’agit de Gira enregistré tout seul à la maison, assis dans son bureau, avec sa guitare et sa voix. On entend son siège qui grince, il marmonne deux ou trois trucs entre les titres. Siobhan Duffy (God Is My Copilot, Angels Of Light, etc) vient pousser la chansonnette sur My Lazy Clown et on remarque une vieillerie : le toujours très prenant Failure. Après, difficile de s’extasier ou tout simplement de se dire que sacré bondiou de saperlipopette le prochain Swans risque d’être un sacré bon disque qui va tout emporter avec lui. Musicalement on se situe entre les Swans dernière période (post goth/neo folk) et Angels Of Light (post folk/neo goth), aucune surprise donc, uniquement – et c’est déjà énorme – l’immense plaisir de retrouver la voix si particulière et unique de Michael Gira ainsi que son songwriting hanté.
La partie DVD est bien plus intéressante. Elle commence pourtant par une courte séquence enregistrée elle aussi à la maison, dans le bureau que Gira nous fait visiter (alors c’est le casse-noisettes que m’a offert mon papa avant de partir pour refaire sa vie en Allemagne, ça c’est ma collection de CD, ça c’est mes livres et ça c’est une photo de ma maman, vraiment une très belle femme, elle est morte maintenant) avant d’interpréter trois nouvelles chansons.
On passe et on se concentre sur les deux concerts en solo qui se trouvent juste après. Le premier est un peu mou, enregistré dans un club à New York en juillet 2007 mais comprenant déjà certains des futurs nouveaux titres des Swans – du moins ils sont aujourd’hui annoncés comme tels – et saupoudré de titres issus de The Great Annihilator, du repertoire d’Angels Of Light ou d’albums solo de Gira (surtout Songs For A Dog de 2006). Puis on se concentre principalement sur le second concert, enregistré à Toronto en juin 2009. Sur celui-ci la performance vocale de Gira y est autrement meilleure, donnant au passage bien plus de relief aux titres figurant déjà en version démo sur le CD et présentant encore un panachage varié de titres de tous les groupes du chanteur depuis la fin des années 80 (mais aucun titre de Skin, le duo qu’il avait monté avec Jarboe, laquelle ne fera pas non plus partie de la (re)formation 2010 des Swans). Principaux moments, la version de My Brother’s Man – de l’excellent album We Are Him d’Angel Of Light en 2007 – et Surrogate tiré de Soundtracks For The Blind des Swans (1996) sur lesquels Michael Gira, tout confortablement assis sur une chaise et derrière un pupitre qu’il soit, se transforme le temps de quelques minutes magiques en incantateur démoniaque.

Passé la nouvelle d’une résurrection des Swans, passé l’enthousiasme que cela suscite forcément, I Am Not Insane c’est un peu comme mes deux bonnes actions annuelles, lorsque quelques semaines avant Noël les éboueurs de la ville puis les pompiers viennent sonner à ma porte pour me vendre un calendrier aussi laid qu’inutile. Je le leur prends quand même leur calendrier, dessus je mets des petites croix aux dates correspondantes pour ne pas oublier les concerts où (je veux) j’ai le droit d’aller. I Am Not Insane sera donc ma troisième (et dernière) bonne action de l’année et ce sera également mon pense-bête : en 2010, les Swans vont publier un nouvel album !

samedi 27 mars 2010

Sonic Explosion























Tu la vois cette setlist ? Celle qui figure juste là, au dessus ? Regarde-la bien. Tu as vu tous les chefs-d’œuvre incontournables de Spacemen 3 que Sonic Boom et sa bande de mercenaires nous ont joués en concert jeudi soir au Sonic ? J’en suis purement et simplement sur le cul. Sans être un inconditionnel ni un fervent admirateur de Spacemen 3 et de ses rejetons toujours inconciliables (Spiritualized de Jason Pierce d’un côté et Spectrum de Peter Kember de l’autre), il fallait bien que j’aille vérifier par moi-même l’état de décomposition ou non de Peter Kember aka Sonic Boom. Et donc je ne le regrette pas. Mais n’allons pas trop vite.
Après quelques tergiversations de programmation suite à de fausses informations données par un tourneur peu scrupuleux – en gros : je te jure mec, Pierce et Kember se sont enfin rabibochés, le deal que je te propose c’est carrément un concert de Spacemen 3 et tu vas te faire des couilles en or mon pote ! – c’est bien à un concert de Spectrum auquel nous allons assister au Sonic. Spectrum c'est-à-dire Peter Kember accompagné d’un guitariste, d’un bassiste et d’un batteur. Un vrai groupe de rock quoi. Mais là où ce tourneur malhonnête – et qui depuis s’est fait virer – avait en fait raison c’est que malgré l’absence de Jason Pierce (certains n’hésitent pas à dire qu’il était l’âme du groupe, d’ailleurs Spacemen 3 n’avait il pas été nommé d’après son pseudo à lui, c’est à dire J. Spaceman ?) ce concert aura répondu quasiment en tous points à l’idée et au fantasme que je pouvais me faire d’un concert de Spacemen 3. OK il n’y avait pas de stroboscopes. Mais c’est tout.
















Sans doute rendu nerveux par le fait d’assurer la première partie d’un musicien qu’il admire profondément, le jeune Tamagawa n’en mène pas large et c’est tout naturel. Il a beau après coup se déclarer mécontent de son concert, je trouve pour ma part qu’il s’en est très bien sorti. Deux petites critiques cependant : le volume sonore m’a semblé insuffisant, certes la musique de Tamagawa est fine et délicate et ne nécessite pas de faire péter la sono outre mesure mais entendre les habituels poivrots accoudés au bar faire des concours de biroutes en même temps que la musique jouait était des plus agaçants. Ensuite, puisque Tamagawa ne développe (volontairement ?) aucun jeu de scène particulier, puisqu’on sent même qu’il aimerait peut être se soustraire aux regards pourquoi ne joue t-il pas plus dans l’obscurité ? Je suis sûr que cela rendrait sa musique encore plus prenante tout en lui permettant de se détendre et de se concentrer davantage.
Sinon, fidèle à son habitude, Tamagawa nous a gratifié d’un seul et unique long morceau, pas vraiment drone mais doucement répétitif. Une intro en douceur au synthétiseur, la mise en place de boucles, puis l’arrivée de la guitare chargée de delay et un léger beat en fond, presque subliminal. L’impression souple et agréable de flottement et de psychédélisme sur coussins d’air. Quelques applaudissements accueillent la fin du concert de Tamagawa, le Sonic est déjà bien rempli, et je me dis que c’est pas mal venant d’un public qui s’est avant tout déplacé pour Spectrum.























Peter Kember a une bonne réputation de chieur et il est vraiment à la hauteur de cette réputation. Je vous passe les détails sur la bouffe française qui est dégueulasse alors qu’il n’a même pas daigné y goûter et sur ses réclamations incessantes pendant le concert sur le faible niveau des lumières lorsqu’il jouait, en réclamant toujours plus – on peut avoir plus de lumière sur scène ? c’est possible en France ? (sic). Bonne ambiance et petits rires sardoniques dans le public.
Kember est du genre perfectionniste ça on le sait et il passera son temps pendant tout le concert à surveiller ce que font ses trois acolytes, surtout le pauvre guitariste, n’hésitant pas à lui faire des remarques à l’oreille en plein milieu des morceaux, à toucher au réglage de son ampli et de sa pédale de fuzz. Cela se produira tellement souvent que s’en est même devenu comique, Kember apparaissant de plus en plus comme un personnage complètement flippé voire névrosé mais quelque part aussi attachant parce qu’ambivalent. S’il manifeste toujours son mécontentement dès que l’un de ses musiciens joue une connerie ou fait tout simplement quelque chose qui ne lui plait pas, il se confond pareillement en mille excuses dès que c’est lui qui se plante. Humain, donc. Et puisque on parle de considérations techniques, Kember a exigé du soundman du Sonic qu’il coupe toutes les fréquences inférieures à 100 Hz, autrement dit pas de basses : oui c’est notre son sur scène, ça l’a toujours été et c’est aussi le son de nos disques (re-sic). Après tout c’est lui le chef. Et il sait mieux que quiconque comment son groupe doit sonner. La suite va prouver qu’il avait parfaitement raison et que nous sommes tous des petits cons.
















Bon revenons à cette setlist de Spectrum. Il n’a échappé à personne qu’elle est composée de standards et encore de standards de Spacemen 3. On note quelques reprises également – Kember, Pierce and C° en truffaient déjà leur répertoire à la bonne époque, considérant que c’était un passage obligé pour leur musique – parmi lesquelles Che (du premier album de Suicide et déjà repris par Spacemen 3 en face B de Revolution), l’énorme When Tomorrow Hits (de Mudhoney, également dans les setlists de Spacemen 3 et extrait de leur album Recurring) ou War Sucks qui a donné son nom au dernier EP en date de Spectrum et qui est une reprise de Red Crayola (sur leur premier album de 1967, The Parable Of Arable Land).
Parmi les surprises il y a Set Me Free qui n’est pas le titre de Spacemen 3 auquel on pouvait s’attendre le plus – c’est un autre extrait de Recurring, ce dernier album sur lequel Kember et Pierce n’avaient que trop peu joué ensemble, s’octroyant chacun une face du LP. Il y a également How You Satisfy Me ? de l’album Soul Kiss (Glide Divine) de Spectrum. Surtout, on attendait Peter Kember au tournant sur les reprises tant attendues mais néanmoins promises de Revolution ou de Suicide. Et on les a bien eu ces reprises d’anthologies.






















Le début du concert a toutefois été quelque peu laborieux et légèrement mollasson. Le côté velvetien sous Tranxene de Kember, mid tempos et balades sixties avec maracas et jolies mélodies lysergiques. Un tour de chauffe pour Sonic Boom et ses boys, lesquels se gardent bien de toute attitude démonstrative sur scène, respectant les codes de conduites des Spacemen 3 – le guitariste joue assis sur une chaise et de profil par rapport au public, le bassiste reste droit comme un piquet et tous évitent soigneusement de sourire. Oui ce qui se passe sur scène est, comment dire, bien mais il n’y a rien de passionnant non plus.
C’est lorsque Kember enclenche sa Fender Jaguar en mode scie électrique, que Spectrum commence à noyer sa musique sous une marée de feedback et que la batterie passe en mode martelé que le concert décolle enfin. C’est tout ce que j’attendais, c’est tout ce que toutes les personnes présentes au Sonic attendaient et le concert, explosant littéralement sous les assauts du mythique Revolution ne redescendra pas en intensité. Le spectacle de quatre types stoïques jouant un réel mur du son est tout bonnement sidérant. Seul Kember se permet quelques fantaisies et le concert atteint son point culminant sur ce qui va être le dernier titre joué, une incroyable version de Suicide. Les musiciens quittent la scène alors que larsens et feedback continuent de tourner dans les enceintes, ils sont rappelés par le public en furie, ils reviennent, achèvent Suicide (si je puis dire) et le concert dans un maelstrom bruitiste à vous décoller les tympans pour le restant de vos jours puis ils quittent à nouveau et définitivement la scène, chacun à leur tour cette fois ci, dans un fade out d’instruments plus que bien vu – c’est d’abord Kember qui s’en va et se tait, ensuite le bassiste, puis le guitariste et enfin le batteur. Exultation générale et bonheur intégral. Ah, et puis pour le son, pour cette histoire de fréquences coupées en dessous de 100 Hz, c’était effectivement parfait.

jeudi 25 mars 2010

The Myth Is Real, Let's Eat























On en parlait encore récemment à propos de la réédition de l’album A Gilded Eternity de Loop mais si on n’a jamais vu Spacemen 3 en concert (parce qu’on était trop jeune, parce qu’on ne connaissait pas ou tout simplement parce qu’on en avait rien à foutre) l’occasion de se rattraper c’est ce soir au Sonic de Lyon – et demain pour les Parisiens – avec un concert de Spectrum, le groupe qu’a fondé Peter Kember (aka Sonic Boom) après la déconfiture des Spacemen 3.
Il se murmure de plus en plus intensément que Spectrum reprend quelques uns des titres parmi les plus emblématiques de Spacemen 3 – Revolution, Rollercoaster, etc – voulant ainsi renouer avec le glorieux passé de son leader. A dire vrai c’était à peu près tout ce que l’on pouvait espérer jusqu’à ce que l’on écoute attentivement War Sucks, le dernier EP en date de Spectrum, qui s’avère tout bonnement hautement recommandable : de nouvelles compositions de Kember qui renouent avec la verve psychédélique et shoegaze dont Spacemen 3 avait en son temps été l’initiateur et une magnifique reprise du Walking & Falling de Laurie Anderson, de quoi donc beaucoup espérer du concert de ce soir…

En bon fan inconditionnel de Spacemen 3 et en vrai amoureux transi de Sonic Boom, Tamagawa aura la lourde tâche d’ouvrir la soirée et je ne doute pas qu’il va très bien s’en sortir, ici on aime beaucoup son deuxième album Plus Tard, Le Même Jour….

mercredi 24 mars 2010

J'ai écouté les petites bulles aiguisées d'Autechre les yeux fermés























 Encore une semaine à rien foutre, ce médecin est vraiment généreux sur les arrêts maladie, et je profite également d’une sympathique invitation pour le concert d’Autechre pour me rendre à La Plateforme, un endroit où l’on sort à Lyon mais où je n’ai encore jamais foutu les pieds – j’ai beau être snob je n’ai jamais pu saquer les gens qui aiment trop se montrer. L’endroit est un vaste bateau tout rouge et amarré sur les quais du Rhône, à moins de deux minutes du centre ville et chaque fois que je m’emmerde en famille et que j’emmène les filles faire la typique balade lyonnaise du week-end sur les quais nous passons devant – c’est arrivé pas plus tard que le samedi précédent : une partie de l’endroit était loué pour un mariage en costumes queue de pie et chapeaux à plumes, la totale quoi, et lorsque j’ai cru bon d’expliquer au reste de la tribu que j’y retournerai dès le lundi soir j’ai eu droit à toutes les moqueries d’usage.
Je suis quand même presque déçu parce que je ne croise guère de gens réellement détestables en ce lundi soir, je ne vais pas pouvoir faire mon numéro de petit malin introverti. Par contre il y a un paquet de monde qui s’est déplacé pour (voir) entendre Autechre, le célèbre duo électro de Sheffield, oui comme Cabaret Voltaire il y a plus de trente ans.
Je passe le premier contrôle, suis fouillé par un videur deux fois plus grand et trois fois plus gros que moi et qui se fout gentiment de tous les nouveaux arrivants. Je me sens forcément un peu obligé d’apprécier son humour de deux. A l’entrée mon invitation m’attend bel et bien, ce qui représente toujours un certain soulagement. Le concert a pris du retard mais comme je ne suis pas spécialement à l’heure non plus, j’entends vaguement qu’il y a déjà du son en provenance du sous-sol. Le temps de repérer mon bienfaiteur de la soirée, de le remercier de l’économie notoire qu’il me permet de réaliser ce soir et nous descendons en bas voir ce qui se passe.























Ce qui se passe ? Je vois un type à cheveux longs et portant une casquette de baseball mais surtout en bermuda et en sandales (avec chaussettes blanches s’il vous plait) qui triture des boutons en s’agitant sur le côté droit de la scène, pratiquement de profil par rapport au public. Le type en question c’est Russel Haswell. Maintenant, après quelques recherches, je peux vous dire qu’il a collaboré avec Florian Hecker ou Masami Akita, ce qui donne une certaine indication du genre de bordel qu’il est en train de produire sur scène.
Je contemple quelques spécimens intéressants dans le public qui se trémoussent au son du harsh noise de ce cher Russel, j’apprécie son implication lorsque il tourne un nouveau bouton de sa mixette et je remonte boire une bière à l’étage tant ce qu’il fait ne me passionne guère, oui je suis fan de conneries ultra-bruitistes à la Merzbow mais il y a toujours ce snobisme du c’était mieux avant/ça a déjà été fait qui me pousse à penser que personne, ou presque, n’est en mesure de battre le maître incontesté en la matière que ce soit au niveau de la profondeur des textures que du volume sonore. Russel Haswell, malgré sa dégaine sympathique de pécheur du dimanche (est ce qu’il est pote avec Mick Harris ?) ne fait vraiment pas le poids.























Je redescends une seconde fois pour assister au set de Rob Hall. Lui a l’avantage de se tenir face au public mais il est tout au fond de la scène, derrière le matériel de Autechre. Il surveille l’évolution de sa musique sur un écran de Mac, bouge quelques potentiomètres lui aussi et fait des préécoutes sur un casque. J’ai beau savoir que Rob Hall n’est pas censé ce soir assurer un DJ set je m’interroge quand même : tous ces musiciens utilisent peu ou prou le même matériel, les mêmes logiciels, n’ont aucune présence sur scène et n’ont rien d’autre à proposer que leur musique. Et alors ? Alors celle de Rob Hall est insipide comme pas deux, bien que beaucoup plus dansante que celle de son prédécesseur mais d’une platitude à pleurer. Je veux bien de ton groove baby mais il est beaucoup trop petit pour combler tous mes désirs.
J’observe alors pendant quelques minutes le dispositif de surveillance des deux mastards et collègues de celui qui avait tenté de me faire rire à l’entrée. Le premier se tient à la droite de la scène, le second sur la gauche. Lorsque celui de droite quitte son poste pour passer derrière la scène et aller surveiller je ne sais qui je ne sais où, celui de gauche vient automatiquement prendre sa place sur la droite. C’est qu’à cet endroit précis il y a les quelques marches d’un escalier qui mène sur scène et on ne sait jamais, un débordement est si vite arrivé. Bref, je m’emmerde et je remonte une deuxième fois à la surface.























Et c’est là mon erreur. Je prends le temps de fumer, je regarde le paysage offert par Lyon by night© et je redescends. Sauf que j’ai oublié que dans les scènes electro, les sets sont enchainés et que donc Autechre a déjà commencé (pas depuis trop longtemps, heureusement). Devant moi s’étale une marée humaine qu’il me semble impossible à franchir. Je sors mon appareil photo et explique à chaque fois que j’ai du mal à franchir un groupe de personnes que je suis photographe et que j’aimerais bien aller devant. A ma grande surprise cela fonctionne systématiquement et ce qui m’étonne encore plus c’est que j’ai même droit à des paroles conciliantes du genre mais bien sûr, c’est tout naturel, vas-y et bonnes photos avec sourire à la clef. Une chose est sûre, je ne suis pas à un concert de metal.
Par contre pour les photos ce sera techniquement peine perdue ou presque : Autechre joue comme à son habitude dans le noir quasiment complet, les deux complices ne sont éclairés que par leurs écrans de laptop et les diodes de leurs machines. J’arrive à prendre celui qui se tient sur la gauche parce qu’il se tient bien en face de son Mac (décidément) mais celui de droite ne restera toujours qu’un fantôme perdu dans une autre dimension, impossible à immortaliser même avec un capteur de quinze millions de pixels.
Je suis enfin arrivé devant le duo, pile poil entre les deux et je peux même m’accouder sur le caisson basse, ce que je ne manque pas de faire, le ventre et les couilles bien calés contre. Le son est vraiment très fort et c’est parti pour une heure et quelques de massage pénien et d’hallucinations auditives.























Je ne sais absolument pas ce qu’Autechre a joué ce soir – pourtant je dois bien posséder tous les albums du duo – même s’il est sûr qu’ils n’ont rien interprété des albums (Incunabula) et Amber qu’ils ont complètement abandonnés depuis longtemps. Ce qui est vraiment fascinant avec la musique d’électrons libres d’Autechre, c’est que passé l’impression première d’anarchie totale (arythmies, cassures, mélodies inachevées, etc), il se dégage de ce bouillonnant maelström la très nette sensation de mouvement, d’une naissance en cours, d’une agrégation d’éléments disparates visant à la création d’un tout. On parle souvent de déconstruction à propos de la musique du duo, je préfère les termes de musique en construction. Et puis la musique d’Autechre est surtout incomparablement plus expérimentale et difficile que l’agression sonore basique perpétrée par Russel Haswell en première partie.
J’en viens à trouver des lignes directrices, des concordances, des relations directes, des chemins de traverses, des passerelles, des blocs qui s’encastrent les uns dans les autres, des couleurs qui se complètent, des éléments qui s’attirent ou qui au contraire se repoussent, et peut être que tout ce que j’imagine alors est complètement illusoire – bref, autant la musique d’Autechre prend possession de moi autant je prends possession d’elle. Je finis par fermer les yeux de plus en plus souvent et de plus en longtemps, complètement emporté alors que derrière moi je sens des gens en train d’essayer de danser (tout en me demandant bien comment cela est possible).
Pas fous, les deux Autechre assurent une fin de set nettement plus binaire voire tribale, marquant plus systématiquement le rythme sur la durée tout en continuant leur travail de bricoleurs fous par derrière : là effectivement il y a de quoi se trémousser mais je reste confortablement installé dans la torpeur alors que dans le public ça crie, ça siffle et que ça danse. Lorsque la musique s’arrête (tout le set est une succession d’enchainements), c’est l’explosion de joie et de hourras. Il n’y aura pas de rappel – d’ailleurs pourquoi faire ? – et les lumières à peine rallumées les videurs entreprennent de vider la salle. Sur le line-up de la soirée affiché à l’entrée il était bien spécifié fin du concert : 00h15, l’horaire a été impitoyablement respecté et je déteste ce genre d’efficacité.

lundi 22 mars 2010

Pord - Xnoybis / split























Voilà un bon petit single comme j’aimerais en écouter bien plus souvent. Vraiment. Un split single qui plus est, réunissant une paire de sacrés bons groupes dont on ne peut qu’espérer le meilleur dans un avenir proche. Le label Ocinatas Industries – qui semble encore arriver à organiser des concerts pour pas chers du côté de Paris – a vraiment bien fait les choses avec (j’imagine) les moyens limités du gugusse qui n’a pas envie de s’emmerder dans la vie, la musique avant tout, quoi. Pochette sobre mais soignée, la photo en noir et blanc* d’un cadavre encore tout frais ou plus probablement d’un pochetron qui au contraire ne l’est pas trop et une galette noire tournant en 33 rpm d’un côté et en 45 de l’autre. Un objet tout simple mais porteur d’une élégance pleine de promesses.

Et bien les promesses sont largement tenues. Sur la face 33 rpm on retrouve Xnoybis pour un long titre dépassant les six minutes, Picardian Fight Song – précisons que ces petits gars viennent d’Amiens. Un groupe dont le nom fait directement référence à Godflesh (Xnoybis est le premier titre de l’album Selfless de la bande à Broadrick, en 1994) voire à Giacinto Scelci et dont le Picardian Fight Song fait également penser, non sans quelques sourires amusés, à un célèbre titre de Charles Mingus.
Même si on a déjà écouté Solace, l’album que Xnoybis avait publié en complète autoproduction fin 2006, on ne peut guère augurer de la teneur de cette toute nouvelle composition alliant puissance et nervosité tant le groupe a réellement progressé depuis son premier disque, délaissant son côté trop ouvertement metal indus et pesant pour gagner en flexibilité tout en gardant cette lourdeur oppressante et poisseuse. Pensez Unsane mais pas que… les Dazzling Killmen ? Damned ! J’ai cru un instant que je m’étais trompé de face, qu’en fait j’écoutais Pord mais non, j’étais bien sur la face Xnoybis. Cette montée d’hormones est-elle due à l’arrivée entre temps de Baz derrière la batterie ? Le garçon a un jeu autrement plus intéressant et dynamique que son prédécesseur, il est vrai. Depuis l’enregistrement de Picardian Fight Song Xnoybis a à nouveau changé de line-up avec le départ du guitariste qui lui n’a pas été remplacé. C’est Ben, déjà bassiste et chanteur qui fait tout le bouleau (bon courage…) et le groupe continue, la suite est déjà attendue avec impatience.

Sur la face 45 rpm on retrouve donc Pord, groupe qui vient de l’un des coins les plus improbables de l’hexagone : la Lozère. Désolé les gars, on a déjà du vous la faire un milliard de fois mais un groupe de hardcore/prog metal comme le votre et originaire d’un tel endroit ressemble autant à une anomalie génétique qu’un groupe de power electronics du cantal ou qu’une fanfare free jazz creusoise.
Non content d’habiter dans l’une des plus belles campagnes de ce pays, Pord avait surpris tout le monde en délivrant en 2007 une démo cinq titres complètement hallucinante de rigueur torturée et d’envolées noise/hardcore sous totale influence Dazzling Killmen (on y revient). Je me mords encore les doigts d’avoir raté leur concert dans un bar pourri de Lyon il y a deux ans de cela mais je déteste les bars pourris, sauf ceux qui ont des tables en formica. A l’inverse de Xnoybis qui a su faire preuve d’une maturation certaine, Pord ne surprend pas, exploitant sur Joyeux Mimosa (c’est le split single des titres débiles) la même veine cauchemardesque que sur la démo et ne fait donc que confirmer – ce qui est déjà très bien. Là aussi, on aimerait une suite, un jour.

Entre Xnoybis et Pord on frôle l’excellence même si ce genre de formulation a tout du cliché bâtard. Mais oui, il est heureux de constater qu’il y a encore des groupes qui savent jouer violent, puissant et lourd sans avoir l’air de vils copieurs ou d’attardés mentaux. Single de ce début d’année. Un disque que l’on peut se procurer (en même temps que les enregistrements précédents des deux groupes) pour une somme dérisoire en allant faire un tour par ici. On peut également y télécharger Picardian Fight Song comme Joyeux Mimosa en intégralité.

* la photographe s’appelle Alexia et en a d’autres à proposer ici

dimanche 21 mars 2010

Zëro - Marvin / Rosemary K's Diaries























Un split entre Zëro et Marvin, deux des groupes parmi les plus en vue du moment, deux groupes appartenant à deux générations différentes mais – on va pouvoir s’en rendre compte – se complétant et se répondant parfaitement, est sûrement la meilleure idée que l’on pouvait trouver à l’heure actuelle. Les deux groupes jouent souvent ensemble et partagent quelques points communs comme un amour certain du synthétiseur et un soundman perfectionniste. Justement Rosemary K’s Diaries est un 25 centimètres ne regroupant que des versions en concert de titres déjà connus et a été publié par Les Disques De Plomb dont c’est là la deuxième sortie puisque ces jeunes gens ont déjà activement participé au dernier disque en date de Binaire, Idole. Et tout le mal qu’on leur souhaite à cette bande d’inconscients idéalistes bouffeurs de vinyle c’est de pouvoir continuer sur une aussi belle lancée le plus longtemps possible.
A tout seigneur tout honneur, commençons par la face Zëro dont le dernier album Diesel Dead Machine a toujours autant de mal a quitter la platine familiale. Trois titres en concert pour les lyonnais, plus précisément trois titres enregistrés le 23 octobre 2009 au Clacson* à Oullins, juste à côté de cette bonne vieille cité des Gaules. On y entend un groupe en très grande forme, délivrant une version très énergique de Load Out, passant à un Cars, Buses, Etc… (l’un des meilleurs titres du premier album Jokebox) de plus en plus mystérieux et haletant et concluant sur un The Opening magistral. En trois instantanés Zëro étale toutes la diversité et l’ouverture de sa musique, montrant une aisance confondante dans des registres aussi variés que maîtrisés. Un enregistrement qui donne tort une fois de plus aux pisses-froid psychorigides peu convaincus et/ou pas émus pour deux sous par Diesel Dead Machine.
De l’autre côté, en bons montpelliérains, les Marvin ne s’en laissent pas compter avec encore trois titres enregistrés en concert, le 17 octobre 2009 à Reims et avec un son du feu de dieu**. Ça commence par l’un des hits incontournables du trio, Vocomurder, dans une très bonne version dynamique et disco punk bien putassière pour faire danser tous les garçons et toutes les filles de tous âges et comme un gros ballot trop sensible du gras je danse moi aussi. Suivent deux titres du tout récent Hangover The Top chez African Tape. Un Good Radiations ensoleillé et vocodoré lui aussi et surtout mon préféré, Moustache 34, dans une version absolument déchaînée et providentielle. Ils ont quand même du répondant ces petits montpelliérains, ils ne se laissent pas faire par leurs aînés lyonnais mais ce n’est pas pour autant qu’ils vont gagner le championnat. On retourne donc une nouvelle fois la galette, on réécoute la face Zëro puis celle de Marvin, s’ingéniant à remarquer que malgré toutes les différences – pour faire beaucoup trop vite Zëro plus sombre et cérébral, Marvin plus chien fou(traque) – ces deux là vont sacrément bien ensemble. Egalité on va dire, mais certainement pas un match nul.

* on me fait signe que ce soir là c'est Greg Aldea – qui enregistre déjà les disques de Zëro – qui était derrière la console du Clacson
** assuré cette fois ci par le soundman habituel et mentionné ci dessus, dieu n'a donc rien à voir là dedans

vendredi 19 mars 2010

Overmars / Le Complexe Du Choix























On termine cette petite série consacrée à XcRoCs records avec Overmars, oui le groupe lyonnais. Le Complexe Du Choix explore ce pourquoi XcRoCs est en grande partie dédié – les fonds de tiroirs, les poubelles des groupes, les répétitions nocturnes enregistrées sur un vieux radiocassette ITT, les live déterrés du fond des squats, les tentatives avortées ou les démos – et on y trouve cinq titres, certains datant de la période précédent juste le premier album Affliction… Endocrine, Vertigo (2005), d’autres étant des démos préparatoires de Born Again (2007). Je ne vais pas vous refaire tout le détail technique, d’autant plus que cela reviendrait juste à recopier bêtement toutes les infos que l’on peut trouver ici.
Ceci n’est donc pas un enregistrement d’Overmars avec du neuf. Disons tout de suite que Le Complexe Du Choix s’adresse avant tout aux fanatiques et aux complétistes du groupe, heureusement ils sont nombreux donc cela ne devrait pas poser trop de problèmes. Et il est toujours intéressant de savoir, longtemps après les faits, par quelles étapes, égarements, décisions, est passé un groupe en plein travail. Ce qui s’applique parfaitement aux deux premières pistes, Born Again part 1 et Born Again part 2, deux extraits squeezés lors de l’élaboration finale et qui révèlent des aspirations moins étouffantes que le disque définitif. C’est d’autant plus intrigant que ces deux passages sont un peu bancals, fragiles, dissonants – OK ils ne sont pas finis mais quand même – et que donc ils contrastent avec la rigueur du Born Again fini qui à la réécoute est toujours ce grand disque. Là on se prend à rêver de tout autre chose qui n’existera donc jamais.
Suit M.A.D., une reprise de Napalm Death (pour les récalcitrants du grindcore : l’avant dernier titre de Scum, le tout premier LP des britanniques en 1987). Faire une telle reprise peut paraître une belle gageure tellement la musique de Napalm Death est rapide et concise (et à cette époque là éventuellement brouillonne) et celle d’Overmars lente, lourde (et réfléchie). M.A.D. à la sauce Overmars c’est un peu mission impossible. Il ne suffit pas d’être un gros fan de metal extrême et les lyonnais s’en sont sortis en rajoutant une intro indus puis avec guitares atmosphériques et en reprenant en version lente le riff de base du morceau. Ils ne pouvaient pas faire beaucoup mieux.
Les deux derniers titres sont donc des versions primitives d’A Spermwhale’s Quest et de Obsolete. Pour les comparatifs on peut toujours se reporter à l’album Affliction… Endocrine, Vertigo. La version – très différente – d’Obsolète est vraiment carnassière mais le plus intéressant des deux titre est le premier, A Spermwhale’s Quest. On y entend la dualité des voix qui était l’une des caractéristiques du chant dans Overmars : d’un côté l’ogre des montagnes norvégiennes et ses growls à effrayer un yéti même maoïste, de l’autre le timbre vraiment magique de la bassiste – elle ne serait certainement pas contente si je disais qu’il y a un fort côté goth dans son chant mais le terme est à prendre dans le sens le plus noble possible, c'est-à-dire sensible et écorché. Le mélange des deux produit une dynamique que le groupe ne retrouvera plus, on le sait.

Epilogue : Xavier – le chanteur principal du groupe et la grosse voix mentionnée ci-dessus – est parti d’Overmars et se refait depuis les crocs dans Neige Morte, improbable association avec un musicien de SoCRaTeS/Lewis Karloff/-1/Sheik Anorak/Kandinsky (pour ne pas le nommer) et un autre de 12XU et dont le résultat est déjà prometteur. Quant à Overmars, le groupe continue même s’il a décidé de se faire rare pour des raisons qui ne regardent que lui. Le Complexe Du Choix ne sera pas le dernier enregistrement du groupe qui paraitra avec Xavier au chant puisque le split avec Starkweather (enregistré il y a deux années quand même…) va bientôt voir le jour. Enfin sera t-on tenté de dire. Une page se tourne et encore une fois merci à XcRoCs d’avoir exhumé ces cinq titres.

jeudi 18 mars 2010

Conger! Conger! / self titled


Toujours XcRoCs records et encore un groupe, Conger! Conger!, dont je n’avais jamais entendu parler et pour cause puisque ce cinq titres tout beau tout petit est le premier enregistrement publié par ce trio constitué d’un bassiste, d’un guitariste et d’un batteur/chanteur. Le ménage à trois est la formule power trio par excellence mais elle peut également être celle de l’indie pop et c’est précisément dans ce registre ci qu’opère Conger! Conger!, du moins sur les trois premiers titres. My Neighbour’s Dreams est le plus dynamique des trois, démarrant brillamment sur un tapis de guitares précises et soutenues par une rythmique rapide. La voix – les voix plutôt puisqu’il y a des chœurs – possède cet allant nécessaire pour vous faire rentrer une ritournelle dans la tête. Et c’est mission accomplie jusqu’à la moitié du titre à partir de laquelle My Neighbour’s Dreams redescend doucement au niveau du sol. La guitare devient lointaine, la basse fait des ronds, un xylophone tintinnabule et les voix en décalage, entre pleurs et comme un vague sentiment de colère rentrée, répètent inlassablement my neighbour’s dream are just the same as mine – ce qui est totalement faux les soirs de match à la télé. Premier titre et Conger! Conger! a déjà l’art de brouiller les pistes.
Haunted est une magnifique balade, toute en retenue, sur laquelle Nicolas Dick de Kill The Thrill (également crédité à l’enregistrement, etc) joue quelques notes de lap steel. Plus linéaire que Neighbour’s Dreams mais débordant de poésie glacée, Haunted explore une tristesse indicible – j’ai réécouté The New Year il y a deux jours et en ce qui me concerne c’est plutôt une bonne coïncidence – avant de s’éteindre doucement.
Tiens, on dirait que c’est une boite à rythmes qui bat la mesure sur Clouds. L’habillage change (on compte aussi une guitare fantôme, des effets sur la voix, un bout de texte en français…) mais la retenue, l’élégance est la même.























Si ce disque avait été un vinyle, un mini album cinq titres donc, c’est ici que je me serais levé pour changer de face. Un effort surhumain mais qui aurait nettement convenu : les deux derniers titres sont encore plus mystérieux et décalés que les trois premiers. Déjà le magnifique Man + Child = Gun avec son brouhaha sonore en fond sur la longue deuxième partie du titre. Au début on pense qu’il s’agit d’une guitare en mode epilady puis on opte finalement pour une radio manipulée par un type à la recherche des résultats sportifs de la veille. Apparait une voix (samplée ?) qui à nouveau tient tout du fantôme : on entend distinctement les mots contenus dans le titre de cette chanson et l’effet est glaçant.
Mais le plus étrange sur ce disque c’est le dernier titre, Nevermind. Un rock noise et presque tribal – du tribal comme en font les peuplades d’Europe occidentale – épaulé par le saxophone hurlant de Julien Lemonier, oui celui de CaVe CaNeM et cofondateur du label XcRoCs, mais même dans ce registre plus musclé on sent une espèce de retenue chez Conger! Conger! Le rythme a un côté faussement soutenu sur toute la première grosse moitié du titre mais ce groupe a décidément l’art de faire évoluer ses compositions en eaux troubles et à noyer le poisson sans en avoir l’air : toute la fin de Nevermind, jouant encore une fois le décalage complet, marque la reprise des hostilités et donnerait presque envie de se trémousser comme un hippopotame dans un marigot. Étonnant. Étonnant mais radicalement personnel. Et puis si j’ai utilisé le terme de chanson – non je ne l'ai pas encore fait ? et bien voilà ! – ce n’est pas pour rien. La qualité numéro un de Conger! Conger! c’est bien la qualité formelle et l’originalité de ses compositions. Surprenantes, n’allant jamais là où on s’y attend, ne préfigurant jamais de l’atterrissage final qui de toutes façons a une certaine tendance à se faire à notre insu. Une belle découverte.

mercredi 17 mars 2010

CaVe CaNeM / Ssoiffe? ou Rrache!













On a déjà parlé du label marseillais XcRoCs records à l’occasion de la parution d’¡El Secundo! de Red Space Cyrod. Tenu par deux compères musiciens et activistes de la scène locale, le principe de ce label – je ne m’en lasse pas – est des plus rigolos : d’abord XcRoCs ne publie que des CDs de trois pouces, ensuite le label propose soit des enregistrements de groupes complètements inconnus au bataillon, soit il s’agit d’inédits/raretés/curiosités de groupes ayant déjà fait un petit bout de chemin (dans le catalogue il y a du live de Binaire par exemple, il y a aussi Le Complexe Du Choix pour l’élaboration duquel Overmars est allé trier dans ses poubelles, on en reparle très bientôt). Les tirages sont plutôt du genre très limité mais ce n’est pas une raison pour ne pas se laisser tenter et ne pas aller jeter un coup d’œil à un catalogue qui commence à être sérieusement étoffé.
A tout seigneur tout honneur : commençons par évoquer le dernier double mini CD en date de CaVe CaNeM. Il y a deux raisons à cela. La première c’est que CaVe CaNeM est précisément le groupe de Fred et Jul, nos deux idéalistes forcenés qui ont justement monté XcRoCs records, on n’est jamais aussi bien servi que pas soi-même, vous avez tout à fait raison les gars, vive la libre entreprise. La deuxième et principale raison est que ce disque de huit titres (les quatre premiers sont regroupés sur Ssoiffé? tandis que Rrache! comprend les quatre derniers, un peu comme si on avait affaire aux deux faces d’un LP) est sacrément bon. Qu'est ce que j'ai dit ? Sacrément ? Non en fait il est foutrement bon, un point c’est tout.













Arrivé en classe de quatrième, l’élève réfractaire à la langue de Goethe mais consciencieusement tanné par des parents dramatiquement préoccupés par son avenir serein et heureux se devait de choisir le latin comme option s’il ne voulait pas se retrouver dans le dépotoir du collège en compagnie d’aspirants au CAP. J’imagine que les choses n’ont guère changé, qu’elles ont même sûrement empiré alors qu’apprendre un peu de latin et savoir que cave canem signifie grosso modo attention chien méchant (l’une des rares choses dont je me souvienne encore avec oderint dum metuant*) sert à pas grand-chose quand on a treize ans, du moins pour embrasser les filles et leur palper les nichons. Le chien en question – canis, canis – c’est celui qui aboie dans les premières secondes de More Noise For Edmond, brûlot punk qui vous prend à la gorge et ne vous lâche pas, tout comme le reste de ce disque. Dans le groupe Fred s’occupe de la guitare, de la voix, de la programmation de la boite à rythmes et des machines tandis que Jul joue du saxophone, chante et programme également et ce qui frappe d’emblée c’est l’incroyable vivacité et l’énergie qui se dégagent de cette formule instrumentale pourtant rabougrie. Ces deux là ne s’en laissent sûrement pas compter par leurs collègues punkers du littoral. Mieux, malgré l’utilisation d’une boite à rythmes, The CaVe CaNeM possède un allant formidable bien loin de toute rigidité métronomique. La gaillardise de l’humain, l’instinct rageur et la rugosité qui sied à cette musique sont bel et bien présents. Ajoutons que les deux sont des brailleurs efficaces, que la guitare est capable de soulever des riffs de 3.5 tonnes comme de vous propulser des éclats acérés à la vitesse d’une sulfateuse stalinienne et on en parle plus : CaVe CaNeM est un sacré bon groupe, inventif et direct à la fois.
Attends, je n’ai pas encore parlé du saxophone. Oui, je suis du genre à vénérer cet instrument. Oui je serais même du genre à écrire des phrases stupides à propos d’un groupe particulièrement apprécié, tiens prenons l’exemple d’Oxbow et d’Eugene Robinson – vous ne trouvez pas que son chant ressemble à une imitation de pleurs de bébés par le saxo de Coltrane ?** Sur Improve Yourself le saxophone de Jul frise l’hystérie pure et simple tout comme il sait se faire plus coulant dès le titre d’après, Porc II. Un biniouteur d’une telle amplitude on n’en croise pas tous les jours dans le petit monde des punks sans vergogne.
Précisons que techniquement c’est Nicolas Dick qui a enregistré, mixé et masterisé ce disque, pas seulement parce qu’il est marseillais, mais peut être parce que Fred (De Benedetti) est aussi l’autre guitariste de Kill The Trill et on note également que Fast Car n’est pas une reprise des Buzzcocks mais que ses paroles ont été écrites par Marylin Tognolli, bassiste de Kill The Thrill comme chacun le sait également. Une grande famille.

* qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent, soit la devise du rock critic qui confond toujours son trou du cul et faim de moi
** n’empêche que j’aurais bien aimé être

lundi 15 mars 2010

Encore une belle soirée de loser























Journal d’un pauvre père de famille en arrêt maladie. C’est samedi soir et je décide d’aller à mon deuxième concert de la semaine, contre tout avis médical et malgré un veto familial sans appel : je suis toujours sous médicaments, j’ai toujours mon collier cervical et je sais que demain je vais me faire copieusement engueuler quoiqu’il arrive et que si jamais j’ai à nouveau mal je n’aurai pas intérêt à me plaindre. Il faut savoir vivre dangereusement. Et puis je suis beaucoup trop curieux de découvrir Hey! Tonal en concert.
Je redescends donc à la cave et j’en remonte mon fier destrier à pédales. La déconvenue est énorme : le pneu arrière est à moitié dégonflé, suffisamment pour laisser croire qu’il y a une micro fuite quelque part dans la chambre à air et que ce ne sont pas les changements de température ni le taux d’humidité qui sont responsables de cette mise à plat. A nouveau à l’encontre de la vindicte familiale qui se déchaîne de plus en plus fort je regonfle illico à bloc le pneu récalcitrant, espérant qu’il tiendra bien jusqu’à Gerland et jusqu’à Grrrnd Zero, après on verra bien. Et je fuis, poursuivi par des hurlements de harpies en colère. J’arrive en effet sur les lieux du concert sans encombre, je tâte l’objet du délit, il n’a pas l’air de s’être redégonflé, après tout ce n’était peut être bien qu’un problème d’humidité et de température, va savoir. Je décide de faire de temps à autre une tournée d’inspection pour estimer l’état de décrépitude ou non de ce pneu récalcitrant.
Dans la salle Hallux Valgus est juste en train de terminer ses balances et il n’y a pas encore grand monde. Le Grrrnd Zero est résolument glacial à cette époque ci de l’année, l’affluence restera raisonnable pour un samedi soir mais pas de quoi non plus déborder d’enthousiasme. J’apprends alors que Dure Mère qui s’était rajouté à l’affiche à la toute dernière minute ne jouera finalement pas ce soir, le groupe est resté bloqué du côté de Metz, van cassé, l’une des éternelles galères des groupes qui tournent avec des petits moyens. C’est dommage parce que ça aurait rajouté un côté foutoir supplémentaire – qui a dit incohérent ? – à une soirée riche en styles musicaux différents.























Ulrike Meinhof débute la soirée. Il me semble que par rapport à la dernière – et la seule – fois où j’ai assisté à un concert de ce garçon, tout son attirail de bricoleur et d’arpenteur s’est quelque peu étoffé. Je vois une guitare posée à même le sol et dont il se servira telle quelle, je devine également deux cymbales toutes cabossées (il les a sûrement rachetées d’occasion à Hallux Valgus). Sinon, il y a les habituels enchevêtrements de câbles, des tables de mixage, un magnétophone, des pédales d’effets et d’autres choses encore pour lesquelles je ne saurais trouver un nom. Qu’importe.
La musique d’Ulrike Meinhof n’a rien de terroriste, elle se situe quelque part du côté de l’ambient, mais un ambient dynamique, oscillant doucement vers le bruitiste mais délimitant toujours un espace de flottement nécessaire et suffisant au vagabondage et autre rêverie. De la musique parfaitement inutile dans toute sa splendeur – l’inutilité étant dans ce cas précis une raison d’être suffisante, faut il le rappeler. L’utilisation de samples assez anecdotiques (dans le sens de bruits quotidiens) voire déjà usés et abusés par d’autres (comme les bruits de pas dans le gravier, rabâchés encore et encore par des gens comme Etant Donnés) n’enlève rien non plus au caractère déambulatoire d’une musique qui commence sérieusement à s’intensifier, à se resserrer, délaissant les marquages au sol trop évidents pour conduire vers quelque chose de plus monobloc et de plus imposant. Ulrike Meinhof a un bon sens de la montée et c’est sans trop de surprise que l’on voit un batteur puis un guitariste s’installer derrière lui.
















Ainsi commence ou presque le concert d’Hallux Valgus, par un titre en commun avec Ulrike Meinhof. Ce dernier s’intitule Frozen Bold Babies et figure dans une version différente sur le nouveau vinyle 12 pouces du duo, Gale = Paranoïa + Psychose + Frustration tout récemment paru (bientôt une chronique) grâce aux efforts conjoints de Maquillage Et Crustacés, de Down Boy records et de Gaffer records c'est-à-dire les labels respectifs des trois personnes qui se trouvent en ce même moment en train de jouer à Grrrnd Zero – voilà une illustration parfaite du on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Malheureusement la participation musicale d’Ulrike Meinhof initialement prévue ne figure pas sur l’enregistrement définitif de Frozen Bold Babies, suite à un obscur problème de déménagement d’Ampeg mal géré. Pas grave. Ce que l’on peut entendre en direct live compense largement.
Dans la droite lignée du set d’Ulrike Meinhof, nos trois gaillards prennent leur temps pour faire inexorablement monter la sauce, une sauce épaisse, bouillonnante avec batterie martelée/tribale et alors que le guitariste – il joue assis sur une chaise avec un drôle d’instrument sur les genoux, genre un truc de cow-boy mais en version très électrique – s’emploie à sortir des sons à vous déchirer les sphincters. Ulrike Meinhof n’est pas en reste puisqu’il maltraite ses deux cymbales avec un contacteur, on frise le harsh, l’apocalypse est devant nous et c’est une parfaite introduction à la musique d’Hallux Valgus.























Duo intermittent composé de Pavel de Death To Pigs à la guitare et de Franck Gaffer (Sheik Anorak, etc, je ne vais pas refaire la même liste à chaque fois) à la batterie et à la voix de poulet éviscéré, Hallux Valgus a toujours cet unique mot d’ordre qui est d’enquiller des compositions ultra courtes, ultra rapides, ultra répétitives, ultra saturées, ultra hurlées, ultra martelées et ultra bandantes. Suite à une cassette au dépouillement aussi brut que violent il y a deux ans, le groupe est enfin de retour, après avoir enregistré cet été les neuf titres qui figurent sur Gale = Paranoïa + Psychose + Frustration, un pur concentré de now wave bruitiste à peine plus élaborée que dans le passé – pensez un peu à Arab On Radar qui s’essaierait à faire des reprises de Brainbombs et qui évidemment n’y arriverait pas.
Un vrai bonheur de punk et, de manière fort amusante, aucune ostentation. Qu’il joue débout avec une vraie guitare ou assis avec son instrument de torture cow boy, le guitariste d’Hallux Valgus est d’une immobilité étonnante, jouant de profil par rapport au public, ne le regardant jamais, lacérant ses cordes toujours plus fort et plus violemment, dans une espèce de statique provocatrice. Tout dans le poignet et dans les deux doigts qui glissent le long du manche, l’accordage et/ou les pédales d’effet devant faire le reste. Hallux Valgus c’est aussi frais et primesautier qu’un remugle de cadavre de rat crevé et aussi appétissant qu’une séance de léchage d’orteils fétichiste sur le pied-bot d’un vieillard incontinent. Dégueulasse mais irrésistible.
















Après le concert je ressors sur le parking pour assurer le premier contrôle technique de mon vélo. Le pneu arrière est encore dur mais souple alors un doute m’étreint : ne s’est il pas quand même un peu dégonflé ? C’est donc légèrement inquiet que je retourne dans la salle du Grrrnd Zero pour la suite du concert. Mais je ne vais pas trop m’étaler sur le groupe d’après. En effet, le flyer officiel du concert indiquait la présence de Sinaloa. Disons tout de suite que je ne supporte que très difficilement ce genre de groupes emo. Aussi je suis le début du set de Sinaloa de pas très près, avec tout le respect qu’il m’est possible d’éprouver pour ce groupe, et ce qui devait arriver arriva, je m’éloigne toujours plus, avant de finir tout au fond de la salle et complètement atterré par une musique qui arriverait presque à me faire haïr Fugazi et Jawbox, groupes qu’il serait pourtant injuste de tenir coupables ou responsables d’une telle descendance aussi désastreuse que pitoyable. La vie est mal faite.
J’en profite pour retourner dehors sans plus attendre, là j’entends une conversation à propos du fait qu’il n’y a pas de basse mais deux guitares dans Sinaloa, tiens moi non plus je n’avais même pas fait l’effort de le remarquer. Mais retour à mon vélo. Cette fois ci il n’y a aucun doute, le pneu se dégonfle mais pas assez rapidement pour qu’il soit définitivement à plat d’ici la fin de la soirée. Du moins je l’espère. Donc je reste ici et pour la seconde fois ce soir je décide enfin de vivre dangereusement.























C’est un Hey! Tonal diminué qui monte sur scène. L’un des deux guitaristes a du subitement quitter la tournée suite à des problèmes personnels et retourner fissa à la maison. Mais heureusement Mitch Cheney est bel et bien présent et je suis bien trop heureux de le voir enfin en vrai, ce guitariste incroyable qui a joué dans Rumah Sakit ou Sweep The Leg Johnny (lorsque ces derniers étaient passés dans le coin, à l’époque de Sto Cazzo!, il n’avait pas encore intégré le groupe) et qui est le fondateur du label Sickroom records. Que du bon.
Le reste du line-up est composé d’un bassiste armé d’une Rickenbacker mais un peu trop en retrait à mon goût, d’un bidouilleur armé d’un laptop et de deux mini claviers et qui jouera un rôle bien plus important que tout ce que j’aurais pu supposer au départ et bien sûr de l’affreux Kevin Shea à la batterie…
… On me raconte souvent que ce batteur lunatique, à lunettes mais surtout à tête à claques peut s’avérer être complètement génial, y compris lorsqu’il joue avec Talibam! mais j’attends toujours de lui qu’il fasse autre chose que du free style, semblable à un hamster défoncé au speed et en roue libre dans sa cage. Même les expériences de deux concerts avec Get The People n’ont guère été concluantes, Mr Shea s’évertuant au moindre roulement à tomber systématiquement à côté de la plaque. Mais le bénéfice du doute est quelque chose à ne pas négliger. Lorsque j’écoute le très free jazzeux Peter Evans trio dans lequel joue Kevin Shea, j’entends un batteur certes foutraque mais qui apporte vraiment quelque chose à la musique qu’il accompagne. J’espère – à défaut de rêver – pouvoir un jour voir et entendre ce Kevin Shea là sur une scène.
















Bon. Disons tout de suite que de ce côté-là c’est raté. Shea se fait une nouvelle fois dessus, dégoulinant de plans plus foireux les uns que les autres à la batterie. Mais je m’en fous. Je m’en fous parce que Mitch Cheney attire tous les regards et oriente toutes les oreilles. Il suffit de le regarder jouer, jongler plutôt, avec sa guitare qu’il porte très haut pour être sous le charme. Même avec ses problèmes de boucles et son jack qui partait en sucette (à défaut de le remplacer il faudrait investir dans une marque de sparadrap un peu plus résistant mon garçon) on sentait le musicien chevronné.
Après, lorsqu’on a publié un unique album sur lequel il n’y a aucune composition mais que des assemblages et des montages et dont le résultat est un gros délire free form complètement halluciné et drogué, à quoi pouvait bien ressembler la musique de Hey! Tonal en concert ? A de l’improvisation pure et dure mon capitaine. Ce truc qui peut sembler ignoble à ton voisin alors que toi tu tripes de toutes tes entrailles (ou inversement). Le math rock intergalactique de Hey! Tonal en aura rebuté plus d’un, le groupe vidant littéralement la salle, à la fin du concert il restait moins d’une dizaine de personnes. C’est bien dommage car voilà le genre de concert – contrairement à l’instantané façon Hallux Valgus – qui s’apprécie sur la durée. Des atermoiements, des hésitations et des plantages il y en a eu mais on a également eu droit à de grands moments de bravoure, des montées d’adrénaline irrésistibles, de la freeture en ébullition maximum, les maths enfin élevées au stade de sciences humaines.
Le concert est terminé et tout le monde a fui, il n’y a plus personne pour applaudir. Le groupe sourit malgré tout, remerciant les rares survivants d’avoir tenu le coup… ce ne devait pas être évident de continuer à jouer dans ces conditions. Il manquait donc un guitariste mais le bidouilleur a bien rempli son rôle, envoyant des boucles, des sons bizarres ou des notes décalées jouées sur ses microclaviers. Je me suis plusieurs fois demandé s’il ne retraitait pas une partie du son de Hey! Tonal en direct. Je suis parti sans demander confirmation.

Mon vélo est toujours là, à m’attendre au parking. Le pneu arrière n’a plus assez d’air pour me permettre de rentrer. Je fais un détour jusqu’à la station service de la rue de Gerland où je le regonfle à nouveau à bloc pour réussir à faire la route du retour, ce que j’arriverai à faire sans trop de peine. Demain, c’est atelier mécanique et réparation, tout ce que j’aime.

samedi 13 mars 2010

Hey! Tonal, ce soir !























Après le très attendu et réussi concert de Skull Defekts et de Sheik Anorak de ce début de semaine au Sonic, voici le non moins attendu concert de Hey! Tonal ce soir au Grrrnd Zero de Gerland. La curiosité est réellement de mise : il y a Mitch Cheney (de Rumah Sakit et, sur la fin, de Sweep The Leg Johnny) qui joue dans ce groupe en compagnie de quatre autres gugusses qui ne sont pas là pour faire de la figuration. Le seul et unique album de Hey! Tonal paru à ce jour était l’une des anomalies majeures de l’année 2009 et je ne doute pas que ce concert peut remplir toutes ses promesses.

Des promesses, encore des promesses, toujours des promesses, d’autant plus qu’Ulrike Meinhof sera de la partie et que ce sera également le grand retour des pieds tordus d’Hallux Valgus (avec un nouveau disque dans les bagages du duo, on en reparle bientôt). En guise d’info de dernière minute j’apprends également que les Montpelliérains de Dure Mère ont été ajoutés au programme. See you there.

vendredi 12 mars 2010

Marvin / Hangover The Top


Chère Emilie, cher Fred, cher Greg, mes très chers Marvin. Cela fait presque trois ans maintenant que nous sommes plutôt bons amis* – du moins nous sommes amis* sur myspace, c’est déjà pas mal comme début, non ? – mais je vais quand même m’autoriser à parler de votre deuxième album, Hangover The Top, qui sortira bientôt sur Africantape, l’excellent label d’un de nos amis* communs rencontré sur facebook. Oui, j’en ai des sanglots d’émotion dans la voix, j’ai les doigts qui fourmillent de plaisir sur le clavier de mon ordi, j’en trique poutralement à m’en déformer le falzar et je me moque éperdument des critiques acerbes et jalouses qui m’accuseront de complaisance à votre égard. Mais moi aussi je vous aime*. Il n’y a aucune raison pour que je ne fasse pas profiter la terre entière de mon enthousiasme pour votre musique.
Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. Il était pas mal ce premier album autoproduit et enregistré à l’arrache – pas comme le nouveau, dûment emballé par votre ami* Miguel Constantino dans son magnifique studio à St Cadou – mais il souffrait de trop de baisses de régime, sur la fin notamment. Donner des concerts formidables d’intensité et de bonne humeur, toujours faire monter la pression d’un cran supplémentaire alors que tout le monde est déjà sidéré, écrire des hits qui arrachent, ça vous savez parfaitement le faire, avec classe et précision oserais-je même affirmer, mais (si je puis me permettre cette petite critique mes amis*) il vous manquait tout de même un enregistrement cohérent, ambitieux et porteur. C’est désormais chose faite avec Hangover The Top, d’ores et déjà l’un des albums de l’année 2010, n’en déplaise à toutes celles et tous ceux qui ne vous aiment* pas.























Je ne reviendrai pas sur le magnifique artwork de ce disque. Et un rapide petit tour d’horizon des neuf titres de Hangover The Top sera le point final de cette déclaration d’amour*. Roquedur. Seuls les béotiens qui ne vous ont jamais vus en concert ignorent que vous repren(i)ez Immigrant Song de Led Zeppelin et que vous aimez* le hard rock. Ici les influences 70’s se mélangent parfaitement à celles des années 80 et 90, vous écrivez la musique du présent et vous entrez de pleins pieds dans l’avenir. Au 12. Un groove infernal, une cloche, un synthé qui bourdonne et une première leçon de six cordes : à quand un Guitar Hero spécial Marvin ? Dirty Taping. Le hit absolu et le grand retour du vocoder, votre marque de fabrique. Reste Bien Tranquille. Encore un titre avec une guitare explosive mes amis* ! Mélodicité, rapidité, efficacité, inventivité, c’est tout simplement parfait. Conan Le Bastard. Est-ce que le titre est un hommage ou un clin d’œil à vos amis* de Zëro qui reprennent le thème de Conan Le Barbare sur scène ? Excellent quoiqu’il en soit.
Good Radiations. Mélodie impeccable, crédo progressif mais pas trop, le retour du vocoder pour plaire aux amis* à nouveau en manque de kitchouneries et un break monstrueux pour conclure. Moustache 34. Je ne saurais dévoiler ici à qui fait référence le titre de cette composition mais s’il vous plait, la prochaine fois pensez aussi à vos amis* lyonnais, pourquoi pas un Moustache 69 (qui plus est sexuellement très explicite) pour le troisième album ? Fear. Un tourbillon neo prog aux accents chargés de suspense dangereux. Belle boule. Here Comes The Warm Jets. Pour finir, une reprise de Brian Eno (que je n’ai jamais aimé mais maintenant je me sens bien un peu obligé*). Un long morceau épique, emphatique et grandiose comme un chant de hooligans montpelliérains trop heureux de voir son équipe mettre une branlée historique à ces merdeux de l’Olympique Marseillais – le sport c’est l’effort commun, la solidarité, le bonheur partagé, la victoire pour tous, en un mot c’est l’amitié* des masses.
Voilà, je ne serai pas plus long sur Hangover The Top, un album qui tuera tous vos amis* comme tous vos ennemis mais pas pour les mêmes raisons. Je vous laisse mes amis*, vous souhaite tout plein de bonnes choses, plein d’articles et de chroniques dans tous les webzines du monde et pourquoi pas y compris dans la presse nationale et d’ailleurs. Je vous souhaite également une très bonne tournée, peut être aurai-je l’occasion de vous y croiser pour boire le verre de l’amitié*. Bisous !*

* au moins quinze entorses à la déontologie et à l’objectivité… c’est vrai quoi : à quoi servent les vrais amis si on ne peut pas compter sur eux ?

jeudi 11 mars 2010

Skull Defekts vs Cervikal Disorder























Deux semaines déjà que je reste à la maison, bloqué à rien foutre à cause de vertèbres cervicales récalcitrantes et donc deux semaines passées à bouquiner (entre autres choses deux livres édités par le Camion Blanc : le premier consacré à Cliff Burton, finalement nul alors que j’espérais le contraire, et le second au sujet de Slayer, un peu mieux), deux semaines à regarder des films stupides, à draguer sur internet, à me faire de nouveaux amis sur facebook, à twitter avec les mères de famille de l’école de mes filles, à mélanger de la bière avec des anti-inflammatoires, à me demander quel genre de job je pourrais bien faire pour justement ne rien faire moyennant une rémunération conséquemment confortable – les plaisirs de la vie moderne, le confort qui s’ignore, la merde au bout du chemin. Deux semaines à écouter de la musique.
Et je m’emmerde. Ce n’est absolument pas raisonnable mais je décide d’aller récupérer mon vélo momentanément archivé à la cave, d’enfiler une paire de gants bien chauds, de prendre mon appareil photo, d’ajuster autour de mon cou mon joli collier cervical de couleur bleu marine et d’aller au Sonic goûter un peu de musique en concert, assez curieux de ce que peuvent donner les suédois de Skull Defekts sur une scène. Pour ne rien gâcher c’est Sheik Anorak qui assure la première partie et par la même occasion son concert mensuel à Lyon – prochains rendez-vous : en trio avec Weasel Walter et Mario Rechtern le 14 avril et en première partie de Chevreuil le 11 juin.























Lorsque j’arrive je trouve que ça manque d’un van garé devant le Sonic… effectivement les suédois ont planté le leur à Milan où a eu lieu leur concert de la veille mais ils ont téléphoné en milieu d’après midi pour prévenir qu’ils en louaient un de dépannage et qu’ils seront donc très en retard. Ils débarquent aux alentours de 21 heures et expliquent qu’ils n’ont pris qu’une partie de leur matériel, que le reste est resté à Milan avec le van en carafe, qu’ils y retournent dès le lendemain pour récupérer leurs affaires et leur camion et continuer la tournée sur la date de Berlin le 11 mars en faisant donc sauter celle du 10 à Fribourg. Mais dites-moi les gars pourquoi n’être tout simplement pas restés tranquilles et peinards à Milan en attendant que votre van soit réparé ? Réponse : ben on tenait absolument à jouer au Sonic (sic).
Il y a déjà un public conséquent lorsque Sheik Anorak commence à jouer. Inutile de redire tout le bien que je pense de ce garçon et de sa musique. Je suis juste complètement frustré de rester planté devant la scène en essayant de ne pas trop bouger et trouvant que ce collier cervical me tient décidemment beaucoup trop chaud et m’empêche de trop bouger. Bien que désormais familier du répertoire de Sheik Anorak je préfère rester sagement en dehors du concert alors qu’autour de moi j’en vois qui s’agitent de plaisir. Les tubes de l’album Day 01 sont passés en revue et c’est surtout le morceau titre qui arrive enfin à me tirer de mon inconfort physique présent. Sheik Anorak termine on set au bout d’une demi heure je me dirige vers le comptoir pour commander une bière alors que je sais pertinemment que cela m’est formellement interdit.























Place à Altar Of Flies. Au début je pensais que ce one man band était en fait le side project de l’un des membres de Skull Defekts (lesquels ne se gênent pas pour régulièrement publier des enregistrements pas très intéressants de drone bruitiste effectués en formation réduite) mais non, il s’agit bien d’une cinquième personne qui a installé son petit matériel sur une table. J’aime bien le nom du groupe ceci dit, sonnant comme une parodie de nom de groupe black/death ce qui pour un type venant de Suède est assez croustillant.
On annonçait quelque chose ressemblant à du harsh mais le début du set fait plutôt penser à une énième caricature de drone ambient – genre dont je suis pourtant client pour ne pas dire friand – mais fort heureusement le son s’intensifie rapidement et radicalement, virant effectivement au harsh. Ce n’est jamais toujours très passionnant de regarder un gugusse pousser des boutons mais notre homme fait bien mieux que ça : il a branché un micro contact sur une cymbale qu’il brandit à bout de bras et avec laquelle il se tape sur la tête. Effet granguignolesque garanti mais effet sonore garanti également.
Altar Of Flies a également cette intelligence de s’arrêter rapidement, ne jouant qu’une vingtaine de minutes. Il évite ainsi l’écœurement trop souvent engendré par les terroristes du feedback et reste au niveau d’une performance éphémère qui n’aurait pas tenu sur la durée. Tant mieux : mes vertèbres n’ont même pas eu le temps de crier leur souffrance face à toutes ses mauvaises vibrations. Du coup Altar Of Flies s’avère être une bonne surprise et ce n’est finalement pas très étonnant si le nouveau disque de ce garçon est publié par le label Release The Bats, plutôt de qualité dans le genre.

















 Je m’affale sur une baquette comme un vieux pépère et je compte qu’il doit y avoir entre soixante et soixante dix personnes qui se sont déplacées ce soir. Les Skull Defekts mettent un certain temps à s’installer vu qu’ils sont arrivés très en retard et il leur manque donc une partie de leur installation – des congas en particulier, c’est dommage – mais on peut remarquer quelques trucs amusant comme les deux gros bidons de plastiques bardés d’autocollants (Ideal Recordings, entre autres) et servant de percussions au musicien le plus discret des quatre et qui s’occupera également de la bidouille. Le reste du line-up se compose d’un guitariste/chanteur chauve et barbu dont la tête me dit complètement quelque chose, d’un batteur très élégant (tous les membres de Skull Defekts sont fringués comme des boss, tout de noir vêtus et avec des pompes à bouts pointus) et d’un deuxième guitariste/chanteur également chargé d’un peu de bidouille et surtout chargé de faire rire avec des blagues à la con mais particulièrement drôles il est vrai.
Je ne m’en rappellerai qu’après le concert mais le guitariste de gauche, celui dont la tête me disait fortement quelque chose, est un ancien Kid Commando, un groupe croisé en concert aux alentours du début du nouveau millénaire et dont j’ai du coup ressorti l’album Holy Kid Commando (mais je n’ai pas ce foutu split single avec Arab On Radar, pressé par Ideal Recordings justement, pour la tournée commune des deux groupes). Et bien sur ce disque le son de guitare est reconnaissable entre mille, c’est aussi celui d’une des deux guitares de Skull Defekts. Pour l’instant le groupe attend dans le noir puis allume deux grosses lampes, signe que les choses sérieuses vont pouvoir commencer.























Le deuxième album rock’n’roll de Skull Defekts, le trop long et trop dispersé The Temple, avait finalement terminé sa course dans le décor, passant à la trappe au moment des bilans comptables et statistiques de fin d’année, victime de compositions ralentissant considérablement son rythme sans apporter grand-chose en compensation. Sur scène c’est autre chose, les Skull Defekts jouant volontairement avec des pauses grotesques de guitar hero alors que la musique du groupe est aride, sèche, très rythmique – le son qui claque du guitariste de gauche – et même lorsque l’autre guitariste se lance dans un solo de guitare halluciné on reste à la fois dans l’outrage et dans l’anti démonstration : il joue tour à tour aigrelet et même complètement faux, un peu comme si Jerry Garcia (mauvais exemple) se servait d’une guitare jouet piquée à Eugène Chadbourne, mais fort heureusement il ne joue jamais trop longtemps (qu’est ce que je disais déjà à propos de l’exemple de Jerry Garcia ?).
Le post punk de Skull Defekts reste éminemment tribal et dansant et pas seulement parce qu’il y a deux batteurs/percussionnistes dans le groupe. Il y a franchement de quoi s’amuser à ce concert sauf que mes vertèbres sont encore et toujours là les salopes, j’aurais un agent de contrôle du politburo derrière mon épaule droite m’interdisant tout débordement et toute manifestation de bonheur ou même de simple contentement que ce serait pareil : mon enthousiasme reste scotché derrière ma nuque à grands coups de médocs et d’attèle. La poisse surtout que juste à côté de moi une furie s’agite dans tous les sens, je m’écarte pour ne pas me prendre un coup de boule.
Quelques variations interviennent notamment lorsque le percussionniste/bidouilleur s’empare de la guitare, laissant le barbu sans cheveu faire son show de rock star théâtral. Encore quelques blagues foireuses, des rires – merde ça me fait mal aussi lorsque je ris trop fort – et c’est l’heure pour les Skull Defekts de jouer un dernier titre en guise de rappel parce qu’ils en ont encore le temps. Plusieurs personnes dans le public réclament Six Sixes, l’un des meilleurs si ce n’est le meilleur titre de The Temple mais le groupe ne peut pas le jouer, sûrement à cause de son matériel manquant. Dommage, et ce sera le seul point noir d’un bon concert qui se terminera comme il avait commencé c'est-à-dire dans l'obscurité complète.