Le chroniqueur mondain/critique d’art contemporain
de 666rpm s’est toujours un peu méfié de RORCAL.
Une première et unique expérience en concert puis un album aussi long que
fastidieux (Heliogabalus) auront eu
raison d’un manque de patience et d’endurance certain. C’est pas facile tous
les jours, hein. Pour faire (trop) court question présentations, on peut
préciser que Rorcal est un groupe suisse pratiquant le doom satanique comme
d’autres vont à la chasse ou à la pêche c’est-à-dire avec le plus grand respect
des traditions. On ne parle absolument pas de doom 70’s mais d’un doom moderne,
hachuré de métal noir comme la mort et la souffrance mais aussi rehaussé d’une grosse
pincée de drone à la Sunn O))).
Chouette programme n’est-il pas ? Oui, tout à
fait. Le problème étant que Rorcal avait jusqu’ici toujours eu un peu de mal à
convaincre, se dispersant dans trop de lenteur et trop de longueur. Il était
donc hors de question d’écouter et de prendre en considération Világvége, quatrième album (?) de
Rorcal. L’impasse totale. L’oubli définitif pour un groupe dont on ne voulait
même plus entendre parler. Et puis la vie, le hasard, la conscience
professionnelle, la curiosité et un soupçon de mauvaise foi ont fait le
reste : c’est en écoutant l’album Eiskalt de Vuyvr – groupe dans
lequel l’un des deux guitaristes de Rorcal joue également – que le nom du grand
cétacé a logiquement refait surface. Alors, allons-y pour écouter ce Világvége…
… Première bonne surprise, Világvége tient sur les deux faces d’un LP ce qui signifie que cet
album dure à peine plus d’une bonne quarantaine de minutes. Deuxième bonne
nouvelle : même si Rorcal clame que Világvége
est la bande son de la fin du monde et de l’apocalypse, on s’en fout
complètement ; peut-être que le groupe tient particulièrement à cœur de
défendre ce concept vieux comme le metal de papa mais on n’en a vraiment pas besoin pour écouter – et
apprécier – Világvége. Le mot est donc
lâché : « apprécier ». Et il s’agit de la troisième bonne
nouvelle apportée par ce disque : oui Világvége
est sacrément bon.
La concision (relative bien sûr) va tout de même
mieux à Rorcal et on est heureux de constater que le groupe, loin d’abandonner
l’usage de ses idiomes metal favoris a réussi à les faire tenir dans des
compositions toujours aussi chiadées et ambitieuses sauf que cette fois le
résultat est là. On soupçonne Rorcal d’avoir toujours voulu atteindre une
certaine majesté, une grandeur absolue pour une noirceur toujours plus totale
(l’album Heliogabalus, désolé d’y
revenir, passait complètement à côté de cet objectif) et avec Világvége le groupe y parvient sans
peine, sans doute parce qu’il met ici de côté son côté drone, met la pédale
douce du côté du doom pur et dur et privilégie davantage le black metal.
C’est bien la musique du mal qui domine sur un bon tiers de
Világvége, tente de se tailler la
part du lion mais reste finalement très loin de prendre toute la place : Világvége démarre en effet dans la
lenteur et l’oppression puis passera par plusieurs états successifs (y compris
celui d’interludes à base de chœurs samplés d’œuvres du compositeur Alfred
Schnittke) et finira dans la douleur. Entre temps la pression aura été
insoutenable, des déferlantes de feu et de mort se seront abattues et Világvége, s’il doit effectivement
raconter l’apocalypse, aura au moins mis tout le monde d’accord parce que cet
album, sans mauvais jeu de mot mais, pour paraphraser une expression aussi stupidement
cliché que définitivement ridicule et beaucoup trop courante chez les fans de
metal et autres musiques violentes, est une véritable tuerie. Une musique
également servie par une qualité d’enregistrement quasi exemplaire (les notes
imprimées sur la pochette intérieure parle d’un enregistrement en prise directe
sur une seule journée) et précisons que le mix et le mastering ont été assurés
par Raphaël K. Bovey, déjà connu pour son travail avec Zatokrev.
Finalement c’est bien le doom qui a quand même le
dernier mot sur Világvége et on n’en
attendait pas moins de Rorcal, groupe dont la musique complexement torturée est
à la hauteur des ambitions malsaines. Világvége
est un album toujours surprenant parce que jamais linéaire – sauf en ce qui
concerne le chant qui s’extirpe malgré tout des poncifs du genre hurlé grâce à
une réelle capacité de puissance destructrice – mais il s’agit surtout d’un
album dont le tracé reste toujours très lisible et donc captivant. Une façon
comme une autre de dire que Rorcal serpente sans louvoyer et que le groupe fait
passer le doom dans la catégorie supérieure, celles des musiques qui ne se
contentent pas de faire que (le) mal.
[Világvége est publié en vinyle par Calofror records, Lost Pilgrims records et Sickman Getting Sick records mais
il existe également une version cassette publiée elle par Wolves And Vibrancy records – à l’heure où on vous parle il n’existe toujours pas de version CD
mais un retirage vinyle de Világvége
serait déjà à l’ordre du jour]