samedi 31 juillet 2010

Death To Pigs / Castro Secret Sex Casino























Comme tout amateur de vinyles légèrement atavique mais néanmoins méthodique, lorsque je pose un 7 pouces sur la platine je place également le curseur de vitesse sur 45 rpm. Prenons ce nouvel EP quatre titres des nancéens de Death To Pigs – il n’y a rien d’inscrit sur la pochette donc par pure commodité et par paresse (et aussi parce qu’éponyme est l’un des mots les plus laids du vocabulaire discographique) on l’appellera Castro Secret Sex Casino, du nom du titre qui ouvre la face A – et bien ce faux single j’en bave, je le prends, je l’extirpe de sa pochette, je l’ajuste sur le rond central à l’aide de l’adaptateur, je commence à l’écouter et là je me dis que les Melt Banana ont enfin décidé d’ajouter une bonne dose de crasse maladive dans leur nitendo core de gamins épileptiques. Ahem.
Je recommence l’écoute de ce disque, à la bonne vitesse cette fois, comprenant que pour leur nouvel enregistrement les quatre Death To Pigs ont sans doute voulu privilégier le mid tempo voire le tempo lent. Je recommence et Castro Secret Sex Casino me pète littéralement à la gueule, vicieux, psychotique et avec une lourdeur malsaine que jusqu’ici je ne connaissais pas vraiment au groupe, une lourdeur qui n’exclue par un groove de malade, loin de là. Le chant est moins nasal que d’habitude, complètement allumé – et d’ailleurs ne seraient ils pas plusieurs à brailler leur ayayayayah ahhhhh ahhhhhhhhhhhh ? –, la guitare alterne un gros riff d’une note et demi avec des parties stridentes et la rythmique pilonne à l’arrière garde tout ce qui pourrait rester de survivant après cette épreuve de vérité : Castro Secret Sex Casino c’est une camisole de force offerte à tous (et non pas une ceinture de chasteté, partouze sonique oblige) et jamais l’influence des Butthole Surfers n’a été aussi prépondérante dans la musique de Death To Pigs.
La suite, c'est-à-dire I Got Nut et International Waste, se révèle être du Death To Pigs plus classique, disons plus rapide, plus souple et plus lizardien. A Man Of Ideas également mais il s’agit à nouveau d’un tempo lent (fatigué ?) qui cette fois a un peu trop de mal à faire sa place. Ces trois derniers titres ont été enregistrés lors d’une même session chez Seb Normal alors que le monstrueux Castro Secret Sex Casino l’a (semble t-il) été à la maison, un peu à l’arrache, méthode qui a donc mieux réussi au groupe. I Got Nut, International Waste et A Man Of Ideas restent du bon qui comblera les fans (que les béotiens préférant ignorer ce groupe aillent se faire barbecuetés en Enfer, c’est de saison) mais il n’y a définitivement pas photo : Castro Secret Sex Casino écrase tout le reste et ce titre est l’un des meilleurs jamais enregistré par Death To Pigs. Il se murmure également dans les chaumières que ce EP marquerait la fin d’une époque pour le groupe… wait and see.
(ce disque est une coproduction Creepy Crawl records, Contreplaqué records, 213 records et Down Boy records. Buy or die)

vendredi 30 juillet 2010

Lunatic Toys / Tô





















Le voilà enfin ce premier album des Lunatic Toys, trio lyonnais découvert complètement par hasard et au détour d’un concert dont le groupe assurait la première partie. Je vous refais rapidement le descriptif de ces trois là et de leur musique : à droite un saxophoniste (alto) très fort pour vous distiller un thème, vous trousser une mélodie tout comme pour partir dans de chouettes dérapages incontrôlés sans pédaler inutilement dans la freeture ; au centre un batteur dynamique qui n’a pas peur de jouer comme un vulgaire batteur de rock, bien carré et puissant, et d’enchaîner avec des mesures toutes bizarres qui donnent la chair de poule aux jazzeux (avec ou sans lunettes) ; à gauche une claviériste – oui le nom est moche mais cela veut dire qu’elle joue d’un vieux Rhodes, souvent pour assurer des rythmiques mais pas que et qu’elle joue également d’un autre synthé, plus petit, servant régulièrement de trublion. La musique des Lunatic Toys ? Disons qu’elle doit autant au jazz qu’à la pop (pour le savoir-faire mélodique imparable) et qu’au punk/rock grâce à un sens de l’énergie jamais démenti et formidablement communicatif.
Il y a une certaine noblesse dans la musique du trio mais cette noblesse n’est jamais prétentieuse et suffisante. Au contraire les Lunatic Toys mettent l’accent sur la fraicheur, le côté ludique, primesautier, extraverti, dynamique mais jamais démonstratif et hautement harmonique de compositions résolument ancrées dans la modernité de ce que faute de mieux on appellera du jazz. Mais du jazz comme ça j’en veux tous les jours. Moderne et jamais sclérosé. Facétieux et imaginatif. Du jazz d’aujourd’hui.
Les compositions les plus guillerettes – souvent le fait du saxophoniste – sont donc celles qui attirent l’attention en premier : Entre Nous, Radio Edith et dans une moindre mesure (tout aussi vif mais plus sec) virevoltent, papillonnent, pulsent et vous entraînent sur le terrain glissant d’une musique joyeuse et extravertie sans tomber dans les affres du festif bon marché. Là où les Lunatic Toys remportent définitivement l’adhésion ce sont sur des compositions plus longues, plus lentes, plus nuancées, plus mouvantes et sur lesquelles le groupe parvient plus que tout à imposer des ambiances parfois plus calmes, mais aussi et surtout plus sombres et alambiquées. Ainsi le très doux Arbre A Papillons (composé par le batteur) offre au saxophone une magnifique partition, le triste et presque inquiétant L’Occupant (encore une composition du saxophoniste) flirte avec un certain lyrisme emprunt de mélancolie pour s’achever sur une note presque dramatique et surtout le très beau Que Me Chantait Ma Lavande (de la part de la claviériste) recèle une richesse, une complexité et une densité qui propulse Les Lunatic Toys dans la stratosphère, laquelle se révèle superbement élégiaque (la deuxième partie et fin du titre).
a été publié par le Grolektif, kolkhoze lyonnais autogéré de musiciens pleins de ressources et également label. Vous pouvez écouter ce disque dans son intégralité ici et même en profiter pour en faire l’acquisition (en format CD de préférence – c’est un joli digipak – ou en format digital mais qui peut bien payer pour obtenir des mp3 limités et réducteurs ?).

jeudi 29 juillet 2010

Child Abuse / Cut And Run





















Child Abuse. Avec un nom pareil, il faut assumer et surtout assurer, surtout lorsque vous partagez le même label que ces ectoplasmes à mèches plastifiés de Health ou ces couillons anamorphiques de Gengis Tron : on a déjà fait franchement plus intéressant comme voisins de pallier. Vous détestez les deux groupes précités ? Moi aussi. L’amour a ses raisons que la raison ignore mais dès qu’il s’agit de détester, expliquer devient tellement plus aisé. Question gros haine justement et surtout question j’assure, Luke Calzonetti (claviers et voix), Tim Dahl (basse) et Oran Calzonetti (batterie) ne doivent de toutes façons rien à personne et leur Cut And Run – plus un mini album qu’un véritable long format et produit par Ben Greenberg de Zs – réjouira les amateurs du groupe qui ont déjà eu la chance de poser une oreille sur leurs précédentes productions (également parues pour la plupart sur Lovepump United). Et mise à part l’instrumentation à proprement parler (claviers/basse/batterie et voix) qui rappelle celle des géniaux White Mice, je ne vois pas beaucoup d’autres groupes comparables à Child Abuse dans le monde des musiques exterminatrices. On pouvait reprocher à l’occasion un côté trop foirefouille et bordélique au grind mathématique et à l’indus jazz des new-yorkais (inventer de nouvelles étiquettes juste par jeu est un plaisir sans fin) mais on constate avec Cut And Run que Child Abuse, loin d’abandonner sa vigueur explosive, en rajoute également une couche dans le domaine de l’outrage terroriste et du sévice compris – les enfants amateurs de musiques bruyantes n’ont jamais été aussi heureux et comblés.
Sur la première face, le très court et très violent Hold This ravira les amateurs d’éjaculation faciale et de décapitation au couteau électrique mais c’est surtout Cut And Run avec ses incroyables glissés et ses lignes dissonantes de synthétiseurs à vous donner envie de chier dans votre froc qui remporte la palme de la terreur incontrôlable tandis que le bien nommé Bebe impressionne par sa mise en place où rien ne semble laissé au hasard : Child Abuse est un groupe de sadiques mais ce sont des sadiques froids et calculateurs. La deuxième face du disque assure à peu près les mêmes prestations en matière de bondage infantile et d’équarrissage de moutards et confirme que Child Abuse sait définitivement faire régner la terreur avec un sens de l’organisation et de la mise en place à rendre jaloux un planificateur de camp d’extermination. Sur Opportunity Zone, peut être le meilleur titre de Cut And Run, Luke Calzonetti en profite pour varier quelque peu sa technique de chant, sombrant définitivement dans le psychotique. Quant à Financial Burden on se demande un temps ce qui peut bien produire de telles plaintes stridentes avant de sombrer à notre tour dans le trou noir. Froze Toe enfonce définitivement le pieu de l’efficacité sadique dans les orifices béatement consentants des enfants que nous sommes tous restés oreilles ensanglantées de l’auditeur captif et captivé. Un vrai carnage, méthodique et prémédité, tout en restant complètement foutraque, et c’est ça qui est le plus traumatisant sur Cut And Run, cette folie organisée, ce perpétuel pétage de plombs sanguinaire en même temps millimétré et qui ne fait pas de cadeau. Bon, après, ceci n’est qu’un disque. Pas une incitation au meurtre ni un catalogue de tortures appliquées. Libre à chacun de se masturber dessus ou pas. Quelqu’un pourrait me prêter un kleenex ?

mercredi 28 juillet 2010

Child Abuse - Zs / split


Ce split ne date pas d’hier – pour être plus précis il a été publié en aout 2008 par Zum records à cinq cents exemplaires mais au jour d’aujourd’hui il est encore réputé disponible – et il a surtout l’avantage de proposer sur l’une de ses deux faces un vieux titre de Zs. Tellement vieux que In My Dream I Shot A Monk a en fait été enregistré en novembre 2003 soit au tout début de l’histoire discographique de Zs. A cette époque antédiluvienne et sur cet enregistrement le gang de Brooklyn était composé de deux batteurs (Alex Hoskins et Brad Wentworth), d’un guitariste (Matt Hough), d’un saxophoniste (Alex Micek) sans oublier Sam Hillmer et Charlie Looker à la voix. On y entend un Zs extrêmement primitif et brut, fortement inspiré par la no wave locale et qu’il pervertit à peine de quelques remugles free. Le titre est loin d’être inoubliable mais il constitue un témoignage comme un autre qui rappelle que – premièrement – Zs a fut un temps été un groupe partiellement vocal mais que c’est bien parce que Charlie Looker et ses mélopées médiévales s’y trouvait de plus en plus à l’étroit qu’il est parti du groupe pour fonder Extra Life avec toute la réussite qu’on lui connait désormais ; il permet – deuxièmement – de se rendre également compte qu’avant de jouer sur partitions de la musique de chambre d’avant-garde et teintée de free ou de contemporain autiste, Zs avait une attitude résolument punk et débile.


















Malheureusement pour eux, les Zs – groupe que Weasel Walter n’hésite pas à qualifier de seul bon groupe actuel à New York, là je te trouve un peu trop partial, dur et injuste mon Weasel – les Zs donc se font largement enfoncer par le groupe qui occupe l’autre face de ce split, en l’occurrence Child Abuse. Non content d’être doté d’un nom d’un mauvais goût assez génial et d’être originaire de Big Apple, Child Abuse est un trio synthétiseur/basse/batterie + voix qui allie freeture avec noise et indus pour un résultat qui, sur le titre Hat And Beard, flirte avec les mathématiques niveau cours moyen première année, un peu comme si The Locust s’associait le temps d’un bœuf sanguinaire avec les Residents. Malgré le chant qui vire au guttural et malgré l’intention de nuire on sent la grille de lecture jazzy derrière ce titre qui n’est pas non plus le meilleur représentant de l’apocalypse selon Child Abuse. Ça tombe bien, Hat And Beard est précisément une reprise d’Eric Dolphy (le premier titre de son album Out To Lunch en 1964). Sans doute pour donner une encore plus mauvaise opinion d’eux-mêmes, les Child Abuse ont placé en fin de rondelle – si je puis m’exprimer ainsi les enfants – une deuxième et courte composition, cette fois ci de leur cru. Du coup on sent vraiment le groupe prêt à faire n’importe quoi pour nous casser les oreilles avec bonheur, n’importe quoi sauf enculer les mouches.

mardi 27 juillet 2010

Zs / New Slaves























C’est une erreur de penser que l’on a fait le tour de la question Zs lorsqu’on a précisé que ce quartet vient de Brooklyn, New York : alors comme ça, Zs est encore un de ces groupes de binoclards jouant sur partitions un free jazz mi électrique mi psychorigide ? La bonne affaire. Voilà en fait un descriptif nettement insuffisant bien qu’ayant un fond de vérité et bien qu’ayant pu convenir à certains des enregistrements antérieurs de Zs, et encore... Mais avec New Slaves, superbe double album gavé de plus d’une heure de musique et publié par un tout petit label qui fait du bon boulot, The Social Registry, les barrières tombent, les a priori s’envolent et les préjugés peuvent aller se rhabiller : la musique de Zs ne ressemble à aucune autre.
On peut théoriser qu’en matière d’avant-garde new-yorkaise les Little Women et leur deuxième album Throat représentent le côté organique, flexible et désaxé de la scène arty locale alors que Zs en serait le côté cérébral, calculé et trigonométrique – oui il y a de ça… Le cas Zs est bien plus complexe que celui de ses petits camarades de Little Women qui après tout n’est qu’un groupe de free jazz. Un groupe de free jazz particulièrement foutraque et érigé à la punk (comme un majeur bien dressé) mais de free jazz quand même et puis c’est tout. Alors que dans Zs on trouve au passage un peu de freeture mais également du contemporain, du minimalisme, du kraut, de l’electro, du metal… Oui ça fait beaucoup pour un seul groupe. Non New Slaves n’est pas un disque indigeste. Uniquement un disque étonnamment ouvert pour ne pas dire versatile mais toujours d’une grande fraîcheur bien que ne recelant aucune tentative de compromis par rapport à une ligne directrice que l’on pourrait définir à l’aide d’une seule et unique phrase – toujours de l’expérimentation, encore de l’expérimentation et rien que de l’expérimentation.
Ouais : expérimentation. Pour une fois, cette terminologie agressive et obscure pour le sens commun n’est pas usurpée à propos de Zs. Comment expliquer sinon que le groupe arrive avec autant de facilité et d’à-propos à enchaîner bidouille sur bandes à l’envers (Concert Black) avec du happy kraut acidulé (Acres Of Skin), passer du breakcore bruitiste (Don’t Touch Me) à du minimalisme céleste (le gamelan intersidéral de Mansory) pour finir sur du jazz mécanisé comme une horloge suisse et se déréglant petit à petit, par petits glissements insidieux et se fracassant dans le plus pur chaos, un chaos presque borbetomagussien (New Slaves) ? C’est très simple : on note, outre les morceaux de bravoure composés à quatre, que chaque musicien a droit à un titre solo sur New Slaves. Certains relèvent un peu trop de l’évidence stylistique comme le saxophone de Sam Hillmer esseulé et mis en boucles sur Black Crown Ceremony I : Diamond Terrifier mais d’autres s’inscrivent totalement dans la logique de big bang fondateur d’un album protéiforme – par exemple le Gentleman Amateur de Ben Greenberg offre une certaine continuité avec Acres Of Skin qui est pourtant l’œuvre du groupe tout entier, le Don’t Touch Me d’Amnon Freidlin prend alors logiquement le relai alors que Mansory (bidouillé par Ian Antonio) prépare parfaitement à New Slaves, retour d’une composition à quatre. Alors si Zs est la somme de ces quatre talents ajoutés on peut également affirmer que chacun de ces talents peut aussi dignement représenter à lui seul l’identité d’un groupe génial, phénomène plutôt rare à vrai dire. Sam Hillmer (saxophone ténor et effets), Ian Antonio (batterie), Ben Greenberg (guitare et électronique) et Amnon Freidlin (guitare) ont donc le droit d’être traités de grands malades : même si leur intransigeance est mise en scène et calculée on croit dur comme fer à leur bordel d’extra-terrestres, il nous fait mouiller dans nos culottes, au moins autant sinon plus que le free jazz organique et humain d’un… Little Women.
New Slaves, terreur auditive mais ô combien imaginative de l’année 2010 a été enregistré par le guitariste en chef de Zs, Ben Greenberg. Le mastering a été assuré par Colin Marston (Behold... The Arctopus, Dysrhytmia, Krallice et plus récemment Gorguts) qui est dans tous les mauvais coups ces derniers temps. Enfin l’illustration de la pochette est signée par un certain John Dwyer.
Et puis si vous voulez voir ce groupe incroyable en concert, sachez que Zs tourne en Europe fin juillet/début aout : le 30 juillet au Grrrrnd Zero de Lyon avec L’Ocelle Mare et le 31 à Paris dans une salle encore non déterminée – renseignez vous ! On note aussi que depuis l’enregistrement de New Slaves Amnon Freidlin a déjà quitté le groupe. En fait les trois autres forment le noyau dur de Zs, l’un des prédécesseurs d’Amnon Freidlin n’était autre que Charlie Looker, parti pour fonder Extra Life, et son successeur actuel est Tony Lowe, un ancien Skeletons.

lundi 26 juillet 2010

Brume Retina / Agresse Gueule























La première chose que l’on entend distinctement – et on l’entend vraiment très très bien – dès les premières secondes d’Agresse Gueule, deuxième album de Brume Retina, c’est ce foutu batteur, son jeu puissant et ce son de batterie de malade qui vous claque dans les oreilles. Et c’est parti pour quatorze titres et une bonne grosse demi-heure de hardcore fortement teinté de screamo. Ah oui… screamo, terme péjoratif entre tous dès que l’on parle de hardcore – moins que emo tout de même, restons sérieux – et que je n’emploie ici que pour une seule et unique raison, sans doute très mauvaise car par pur manque d’imagination : le chant, assuré à plusieurs voix, est constamment braillé pour ne pas dire aboyé, tellement braillé que les paroles (en français) échappent du coup complètement à toute tentative de compréhension. Alors voilà, si jamais Brume Retina avait des trucs intéressants à dire au monde et à ses contemporains je ne le saurai pas. Vous non plus. D’un autre côté, éternelle rengaine, le chant en français dans le rock’n’roll et affiliés est une pratique tellement abominable et ce pour des raisons évidentes d’esthétique et de phonétique de base que ne rien capter et juste entendre un type très énervé qui hurle comme si sa vie en dépendait est toujours un plus. Autre qualité évidente du chant chez Brume Retina : ils sont on l’a dit plusieurs à être énervés – au moins deux, peut être bien trois – dont un gros bouledogue avec constamment la bave aux lèvres et un roquet à poils courts mais perpétuellement hérissés.
Le son de la batterie est peut être terriblement efficace (et rappelons une dernière fois et juste pour le plaisir que ce son là ne servirait à rien si le type derrière la batterie en jouait comme d’une cruche en céramique) mais c’est toute la production d’Agresse Gueule qui donne le vertige et le tournis tellement elle est bien menée, que chaque instrument y sonne parfaitement à sa place, que l’ensemble est d’un dynamisme explosif qui vous arrache instantanément les hochements de tête approbateurs et caractéristiques du headbanger en manque de sensations fortes. Et là aussi, le velours clouté et le chauffé à blanc du son n’aurait servi à rien si les types derrière leurs instruments n’avaient eu de musclés que le nom et les (mauvaises) intentions. Mais chez Brume Retina on sait parfaitement tenir un manche tout comme on sait parfaitement trousser une composition qui vous ratatine la gueule et vous botte le cul. Hum, pas très distingué ni très finaud tout ça ? Détrompez-vous : Brume Retina aime parsemer son hardcore de petites surprises tel un chouïa d’harmonica sur L’Apprêt Et L’Après ou quelques breaks plus apaisés ailleurs (On Est Arrivé Si Loin…). Surtout Brume Retina réussit à élever ses compositions à un niveau général supérieur induisant deux choses essentielles et ici souvent concomitantes : premièrement aller droit au but et ne jamais laisser retomber l’énergie du départ, motherfuckers ; deuxièmement parsemer ses titres de breaks, de reprises de volée et de seconds départs pour ne pas laisser non plus retomber l’intérêt (La Victoire De L’Echo Sur La Voix). Le résultat est du genre époustouflant et poutral, ces gars – pourtant des vieux puisque avant ils ont déjà joué dans plein d’autres groupes – ont le feu, ces gars vous mettent le feu. Tout simplement.

Ce disque est une coproduction Emergence records, For U & X, Impure Muzik et Recap records auprès de qui il bien évidemment disponible pour pas cher.

samedi 24 juillet 2010

Festival Expérience(s) au Périscope (deuxième soir)


Je ne vais pas essayer de mentir, je n’étais jusqu’à présent jamais allé au Périscope, et ce malgré l’insistance de quelques connaissances bien mieux informées que moi. Les rares groupes gravitant autour de ce lieu et que j’avais pu voir en concert l’avaient toujours été dans des endroits autres, au Sonic ou au Grrrnd Zero pour ne pas les nommer. Si je n’avais pas reçu un mail d’invitation en bonne et due forme émanant de ses organisateurs, je ne me serai donc pas non plus intéressé au Festival Expérience(s) mis en place sur trois jours au Périscope par le Grolektif. Une affiche alléchante, quelques pointures, quelques vieilles connaissances et pas mal de choses parfaitement inconnues. Je décide donc de jeter mon dévolu sur le deuxième soir : tant pis pour PAK (avec Ron Anderson des Molecules) qui jouait le jeudi et tant pis pour Sheik Anorak qui jouera lui le samedi.
Le Périscope est perdu dans un endroit sinistré de Lyon, coincé entre des voix ferrées et une célèbre prison désormais désaffectée – il se murmure que ses bâtiments, classés, vont être reconvertis en résidences étudiantes, le symbole est savoureux. Les rues sont complètement désertes même en plein milieu de la journée et je regrette presque de ne pas avoir piqué la voiture de mon travail pour m’y rendre tellement il y a de la place pour se garer, y compris pour un handicapé du créneau tel que moi. J’attache donc mon vélo non sans appréhension à l’angle du vieux bâtiment qui abrite le Périscope, je jette un coup d’œil prudent à l’intérieur de la salle et décide d’attendre dehors que des connaissances arrivent pour y entrer enfin avec elles. Première cigarette.
La salle est vraiment bien, spacieuse – j’imagine que 150 personnes peuvent aisément y trouver leur place sans que le concert devienne trop invivable – et bien équipée. Le bar est agréable, la lumière est douce, les personnes qui s’occupent du lieu sont accueillantes. La seule chose qui me chiffonne ce sont les chaises et les fauteuils installés devant la scène. Ah oui… je suis dans un club de jazz ou assimilé et on s’y assoie pour écouter de la musique. Une habitude que je n’ai jamais réussi à (com)prendre mais que je ne trouve pas plus étrange que la méthode hippie qui consiste à s’assoir par terre comme un chien galeux pour écouter un concert de musique transcendantale.
















Je m’installe alors sur une confortable banquette pour assister au premier groupe, Samsonite Orchestra. En fait d’orchestre il n’y a qu’un seul bonhomme sur scène, Julien Israelian, qui a eu l’idée d’un orchestre de poche un jour qu’il achetait une vieille valise dans une brocante. Pas une Samsonite en plastoc, de celles que l’on imagine bien au bout du bras d’un golden boy trop pressé en transit à l’aéroport, mais une valise toute pourrie et remplie de curieux instruments fabriqués maison. Deux loop stations complètent l’installation.
La musique de Samsonite Orchestra c’est essentiellement de la bricole à base de cordes pincées, frottées et percutées dont les sons sont mis en boucle, empilés, assemblés. Certains de ces sons sont très étranges et parfois poétiques, la filiation avec la musique de Pierre Bastien s’impose mais Samsonite Orchestra va beaucoup plus loin, créant de véritables rythmiques, s’installant dans le répétitif pour une espèce de techno minimale entièrement conçue à la main et plutôt évanescente comme un vieux tatapoum de Wolfgang Voigt/Gas.
Jusqu’ici tout va bien. Il est par contre dommage que notre garçon cherche toujours à en rajouter au lieu de laisser tourner ses boucles, qu’il appose par-dessus de la bidouille supplémentaire qui foute tout en l’air, alourdissant son propos. Il a du mal également à gérer ses transitions, son bricolage étant moins précis dans le start/stop qu’un laptop dument domestiqué. Malgré ses gros défauts de maîtrise il y a un charme certain à la musique de Samsonite Orchestra qui n’évite pas non plus l’écueil de jouer trop longtemps, prenant le risque d’user son auditoire. Il est temps de sortir dehors pour vérifier que mon vélo n’a pas disparu et pour fumer une deuxième cigarette.
















Le deuxième groupe s’appelle AM PM et il s’agit cette fois d’un duo composé de Emmanuel Scarpa à la batterie et à la bidouille et de Clément Edouard au saxophone, au laptop et autres effets. La présence dans ce tandem du saxophoniste des excellents Lunatic Toys – bientôt une chronique de leur non moins très bon premier album – est l’une des deux raisons qui m’ont poussé ce soir à venir jusqu’au Périscope. Je n’ai jamais écouté la musique de AM PM, en toute confiance je ne m’attends donc à rien de précis sauf à ne pas être déçu.
C’est pourtant exactement ce qui s’est produit. La musique de AM PM m’a semblée beaucoup trop rigide, froide, engoncée, sans émotions. Les idées des deux musiciens ne m’ont également guère convaincu. Précisons tout de même à leur décharge que je suis complètement réfractaire aux mélanges électronique et jazz sauf si c’est dans une optique complètement bruitiste ce qui n’a pas été le cas mis à part sur un titre où de grosses fréquences basses ont fait leur apparition tandis que la batterie passait en mode martelé. Mais la plupart du temps les sons synthétiques sont irritants, mal amenés, et le mélange ne prend pas. Je préfère m’éclipser à la fin du set pour une nouvelle ronde vélocipédiste à l’extérieur, une nouvelle cigarette et une bière bien fraîche.
















Le dernier groupe est également un duo et dedans on retrouve Rodolphe Loubatière, batteur de RYR (encore un groupe du Grolektif particulièrement apprécié et la deuxième raison de ma venue) ainsi que Franck Vigroux, un platiniste (également guitariste mais il ne jouera pas de guitare ce soir) dont le curriculum vitae se passe de commentaire, jugez plutôt : Franck Vigroux a joué ou joue encore avec Elliot Sharp, Marc Ducret, Hélène Breschand, Bruno Chevillon, Matthew Bourne, Zeena Parkins, Ellery Eskelin, Joey Baron…
Les deux musiciens entrent directement dans le vif du sujet, ne s’embarrassant guère de détails et pilonnant l’atmosphère à l’aide d’une cacophonie bruitiste contrastant violemment avec les deux premiers groupes de la soirée. Franck Vigroux maltraite ses vinyles sur ses deux platines (une façon de faire qui m’a toujours rendu un peu malade pour des raisons évidente de matérialisme phonographique aigu) et Rodolphe Loubatière choisit l’option gros bras qui en met de partout – il bricolera également un petit peu à l’aide d’accessoires divers et variés posés à côté de lui sur une table.
Le résultat rappelle là aussi fortement quelque chose, en l’occurrence le Live Improvisations de Christian Marclay et Gunter Muller paru sur For 4 Ears records en 1994 – Marclay s’y montrait comme un manipulateur hors-pair et sadique de vinyles tandis que Gunter avait déjà à cette époque grandement recours à l’électronique dans son jeu de batterie de plus en plus touche tout.
Malgré l’absence certaine d’originalité (pas très grave en soi) et surement mis en confiance par un manque de finesse volontaire (une bonne méthode pour faire du bruit) le duo Vigroux/Loubatière remplit parfaitement le cahier des charges d’une musique musclée et vive, qui débouche enfin les oreilles et les sphincters. Qu’en dire de plus ? Rien, ce concert a fait l’effet d’une bonne douche de décibels, comme peut le faire un concert de punk braillard ou une performance harsh. Rien de nouveau si ce n’est un changement d’air entre les neurones. Fort à propos, le concert n’a pas duré longtemps, permettant à la plaisanterie d’en rester une. J’ose espérer que l’aspect ludique et iconoclaste est bien ce que recherchaient les deux musiciens.

vendredi 23 juillet 2010

Nadja / Ruins Of Morning























On ne pourra surement jamais en finir avec l’énumération des enregistrements signés Nadja et Aidan Baker mais voilà la parution la plus récente du duo de Toronto : Ruins Of Morning est en plus le tout premier 10 pouces jamais réalisé par Nadja. On aurait préféré pour l’occasion un artwork un peu moins laid mais ce n’est que du chipotage, hein… N’empêche que cette œuvre picturale digne d’un groupe dark prog en quête d’obsessions apocalyptiques et post industrielles fait un peu froid dans le dos. Qu’est ce qu’on attend pour interdire aux graphistes et illustrateurs sans talent l’usage unique de l’ordinateur ? – tout comme on devrait bannir Protool des studios d’enregistrements… Et puisque on parle art, chiffons et emballage : Ruins Of Morning a été gravé dans un vinyle quant à lui annoncé par le label Substantia Innominata (une filiale de Drone records, spécialisée dans le 10 pouces à tirage limité) comme étant de couleur gold. Doré ? Oui si tu veux. J’y verrais pour ma part plutôt une tentative réussie de la reproduction colométrique d’un breuvage sudiste, également parfait compromis entre le Perroquet et la Momie et que ces couillons de Marseillais appellent gas-oil par simple soucis d’identification pertinente et de rationalité objective. En résumé cette couleur est autant à vomir que l’artwork de la pochette, regrettable constat parce que lorsqu’on aime bien un disque on apprécie également que sa présentation soit à la hauteur.
Ce n’est donc malheureusement pas ici le cas mais on saura s’en contenter. Ruins Of Morning est en effet l’une des meilleures choses enregistrées par Nadja depuis longtemps, un très long titre de presque quarante minutes et séparé distinctement en deux. La première face prolonge les récents travaux de Nadja, ceux d’une musique plus intimiste, presque acoustique et on pense alors très fort à Clinging To The Edge Of The Sky, un disque ambitieux mais franchement raté du duo. A la lumière de Ruins Of Morning tout s’éclaire enfin à propos de Clinging To The Edge Of The Sky (enregistré quatre mois plus tôt) : Nadja en pleine transition, Baker cherchait visiblement quelque chose d’un peu nouveau et ce quelque chose il l’a enfin trouvé sur Ruins Of Morning, titre qui commence comme une ballade acoustique à peine perturbée par les beats assourdis de la boite à rythmes et quelques fréquences graves qui rappellent que la musique de Nadja ne s’éloigne que rarement du drone. Il manquait trois fois rien et ce trois fois rien c’est un peu de chant neurasthénique, une vraie chanson (certes rallongée au-delà des formats généralement admis), un leitmotiv tout simple à la guitare et une progression palpable qui semble aboutir précisément alors que la première face s’achève.
On se lève vite pour retourner la galette et attaquer la suite de Ruins Of Morning exactement au moment où l’explosion sonique est proche, où les rythmes s’alourdissent, ou la guitare partirait presque dans un solo sans queue ni tête mais comme rien ne doit jamais être simple, la tension redescend et la violence s’estompe, laissant derrière elles ce gimmick de guitare toujours aussi entêtant mais plus marqué qu’auparavant, c’est vrai. Le titre passe alors en mode planeur des hauts plateaux, la vue est belle mais lointaine et l’auditeur a tout le loisir de la contempler alors qu’il redescend lentement, lentement, lentement… pour atterrir sur un tapis de mousse au milieu des pâquerettes et des amis de la nature. Nadja semble avoir définitivement abandonné le metal vaporeux et avec Ruins Of Morning le duo réussit enfin là où il achoppait régulièrement sur ses derniers enregistrements, remplaçant la densité et les mouvements telluriques par des trames plus affinées et des glissements plus pointillistes. Moins metal et peut être plus folk la musique de Nadja est à nouveau passionnante.

jeudi 22 juillet 2010

Are You Experienced ?























Organisé à l’initiative du Grolektif et du Périscope, le FESTIVAL EXPERIENCE(S) est une initiative heureuse en ces temps de pénurie de concerts à Lyon, été oblige – je ne parle pas des gros concerts organisés dans des vieux théâtres romains, hors sujet. Trois jours de musique entre free, musique improvisée et expérimentation avec un programme varié et éclectique, jugez plutôt :

Le jeudi 22 juillet : Donkey Monkey (animal hybride composé d’une pianiste et d’une batteuse qui n’ont peur de rien) et PAK, l’un des nombreux projets de Ron Anderson, oui celui des Molecules, toujours aussi jeune et toujours aussi fou furieux.

Le vendredi 23 juillet : Samsonite Orchestra ou comment faire de la musique electobidouille rigolote avec l’un des objets utilitaires les plus laids au monde, un duo total free avec Franck Vigroux et Rodolphe Loubatière (que l’on a déjà pu admirer avec RYR puisqu’il en est le batteur) et AM PM, autre duo bouillonnant avec Clément Edouard des Lunatic Toys.

Le samedi 24 juillet : Sheik Anorak (que l’on ne présente plus mais qu’est ce qu’on l’aime celui là) et Polaroid 4.

A noter que le samedi après midi il y a également El Shopo et Reverse et que c’est gratuit, que sinon c’est huit brousoufs par soir ou bien quinze pour la triplette et que tous les concerts se dérouleront au Périscope, 13 rue Delandine, Lyon 2ème. Plus d’informations ici.

mercredi 21 juillet 2010

Nadja & Ovo / The Life And Death Of A Wasp























Voilà un disque qui s’annonçait sous de très mauvais auspices : la réunion d’un duo canadien particulièrement apprécié quoique en forte perte de vitesse depuis quelques temps et d’un autre duo, italien celui-ci, auquel je n’ai jamais vraiment réussi à accrocher bien qu’en concert (à condition de ne pas les voir trop souvent) la théâtralité de ces deux là a quelque chose de spécialement envoutant. Et quand je parle de réunion, je précise au passage que The Life And Death Of A Wasp n’est pas un split album mais bien une collaboration, tout le monde joue en même temps, au même endroit, la même musique. Unité de temps, de lieu et d’action comme à la bonne vieille époque du théâtre classique. Côté jardin on débusque Nadja soit Aidan Baker à la guitare et aux effets et Leah Buckareff à la basse. Côté cour se cache OvO, donc Stefania Pedretti à la voix de chèvre possédée, à la guitare, au violon et au lancé de dreadlocks ainsi que Bruno Dorella à la batterie rudimentaire (en gros une caisse claire, un tom basse, une cymbale et puis c’est tout) et éventuellement aussi à la basse. On mélange bien tous ces ingrédients dans un studio de Berlin pendant le mois d’août 2009, on fait masteriser le tout par James Plotkin et on obtient un groupe dont la composition est – encore une fois – on ne peut plus classique : un vrai groupe de rock quoi. Mais un groupe qui évidemment n’en joue pas.
S’attendre à pas grand-chose reste la meilleure façon de ne pas être déçu et avec The Life And Death Of A wasp – oui je concède que ce titre est aussi nul que l’illustration de la pochette est laide, merci HLG – on va de surprise en surprise. Ce sont deux labels berlinois, Vendetta records et Adagio 830 (tous les deux déjà responsables de la publication du très moyen Clinging To Edge Of Sky de Nadja) qui ont rempilé pour ce quatre titres. Soit ces gens ne sont pas particulièrement rancuniers soit ils sont résolument patients. En tous les cas ils ont eu raison. The Life And Death Of A wasp est un bon disque, pas le chef d’œuvre transcendantal qui va changer votre vie de cloporte famélique et béotien en un rêve de plénitude métaphysique enfin devenu réalité – pour ça il existe de très bonnes drogues – mais la grosse vingtaine de minutes du disque est suffisante pour se dire que oui, miracle, on a écouté de la musique.
Tout comme je ne comprends rien au titre du disque je ne comprends rien à ceux des quatre morceaux, sans doute y a-t-il un concept bien caché là-dessous. A Wasp Flying Around The Sugar Jar est un blues aquatique conduit par une ligne de basse que j’ai déjà entendue quelque part (mais je ne dirai pas où) avec quelques nappes de guitares et dissonances accompagnées de vocalises pour une fois mesurées de la part de Stefania. Qu’elle en soit ici remerciée. Avec Trapped Into The Jar c’est presque la même mais en plus rapide, plus affolée, du noise rock blues et arty et toujours avec une basse dont le son chaud et rond se détache particulièrement bien. Deuxième face, troisième titre : avec Put Some Sugar In My Cup, Please on s’éloigne pourtant des mondanités. La rythmique s’alourdit, les guitares grésillent plus fort, la basse devient plus menaçante et la voix vous chante comme une invitation à exécuter un sacrifice rituel/prendre du sirop codéiné pour la gorge. Stefania s’est transformée en petite sorcière grimaçante comme elle sait si bien le faire. C’est sur le dernier titre, Drowned In Coffe, que l’association Nadja/OvO fonctionne le mieux, malgré l’intro très typée Nadja et malgré tous les tics tribaux/messe noire d’Ovo qui dominent toute la fin du titre.
Les deux groupes ont non seulement évité le pire – c'est-à-dire la contemplation subaquatique et zen metal pour Nadja et les criardises black indus pour OvO – et ils ont surtout réussi, d’une façon qui m’échappe encore totalement, à enregistrer un disque qui tient debout. J’en regretterais presque de ne pas avoir fait le déplacement lors de la récente tournée commune des deux groupes (le package incluait également Thrones aka le gros Joe Preston) bien que d’après mes informations Nadja et OvO n’aient pas entrepris de jouer ensemble sur scène – dites moi alors à quoi ça sert d’avoir enregistré ce disque ? Sûrement à se faire plaisir, bande d’échangistes. Tant mieux puisque j’ai également pu prendre mon pied.

mardi 20 juillet 2010

Aidan Baker / Liminoid | Lifeform





















On ne peut pas reprocher à Aidan Baker d’essayer, de (se) chercher. Sauf si on considère que se gratouiller les neurones et la guitare à longueur de journées et de séances de home studio ne correspond à rien, que la musique ce n’est pas une couveuse de laboratoire, que ce qui compte c’est l’instant présent et l’expérience en temps réel, celle qu’on ne va pas reproduire de sitôt ou alors en pire. On peut alors reprocher à Aidan Baker d’en faire beaucoup trop, oui revenons encore une fois sur la prolixité du canadien, sur ses publications semi-mensuelles et sur ce que certains esprits chagrins jugent peut être à tort comme de l’auto-complaisance. Aidan Baker est ce type de musicien qui enregistre tout ce qu’il joue – et il joue tout le temps, un vrai cancer – et finit toujours par le faire publier d’une manière ou d’une autre alors qu’il ferait peut être bien de ne considérer ces bandes que comme un work in progress. Ça aussi c’est une maladie. Entre la recherche en laboratoire et l’éjaculation précoce journalière Aidan Baker ne choisit donc pas, conjuguant les deux, à nous de faire le tri.
Le tri est quand même largement à l’avantage du musicien : il a plus de disques intéressants (et parfois même très bons) que de disques mauvais, inutiles et rabâchés. Ce qui est inquiétant, c’est que ces derniers temps – aussi bien pour ses travaux en solo que pour ceux de Nadja –, la qualité tend à baisser, la proportion à dramatiquement s’inverser. Comme un essoufflement, Ce qui revient donc du coup à la question initiale : Aidan Baker en fait il trop ?
Lui doit honnêtement penser que ce n’est jamais assez : Liminoid | Lifeform est encore un nouvel enregistrement du canadien (pas si nouveau en fait puisqu’il date de janvier 2010), encore une fois publié par Alien8. Deux titres (comme le nom du disque l’indique) et surtout plein d’invités : sur Liminoid ce ne sont pas moins de sept musiciens qui viennent apporter leur soutien à Baker pour ce qui est l’une de ses compositions les plus ambitieuses : deux violoncellistes, une violoniste, deux batteurs et deux guitaristes, la plupart de ces intervenants extérieurs donnant également de la voix. Parmi les noms on reconnait celui de Jakob Thiesen qui a joué de la batterie sur l’album Desire In Uneasiness de Nadja, Richard Baker qui joue dans Arc avec son frère Aidan ou bien Nick Storring de Picastro. Les autres me sont de parfaits inconnus.
Liminoid se divise en quatre parties distinctes et a été enregistré lors d’une performance dans une galerie d’art de Toronto pour l’édition 2008 du X-Avant Festival. Ce qui est frappant c’est le côté très montréalais de cette composition, OUI je vais lâcher le nom de Silver Mount Zion et NON il ne faut pas tout de suite partir en courant et en hurlant parce qu’Efrim Menuck et sa voix de canard prophétique ne sont fort heureusement pas de la partie. Après une entrée en matière très mélancolique (à mi chemin entre Rachel’s et le Boxhead Ensemble) et une deuxième partie très post rockeuse/neo folk, la plage n° 3 de Liminoid accentue la ressemblance avec la bande de hippies made in Constellation records avec cette intervention chantée à plusieurs voix sur un vieux texte religieux copte. Malgré toutes les réticences que l’on peut éprouver face à ce genre de bondieuseries – que l’on peut sciemment ignorer en refusant de lire les notes du livret ou la présentation du label – et grâce à une voix lead dont le lyrisme flirte avec celui d’une Lisa Gerrard encore amoureuse de Brendan Perry, on évite fort heureusement l’opéra cosmique avant qu’intervienne à bon escient un déluge de percussions free. La quatrième partie est la moins bonne, péchant avec ce rythme binaire pour chien stupide et s’enfonçant du coup dans la banalité d’un abandon d’animal domestique sur une aire d’autoroute.
Lifeform a été enregistré avec beaucoup moins de participants que Liminoid (quatre au total) mais on note l’apparition d’Alan Bloor plus connu pour ses expérimentations gentiment bruyantes sous le nom de Knurl et pour son plus récent projet Pholde. Une touche de bordel métallique dans la musique intimiste d’Aidan Baker (il faut rajouter un violoniste et un violoncelliste pour avoir une idée complète du line-up jouant sur Lifeform) et peut être l’annonce d’une nouvelle piste de travail pour le canadien, entre musique de chambre et indus ambiant… A suivre (encore une fois).

lundi 19 juillet 2010

Kodiak - Nadja / split























J’en ai toujours entendu de toutes sortes à propos des allemands de Kodiak, parfois même de très méchantes sur l’ultra doom baltringue et convenu d’un groupe peinant à sortir des sentiers battus. Et alors ? Et alors c’était bien vrai, en tous les cas au sujet de la première face de ce 12 pouces partagé entre Kodiak et Nadja : le groupe ne sait faire qu’une seule chose c’est à dire insister, insister, insister. Il n’y a absolument rien de déshonorant là dedans, on ne peut pas dire non plus que Denovali a publié avec ce split le disque le plus inintéressant de tout son catalogue, mais avec MCCCXLIX The Rising End Kodiak ne va pas plus loin qu’un long étalage de drones sursaturés aboutissant imparablement au bout de six minutes (inter)minables à un doom massif de garçons coiffeurs tatoués. Il ne manque que le headbanging en rythme pour que le tableau soit complet. C’est dans ces cas là que j’en viens à plaindre le batteur, bien obligé le pauvre de s’occuper – oui mais à quoi ? – entre chaque coup de cymbale ou chaque coup de caisse claire.
MCCCXLIX The Rising End
aurait pu être l’introduction réussie d’un vieux titre de Godflesh tant la lourdeur saturée et glauque dispute la première place à une efficacité presque mécanique de la rythmique seulement voilà, il n’y a ici aucune progression de style ni enjeu dramatique, uniquement une succession de plans ambiancés et ajustés les uns aux autres avec une précision et un savoir-faire qui ne peuvent que laisser froid. L’absence de chant – on se serait même contenté d’un chant hurlé de métalleux primate des cavernes – n’arrange pas les choses, la musique purement instrumentale gagnant en pertinence si elle se révèle purement hypnotique ou harmonique (et quand c’est les deux à la fois, comme chez les regrettés Grey Daturas, c’est encore mieux) ce qui ici n’est absolument pas le cas. Moins de monolithisme et plus d’imagination s’il vous plait.
Sur l’autre face les deux Nadja déçoivent terriblement avec un KITSUNE Fox Drone faiblard et insignifiant. Un titre enregistré pendant l’été 2009 à Berlin – ville dans laquelle les canadiens semblaient s’être installés plus ou moins durablement – et on ne peut pas s’empêcher de penser que cet été là Nadja a enregistré un seul long titre en studio que le groupe a ensuite découpé en tranches pour satisfaire tous les labels auxquels le duo avait d’une manière ou d’une autre promis un inédit. Les productions enregistrées à cette époque par Nadja ont en effet le tort de toutes se ressembler et en plus elles ne sont guère fameuses, montrant que le groupe a traversé un sacré passage à vide pour ne pas dire qu’il n’arrivait plus à se renouveler – alors qu’il avait bien l’air décidé à le faire, ce qui est tout à son honneur. C’est peut être bien le début de la fin pour un groupe qui jusqu’ici était un maître du studio (en concert c’était déjà effectivement tout autre chose…).

dimanche 18 juillet 2010

Nadja & Troum / Dominium Visurgis


La tournée commune entreprise par Nadja avec This Quiet Army au printemps 2009 était passé par Lyon et ce soir là, au Sonic, il y avait un troisième groupe à l’affiche : Troum. Des allemands plutôt du genre légendaires dans les milieux autorisés et dont je n’avais jamais entendu parler plus que ça, ni de leur groupe précédent d’ailleurs, Maëror Tri, encore plus culte de chez culte. Maëror Tri puis Troum – manifestation discographique dès 1988 tout de même pour les premiers – ont avec le temps glissé vers une musique de plus en plus indus/atmosphérique/tribale devant beaucoup à Zoviet France. Didgeridoo et autres flûtiots exotiques passés à la moulinette de la rerverb, ambiances de fantômes bienfaiteurs (les esprits sont avec nous), rythmiques martiales par endroits, communion avec Dame Nature : à l’écoute du concert des allemands la pertinence d’une future association discographique entre Troum et Nadja s’imposait sans trop de difficultés.
Ce que je ne savais pas, c’est que les deux groupes avaient déjà enregistré ensemble un an plus tôt, en avril 2008, aux studios Ghûto-M de Brème, situés au bord de la Weser, grande et belle rivière ayant comme chacun sait inspiré nombre de poètes et musiciens romantiques allemands. Ghûto-M est en fait le studio et la maison de Troum, là où le groupe a enregistré quelques uns de ses disques les plus marquants (Sigqan par exemple). Les sessions avec Nadja ont été captées en conditions live, prise directe, sans repassage ni mise en plis (no overdubs/processings made afterwards) et il s’agit d’une séance d’improvisation totale. Les punks et autres noiseux bas du front sont d’ores et déjà autorisés à quitter la salle, ce disque n’est pas pour eux.


















Ses sessions sont aujourd’hui sorties sous le nom de Dominium Visurgis, sur le propre label de Troum, Transgredient records. On y retrouve trois plages copieuses d’ambient drone cristallin qui raviront les aficionados et autres drogués du genre. Part 1 n’est qu’une mise en bouche. Les détails sont systématiquement noyés dans l’arrière plan, les textures sont brumeuses ou carrément vaporeuses, les grondements sont trop lointains pour être inquiétants, la lumière vacille et la vie ralentit, confiante. Nombre de groupes/musiciens atmosphériques se contentent en général de ce genre de mode d’exposition avant d’enclencher le pilote automatique, l’ambiant passe alors pour un exercice de style paresseux. Ici, le jeu des sonorités, les échos, les allers-et-venues sont passionnants, laissent entendre un après qui (rassurez-vous) va bientôt arriver. Nadja et Troum ne se sont en effet pas contentés de souffler dans leurs binious et d’appuyer sur leurs pédales d’effet.
Part 2 est presque colérique. Les rythmes y font leur apparition, les guitares en mode saturé également, une mécanique aveugle et désordonnée se met en place (Aidan Baker a du appuyer sur la touche random de sa boite-à-rythmes) et surtout Part 2 marque l’arrivée de fréquences basses massives qui lorsqu’elles manquent à l’appel font dire aux détracteurs de Nadja que le duo canadien c’est tout juste une plongée messianique dans Le Grand Bleu. Part 3 est de loin le titre le plus long de Dominium Visurgis, démarrant comme Part 1, infusant lentement, très lentement, mouvements inquiétants de masses obscures derrière et interférences diverses et plus ou moins mélodiques devant. La première moitié de cette dernière partie, typique d’un drone hypnotique qui s’épaissit et s’intensifie est particulièrement envoutante mais laisse brutalement sa place à un tout autre paysage – pourquoi alors ne pas avoir scindé cette piste en deux ? – qui par contre se laisse aller aux clichés aquatiques/sous-marins et cinématographiques d’une musique atmosphérique d’ascenseur. Heureusement qu’une balalaïka, un banjo (ou que sais-je ?) se fait parfois entendre, prouvant qu’il peut aussi y avoir de la vie sous l’eau. Final regrettable qui vient un peu gâcher un disque qui jusqu’ici s’était déroulé sans fautes de goût. L’ambient drone à fortes doses s’avère ramollissant et dangereux. Tant pis. Les punks ont bien plus les pieds sur terre. Oui, toutes les vérités ne sont pas toujours bonnes à dire.

samedi 17 juillet 2010

Aidan Baker & This Quiet Army / A Picture Of A Picture























Ce disque ne date pas d’hier mais plutôt de l’année 2009 (il est même tout ce qu’il y a de plus épuisé mais connaissant Aidan Baker il sera très certainement réédité un jour ou l’autre) et il a été publié par Killer Pimp, label lié à Brainwashed et dont le fait d’armes le plus connu et le principal mérite est d’avoir été la première maison de disques à avoir édité le tout premier album sans titre d’A Place To Bury Strangers – depuis les new-yorkais sont allés voir ailleurs, rééditant cet enregistrement chez Rocket Girl avec quelques bonus sans intérêt et choisissant Mute pour le second. Mais je m’égare encore et toujours… Comme Aidan Baker, Eric Quach aka This Quiet Army vit au Canada. Les deux hommes ont souvent joué ensemble et ont même effectué une tournée européenne commune (en fait une tournée This Quiet Army/Nadja) au printemps 2009. Autre point commun, ces deux là ont chacun des réalisations sur le label français Basses Fréquences, lequel vient de publier coup sur coup une réédition du I Will Always Hold You In My Heart And Mind d'Aidan Baker (déjà chroniqué ici) ainsi que l’album Aftermath de This Quiet Army. La parution d’A Picture Of A Picture s’inscrit donc dans une certaine logique.
Ce qui était logique également, c’est que je n’avais pas encore parlé d’A Picture Of A Picture parce que je ne l’avais guère réécouté depuis un an : ce disque m’ennuyait trop. C’est lorsque la perspective – qui revient régulièrement ici – d’une nouvelle semaine complète de chroniques de disques de Nadja ou d’Aidan Baker a refait surface que je me suis soudainement mais trop vaguement rappelé de cet enregistrement commun entre le canadien et This Quiet Army. J’avais beau chercher, aucun souvenir ne me revenait en mémoire à son propos si ce n’est celui d’une musique aussi ambient que fade, aussi plate qu’incolore, aussi longuette que poussive – l’été bat son plein et on fait des promos sur les shorts. Après réécoute(s), je n’ai guère changé d’avis au sujet de la non-originalité totale et complète des quatre titres d’A Picture Of A Picture mais, grosse différence aux conséquences certaines, le résultat désormais me plait plutôt.
Et pourtant j’y trouve toujours les mêmes défauts : le disque porte bien son nom tellement les deux musiciens semblent se regarder jouer et se confondent l’un l’autre dans une mise en abyme guère transcendante. Avec A Picture Of A Picture c’est même toute la panoplie des poncifs de l’ambiant drone patchouli zen à base de guitares lysergiques qui défile à la vitesse d’une procession funéraire japonaise (un pas en avant, trois sur le côté, etc). Or il n’y a rien non plus de strictement déplaisant ici… encore un disque que l’on ne doit pas pouvoir écouter n’importe quand ni dans n’importe quelles conditions – j’ai donc apparemment eu la chance de trouver les bonnes, un peu par hasard. Et je suis bien incapable d’en expliquer davantage. Pas plus que je ne sais si ce miracle de l’endormissement consenti pourra se reproduire à nouveau. On en reparle dans quelques semaines, quelques mois ? Pas sûr du tout. Ce dont par contre on reparlera à l’occasion, c’est de l’album Aftermath de This Quiet Army qui lui vaut carrément le coup…

vendredi 16 juillet 2010

L’Echelle De Mohs - Solar Skeletons / split LP


Voilà un disque précédé d’une solide réputation de musique expérimentale, une réputation tellement envahissante et imposante que ça finirait par sentir mauvais, comme un gros tas de merde. De deux choses l’une : que l’on m’explique tout de suite et maintenant ce que signifie le terme expérimental dès qu’il s’applique à de la musique et que l’on m’explique aussi ce que je pourrais bien avoir à foutre d’une telle réputation, bonne ou mauvaise. Car ce disque est intriguant, au moins pour deux raisons : les groupes qui figurent dessus, à savoir L’Echelle De Mohs et Solar Skeletons, sont parfaitement inconnus et parmi la tripotée de labels impliqués dans cette sortie il y a en certains dont on a déjà parlé plus d’une fois ici – Bruits De Fond, Théâtre records, Migouri, Saucisses Lentilles et Aïnu records, donc une sacrée carte de visite.
J’oubliais : selon des sources bien informées (?), la musique expérimentale, dans un sens général et populaire, est un terme qui désigne généralement un ensemble de musiques se caractérisant par une large tendance à l'expérimentation [merci pour la tautologie], c'est-à-dire une exploration de nouveaux moyens techniques et artistiques souvent en dehors des conventions et des normes admises dans les musiques traditionnelles occidentales. Donc je résume : si tu fais un truc que personne d’autre n’a fait avant toi et/ou dont le résultat est du encore jamais entendu c’est que tu fais de la musique expérimentale. Exemples : John Cage qui intitule une composition 4’33 en référence à sa durée exacte et dont le principe est d’être une plage de silence assourdissant, Terry Riley composant les 53 motifs de base de In C, motifs que les interprètes de l’œuvre sont libres de répéter le nombre de fois qu’ils le désirent, John Lennon qui demande à George Martin d’enregistrer George Harrison au sitar et d’inclure les bandes à l’envers sur le titre Tomorrow Never Knows (dernière plage de l’album Revolver des Beatles, 1966), John Coltrane et Rashied Ali à corps perdu dans Interstellar Space, le Velvet Underground qui se lance dans les 17 minutes free noise de Sister Ray, FM Einheit qui joue du marteau-piqueur sur l’album Kollaps d’Einsturzende Neubauten, Lee Ranaldo et Thurston Moore s’accordant comme des patates sur des guitares à une corde, Mick Harris qui s’éclate à grands coups de blast beats, Oval jouant avec les accidents sonores des supports digitaux… tout ça, c’est de la musique expérimentale. À cette liste j’ai failli rajouter GG Allin hurlant qui se chie dessus tout en se faisant sucer sur scène mais non, ça c’est uniquement de la provocation.























On peut en déduire aussi que la musique expérimentale, ça n’existe pas si on considère que tout a déjà été fait et qu’à partir du moment où une idée a déjà été concrétisée et validée elle tombe dans le giron de l’acceptable. La musique expérimentale c’est ce que tes oreilles n’accepteraient pas pour d’autres raisons que des questions de goût mais en fait la musique expérimentale c’est surtout une terminologie très facile pour expliquer que l’on n’aime pas ou qu’au contraire on adore : beurk c’est nul, c’est la musique expérimentale ou c’est trop trop bien, c’est de la musique expérimentale et c’est cette deuxième option que je vais choisir pour cette chronique, évidemment.
Maintenant, on peut écouter ce disque. D’un côté on trouve L'Echelle De Mohs, trio d’improvisation bruitiste tendant vers la musique industrielle. Si vous êtes fan de bordel protéiforme et de capharnaüm à la Mouthus ou à la Dust Breeders, avec une bonne dose de freeture dedans (le premier titre) ou de choses plus reptiliennes et cauchemardesques qui feraient passer une mise en scène de David Lynch pour un épisode des aventures de Hello Kitty (deuxième titre), France Ferrugineuse comblera haut la main vos plus bas instincts et votre soif de sauvagerie intraitable. Exactement de la musique expérimentale comme je l’aime.
On retourne le disque pour découvrir Solar Skeletons dont ce Lies & Heresy n’est pas le premier enregistrement. Solar Skeletons est un duo de multi instrumentistes opérant dans un registre à priori nettement plus calme que ses petits camarades de L'Echelle De Mohs, plus narratif également. Mais les apparences sont trompeuses. Passées les ambiances brumeuses du petit matin après un bon sabbat de sorcières, rien de tel qu’un petit verre de sang frais coupé à de la rosée cueillie sur des buissons de genêt : on assiste patiemment au retour de l’ombre, à l’apparition de boucles bruitistes et de messages subliminaux invoquant le Malin, les gratouillis de guitare sont également de sortie et c’est parti pour une petite séance salvatrice de terreur généralisée et métallique. Vraiment de la très bonne musique expérimentale.
Un dernier mot pour parler de l’artwork de cet excellent disque, un artwork absolument magnifique et signé par Mélanie Bourgoin. Une raison supplémentaire pour ne pas passer à côté de ce split LP. Vivement recommandé, comme on dit.

jeudi 15 juillet 2010

Drunkdriver / self titled


La pire chose qui pouvait arriver à un groupe aussi prometteur que Drunkdriver c’est de se séparer avant même que ne sorte son deuxième album, annoncé comme une petite bombe et attendu avec ferveur. La pire chose qui pouvait arriver au pauvre mec (moi) qui pensait qu’il avait enfin trouvé un groupe à la hauteur de toute la cradeur et de toute la violence musicale dont il reste perpétuellement en recherche c’est d’apprendre que Drunkdriver se sépare. Pourquoi ? Pourquoi ? POURQUOI ? Une sombre affaire de mœurs datant de plus de dix années et dans laquelle le batteur est salement impliqué, des ragots, des justifications maladroites – un peu à la façon d’un soap politicien français – et la guitariste de Drunkdriver qui décide qu’elle ne peut plus jouer avec ce batteur. On la comprend et on la soutient aussi, même si cela ne nous regarde pas. Mais on espère que ce ne sera que passager… aux dernières nouvelles Kristy (la guitariste) et Jeremy (le batteur) se reparlent à nouveau et on sait également que Pygmy Shrews, l’autre – excellent – groupe dans lequel joue Jeremy, ne s’est lui pas séparé pour autant. Reste cet album sans titre dont la sortie était prévue et annoncée pour 2010 par Load records, le parfait label pour une telle musique de malades. Load s’est bien évidemment rétracté, ne souhaitant pas publier le disque d’un groupe qui n’existe plus, pensant qu’il n’en vendrait pas beaucoup* – on peut aussi penser que cette même histoire de viol adolescent a pu influencer les gens de Load.























L’âme humaine est persévérante, y compris et surtout si c’est pour œuvrer dans le mal, et deux Drunkdriver survivants** ont décidé de le sortir eux-mêmes cet album, en complète autoproduction, conscients qu’il en valait vraiment la peine et aussi pour ne pas ajouter à l’échec humain celui d’une immense perte d’énergie et de créativité. Non je ne plaisante pas. Pour obtenir directement cet album époustouflant, c’est par ici que cela se passe. Fin de la rubrique people/faits divers.
Maintenant, la meilleure chose qui pouvait arriver, c’est le niveau d’excellence de cet album. Un album qui restera ni plus ni moins au top de l’année 2010. Un album aussi sombre et enflammé que l’illustration de la pochette le suggère. Et bien plus encore : vous avez aimé le premier, Born Pregnant ? Celui-ci le surclasse aisément. Le seul regret c’est la quasi absence de titres vraiment lourds et visqueux qui parfois donnaient un côté presque industriel*** au noise punk de Drunkdriver. Un regret qui ne dure pas très longtemps tant le groupe a tenté – et réussi – la simplification et la montée en puissance, s’imaginant que c’était encore possible (et ça l’était !), flirtant constamment avec le point de rupture, installant le bordel comme seule règle à suivre, faisant éclater toute sa rage, jouant constamment dans la saturation, dégueulant sans vergogne, vous crachant à la gueule, vous piétinant, sans aucune considération ni aucune pitié. C’est à se demander si Drunkdriver n’aurait pas en fait crevé de ce trop-plein de colère et de violence, comme une impasse. Aveu ou manifeste qu’importe, le groupe – ou ce qu’il en reste – a eu raison de publier à ses frais ce disque méchant et vicieux. Un disque de tourments et de tortures, un disque qu’il est peut être malsain d’aimer mais qu’il est impossible d’ignorer. Il n’y a aucune culpabilité dans ce plaisir sans nom, total, anarchique et dont on ne saurait désormais se passer.

* tous les précédents enregistrements de Drunkdriver ayant été rapidement sold out, je pense que sur ce coup là Load records a eu complètement tort…
** certains messages postés sur le blog de Drunkdriver sont signés Kristy et Jeremy, ces deux là se sont donc bien rabibochés… mais où est donc passé Mike, le chanteur tatoué au t-shirt de Death In June ?
*** côté que l’on retrouve avec bonheur sur Quality Of My Life, le meilleur titre de cet album, et de loin

mercredi 14 juillet 2010

Godflesh / Streetcleaner


Quelle est belle et classieuse cette réédition de Streetcleaner. On s’y attendait, on l’espérait, on savait que Justin Broadrick bossait très sérieusement dessus et on n’est vraiment pas déçu du résultat. Cette énième version, remasterisée et augmentée, est bien à la hauteur du premier grand chef d’œuvre de GODFLESH datant quand même de 1989. Et Earache a fait les choses tout comme il faut : alors que les précédentes rééditions de Godflesh assemblaient les disques du groupe par pack de deux voire trois, Streetcleaner* et sa célèbre pochette tiré du film Altered States** a droit à un traitement de faveur en bénéficiant d’une publication pour lui tout seul et sur deux CDs s’il vous plait. Premier disque : l’album tel qu’on le connait depuis des années, incluant les quatre mêmes titres bonus que sur les précédentes éditions CD – ces quatre titres auraient du constituer le EP Tiny Tear qui n’a jamais vu le jour, sans doute parce qu’ils sont de facture très moyenne – et le tout a été nettoyé pour l’occasion mais pas trop. Deuxième disque : des mix inédits, du live, des enregistrements captés dans le local de répétition, des démos, un programme encore et toujours sélectionné par Broadrick***.




















Faut-il réellement revenir sur Streetcleaner ? Il n’y a aucun doute là-dessus, ce disque est le maître étalon du metal industriel à venir et il influencera nombre de groupes et de suiveurs souvent moins glorieux ou carrément poussifs****. On appelle ça la rançon du succès. Broadrick, encore très jeune musicien (en 1989 il a tout juste 20 ans et a déjà participé très activement à plein de groupes dont Final, Napalm Death, Head Of David, Fall Of Because…) est aussi un grand fan de musique. Il adore Killing Joke, cela s’entend dans son son de guitare très influencé par celui de Geordie Walker, mais pas seulement. Lorsqu’il lui vient cette idée d’allier des guitares ultra plombées et métalliques mais grésillantes à une grosse basse et surtout à une boite à rythmes que l’on dirait piquée à Big Black c’est un vrai coup de génie. Lequel prend d’abord la forme d’un EP éponyme en 1988 sur Swordfish Records – réédité deux ans plus tard par Earache avec des bonus inutiles – et qui d’emblé installe Godflesh dans un statut à part, inimitable. Or Streetcleaner est bien supérieur à ce premier EP. Que ce soit dans le registre de la bourrade (Like Rats, Chrisbait Rising, Streetcleaner) que celui du lent et du lourd (Mighty Trust Krusher, Locust Furnace) qui donne à Godflesh un air de lointain cousin métallique des Swans. Mais le meilleur ou en tous les cas le plus novateur ce sont les titres d’apparence déconstruite avec la boite à rythmes qui s’affole (Pulp, terrifiant, ou Head Dirt, tribal) et surtout le très sombre et ironique Life Is Easy. Un titre qui malheureusement semble raccourci – ou alors c’est moi qui souhaite qu’il ne s’arrête jamais ? – mais qui sonne terriblement poisseux, malsain et désespéré.
La remasterisation effectuée sur Streetcleaner n’a rien de stéroïdée ou d’étouffante : elle remet par contre la basse de G.C. Green à sa juste place tout comme elle rééquilibre les deux faces du disque. La première (titres 1 à 5) était légèrement en deçà de la seconde (titres 6 à 9), enregistrée c’est vrai avec une deuxième guitare, celle de Paul Neville qui avait déjà joué avec Broadrick et Green dans Fall Of Because et futur leader de Cable Regime. Paru à la toute fin des années 80 et alors que metal extrême rime avec concours de vitesse, Streetcleaner sera le disque de metal le plus terrifiant et le plus perturbant de toutes les années 90. Justin Broadrick et Godflesh auront l’intelligence de ne pas essayer de rééditer la chose, partant dans de nouvelles directions et dans de nouvelles collaborations – avec Robert Hampson par exemple, ce qui donnera dès 1992 un autre chef d’œuvre de Godflesh, Pure.

* en patois argotique un streetcleaner c’est le nom que l’on donne à une mitraillette Uzi
** Au-delà Du Réel en français, un film sans grand intérêt de Ken Russell dans lequel William Hurt prend beaucoup de drogue, cherche Dieu et finit par se transformer en primate néanderthalien certes, mais qui a enfin vu la lumière…
*** tout ce qu’il faut pour le fan mais rien d’inoubliable non plus, juste le nécessaire habituel pour satisfaire la soif d’histoire des musicologues entomologistes
**** des imitations il y en aura quelques unes comme les premiers disques de Pitch Shifter (tout juste passables) ou les très mauvais Sonic Violence, un groupe de sales skins anglais

mardi 13 juillet 2010

Unlogistic - Crippled Old Farts / split LP























Un split album, deux groupes et une grosse banane.

Première face : Unlogistic est un groupe que je déteste autant que je l’aime. Mais globalement, si je fais la balance des moins et des plus à la fin de l’écoute de n’importe quel disque des parisiens, c’est toujours le positif qui l’emporte. Parfois de justesse mais toujours. Les moins ce sont des titres tels que Soulmate, du punk à roulettes indécemment niaiseux et ridiculement coloré – les gars, si les Burning Heads sont votre spacecake trempé dans votre tasse de café au lait du matin, sachez que ce n’est pas le cas de tout le monde. Bluuuurp. Les plus chez Unlogistic c’est à peu près tout le reste c'est-à-dire la capacité du groupe à pervertir son punk émophile avec quelques tours de passe-passe dignes du grand Gérard Majax : accélérations hardcore (Terrific), breaks noise, des samples et interludes électro (Schelflewitz) – ce fourre-tout ne fait pas très sérieux c’est vrai mais il fait également tout le charme impertinent d’un groupe finalement inclassable. Détail qui a son importance, Unlogistic compte désormais un bassiste (celui des Louise Mitchels) dans ses rangs, bassiste qui joue sur ce disque et la différence de son qui en découle est tout à l’avantage du groupe. Autre changement de line-up conséquent : Camille, incroyable batteur de Semi Playback – groupe dont on a dit beaucoup de bien ici – a également rejoint Unlogistic depuis 2009, attention il ne joue pas sur les huit titres présents sur ce split album mais voilà de nouvelles perspectives alléchantes pour Unlogistic et donc à vérifier d’urgence en concert.

Seconde face. L’autre groupe de ce 12 pouces c’est Crippled Old Farts, encore des parisiens sans beaucoup d’imagination et qui prétendent toujours que le hardcore 80’s originaire d’Orange County ou je ne sais d’où est la seule et unique musique valable au monde, les pauvres. Vu l’efficacité et la jubilation que l’on perçoit dans l’hommage que rendent ces quatre petits gars à leurs héros du siècle dernier on ne peut qu’acquiescer et que leur donner raison : simple, efficace, puissant, le hardcore de Crippled Old Farts ne dégage que des pépites punks bien moulées et explosives, balançant correctement entre les mélodies (certes simplistes mais c’est le genre qui veut ça) et le côté rugueux et vif – pas la moindre suspicion de pleurnichage à l’horizon. Le punk hardcore de Crippled Old Farts me rappelle les titres les plus vindicatifs et les plus courts du premier album des Adolescents (1981… ) et lorsqu’on sait que ces dix compositions sont en fait les toutes premières du groupe, celles que ces quatre garçons ont à tout prix voulu enregistrer en guise de souvenir au bout d’une année à peine d’existence de Crippled Old Farts, on ne peut qu’être confiant dans l’avenir de ces quatre punkers sympathiquement rétrogrades.

Parlons bizness et gros sous : un disque ça coûte très cher, surtout lorsque les deux groupes qui figurent dessus ont eu des exigences démesurées et que l’illustrateur de la pochette en a profité lui aussi pour se sucrer au passage. Ainsi Rejuvenation, Wee Wee records, Emergence records, Small Budget Productions, Falling Down et Positively Negative constituent le consortium de labels DIY qui ont alimenté le fonds d’investissements visant à la production artistique de ce disque passéiste du temps présent. Logiquement, le prix de vente de ce split album est purement et simplement indécent dans un monde dominé par la rapacité et le profit à court terme : il vous en coûtera 11 brousoufs port compris si jamais vous avez l’intention de le commander directement à l’un des labels mentionnés ci-dessus. Et vous avez intérêt.

lundi 12 juillet 2010

Austerity Program / Backsliders and Apostates Will Burn























Récidive ? Apostasie ? Les deux gugusses d’Austerity Program seraient plutôt adepte de la procrastination – un mot super à la mode qui ne veut pas vraiment dire la même chose selon que tu es directeur des ressources humaines ou simple branleur patenté. Des branleurs patentés, j’imagine que Justin Foley et Chad Calabrese le sont, avec cette fierté imparable et désarmante du nerd que rien ne semble pouvoir détourner de ses petites préoccupations personnelles. Ces mecs ne peuvent avoir que toute mon affection. Tout ça pour dire que Backsliders and Apostates Will Burn, nouvel EP quatre titres d’Austerity Program publié chez Hydra Head, succède à un Black Madonna datant déjà de septembre 2007*. Seulement quatre titres à se mettre entre les oreilles, oui ils ont pris leur temps.
Résumons une nouvelle fois la situation. Chad Calabrese joue de la guitare et chante (il chante même beaucoup plus et beaucoup mieux qu’auparavant me semble t-il) alors que Justin Foley s’occupe de la basse. Les rythmes sont toujours assurés par une machine. Malgré quelques tics sonores bien particuliers ce ne sont pas Steve Albini ou Bob Weston qui ont enregistré Backsliders and Apostates Will Burn : le son est sec et vif, la guitare finement tranchante, la basse vous écrase (c’est le boulot normal d’une bonne grosse ligne de basse, quoi) et les compositions sont plus tordues qu’il n’y parait au premier abord. Alambiquées dans leurs structures – ça part, ça revient, ça monte, ça descend, ça coince, ça explose… imaginez un peu Big Black en version prog, un truc dans ce genre là – les compositions et la musique d’Austerity Program semblent pourtant toujours aller à l’essentiel et surtout pointer vers un minimaliste et un décharnement proche de l’irritation cutanée ou même de la brûlure. Ah oui, tiens, je ne l’ai pourtant pas fait exprès mais le titre de ce disque est bien Backsliders and Apostates Will Burn, une drôle de séance de torture à vrai dire et à laquelle je me soumets volontiers. Les deux derniers titres du disque sont de loin les meilleurs, si ce Backsliders and Apostates Will Burn me tombait entre les mains dans une version vinyle il y a fort à parier que je n’en écouterais que la deuxième face et en particulier ce final quasiment lyrique qui m’arrache les tripes à chaque fois.
Comme d’habitude les quatre compositions présentées ici n’ont pas précisément de titre mais un numéro et sont même présentées dans l’ordre : Song 25, Song 26, Song 27 et Song 29. Exactement le genre de manie qui attire la sympathie, là aussi. Alors je prends sans aucun problème rendez-vous pour dans quatre ans et un nouvel enregistrement, losers.

* Austerity Program avait malgré tout publié un single en 2008, jamais écouté, comportant le tout premier titre du groupe, Song 1, et ce qui à l’époque était sa composition la plus récente, Song 20, pour une fois et exceptionnellement sous-titrée The River

dimanche 11 juillet 2010

The Feeling Of Love / School Yeah























Je pensais innocemment que pour assouvir mes plus bas instincts caniculaires et autres velléités estivales inavouables j’allais pouvoir me contenter de OK Judge Revival, petit chef d’œuvre garage pop sixties balancé à la face du monde avec désinvolture et classe par The Feeling Of Love. C’était sans compter sur School Yeah, énième single du trio messin et publié par un label canadien, Sweet Rot records, dans une sorte de frénésie d’enregistrements et de publication de ceux-ci sur des labels éparpillés à travers le monde. Avouez quand même qu’une rondelle de plastique noir de 17 centimètres de diamètre ça fait forcément envie, que l’idée même donne quelques frissons – voilà bien le format idéalement parfait pour ce genre de musique, jukebox baby.
La première face s’ouvre avec le morceau titre, un School Yeah léger et canaille qui représente l’option la plus bontempi de The Feeling Of Love. La mélodie est à tomber, le synthé stridulant et rachitique a un parfum de bonbon acidulé, les guitares sont parfaites, façon noisy sans avoir trop l'air d'y toucher, le rythme est enlevé, le chant légèrement sexy – il n’y a vraiment rien à redire : The Feeling Of Love sait parfaitement composer et interpréter des chansons comme autant de hits imparables et de pépites pétillantes de peps (répète après moi sans postillonner) et School Yeah est l’un des meilleurs tubes jamais enregistré par le groupe. Sur la même face on retrouve un autre tube, Respect Exotic Love, certainement l’une des meilleures – là aussi – compositions de OK Judge Revival, dans une version différente mais pas trop de l’album (vraiment ?). Encore plus délicieusement lubrique et plus synthétique que School Yeah, Respect Exotic Love est peut être aussi la seule chanson au monde qui me donnerait envie de porter des tongs pour manger des tapas tout en buvant un cocktail au litchi en plein mois de juillet au bord d’une piscine.
En face B The Feeling Of Love se paie le luxe de reprendre Là Bas C’est Naturel de Serge Gainsbourg. Un titre de l’album Gainsbourg Percussions du grand Serge, en plein milieu des sixties, bien avant qu’il ne se transforme en incontinent priapique tout juste bon à choquer le bourgeois, sa femme et ses gosses le samedi soir à la télé. Je n’aime pas beaucoup cet album de Gainsbourg et je n’aime pas du tout Là Bas C’est Naturel mais je dois bien avouer que la version qu’en donne The Feeling Of Love est très réussie, le groupe ayant su garder le côté rythmique et minimal de l’original tout en réussissant à lui insuffler l’esprit lo-fi qu’on lui connait maintenant. Une voix féminine s’ajoute au chant principal, c’est une nouvelle fois délicieux, décadent, équivoque et moite. En plus des tongs je veux bien concéder le port d’une chemise à fleur.