dimanche 11 août 2013

Et maintenant : rien




C’est l’été, il fait chaud, il fait soif et toute l’équipe rédactionnelle de 666rpm vous souhaite, bande de lecteurs, un mois d’août caniculaire et mortellement ennuyeux.

Ici on va profiter de quelques vacances bien méritées pour réécouter des vieux disques et même encore plus : l’aventure Heavy Mental s’arrête, sans regret.

Quelques excuses s’imposent tout de même pour les groupes ou labels qui ces dernières semaines ont envoyé des disques promos et qui espéraient sans doute une chronique mais aucun remboursement ne sera accordé aux personnes lésées. Life is a bitch.

Heavy Mental c’était mieux avant.

samedi 10 août 2013

Jessica93 / Poison b/w Saint James Infirmary Blues




Poison est l’un des titres phares de l’album Who Cares de Jessica93 et a bénéficié d’une publication avancée sous la forme d’un single. Un vrai single, comme avant et avec un inédit sur sa face B. Il pourrait sembler assez vain de reparler en détails de Poison mais pourtant on va en rajouter une couche : entrainé par une boite-à-rythmes implacable et une ligne de basse qui donne le frisson (ces glissés au moment du refrain…), Poison est un vrai tube et une vraie machine à danser. Une composition qui ne serait rien sans la guitare en mode scie circulaire coincée comme il le faut un peu au fond du mix et sans ce chant à la fois désabusé et convainquant, loin de toutes les pleurnicheries auxquelles on pourrait s’attendre avec une musique qui lorgne immanquablement et avec succès du côté sombre des 80’s. Everything Becomes So Bright nous chante lugubrement JESSICA93, comme pour nous signifier que toute vérité que l’on se prend dans la gueule fait d’abord beaucoup de mal avant de faire éventuellement un peu de bien. Le genre de message simpliste auquel j’adhère complètement : je suis un parfait idéaliste.
La face B de Who Cares est donc un inédit et il s’agit d’une reprise de Saint James Infirmary Blues, un standard de la musique populaire américaine dont l’auteur est resté inconnu mais une chanson immortalisée par des gens tels que Cab Calloway (avec l’aide de Betty Boop dans le rôle de Blanche Neige, ça se passe à 4’10), Louis Armstrong et Abner Jay mais également repris par The Standells. Une chanson dont je n’ai jamais pu m’empêcher de penser qu’elle avait servie d’inspiration à tous ces standards du jazz influencé par le gospel et le blues – le Summertime que les deux frères Ira et George Gershin composèrent aux alentours de 1935 par exemple. Saint James Infirmary Blues est une chanson indéniablement spectrale et mélancolique, donc un écrin parfait pour Jessica93 qui en livre une interprétation névrosée mais éclairée et bourrée de reverb, collant plus que jamais avec le She May Search This Wide World Over/She’ll Never Find A Sweet Man Like Me des paroles et nous offrant surtout quelques parties de guitare à se rouler par terre. Du grand macabre.

[Poison b/w Saint James Infirmary Blues est publié par Analog Profusion records, un label dont je n’ai même pas réussi à retrouver la trace sur internet – donc démerdez-vous pour trouver ce single de rêve]

vendredi 9 août 2013

Witxes / A Fabric of Beliefs


Reparlons un peu de (((WITXES))). Il est assez stupéfiant de constater que pour son deuxième album intitulé A Fabric of Beliefs, ce one-man-band basé à Lyon a bénéficié de l’aide et de l’expérience d’une maison de disques aussi prestigieuse que Denovali*. Ce n’est pas qu’ici on soit hyper fanatique de ce label arty-dark un peu prétentieux mais on reconnait volontiers que Denovali a su se forger une réelle identité et fait presque toujours preuve d’une cohérence certaine dans ses choix de productions. Résultat, le catalogue de Denovali est l’un des plus prestigieux en matière de musiques sombres, expérimentales mais aussi metal/hardcore tendance le cœur en bandoulière**.
Mais si Maxime Vavasseur/Witxes se retrouve sur Denovali, ce n’est pas non plus tout à fait le fruit du hasard : Sorcery / Geography, son premier album publié en 2012, était et reste encore aujourd’hui une réussite indéniable. Un disque qui a tapé dans l’oreille et ému énormément d’amoureux des musiques à la fois sensibles et exigeantes. Il parait donc presque normal que Witxes ait parcouru autant de chemin en si peu de temps.




On avait eu une approche très sensorielle et émotionnelle de Sorcery / Geography et il en sera exactement de même pour A Fabric of Beliefs, à quelques détails près. Car on reconnait sans hésitation que ce nouvel album va beaucoup plus loin que son prédécesseur sans toutefois dévier des principales lignes conductrices de celui-ci. Les effets générés par A Fabric of Beliefs s’en retrouvent donc démultipliés : aux mêmes causes les mêmes effets, la logique est respectée.
A Fabric of Beliefs est juste plus ambitieux, explore de nouvelles idées qui ne dénaturent pas la richesse et l’identité du projet Witxes mais au contraire mettent toujours plus en avant sa singularité. La seule chose qu’A Fabric of Beliefs a peut-être un peu perdue par rapport à Sorcery / Geography est une certaine spontanéité. Le langage du corps. Mais ce nouvel album compense largement par la sophistication poussée de ses ambiances, la richesse à la fois très construite et organique de ses compositions, les lumières qu’il laisse échapper et une tenue générale toujours plus cosmographique. A Fabric of Beliefs définit un univers propre à base d’éléments très divers, un univers au sens réel c’est-à-dire avec toute la dialectique chaos organisationnel/organisation du chaos que cela suppose.
Aussi on pardonnera à Maxime/Witxes ces quelques redites comme celle consistant à nous refaire le coup du chant à la (presque) fin de qu’A Fabric of Beliefs : le bien nommé The Words est une chanson superbement magique, toute en émotion. Une chanson qui fait un peu regretter que Wixtes ne se lance pas dans un album entier de folk songs sublimées par un chant aux confins de l’irréel mais peut-être en aura-t-il un jour envie. Ces quelques remarques sont bien évidemment purement secondaires et ne doivent surtout pas éclipser le fait que qu’A Fabric of Beliefs s’impose d’ores et déjà comme l’un des disques les plus beaux et les plus forts de cette année.

* Denovali ne s’est pas contenté de publier A Fabric of Beliefs puisque le label a également réédité en vinyle et CD le premier album de Witxes, Sorcery / Geography ; à noter que la version vinyle d’A Fabric of Beliefs se présente sous la forme d’un double LP : la quatrième face est entièrement occupée par un titre exclusif, Un Tissu De Mensonge qui est une longue improvisation de dix-huit minutes enregistrée en compagnie de quelques invités et dont on peut écouter un court extrait sur la page Soundcloud de Witxes
** parmi les meilleurs groupes ou musiciens publiés par Denovali on citera Thisquietarmy, Aun, Celeste, Crëvecœur, Thomas Köner, Nadja…

jeudi 8 août 2013

Retox / YPLL




Comme tu le sais peut-être déjà, cher lecteur, RETOX est le super-groupe monté par Justin Pearsons pour pallier au ralentissement d’activité voire à la mise en sommeil prolongé de The Locust, le projet principal du monsieur depuis environ une quinzaine d’années. Une sorte de cure de jouvence et un retour aux sources puisque Retox est avant tout le tenant d’un hardcore survitaminé, décomplexé et débarrassé de tout artifice inutile : Pearsons n’y fait que chanter et le line-up de Retox ressemble à n’importe quel line-up de groupe de hardcore de base (chant/guitare/basse/batterie). Les quatre membres de Retox se sont même amusés à poser sur le perron d’une maison, imitant une célèbre photo de Minor Threat prise quelque trente années auparavant par Glenn E. Friedman.
Et les comparaisons ne s’arrêtent pas là : YPLL, deuxième enregistrement officiel de Retox après un Ugly Animals encore plus lapidaire, enchaine douze compositions en à peine une vingtaine de minutes – hardcore, toujours. Sauf que nous sommes en 2013 et que les membres de Retox, tout en bénéficiant de l’accumulation d’un savoir-faire historique, ont à leur portée toute cette technologie musicale moderne qui aiguise dangereusement les angles et durcit encore plus leur son, à défaut de leur permettre de ne pas répéter trop bêtement et trop studieusement le passé. Certains plans de guitare peuvent faire penser à du Dead Kennedys/East Bay Ray pur jus (le pseudo solo gorgé de reverb de Mature Science) et ailleurs on notera tel riff emprunté ou tel break déjà entendu mille fois mais, globalement, YPLL est bien ce disque réjouissant et rafraichissant.
Rafraichissant ? Mais oui : même si YPLL est parait-il l’abréviation de « Years Of Potential Life Lost », un titre qui dénote de ce sens du sarcasme toujours très présent chez Pearson et même si l’album contient par ailleurs des titres aussi édifiants que Don’t Fall In Love With Yourself , The Art Of Really, Really Sucking ou Biological Process Of Politics, voilà un disque qui, pour l’auditeur en mal de violence et d’agression musicales, se place uniquement sur le plan du divertissement. Un disque à l’énergie savamment ripolinée, où l’abus électricité n’entraine pas de court-circuit hystérique, où chaque chose est systématiquement à sa place (sauf le chant mis un peu trop en avant dans le mix) et qui révèle un savoir-faire certain. Peut-être paradoxalement, YPLL est un disque vraiment « cool », en ce sens qu’il procure une bonne petite dose de plaisir stéréotypé et d’adrénaline hormonée. Le disque d’une jeunesse à laquelle on essaie de se raccrocher, malgré tout. Et ça tombe bien puisque l’été est enfin arrivé.

[YPLL est publié en vinyle et CD par Three One G et Epitaph – la version LP comprend le CD en bonus]




[cette chronique à lire avec l’air blasé du type qui a déjà tout vu et tout entendu, vous pouvez également la découvrir dans le #17 de Noise mag, disponible depuis quelques jours déjà]

mercredi 7 août 2013

Brame / La Nuit, Les Charrues...




Je me souviens de Tenaille, le précédent album de Brame, un disque qui m’avait pris par surprise comme un chien enragé et un peu débile vous saute à la gorge ou vous attrape par les couilles pour ne plus lâcher prise. Et ça fait mal. Les deux BRAME (José à la guitare baryton et aux grésillements divers et Serge à la voix, au mégaphone et préposé à la marmite à chaux vive) sont de retour avec La Nuit, Les Charrues…, un nouvel album tout aussi auto-produit et encore une fois doté d’une illustration superbe et emballé avec un luxe artisanal qui rendrait presque à l’objet CD tous ses titres de noblesse.
La musique de Brame n’a pas réellement changé depuis Tenaille, on y retrouve toujours ces bidouilles faites mains, ces percussions pédestres et minimales, ces fields recordings parasitaires, cette guitare qui cisaille allègrement les oreilles, cet harmonica maléfique et ce chant de forçat qui vous hurle sa douleur dans la tête et tant pis si vous êtes déjà sourd, Brame hurlera toujours plus fort. Ce qui a changé c’est le resserrement, l’épaississement de la sauce si on veut : Brame, tout en prenant son temps, le temps imposé par une moiteur intolérable, semble se disperser un peu moins, ne plus jouer autant qu’auparavant sur les longues distances… Mais ce n’est qu’une illusion, assurément encore un mirage provoqué par la chaleur et la soif ; car on a bien sûr vérifié et les sept titres de La Nuit, Les Charrues… ne sont pas moins longs que ceux de Tenaille. Ce qui change, c’est la façon de remplir ces espaces implacables, d’y coller toute la dureté et toute l’âpreté dont on est capable pour faire exploser la viande de l’intérieur, comme une charogne gonfle du bide sous le soleil avant de faire gicler tout son pus dans les airs et d’infester les alentours d’une odeur aussi pestilentielle que persistante.
Brame ne laisse donc pas trop le choix et ne fait pas de cadeau, quitte à prendre le risque de devenir épuisant et la musique de ce duo a beau être d’un minimalisme aride à faire pleurer et remuer les cadavres enterrés depuis des années, elle prend également énormément de place, bouffe le peu d’air respirable qui reste encore, étouffe toute résistance et dessine sur nos peaux craquelées des signes annonciateurs d’une mort certaine. Dead Man c’était vraiment de la rigolade pour enfants. 

[La Nuit, Les Charrues… est disponible uniquement auprès du groupe – le mieux c’est de contacter celui-ci directement, comme d’habitude c’est Maurice qui répondra à toutes les demandes et questions, mailto: maurice.brame@gmail.com*]

* j’en ai d’ailleurs une de question : il y aurait un lien entre Brame et Guimo – une chronique de l’album Lotophage à lire ici – mais je n’ai toujours pas compris lequel…

mardi 6 août 2013

Hey Colossus / Cuckoo Live Life Like Cuckoo




Si j’ai bien tout compté – ce qui n’est absolument pas certain – Cuckoo Live Life Like Cuckoo est le huitième album de HEY COLOSSUS*. Une longue liste à laquelle il faut ajouter le même nombre de mini albums, maxis, splits ou singles. En moins de dix ans ces anglais ont construit une œuvre plus qu’imposante et singulière. Singulière parce que Hey Colossus ne s’est jamais définitivement enfermé dans un genre précis, faisant évoluer son doom metal mâtiné de noise-rock (et inversement) au gré d’albums toujours plus teintés d’expérimentations et de bizarreries. Hey Colossus a toujours été un groupe des plus barrés – pour s’en convaincre, il faut absolument écouter les albums Project : Death (2006) et Happy Birthday (2007) qui représentent en quelque sorte le summum de la première période du groupe – mais a eu l’intelligence ou plutôt l’inconscience de toujours se remettre en question. Le changement s’est surtout opéré à partir à partir de l’album Eurogrumble Volume 1 (publié sous le nom de Hey Colossus And The Van Halen Time Capsule) puis s’est intensifié jusqu’à atteindre un niveau d’excellence – excellence dans le mal, bien sûr – avec l’insurpassable RRR, disque de tous les excès et de toutes les folies.
On imaginait assez mal Hey Colossus faire machine arrière et revenir à plus de concision mais, tout au contraire, on se demandait aussi comment le groupe pourrait aller encore plus loin après un tel disque. Pourtant, d’une certaine façon, les anglais parviennent encore et toujours à surprendre avec Cuckoo Live Life Like Cuckoo. Un disque totalement schizophrène puisque comprenant nombre de plages chargées d’un metal noise lourd et méchamment vicieux tout en prenant un plaisir certain à brouiller les pistes : ainsi Hot Grave est-il presque complètement parasité par des synthétiseurs au kitsch envahissant tandis que English Flesh  bénéficie lui d’un groove maléfiquement motorik. On a déjà dit que Hey Colossus avait peur de rien et Cuckoo Live Life Like Cuckoo le confirme une fois encore.
En guise de tête de gondole, le chant principal fait tout pour être irritant – c’est amusant mais sur les titres les plus rentre-dedans du disque il me fait plus que penser à celui de Marc Desmarets/Desmare/Du Marais (etc.) c’est-à-dire le chanteur des excellentissimes La Muerte – puis chant comme musique s’engagent sur des terrains plus mouvants et plus psychotiques (Oktave Dokkter au passage doté d’une grosse ligne de basse des cavernes) avant de partir complètement dans des délires sans fin (les quelques dix minutes de How To Tell Time With Jesus qui virent à l’hypnose kraut façon Can, un peu dans la lignée du précédent 12’ Witchfinder General Hospital b/w The Butcher). Comme son chanteur, Hey Colossus n’hésite pas à passer d’un registre à l’autre, avec une aisance confondante et un à-propos certain, ce qui permet au groupe de toujours conserver la même passion dévorante et la même folie contagieuse.
Mais le plus beau reste la deuxième face de Cuckoo Live Life Like Cuckoo : confondant de niaiserie apparente, Pit And Hope est un slow qui ferait presque penser au Planet Caravan de Black Sabbath mais profite de ses neuf minutes pour dégénérer en une longue déambulation d’ivrogne/junkie : le chant est complètement faux mais pas vraiment à côté de la plaque, Pit And Hope s’apparentant à une redescente d’acide, sorte de chill-out redoutable de crasse mais finalement presque rédempteur. Un grand final pour un grand disque.

[Cuckoo Live Life Like Cuckoo est publié en vinyle et en CD par Mie Music, Hey Colossus délaissant ainsi le label Riot Season qui avait pourtant accompagné le groupe sur ses trois albums précédents]

* la chronique de RRR affirmait déjà que ce disque était la huitième référence de Hey Colossus : je ne sais donc définitivement pas compter…

lundi 5 août 2013

Huata - Bitcho / split




Malgré tout le bien que l’on a pu dire d’Atavist Of Mann, le premier (double) album de HUATA publié en 2012, un disque que l’on écoute encore et toujours aujourd’hui avec un plaisir certain, on pensait quand même qu’il manquait un tout petit quelque chose à ce groupe originaire de Bretagne pour être définitivement crédible. Oh… pas grand-chose : une pointe supplémentaire d’humour lugubre ? du sang et du sexe pour de vrai ? un peu moins de visibilité au niveau des références musicales supposées de Huata ? un peu moins de sérieux et un peu moins d’application ?
En ne choisissant pas de durcir à outrances son doom 70’s post Electric Wizard, Huata a réellement fait le bon choix : celui de ne surtout pas avoir l’air de ce que le groupe ne peut pas être (autrement dit un ramassis  de serials killers amphétaminés et cannibales) et mettre un peu de rêve, même perturbé par quelques visions incontrôlables, dans sa musique. On le sentait ça et là sur Atavist Of Mann grâce à quelques passages teintés d’un psychédélisme magmatique et oppressant genre je plane en plein milieu d’un orage magnétique, Huata fait plus que le confirmer avec Retaliator et Hercolobus : ces garçons, même s’ils ont toujours l’intention de se déguiser sur scène en schtroumpfs satanistes, ont grandi, ont mûri et ont découvert les plaisirs savoureusement occultes de la surdose psychédélique. Le doom du groupe se fait donc de moins en moins doom et de plus en plus labyrinthique et planant, tout en gardant cette sensation de menace imminente et désormais Huata peut aussi bien tutoyer les cieux que les enfers.
Ce disque est un split et lorsqu’on le retourne pour en écouter sa deuxième face on découvre BITCHO, un groupe de joyeux hollandais déjà auteurs d’un premier double album en 2010 (Toybox). Un groupe qui verse encore plus dans le psyché que Huata, ne craint pas non plus les compositions à rallonges (10050 Cielo Drive atteint les treize minutes) mais fait preuve d’un lyrisme encore plus appuyé et limite wagnérien pour cette insistance presque swanesque et tribale dans la lourdeur conquérante. Bitcho reste une chouille en deçà de la réussite opiacée de Huata mais ici on est quand même devenus subitement fanatiques de ce groupe de hippies-warriors métallisés et que l’on ne connaissait pas jusqu’alors.
Tu auras sans aucun doute également compris, cher lecteur, que sur ce split les deux groupes sont plus que complémentaires : ils se font étrangement écho. Souvent ce genre de pratique hégémoniste et absolutiste visant à imposer qu’un seul style de musique alors que l’on pourrait en profiter pour faire découvrir quelque chose d’autre à l’auditeur naïf et inculte tombe à plat. La diversité, c’est mieux. Or il s’avère que dans ce cas l’alliance de Huata et de Bitcho n’est pas une faiblesse ou une maladresse mais constitue bien la force de ce disque ; avoir la chance de pouvoir réunir deux groupes de cet acabit ne se refuse pas, chacun ayant apporté des compositions de haute volée et personnelles et, finalement, les nuances entre Huata et Bitcho se font toujours plus évidentes et enrichissantes. Voilà un disque qui s’écoute inlassablement, avec attention voire avec dévotion.

[ce split quasi incontournable est publié par Music Fear Satan. L’artwork est splendidement kitsch (et l’œuvre d’un des membres de Huata), la pochette est gatefold et le vinyle est noir ou, pour les inconditionnels de sensations fortes, d’une jolie couleur vomi translucide et irisé, un peu comme de la cervelle de licorne magique passée au presse-purée]

dimanche 4 août 2013

Woman / self titled


C’est en dégustant une fois de plus Sweaty Hands, le deuxième (formidable) album de Degreaser, que cette envie irrépressible de réécouter le premier album de Woman s’est fait ressentir. Impérieusement. La raison d’une telle envie est toute simple bien qu’une chouïa tortueuse : le bassiste de Degreaser s’appelle désormais Kristian Brenchley, lequel est également guitariste – et un peu chanteur – chez Woman. Et qu’il ne joue pas sur Sweaty Hands n’est pas bien grave puisqu’il jouera finalement sur le troisième album de Degreaser.
Mais revenons-en à WOMAN*. Et au premier album du groupe, publié en 2009 par Bang! records. Ce n’est pas sans un certain sentiment de dépit que je me suis aperçu que ce disque, ô combien essentiel à tout amateur de – on peut choisir mais quand on est tout cela à la fois c’est encore plus simple – de noise-rock, de swamp rock, de blues punk et d’une manière générale de toutes ces saloperies qui pullulaient dans les 90’s et qui reviennent de plus en plus à la surface de nos jours, bref, donc, c’est avec effroi que je me suis aperçu que le premier album de Woman n’avait jamais été chroniqué dans les colonnes de 666rpm**. Est-ce que par hasard j’aurais effacé la chronique par erreur ou même par esprit révisionniste ? Non. Est-ce que cette même chronique aurait disparu en compagnie de quelques milliers d’autres fichiers lors d’un éventuel crash de disque dur avant d’avoir pu être postée sur internet ? Non plus.
Je n’ai absolument aucune excuse de n’avoir jamais parlé de ce disque essentiel. Alors voilà, c’est l’été, la bière est tiède et il n’est jamais trop tard, les chroniques des « nouveautés » attendront leur tour*** et, puisque presque quatre années plus tard ce disque me fait toujours autant d’effet, parlons-en, ne serait-ce qu’un peu.





Ces types ont beau être basés à New-York (du côté de Brooklyn), ils n’en sont pas moins australiens dans l’âme et même de sang puisque Brenchley est réellement un émigré en provenance du pays des kangourous et des groupes de hard rock qui jouent du boogie déguisés en tenue d’écolier de douze ans. Et quoi qu’il en soit il y a beaucoup de musique australienne cher Woman. De ce rock sale, puant, suant, collant et méchant. Un petit côté Scientists**** par exemple mais pas que. La seule influence supposée que je n’arrive pas à dégotter chez Woman c’est Birthday Party et tous les trucs à la Rowland S. Howard/Nick Cave*****. Mais si vous aimez tendrement Killdozer (originaires eux du Wisconsin/US) et surtout les Lubricated Goat (ces derniers sont par contre tout ce qu'il y a de plus australien), c’est-à-dire les tenants d’un noise-rock aussi dégueu que braillard et sexuellement transmissible et bien Woman est fait pour vous.
Tout ici remugle l’eau de vie frelatée et l’odeur de tabac froid, je ne dis pas ça que pour le chant réellement spectaculaire de Brett W. Schultz qui doit consciencieusement se racler les cordes vocales à la laine de verre calibre 35 depuis l’âge de quatre ans mais ce simple constat concerne tout le groupe et l’intégralité de ce premier album. Et puis, tiens, en parlant de gnôle et de tabagisme actif, quand j’écoute mon titre préféré du disque, Goal Inside My Heart, je me dis qu’il y a également du Beasts Of Bourbon chez Woman (et les Beasts Of Bourbon sont encore un groupe australien). Dernières traces de sperme décelées chez Woman : un peu de Stooges comme sur le titre Fall Into The Fall. Et puis il y a aussi cette façon de triturer les guitares, de les pourrir au bruit blanc et on verra là sans doute l’influence du lieu de résidence de Woman (Brooklyn rappelons-le) d’autant plus que c’est Martin Bisi qui s’est occupé de l’enregistrement de ce disque. Un grand bon petit disque, rappelons-le encore une fois.

Cette chronique extrêmement tardive a-t-elle une quelconque utilité ? J’ose espérer que oui. D’abord parce que depuis le temps (2009), j’étais tout bonnement persuadé que Woman avait splitté (une information que j’avais peut-être dégottée sur ce webzine ventripotent expatrié en Californie) ; ensuite pour celles et ceux qui connaissaient déjà Woman et qui ont déjà ce disque, peut-être auront-ils/elles envie de le réécouter à  nouveau ; et puis pour tous les autres, qui ne connaissaient pas ce groupe, sachez qu’il est encore temps : Bang! Records – label basé au pays basque espagnol – en a encore quelques caisses à revendre. Et surtout ce même label annonce également la parution du deuxième album de Woman pour au plus tard la fin de l’année 2013… Je ne tiens déjà plus en place******.

* tu veux vraiment un lien internet ? et bien en voilà deux : un qui ne sert plus beaucoup de nos jours myspace.com/womannyc ; un autre qui jour ne servira plus beaucoup non plus facebook.com/WOMANNYC
** moi aussi je récupère mes infos et mes idées de chroniques chez Perte & Fracas, qu’est-ce-que vous croyez ?
*** j’ai quand même une sacré pile de disques promotionnels de merde qui s’accumulent depuis quelques temps… heureusement la poubelle n’est pas très éloignée
**** au passage signalons que Bang! records a également réédité l’album Rubber Never Sleeps, un double album live que le groupe de Kim Salmon avait publié en cassette et en 1985 chez Au Go-Go
***** par contre quand on regarde la photo à l’intérieur de la pochette gatefold de ce disque, on tombe nez à nez avec quatre types tout de noir vêtus, hirsutes et d’apparence bien chargés, des petits frères de Birthday Party, précisément
****** je m’engage solennellement ici à chroniquer le prochain album de Woman avant le 31 décembre 2014 (quoique... )

samedi 3 août 2013

Maria Goretti Quartet / 14 : 02


J’avais presque oublié l’existence de MARIA GORETTI QUARTET. Bien sûr je me souvenais encore vaguement qu’il existait un trio de ce nom là du côté de la face nord du monde civilisé (Lille – Belgique ? – et alentours) mais, comme on dit, loin des yeux loin du cœur, et n’ayant jamais recroisé le chemin de ce groupe depuis son précédent album sans titre, hop-la, Maria Goretti Quartet avait fini par se transformer inexorablement en un joli fantôme, une idée vague en provenance d’un possible mais nébuleux au-delà. Quand 14 : 02 est arrivé dans la boite-aux-lettres de 666rpm, je me suis soudainement rappelé de ces jeunes gens. Mais absolument pas de leur musique… voilà une chronique qui commence sous de très mauvais auspices, non ? Mais ne nous emballons pas, ça ceci va très bien finir, comme dans les vrais romans d’amour.




Avec toute la conscience professionnelle qui me caractérise, j’ai immédiatement écouté 14 : 02 et là les bras m’en sont tombés : mais qu’est ce que c’est bon ce truc ! Quelle aisance ! Quelle énergie !  Par contre je n’arrivais toujours pas à faire le lien exact entre ce que j’écoutais alors et les éventuels souvenirs que j’aurais pu précédemment garder du groupe. Il m’a même fallu réécouter le premier album histoire au moins de pouvoir faire un peu semblant de savoir de quoi j’allais parler. Avoir l’air intelligent du type qui sait tout, celui qui sort toujours les bonnes références au bon moment et qui a évidemment une anecdote croustillante vaguement en rapport et à raconter sur un concert mythique qui a eu lieu il y a au moins une vingtaine d’années devant un public de trente personnes dont la moitié était déjà complètement bourrées dès le début de la soirée.
Mais pas d’anecdotes, pas de souvenirs ni de visites guidées de mausolées pour évoquer Maria Goretti et 14 : 02. Juste quelques constatations et quelques bonnes surprises : le son du groupe s’est épaissi – je vous avais bien dit que j’avais réécouté le disque d’avant – et a gagné à la fois en clarté et en puissance (Thai Nana est même à la limite du hard rock pour esthètes à mèches). Du coup le post-punk de Maria Goretti Quartet passe de la catégorie collection de bourre-pifs vivifiants à celle d’usine à tubes foldingues et parfois, voire très souvent, écervelés. La musique de ces trois garçons ne se contente plus d’être frénétique, elle gagne toujours plus en matière de frivolité obligatoire mais libérée, alliant désormais ses rythmiques et plans à la The Ex/Dog Faced Hermans/Dawson avec une diversité élégante qui ratisse toujours plus large : 14 : 02 donne également à entendre du post punk robotique voire glacial, un peu de tropicalité de ci de là, du blues urbain à la Gun Club, du punk hardcore à la Biafra/Dead Kennedys, de la mélopée arabisante mais Maria Goretti Quartet ne se perd jamais en route, n’hésite jamais sur la marche à suivre et fédère tout ce merdier en un joyeux bordel explosif sans avoir jamais l’air de racoler qui que ce soit ni de jouer aux promesses électorales. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Et vive le mariage pour tous.

[14 : 02 est publié en vinyle et CD par Hovercraft, Love Mazout records, Rockerill records et Tandori records – maintenant j’espère bien un de ces jours voir Maria Goretti Quartet en concert, ça m’évitera d’avoir à faire de efforts de mémoire, trois ans après]

vendredi 2 août 2013

The Body / Master, We Perish




THE BODY n’avait pas donné beaucoup de nouvelles depuis l’album All The Waters Of The Earth Turn To Blood (2010). Un album réussi en collaboration avec Braveyoung et un split single en compagnie de Whitehorse ont été publiés l’année suivante mais après, plus rien. Deux années de silence. The Body est enfin de retour avec un mini album, Master, We Perish, toujours publié par At A Loss Recordings et, malgré un nom digne d'un boys-band de front-wave bretonne ou de garage-rock parisien, le groupe de Portland n’a définitivement rien perdu de sa superbe.
On se contentera donc des trois titres de Master, We Perish, trois titres qui concentrent et poussent encore plus loin la logique de construction/déconstruction mise en place sur les enregistrements précédents de The Body – on rappellera qu’un groupe capable de mettre des chants grégoriens (?) sur un album sans avoir l’air ridicule et capable également de faire des reprises aussi bien de MDC que de Judas Priest ou de Sinead O’Connor n’avait pourtant plus rien à craindre de personne –, trois titres sur lesquels le groupe joue toujours plus avec les possibilités d’un studio high-tech et d’un enregistrement moderne enfin maitrisé à bon escient.
Le metal plombé, infernal et grésillant de The Body a en effet tout de l’objet construit : manipulations sonores et samples sont la panacée du duo contre l’ennui et le manque flagrant d’originalité du metal moderne. Nos deux compères – Chip aux guitares et à la voix et Lee à la batterie et aux samples, non cela ne s’invente pas – font en quelque sorte preuve du même genre d’inventivité qu’un JG Thirlwell/Foetus en mélangeant les genres, en brouillant les pistes et en intercalant sans cesse des éléments inhabituels sauf que The Body se contente, si on peut dire, d’appliquer ses petites recettes alchimiques à un metal fortement teinté de doom et de sludge et donc ravalé au vitriol comme à la sauce expérimentale.
Avec Master, We Perish The Body réussit là où tant de groupes se cassent invariablement la gueule, par exemple l’insupportablement boursoufflé Gnaw Their Tongues ou les irlandais d’Altar Of Plagues avec leur ultime album, le complètement raté Teethed Glory And Injury. Et si The Body ne se trompe pas de chemin, c’est parce que bien que pensée, bidouillée et reconstruite, la musique du groupe reste absolument humaine c’est-à-dire – puisque on parle de metal – braillarde, sale et malsaine. Il y a des jours où je suis même carrément persuadé que Chip et Lee sont deux petits génies, des génies du mal, évidemment. Mais ils s’en foutent, ces rednecks préfèrent astiquer et graisser leurs armes à feu puis poser sur des photos avec leurs guns. Pourtant ils n’ont pas leur pareil pour faire peur aux gens avec leur musique – car il est difficile de ne pas chier dans son froc en écoutant Master, We Perish.

jeudi 1 août 2013

Le Singe Blanc / Aoûtat




Aoûtat : encore un disque de saison. Même si celui-ci a été publié en plein hiver. Un hiver beaucoup plus long et beaucoup plus merdique que d’habitude, ce qui a eu pour principale conséquence de retarder d’autant l’envol d’Aoûtat au pays des rêves et en compagnie de mon petit cœur desséché. On ne peut pas écouter LE SINGE BLANC n’importe quand, à n’importe quelle occasion ni dans n’importe quelle position. C’est que la banane turgescente a ses exigences et ses impératifs. Et que si vous vous retrouvez la tête en bas et la queue entre les jambes et bien tant pis. Parce que Le Singe Blanc, lui, bande sévère et longtemps.
Le trio a fêté ses dix ans en 2010, Aoûtat est le septième album du Singe Blanc et rien n’a réellement changé ici. Toujours la même folie rythmique, toujours les mêmes deux basses – en général il y en a une qui assure le terrassement tandis que l’autre s’occupe des finitions mélodiques mais toutes les deux s’accordent à saccader comme des folles –, deux basses qui tricotent du poil de guenon avec une dextérité à en rendre jaloux NoMeansNo, les Ruins et Sabot réunis et toujours un chant à trois voix (et parfois plus parce qu’il y a des invités sur Aoûtat), des voix qui borborygment, crachouillent, éructent, ricanent, gargarisent… Sur Aoûtat on croit pourtant déceler quelques mots pour de vrai, des bouts de phrases qui pourraient signifier quelque chose, c’est peut être enfin le miracle de l’évolution. Mais le reste du temps les égosillements animaliers du Singe Blanc restent parfaitement inintelligibles bien que toujours aussi signifiants : cette fureur et cette folie, il faut qu’elles sortent et il faut surtout les faire partager.
Le Singe Blanc est aussi à l’aise dès qu’il s’agit de groover comme une cocotte-minute que lorsqu’il faut pétarader sèchement, à la punk. Mais dans tous les cas le trio ne perd pas de temps et donc n’en fait pas perdre à l’auditeur : pas de redites inutiles, pas de branlettes molles, pas de remplissages d’anus artificiels, autrement dit Le Singe Blanc sait ce qu’il veut. Et ce qu’il veut c’est faire danser les débiles-mentaux, les minets hypeux de vingt ans qui pensent découvrir la vie, les quarantenaires psychorigides, blasés et revenus de tout et les vieux dans les hospices – même les imbéciles-heureux devraient pouvoir y retrouver leur compte. Quand on aime… Et avec Aoûtat on aime plus que jamais Le Singe Blanc : ce septième album est le moins intentionnellement tordu du groupe, il est le plus évident parce que le plus mélodique (il y a même Mr Marcaille – également dans le rôle de l’ingénieur du son et du robot-mixeur – qui a posé quelques crottes de violoncelle) et, presque paradoxalement, il est le plus intensément débile et le plus instantanément jouissif. La banane je vous dis.

[Aoûtat est publié en CD et vinyle par Aredje,  Et Mon Cul C'est Du Tofu ?, La Face Cachée,  Musica Per Organi Caldi et Whosbrain records ; le LP est absolument superbe dans sa pochette qui se déplie en trois volets pour laisser apparaitre un très chouette artwork signé Lilas ; signalons enfin que ce n’est pas la peine de chercher sur internet  une version piratée et pleine de mp3 dégueux d’Aoûtat : le disque est également disponible en téléchargement libre et gratuit]

mercredi 31 juillet 2013

Comme à la radio : Deuil




Les belges de DEUIL ont droit aujourd’hui à la rubrique « Comme à la radio » de 666rpm pour une seule et unique raison : si vous allez faire un tour sur la page bandcamp du groupe, vous vous apercevrez qu’Acceptance/Rebuid n’est disponible qu’en CDr et en version très limité, un euphémisme signifiant que ce disque n’existe en fait qu’à cinquante exemplaires.
Qu’importe me direz-vous puisque internet est là, qu’un player bandcamp est reproductible à volonté sur n’importe quelle page de n’importe quel webzine ou blogzine et que n’importe qui de par le monde peut donc écouter la musique de Deuil et la faire partager. Une situation bien pratique mais guère satisfaisante : tout le monde sait bien que la musique sur internet n’est que synonyme de consumérisme digne d’un fastfood et qu’un disque virtuel est un disque qui risque de se faire oublier encore plus vite alors que la musique de Deuil mérite bien que l’on s’y arrête et que l’on y retourne régulièrement. Voilà, c’est la crise, c’est la merde, les bons groupes n’ont même pas les moyens de (faire) publier leur musique décemment



Il y a bien sûr une autre raison qui fait que l’on parle aujourd’hui d’Acceptance/Rebuid : ces deux longs titres sinueux sont tout simplement excellents dans la catégorie post hardcore, doom atmosphérique et post black metal – comprenez par là, si vous n’avez pas encore cliqué sur le lien ci-dessus, que la musique de Deuil est globalement lente et lourde mais également parsemée de quelques accélérations black metal et surtout transfigurée par une mélancolie certaine.
D’ordinaire on est assez peu amateurs des groupes qui trainent en longueur et en langueur pour mieux exhiber leur petit mal-être or Deuil est une nouvelle exception qui confirme la règle, sans doute parce que Acceptance/Rebuid a été enregistré en prise directe, que le son reste donc cru et brut et que cela confère à Deuil un sentiment de ferveur authentique et d’exaltation triste et non feinte. En espérant que le groupe ne s’arrêtera pas en aussi bon chemin, enregistrera d’autres titres de cette trempe et surtout réussira à trouver un vrai label pour les faire publier. C’est vraiment tout le mal que l’on souhaite à Deuil…

mardi 30 juillet 2013

Dethscalator / Racial Golf Course, No Bitches




Le premier contact avec Dethscalator a été établi grâce à un split album partagé avec les ignobles génies de Hey Colossus. Sur ce disque, il faut tout de même bien admettre que les Hey Colossus, encore en pleine mutation sensorielle/trip sous acide/marasme psyché, avaient été dépassés par les jeunes Dethscalator. Un groupe encore un peu vert et morveleux et pas génialement original mais un groupe balançant dans la fosse à purin un hybride de noise-rock suffisamment bien torché pour que l’on s’en mette jusque là, c’est-à-dire bien profondément.
Racial Golf Course, No Bitches est le premier véritable album de DETHSCALATOR et voilà là un disque étonnant, épatant même, et ce dans le premier sens du terme : on ne s’attendait pas non plus à un truc à la fois aussi chaud-bouillant qu’épais et gras. Un peu comme si Dethscalator avait à la fois décidé de lorgner du côté d’un Motörhead enflammé et névrotique (Black Percy) ou de quelques groupes U.S. spécialistes dans la boue, le visqueux et la fange (Aids Atlas). Beaucoup plus compacte et beaucoup plus lourde mais toujours complètement irriguée par un esprit rock’n’roll aussi éternel qu’universel (Midnight Feast), la musique de Dethscalator laisse désormais entendre et apprécier un groupe qui joue frontalement la carte du mammouth défoncé et courant au pas de charge derrière des mirages psychédéliques.
Dethscalator y gagne d’autant plus en originalité et en identité. Shit Village et It’s What They Call The Cluhouse, Arsehole sont les cas typiques de deux compositions sur lesquelles Dethscalator refuse à la fois toute concession et s’apparente à une sale maladie mentale qui vous ronge doucement. Internet Explorer & Friends puis Pine Pot ferment la marche sur Racial Golf Course, No Bitches, confirmant que c’est lorsque Dethscalator joue le plus lentement possible qu’il devient réellement fou parce que complètement dérangé, complètement psychotique et définitivement acharné. C’est dans ces moments là que l’on comprend aussi pourquoi le groupe aime citer Drunks With Guns parmi ses éventuelles influences : les titres de Dethscalator sont composés de deux riffs maximums, des riffs qui tournent en boucle de manière viscérale et insistante et balayent toute forme de structure classique couplet/refrain. Une composition de Dethscalator se termine donc comme elle a commencé, sur la même note, dans le même marasme et dégageant le même bordel.
Le côté impitoyablement simple mais diablement efficace de la musique de Dethscalator est pourtant à prendre avec précautions : les guitares tronçonnent sans faiblir et le vomi tamisé au mégaphone qui sert de chant a plus à voir avec des incantations malsaines et des incitations à la débauche. Et si la face A de Racial Golf Course No Bitches est globalement plus rapide que la face B, on l’aime tout autant et malgré, répétons-le, une nette préférence pour le côté gluant et collant de Dethscalator. Encore un groupe anglais avec lequel il va falloir désormais compter.

[Racial Golf Course, No Bitches est publié en LP uniquement – le vinyle est rose pale – par Riot Season ; la pochette du disque est aussi incompréhensible que le titre de l’album et les premières copies ont été livrées avec un tee de golf marqué du nom du groupe et de l’album… définitivement une drôle d’idée]

lundi 29 juillet 2013

Io Monade Stanca / Three Angles




Three Angles est le cas typique d’un disque dont on se demande avant de l’écouter si on va l’aimer ou pas : les trois IO MONADE STANCA sont tellement barrés – et drôles – sur scène que c’est tout juste si on ne ferait pas ensuite exprès de refuser d’y croire sur disque. Il est pourtant là, ce troisième album de Io Monade Stanca, un Three Angles publié par une cohorte de labels. Et un disque qui ne ressemble à rien. Attention : je ne dis pas que Three Angles est une chose informe (infirme), sans couleurs ni saveurs ; j’affirme au contraire que Three Angles est un disque multiforme et multicolore (contrairement à sa superbe pochette tout en noir et blanc). Mais, effectivement, on ne peut pas écouter un tel disque comme un album de Retox (pour se défouler), un disque de Yowie (pour se branler et rire entre amis d’un bon cumshot) ou un disque de Hawks (pour se faire enculer). La vérité pataphysicienne de Io Monade Stance est ailleurs.
Moins cacophonique que son prédécesseur The Impossible Story Of Bubu, Three Angles résonne tout autrement, sans aucun doute à cause du chant beaucoup plus prédominant. Et beaucoup plus lyrique également, malgré les passages borborygmés, feulés et outrés. Ce chant est à la fois l’une des grandes originalités du disque mais peut aussi être sa faiblesse, car le mix ne le met pas toujours très bien en valeur, ne l’appuie pas suffisamment aux moments décisifs et de là à penser que les Io Monade Stanca sont finalement encore un peu hésitants questions vocalises loufoques et surtout quant à leur mise en place il y a un pas que l’on est souvent tentés de franchir. On pense malgré tout que l’enregistrement et le mix de Three Angles manquent généralement de relief, de mordant et de folie. Qu’ils sont un peu plats.
Et c’est bien dommage parce que question compositions, Io Monade Stanca dévoile par contre d’immenses ressources. Des idées qui fusent, des fusées qui partent en vrille, des virevoltes maîtrisées, des angles droits musicaux négociés in extremis, des mélodies qui accrochent. Io Monade Stanca ne joue pourtant pas de prog rock ou de math rock : les trois musiciens du groupe ont une façon bien à eux de pratiquer la pataphysique, la fantaisie et l’absurde, sans que rien ne paraisse forcé ou calculé. C’est ainsi que Io Monade Stanca compense plus que largement les faiblesses techniques d’un enregistrement studio parfois maladroit : en distillant une fraicheur hautement pétulante et euphorisante, en privilégiant non pas le fun mais l’éclat, face aux postures et aux attitudes. Three Angles aurait pu être un très bon disque : il s’agit uniquement d’un disque interpelant et croustifondant de la part d’un groupe toujours aussi prometteur et toujours en pleine mutation – et ici on a décidé de continuer à y croire.

[Three Angles est publié en vinyle uniquement et à trois cent exemplaires numérotés par huit labels : A Tant Rêver Du Roi, Canalese Noise records, Goatman records, Human Feather, New Sonic records, Onlyfuckingnoise, T Collectible Distribution et Whosbrain records]

dimanche 28 juillet 2013

Comme à la télé : Zeni Geva





Du gros et du lourd : ZENI GEVA avec un concert enregistré lors d’une tournée américaine en 1996 et plus précisément le 18 mai à Portland.

N’hésitez surtout pas à zapper les six premières minutes de la vidéo, minutes consacrées à un interminable line-check avec un KK Null qui a quelques problèmes de son...



Et vous aurez aussi peut-être remarqué que le type derrière la batterie n’est autre que Blake Flemming (ex Dazzling Killmen et Laddio Bolocko).

samedi 27 juillet 2013

John Butcher - Tony Buck - Magda Mayas - Burkhard Stangl / Plume




On retrouve sur Plume des musiciens de haut vol et aux pedigrees, si on peut parler ainsi, absolument impeccables question musiques expérimentales et improvisées : la pianiste MAGDA MAYAS (dont on a déjà parlé à propos de son très beau duo en compagnie de Christine Abdelnour) et le guitariste BURKHARD STANGL (Polwechsel, Efzeg et quantités d’autres projets) ; deux musiciens aux côtés desquels apparaissent TONY BUCK (Ground Zero, Peril, The Necks, Kletka Red, etc.) à la batterie et JOHN BUTCHER (Polwechsel, Phil Minton, The Ex, la liste est incroyablement longue) aux saxophones. Plus exactement les deux derniers musiciens cités représentent en quelque sorte le noyau dur qui a enregistré Plume ; par contre Burkhard Stangl joue sur le premier titre uniquement alors que Magda Mayas n’apparait que sur le second.
Plume n’a pourtant rien d’une compilation absurde de deux trios distincts et de deux espace-temps musicaux différents qui n’auraient en commun que Tony Buck et John Butcher. Flamme (avec Burkhard Stangl) a beau être un enregistrement en concert de 2007 et Vellum (avec Magda Mayas) date peut-être d’avril 2011 mais on écoute ici un vrai disque, c’est-à-dire un projet. Peut-être – et même sûrement – celui-ci est-il né à postériori, lorsque les bandes enregistrées ont été réécoutées, comparées, mises en parallèles et finalement réunies mais cela n’a désormais que bien peu d’importance. On rêverait même d’entendre une prochaine fois les quatre musiciens jouant ensemble, bien que l’on comprenne également à l’écoute de Plume que la formule du trio est souvent une formule optimale en matière de musique improvisée.
Flamme a longtemps été mon titre préféré du disque parce que l’alchimie entre Buck, Butcher et Stangl y est de prime abord la plus évidente mais aussi la plus drôle et la plus imagée. John Butcher, véritable poète des sons et expert en roule-libre de la pratique du saxophone est ici particulièrement inventif et déchainé. Cela ne signifie pas qu’il tire systématiquement toute la couverture à lui mais il reste celui dont l’instrument s’expose le plus, y compris lors des passages très ténus et proche d’une esthétique de l’effacement. D’un autre point de vue, Burkhard Stangl fait preuve d’admirables nuances avec sa guitare en mode abstrait bien qu’il souffre également parfois de la complémentarité percussive de la paire Buck/Butcher. En fait l’évidence alchimique mentionnée un peu plus haut s’explique avant tout par la prédominance motrice de l’un des trois musiciens sur les deux autres (ce n’est donc pas une alchimie à proprement parler…).
Vellum est en définitive le titre qui recèle le plus de surprises. Magda Mayas, dont on apprécie énormément la sensibilité, s’impose davantage avec son piano (préparé) que ne le fait Stangl et sa guitare. L’explication pourrait être purement technique, liée aux capacités de résonnances et – à nouveau – percussives d’un piano. Même si le saxophone brille encore beaucoup ici, le trio Buck/Butcher/Mayas est celui qui s’équilibre le plus et celui où les sonorités des différents instruments interagissent le plus entre elles. Vellum est une pièce moins immédiate que Flamme parce que plus « conflictuelle » et peut-être même tordue ou en tous les cas labyrinthique mais elle est du coup infiniment plus riche et fait logiquement moins appel à l’humour instantané ou à la fantaisie immédiate. Sur la longueur, le temps et les écoutes passant, c’est bien Vellum qui finit par s’imposer comme la pièce centrale de Flamme, son final tout d’abord très frontal puis s’effaçant temporairement mais toujours mené à trois étant des plus passionnants.

[Plume est publié en CD par Unsounds]

vendredi 26 juillet 2013

Degreaser / Sweaty Hands





DEGREASER c’est principalement le groupe de Tim Evans, un australien exilé à New-York/Brooklyn et qui dans les années 90 s’était particulièrement illustré avec Sea Scouts puis, un peu plus tard dans les 2000’s, avec Bird Blobs. Un type à qui rien ne fait peur et surtout pas de s’accoquiner avec Kristian Brenchley, autre australien expatrié et guitariste de Woman mais qui joue de la basse au sein de Degreaser. Ces deux là font la paire mais Brenchley ne joue pas sur les deux premiers albums de Degreaser à savoir Bottom Feeder (2011) et Sweaty Hands (2012). Aujourd’hui le line-up du groupe est complété par le batteur John Coates et c’est cette version là de Degreaser que l’on a pu découvrir lors d’un concert pour happy fews en juin 2013 à Lyon.
L’occasion de parler de Sweaty Hands est donc trop belle : ce disque commence un peu à dater mais on a précisément réussi à mettre la main dessus lors de ce concert lyonnais. Pas plus que son prédécesseur, le très glauque et rampant Bottom Feeder, Sweaty Hands n’est pourtant pas symptomatique de la musique que l’on a écouté ce soir là. Non, Sweaty Hands est du genre toujours plus poisseux et marécageux, le blues y dégage une odeur nauséabonde, les charognes s’étalent sur le sol et Degreaser nous force à nous trainer dessus à quatre pattes, ça fait un bruit dégueulasse, on trébuche à chaque instant mais on n’a pas d’autre choix que de continuer d’avancer si on veut échapper au massacre, sauf que tout ceci ne semble pas avoir de fin.
Sweaty Hands ressemble à un énorme grincement, de ces grincements qui font crisser les dents, donnent l’impression que quelqu’un est en train de vous enfoncer des aiguilles à coudre sous les ongles et qui vous brisent les os de l’intérieur. Une véritable torture sonique. Le bourreau en chef c’est (on l’a déjà dit) Tim Evans et ce type n’a pas son pareil pour vicier le son de sa guitare déjà gavée jusqu’à l’overdose de fuzz, de wah-wah et autres échos infinis avec une couche de crasse malsaine à faire frémir Satan en personne. Le côté australien de la musique de Degreaser se devine pourtant mais à peine – il y a des relents de Birthday Party ça et là mais ils ont depuis longtemps été passés au presse-fruits et mélangés avec du jus fermenté de cadavres d’animaux – tout comme le côté Stooges, le meilleur côté des Stooges c’est-à-dire le côté à la fois psyché et bruyant, celui de l’indétrônable Fun House et qui ici se fait plier en deux voire complètement désarticuler par Degreaser.
La seule chose complètement absente de cette musique nihiliste et jusqu’au-boutiste – puisqu’on a cité Birthday Party et les Stooges – c’est l’absence totale d’attrait sexuel : Sweaty Hands est un album tout sauf sexy (alors qu’il est indéniablement rock’n’roll), entre autre parce que Tim Evans chante avec une voix d’alien sous hélium mais surtout parce qu’il y a trop de merde et de gras pourri qui noient cette musique. Une musique absolument pas sympathique, qui ne fait que s’imposer, où même le vice a été éjecté via le vide-ordures pour se retrouver au même niveau que tout le reste, celui de l’effroi. Sweaty Hands est publié en vinyle uniquement par Negative Guest List records. On annonce toujours le troisième album de Degreaser pour cette année 2013, un album qui logiquement devrait plus coller au côté boogie-swamp de la musique que le groupe joue ces derniers temps.

jeudi 25 juillet 2013

Rorcal / Világvége




Le chroniqueur mondain/critique d’art contemporain de 666rpm s’est toujours un peu méfié de RORCAL. Une première et unique expérience en concert puis un album aussi long que fastidieux (Heliogabalus) auront eu raison d’un manque de patience et d’endurance certain. C’est pas facile tous les jours, hein. Pour faire (trop) court question présentations, on peut préciser que Rorcal est un groupe suisse pratiquant le doom satanique comme d’autres vont à la chasse ou à la pêche c’est-à-dire avec le plus grand respect des traditions. On ne parle absolument pas de doom 70’s mais d’un doom moderne, hachuré de métal noir comme la mort et la souffrance mais aussi rehaussé d’une grosse pincée de drone à la Sunn O))).
Chouette programme n’est-il pas ? Oui, tout à fait. Le problème étant que Rorcal avait jusqu’ici toujours eu un peu de mal à convaincre, se dispersant dans trop de lenteur et trop de longueur. Il était donc hors de question d’écouter et de prendre en considération Világvége, quatrième album (?) de Rorcal. L’impasse totale. L’oubli définitif pour un groupe dont on ne voulait même plus entendre parler. Et puis la vie, le hasard, la conscience professionnelle, la curiosité et un soupçon de mauvaise foi ont fait le reste : c’est en écoutant l’album Eiskalt de Vuyvr – groupe dans lequel l’un des deux guitaristes de Rorcal joue également – que le nom du grand cétacé a logiquement refait surface. Alors, allons-y pour écouter ce Világvége
… Première bonne surprise, Világvége tient sur les deux faces d’un LP ce qui signifie que cet album dure à peine plus d’une bonne quarantaine de minutes. Deuxième bonne nouvelle : même si Rorcal clame que Világvége est la bande son de la fin du monde et de l’apocalypse, on s’en fout complètement ; peut-être que le groupe tient particulièrement à cœur de défendre ce concept vieux comme le metal de papa mais on  n’en a vraiment pas besoin pour écouter – et apprécier – Világvége. Le mot est donc lâché : « apprécier ». Et il s’agit de la troisième bonne nouvelle apportée par ce disque : oui Világvége est sacrément bon.
La concision (relative bien sûr) va tout de même mieux à Rorcal et on est heureux de constater que le groupe, loin d’abandonner l’usage de ses idiomes metal favoris a réussi à les faire tenir dans des compositions toujours aussi chiadées et ambitieuses sauf que cette fois le résultat est là. On soupçonne Rorcal d’avoir toujours voulu atteindre une certaine majesté, une grandeur absolue pour une noirceur toujours plus totale (l’album Heliogabalus, désolé d’y revenir, passait complètement à côté de cet objectif) et avec Világvége le groupe y parvient sans peine, sans doute parce qu’il met ici de côté son côté drone, met la pédale douce du côté du doom pur et dur et privilégie davantage le black metal.
C’est bien la musique du mal qui domine sur un bon tiers de Világvége, tente de se tailler la part du lion mais reste finalement très loin de prendre toute la place : Világvége démarre en effet dans la lenteur et l’oppression puis passera par plusieurs états successifs (y compris celui d’interludes à base de chœurs samplés d’œuvres du compositeur Alfred Schnittke) et finira dans la douleur. Entre temps la pression aura été insoutenable, des déferlantes de feu et de mort se seront abattues et Világvége, s’il doit effectivement raconter l’apocalypse, aura au moins mis tout le monde d’accord parce que cet album, sans mauvais jeu de mot mais, pour paraphraser une expression aussi stupidement cliché que définitivement ridicule et beaucoup trop courante chez les fans de metal et autres musiques violentes, est une véritable tuerie. Une musique également servie par une qualité d’enregistrement quasi exemplaire (les notes imprimées sur la pochette intérieure parle d’un enregistrement en prise directe sur une seule journée) et précisons que le mix et le mastering ont été assurés par Raphaël K. Bovey, déjà connu pour son travail avec Zatokrev.
Finalement c’est bien le doom qui a quand même le dernier mot sur Világvége et on n’en attendait pas moins de Rorcal, groupe dont la musique complexement torturée est à la hauteur des ambitions malsaines. Világvége est un album toujours surprenant parce que jamais linéaire – sauf en ce qui concerne le chant qui s’extirpe malgré tout des poncifs du genre hurlé grâce à une réelle capacité de puissance destructrice – mais il s’agit surtout d’un album dont le tracé reste toujours très lisible et donc captivant. Une façon comme une autre de dire que Rorcal serpente sans louvoyer et que le groupe fait passer le doom dans la catégorie supérieure, celles des musiques qui ne se contentent pas de faire que (le) mal.

[Világvége est publié en vinyle par Calofror records, Lost Pilgrims records et Sickman Getting Sick records mais il existe également une version cassette publiée elle par Wolves And Vibrancy records – à l’heure où on vous parle il n’existe toujours pas de version CD mais un retirage vinyle de Világvége serait déjà à l’ordre du jour]

mercredi 24 juillet 2013

Cause & Effect - volume 1


Il semblerait bien, face à la crise économique qui s’éternise*, que les seules échappatoires pour les maisons de disques qui veulent s’en sortir financièrement soient, premièrement, de vendre des éditions vinyles de plus en plus chères et/ou, deuxièmement, de jouer la carte de l’objet. L’un ne va pas sans l’autre vous me direz – quoi que dans certains cas, ces éditions vinyles chargées en couleurs dégueulasses sont tout sauf belles – mais en ce qui concerne Joyful Noise Recordings, label montant de la scène indé US et basé à Indianapolis, c’est souvent la deuxième option qui prime. Joyful Noise Recordings ne se contente pas d’avoir un catalogue comprenant quelques références parmi les plus bandantes du moment, le label soigne également ses productions toujours avec (bon) goût.
Intéressons nous donc à ce CAUSE & EFFECT Volume 1 qui comme son nom l’indique est une compilation. Une compilation sous la forme d’un triple 7’. Chaque galette accueille deux groupes ou musiciens et est gravée dans un plastique bicolore, moitié transparent et moitié noir**. Les trois disques sont emballés dans une surpochette et retenus par un obi sur lequel est écrit à la main le numéro de chaque exemplaire puisque Cause & Effect est un tirage pas très limité à 2000 – oui, deux milles – exemplaires.
Première galette. C’est LOU BARLOW qui ouvre la marche (funèbre) avec Crack And Emerge. Comme tous les heavy métalleux des 80’s passés par le punk, la cold wave, la musique industrielle et reconvertis dans le noise-rock puis le free-jazz et l’Idm, je n’ai jamais pu encadrer les geignardises de ce cher Lou qui depuis au moins vingt ans passe son temps à se rabattre la queue entre les jambes et à pleurnicher parce qu’il s’est encore fait larguer par une meuf sans cœur. Ce type doit en plus aimer le pastis***, c’est pas possible autrement.
De l’autre côté on trouve un groupe du nom de DUMB NUMBERS pour un titre intitulé Last Night I Had A Dream avec l’australien Adam Harding à la guitare et au chant, Lou Barlow à la basse et Murph à la batterie. Vous avez dit Sebadoh ? C’est ballot parce que je n’ai jamais aimé ça non plus, exactement pour les mêmes raisons que celles qui me font assassiner Lou Barlow à chaque fois que le croise au drive-in du coin. Dumb Numbers = même pas en rêve, surtout que cette chanson figurera sur l’album sans titre que le groupe s’apprête à publier.




Deuxième galette. Ce grand dadais de THURSTON MOORE nous délivre un Gleo tiré d’une improvisation free-noise-machin-truc enregistrée avec le batteur John Moloney. Ça ressemble à rien ou plutôt, si, cela ressemble à du grand n’importe quoi mais c’est ça que j’aime chez Thurston, lorsqu’il se branle la nouille et astique le manche de sa guitare pour faire du bruit. Par contre je n’aime pas celui de certains derniers albums de Sonic Youth, ce groupe de vieux jeunes. Ce titre très brut devrait rester inédit.
Sur la face B il y a l’un des meilleurs groupes new-yorkais actuels c’est-à-dire TALK NORMAL. Le problème est que Shot This Time figure déjà sur Sunshine, l’excellentissime deuxième album du duo. Bon… si au moins cela donne envie aux retardataires de s’intéresser enfin à Talk Normal, voilà qui est un moindre mal car voilà l’un des rares groupes qui a réussi à digérer l’héritage de Sonic Youth (le vrai, celui des années 80) et à en faire quelque chose de vraiment intéressant et de vraiment bon.
Troisième et dernière galette. DAVID YOW en solo pour un titre – Thee Itch – qui figurera sur le premier album de ce grand monsieur et parait-il enregistré depuis des années, un Tonight You Feel Like A Spider à paraitre chez Joyful Noise Recordings avec plein de packagings différents, dont un construit à base d’une pierre taillée et gravée. Ici on adore Jesus Lizard mais on doit aussi avouer que si ce Thee Itch n’avait pas été enregistré par David Yow, on n’aurait même pas essayé de l’écouter jusqu’au bout. Il n’y semble-t-il rien de pire que ces chanteurs/performers qui se mettent à composer et à avoir des idées. Qu’ils se les gardent.
Dernier groupe et dernière face avec les géniaux CHILD BITE. Abysmal Splatter est un titre tiré du 10’ Vision Crimes et déjà réédité sur un LP comprenant également Monomania, un autre 10’ de Child Bite. On ne rajoutera rien à tout le bien que l’on pense de ces deux disques et de ce groupe, un ramassis d’enragés inventifs coincés quelque part entre les Dead Kennedys (un peu) et Jesus Lizard (beaucoup). Un must.
C’est l’heure des comptes et le résultat est guère brillant : sur six titres seuls deux sont ou resteront inédits. C’est bien trop peu. Alors on recommence à compter : sur six titres seuls trois sont vraiment excellents. C’est encore bien trop peu. Et en ce qui concerne ce nom un peu pompeux de Cause & Effect il répond à la logique suivante : chaque musicien ou groupe de chaque face A a influencé celui de la face B. Tout cela est d’une limpidité indiscutable… Lou Barlow/Dumb Numbers, Thurston Moore/Talk Normal et David Yow/Child Bite, l’idée est bonne mais sa concrétisation reste uniquement au stade des bonnes intentions. On verra bien s’il y aura une amélioration l’année prochaine puisque Joyful Noise Recordings a l’intention de publier un nouveau volume de Cause & Effect tous les ans, histoire donc de faire connaitre un peu mieux son catalogue grandissant…

* soit dit en passant, une crise économique qui s’éternise depuis plus de trente années (au bas mot) ce n’est plus du tout une crise mais un mode de fonctionnement systémique propre et intrinsèque au modèle économique dominant l’économie mondiale
** ce qui ressemble à la définition chromatique du seul cocktail que j’ai jamais réussi à boire de ma vie : vodka et liqueur de café (plus évidemment de la glace pilée) – comme chacun sait, la vodka est une boisson d’homme qui normalement se boit pure, pas comme cette merde sudiste de Pastis mais le Nuage Noir, Black Russian pour les anti-Lebowski, est la seule exception à cette règle pourtant inébranlable ; pour en revenir à la couleur de ce triple single, il existe également en vinyle moitié transparent moitié argenté, ce qui est la couleur d’aucune boisson de ma connaissance, même non alcoolisée
*** qu’est ce que je disais…