mercredi 29 avril 2009

Le retour des fils du Metal























Allez on croise les doigts : après l’annulation du concert de Scul Hazzards et de My Disco lundi dernier, on espère bien pouvoir se rattraper ce soir avec Saviours, meilleur groupe heavy metal undrground en activité, à l’exacte croisée d’Iron Maiden période Killers (la meilleure) et de Motörhead -beer, guts & rock’n’roll. Le Sonic va encore trembler au moins aussi fort que l’année dernière.
Et pour bien commencer la soirée : Slashers c'est-à-dire la rencontre d’Agathe Max et de Marion d’Overmars et d’Abronzius. Belle affiche, non ?

Une vidéo ridicule de Saviours pour réviser son headbanging :




mardi 28 avril 2009

The Skull Defekts / The Temple


Les Skull Defekts ont plus d’une corde à leur arc et il semble bien que pour The Temple, double album fraîchement sorti chez Important records, nos suédois aient quelque peu changé d’optique, s’amusant à jouer un peu plus sur la versatilité. Parmi tous les enregistrements précédents du groupe, seul Blood Spirits And Drums Are Singing était un disque toutes guitares dehors, The Skull Defekts aimant bien à l’occasion d’autres parutions jouer les casse-couilles et les ratisse-méninges, éventuellement en compagnie de petits rigolos bidouilleurs de bruits tel Lasse Marhaug (Jazkamer and C°). Tous les autres disques de Skull Defekts sont ainsi à prendre avec des pincettes si on est allergique à tout ce qui est compris dans un éventail partant de Merzbow et atterrissant du côté de Ryoji Ikeda dans sa version la plus planante.

Premier disque, première face. Knives, Birds, Stones & Pyramids est un titre un peu mou avec doubles percussions et un chant traînant. On aurait imaginé meilleure introduction pour un disque aussi attendu mais passons -c’est sûrement le côté hippie des plages et joueur de djembe qui est un peu trop irritant. Le second titre n’est autre que Waving, hit incontournable déjà paru en single l’année dernière et remettant les choses à leur place avec son post punk tribal. Encore une fois bravo. How To Excite Men & Women porte mal son nom. Il s’agit d’un long (long…) titre ambient composé de nappes électroniques grésillantes sur lesquelles viennent se greffer des bruits de pivert numérique. Il ne se passe vraiment pas grand-chose pendant presque neuf minutes et quelques… ça pulse, ça pète et ça ballonne -c’est de la pauvre musique électronique et atmosphérique, point barre.
Deuxième face. Skull & Tounge est à nouveau un titre avec guitares (sous mixées), rythmique ultra répétitive et petites nappes sonores dans le fond en guise de liant. Il va falloir s’habituer au fait que les Skull Defekts ont décidé de jouer sur le terrain de l’horizon hyper lointain avec même pas un pet de lapin ou une petite tornade pour accidenter tout ça. Le groupe rajoute un minimum d’éléments au fur et à mesure que le titre poursuit son chemin sur cette autoroute rectiligne (des cymbales par exemple). Plus on avance et plus le paysage continue de reculer avant de s’effacer complètement. Urban Ritual est à nouveau un titre foutrement ambient avec rythmique façon menace planquée au fond de la forêt (là tu te mets à faire la même gueule que Klaus Kinski dans Fitzcaraldo) et striures souples de zigouigouis électros variant en forme et en intensité sans jamais donner l’impression d’une quelconque action. Les battements de tambours finissent toutefois par se rapprocher et c’est juste au moment où ils sont là tout près que tout s’arrête. On ne verra donc pas la tête des sauvages mangeurs d’homme.




















Deuxième disque, troisième face. Habit redonne un peu de frénésie à The Temple avec ses guitares no wave soulignées par un gimmick psycho et sa construction dramatique et tendue (ah ces montées de guitares qui finissent par s’entrechoquer). On tient là un titre de la même trempe que Waving. Hydrophobic Baptism (je ne me lasse pas de cette aptitude à trouver des titres de morceaux débiles) est lourd, martelé, appuyé, avec guitares franches, soit à peu près tous le contraire de ce que les Skull Defekts nous ont servi sur la deuxième face de The Temple, ces suédois peuvent vraiment être des gens insaisissables. Avec un titre tel que Unholy Drums For Psychedelic Africa les choses sont au moins annoncées on ne peut plus clairement : rythmes en pagaille qui se répondent avec un vague habillage électronique en arrière plan, c’est le morceau de trop du disque.
Quatrième et dernière face. The Skull Is A Temple est à nouveau un titre tout électro, dans la même veine que How To Excite Men & Women quoique plus court et d’emblée plus dense avec petits bruits fourmillant et le pivert qui est toujours là, fidèle au poste (on dirait Alva Noto composant la bande originale de Kirikou 3). Six Sixes est le dernier titre de The Temple et c’est l’un des meilleurs. S’il commence de façon toute minimale avec enrobage synthétique et percussions tribales (on commence à connaître la chanson, hein…), Six Sixes évolue graduellement avec tout d’abord quelques incursions bruitistes, puis un chant inquiétant et chargé d’écho (employant la même technique que sur Waving consistant à bégayer sur une syllabe, merci Roger Daltrey) et enfin une guitare vrillant tout sur son passage avant que le chant ne tombe dans une sorte de lyrisme mou qui finalement passe très bien. Au cas où on n’aurait pas bien compris la teneur bigarrée de The Temple, Six Sixes s’achève par quelques percussions endiablées avec torpilles soniques du meilleur effet.
The Temple est disponible en double LP et en plus on a le choix dans la couleur : les gens aimant la douceur peuvent choisir la version bleue cuvette tandis que les sans-goût comme moi préfèreront la version jaune pipi. Il existe également une édition CD avec deux titres en moins, ramenant The Temple de 1 heure 10 à 55 minutes. Les deux titres enlevés sont les deux seuls purement électroniques à savoir How To Excite Men & Women et The Skull Is A Temple (oui, malheureusement ils ont laissé Unholy Drums For Psychedelic Africa…). L’ordre des morceaux est ainsi chamboulé et est constitué comme suit :
1- Knives, Birds, Stones & Pyramids

2- Waving

3- Six Sixes

4- Hydrophobic Baptism

5-Unholy Drums For Psychedelic
Africa
6-Habit

7-Skull & Tounge
8-Urban Ritual

Ce track listing modifié donne un peu plus de tenue à The Temple, bon disque mais beaucoup trop bancal et étiré (un peu comme cette chronique, dix fois trois longue) pour ne pas susciter l’ennui au détour d’une énième tentative de remplissage. Des fois la concision cela a du bon et il est bien dommage que les Skull Defekts n’aient point songé à appliquer à la teneur et à la longueur des compositions présentes sur ce disque le même traitement que celui infligé au son : un traitement sec, aride et froid, principale réussite de The Temple. Le résultat est paradoxal car il tombe à côté des ambitions de ce disque, la forme (osée) ne réussissant pas toujours à sauver un fond où les intentions ne paraissent pas très claires ou alors complètement décalées. Je dois manquer d’humour.

lundi 27 avril 2009

Noise Noise Noise























C’est l’un des concerts parmi les plus attendus de ce mois d’avril : les australiens de Scul Hazzards (relocalisés à Londres) se sont enfin décidés à passer par ici pour nous décoller la cervelle avec leur noise fortement teintée Amrep et en plus ils ont un nouvel album sous le bras -Landlord, publié comme le premier chez Rejuvenation.
En complément de soirée, My Disco, autre groupe australien qui lorgne lui plus du côté de Chicago mais en version robotique et presque dansante, un peu comme si Steve Albini s’était enfilé un suppositoire d’ecstasy (d’ailleurs l’album Paradise a été enregistré par le binoclard intégriste) et Kiruna, les locaux de la soirée. Tout se passe au Sonic à partir de 20h30 tapantes.
Une vidéo de My Disco pour la route :





[EDIT - ci après un message de l'orga posté sur tous les forums du monde et d'ailleurs :

Concert ANNULE
Ben ouais les australiens ont pété leur van. Deux heures qu'on essaye de trouver une solution, et finalement ils ne peuvent pas venir ce soir. Je suis dégouté.
Bon ils seront à Lyon demain pour cause de day off, si quelqu'un veut les faire jouer dans son garage pour 2 ou 3 bières, ils sont ok.
Vraiment vraiment désolé, ils s'excusent, je fais passer le message!]

samedi 25 avril 2009

Deity Guns / A Recollection


Annoncé depuis quelques mois, A Recollection, coffret compilant l’intégralité des enregistrements studio ainsi que quelques live de Deity Guns est enfin disponible (et oui, de nos jours même les vieux groupes fantômes ont droit à un monospace). On ne peut pas dire que le label Ici D'Ailleurs se soit foutu de la gueule du client : contrairement à The Acoustic Machine, anthologie publiée en 2003 et compilant les années Bästard (le groupe d’après de quelques uns de ces jeunes gens), la présentation est ici soignée, dans un joli petit coffret avec pochettes intérieures cartonnées, un livret très fourni en photos du groupe (c’est dingue comme à l’époque on portait encore le cheveux un peu long), en reproductions d’affiches (c’est celle du concert à l’E.N.T.P.E. de Vaulx-En-Velin avec Elmer Food Beat qui vaut le plus de points) et avec les habituels détails techniques qui permettent de s’y retrouver. Il y a également quatre autocollants reprenant quelques uns de ces visuels, dont un de Marie-Claire Cordat -l’une des futures têtes pensantes du Pezner- pour le mini LP Stroboscopy.
Tous les enregistrements présentés ici ont été remasterisés par Ivan Chiossone (Narcophony, Zëro), on ne sort donc pas de la famille. Les deux premiers disques proposent les enregistrements studio dans un ordre à peu près chronologique tandis que le troisième est consacré au live.
Le premier CD attaque avec Stroboscopy (parution en 1991 chez Black & Noir), premier véritable enregistrement studio de Deity Guns que les lyonnais étaient partis effectuer à Angers en compagnie de Gilles Théollier (l’homme de Seconde Chambre). C’est de loin l’enregistrement le plus punk du groupe, rythmiques rapides flirtant à l’occasion avec le speed, tandis qu’il y a déjà l’embryon de tout le travail à venir avec les guitares -pendant que l’une récure, l’autre atomise et inversement- sans oublier la basse tenant un rôle dépassant le commun généralement admis, oui dans les mots guitare basse il y a surtout le mot guitare, les Deity Guns n’ont jamais négligé l’importance de cet instrument et d’ailleurs faut il rappeler que le groupe a terminé sa courte carrière avec deux bassistes ? Stroboscopy s’achève avec North Face, long titre chargé d’une grandiloquence dont le groupe saura fort heureusement se débarrasser par la suite.
Suivent trois titres issus de compilations ou de split singles dont un Appointment In Sète pour ma part jamais entendu auparavant et enregistré pour une compilation publié par V.I.S.A. records, un titre qui dévoile toutes les intentions bruitistes des guitares chez Deity Guns, le nappage distordu et acide dont le groupe se servira à l’avenir pour faire éclater ses compositions.
Ce premier disque s’achève avec le Loom EP, quatre titres initialement publiés en CD sur un pseudo label (Rik) qui n’a jamais rien sorti d’autre, ça sent l’autoproduction déguisée tout ça. Loom reprend les bases jetées par Stroboscopy (l’introductif The Opposition Act ou le plus nuancé Blow Up) mais les Deity Guns sont déjà en pleine mutation : le groupe a compris qu’il y avait des moyens moins directs, plus tortueux et au final plus efficaces pour faire passer la fureur et le bruit. Ralentis et névrotiques, Shaman et surtout She Loomed sont les premiers grands titres des Deity Guns.























Le deuxième CD de cette anthologie est presque entièrement consacré à l’album Trans Line Appointment publié en 1993 sur Big Cat (label de Cop Shoot Cop, Foetus ou… Pavement). Pour ce disque les lyonnais se sont déplacés à New York aux studio Fun City de Wharton Tiers et juste au cas où personne n’aurait encore remarqué l’amour immodéré que portent les Deity Guns à Sonic Youth, c’est Lee Ranaldo qui est chargé de produire l’album (le livret de A Recollection propose au passage un court texte de lui se remémorant la période de cet enregistrement et, de son propre aveu, il ne se sentait pas encore très aguerri comme producteur).
Se débarrassant toutefois sans trop de peine d’influences aussi visibles et avouées (Sonic Youth donc, mais aussi en première ligne la no wave new-yorkaise dont Wharton Tiers est un éminent survivant) Trans Line Appointment est purement et simplement un chef d’œuvre. Les envolées punks sont presque oubliées, place aux ambiances, aux climats, à la tension, à l’âpreté -moins de gras rock’n’roll et plus d’aridité noise. Ce disque est le premier grand disque du genre à être publié en France par un groupe français, il va rapidement faire école.
Difficile au milieu des neufs titres de Trans Line Appointment d’en trouver un qui se détache du lot. Certains ont une particularité bien à eux (Cruisin’ Coast Shadows est le plus pop et le seul sur lequel plane franchement l’ombre de Sonic Youth, TV Black Screen encore fortement teinté des enregistrements précédents et avec une très bonne intervention d’Erik Minkkinen de Sister Iodine au chant, Billy Dracks sombre et inquiétant ou Tinnitus et ses accélérations foudroyantes) mais mon préféré reste et restera à tout jamais Desert, clôture magistrale du disque, tout en dissonances et en boucles instrumentales superposées, préfigurant très nettement les futures travaux de Bästard.
Au rayon invités et outre Eric Minkkinen déjà mentionné, notons l’apparition de la voix de K.J. sur deux titres -c’est elle qui tiendra également la deuxième basse à la fin du groupe, auparavant elle a participé à l’une des dernières moutures de Missing Foundation, période Go Into Exile et partira à Londres avec l’autre bassiste Stef Lombard, marquant la fin des Deity Guns. Lee Ranaldo est responsable de quelques boucles sur Bob et a participé beaucoup plus activement au titre Vaccum Vibes (à la guitare et à la voix) enregistré pendant les mêmes sessions mais non inclus sur l’album. On retrouve ce titre sur la fameuse compilation Serial Killer vol 1 (Roadrunner, 1993), l’un des deux disques étendards de l’éclosion noise en France dans les années 90, l’autre disque étant bien évidemment la compilation A Wild State Of Noise And Disorder publiée par Pandemonium records l’année d’après, en 1994.
Reste un troisième CD avec uniquement du live dessus. Les six premiers titres ont été enregistrés dans un squat à Rome en avril 1992 et montrent un groupe en pleine transition. Le son est étonnamment bon et les Deity Guns nuancent leur propos (She Loomed est placé en ouverture). A noter quelques inédits dont un Anyway très Deity Guns période Stroboscopy ou Smile, une reprise de The Fall que le groupe avait initialement enregistrée pour Abus Dangereux. On y trouve également Extra Love On A Parallel World, un titre dont la version studio figure sur un single de 1992 chez La Bande A Bonnot mais non incluse dans la présente anthologie. Ces six titres capturent toute l’intensité des Deity Guns sur scène et constituent un excellent complément et l’une des bonnes surprises de A Recollection.
Les huit titres suivants sont extraits du dernier concert jamais donné par les lyonnais, concert effectué à cinq (donc avec deux bassistes, est ce que vous suivez ?) qui s’était déroulé le 3 décembre 1993 au Transbordeur de Lyon (avec Condense juste avant et Les Thugs juste après, encore un grand souvenir de concert grâce aux Silly Hornets). Ces huit titres -faisant la part belle à Trans Line Appointment et parmi lesquels on trouve une reprise du Hello Skinny des Resisdents- ont déjà été disponibles sur un CDr épuisé depuis longtemps et comprenant lui l’intégralité de ce dernier baroud d’honneur, soit quinze titres au total. Outre l’aspect définitivement poignant d’un tel enregistrement -j’y étais, dégoûté pendant longtemps après de la disparition prématurée de l’un de mes groupes favoris du moment- et en dépit de la qualité très relative de l’enregistrement, ces huit titres restent le témoignage ultime d’un grand groupe profondément en avance sur le reste de la scène locale et parfaitement à sa place sur la scène mondiale underground. Du premier titre The Last Gig Blues (intitulé New Blues sur le CDr) sur lequel la voix de K.J. fait des miracles jusqu’au final -The Desert, bien évidemment- c’est l’émotion pure qui nous étreint une dernière fois. Passionnément.

vendredi 24 avril 2009

Zëro / Bobby Fischer


Mais qui est Bobby Fischer ? Apparemment un jouer d’échecs américain d’origine allemande (et naturalisé islandais à la fin de sa vie -est ce que vous suivez ?) qui a remporté le championnat du monde d’échecs et décroché au passage quelques records comme celui du plus jeune joueur à avoir remporté le titre de grand maître international. C’est aussi compliqué à comprendre et à suivre que les aventures de David Carradine dans Kung Fu mais c’est bien moins passionnant.
Bobby Fischer c’est aussi le nom du nouvel EP quatre titres des lyonnais de Zëro, un EP qui prend la forme d’un 25 centimètres (la mensuration minimale des winners) et publié par le label Ici D’Ailleurs avec une discrétion inhabituelle pour ne pas dire suspecte et inquiétante -mais que fout le label et son service promo ? ils n’ont pas envie que les disques qu’ils publient se vendent ou quoi ?






















En plissant un peu les yeux sur la pochette de ce disque imprimée en gris foncé sur gris presque noir (anthracite si tu veux) on devine la photo d’un type à l’air intelligent et en cravetouze devant un tableau représentant un échiquier et une partie de jeu d’échecs en cours : Bobby Fischer c’est lui. Lorsque on retourne la pochette, on s’aperçoit qu’il y a quantité de choses d’imprimées mais exactement dans les mêmes couleurs que sur le recto. On prend donc ses lunettes et son mal en patience pour déchiffrer les quelques notes de pochettes (syndicales : juste le nom des musiciens et des quatre titres) et essentiellement les paroles, du cut up comme d’habitude. A l’intérieur la galette n’est pas protégée par la traditionnelle pochette en papier et il faut à nouveau se ruiner la santé oculaire sur les ronds centraux pour déterminer où se trouvent la face A et la face B. Donc on pose le disque au hasard sur la platine et on attend.
Mais on n’a pas très longtemps à attendre pour avoir les oreilles qui teintent de plaisir et qui bourdonnent d’une chaleur réconfortante. Sur Bobby Fischer, Zëro affine encore plus son style, convoquant un synthétiseur lunaire et une guitare des îles sur une rythmique décidément souple mais inflexible. Le chant est toujours sur ce mode parlé qui s’intensifie presque subliminalement. Dreamland Circus Side Show est encore meilleur, chargé de tintinabulements aigus (à la guitare, aux percussions) et de bourdonnements (principalement au synthétiseur) conférant une étrangeté belle et enveloppante qui ne laisse pas de marbre. On est déjà tout mouillé et tout ému et on n’en est encore qu’à la première face.
De l’autre côté on retrouve deux titres déjà connus dans des versions en concert. Pigeon Jelly est très loin d’être mon titre préféré de Zëro mais cette nouvelle version, en accentuant le travail sur les synthés, se révèle plus audacieuse et profonde tout en gardant son côté direct, basique et efficace. J’arriverai bien à m’y faire un de ces jours. The Cage est le deuxième petit bijou de ce disque, finalement une sorte de version ralentie et épaissie de Pigeon Jelly mais avec les détournements d’attention que procurent des titres comme Cars, Buses, etc… (sur Jokebox) ou Dreamland Circus Side Show.
Avec ce nouvel EP nos quatre Zëro démontrent qu’ils ont trouvé un parfait équilibre entre leur soucis mélodique de plus en plus marqué et cette dynamique en mode furtif qui leur sied à merveille. Pas vraiment rock, pas fondamentalement expérimentale, pas franchement pop, la musique de Zëro louvoie entre ces trois pôles mais n’hésite pas et ne déçoit donc pas : ce groupe a définitivement la grande classe.

jeudi 23 avril 2009

The Arms Are Snakes / Tail Swallower And Dove





















L'envie d'écouter de Tail Swallower And Dove, troisième album (quand même) de These Arms Are Snakes publié à l’automne dernier par Suicide Squeeze m’est venue un peu tard. Voilà exactement le genre de groupe dont je me méfie de la musique. Trop propre, trop clinique, trop parfait. Après la décomposition emo US -sans blague, vous n’avez jamais écouté Engine Down ?- voici le hardcore noise FM, pensais-je sournoisement et peut être même injustement. La pochette d’un goût douteux (on dirait les caniches géants qui attaquent la voiture de la copine de Bruce Banner dans le premier Hulk peints par J.M.W. Turner) n’était pas là non plus pour me rassurer.
Si on en vient à écouter This Arms Are Snakes sous l’unique prétexte qu’il y a des anciens membres de Botch dedans, on risque fort d’être déçu : d’abord que je sache il n’y en a qu’un seul (le bassiste Brian Cook) et surtout la musique des deux groupes n’a strictement rien à voir. On est d’abord séduit par les quelques salves composées avec savoir-faire et précision par le groupe. Les trois premiers titres (Woolen Hairs, Prince Squid et Red Line Season) sont de vrais petits hits, des chansons racées, musclées et efficaces malgré un ou deux égarements (le break et son abominable synthé sur Woolen Hairs) et on se dit que l’on va passer un bon petit moment à l’écoute de ce LP couleur réglisse et crème Chantilly.
Seulement l’ennui fait rapidement surface. Passé l’épique Ethric Double (tout juste passable), on tombe rapidement dans le banal et dans le train-train quotidien. Le hard core mélangé de noise de These Arms Are Snakes prend l’eau de toutes parts et la deuxième face de Tail Swallower And Dove frise le supplice tant on sent les intentions d’un groupe qui visiblement en possède plus qu’il ne trouve d’idées pour les concrétiser. Banalité des riffs, breaks convenus, chant bavard en mode miroir auto réfléchissant, incursions pop malvenues (Long And Lonely Step et le demi slow Briggs)... On continue la liste : compositions au manque de souffle évident, idées saugrenues (le très mauvais Lead Beater et son successeur Cavity, encore pire, la perle de cet album) et -emballé, c’est pesé- on tient là un disque moyen d’un groupe moyen. Ni fait ni à faire. On se contentera donc de la première face tout en prenant bien soin d’en extirper le fadasse Lucifer et on conseillera aux These Arms Are Snakes pour leur prochain opus de se concentrer sur le format maxi 45 tours, le seul qui leur permettra de dégoûter ni de rebuter personne.

mercredi 22 avril 2009

Brutal Truth / Evolution Through Revolution























Voilà. On vient à peine de se remettre d’un premier trimestre 2009 passé sous la domination inflexible et sans faille du Time Waits For No Slave de Napalm Death que Brutal Truth pointe déjà le bout de son nez. On pensait avoir eu son compte de grind, de death machin truc, de blasts et de hardcore supersonique et on se retrouve avec Evolution Through Revolution entre les mains, entre les oreilles. Et on en redemande. Cela fait dix ans que les américains n’avaient rien publié (excepté des rééditions et trois ou quatre titres prometteurs sur la compilation This Comp Kills Fascists à l’automne dernier). Brutal Truth est désormais bel et bien reformé, redonne des concerts depuis deux ans et s’est trouvé un nouveau guitariste en la personne d’Erik Burke (Kaliba, Sulaco -ce dernier groupe existant encore) en remplacement de Brent McCarthy.
En publiant Evolution Through Revolution, Relapse redore au passage considérablement un blason quelque peu émoussé par ses récents choix artistiques contestables pour ne pas dire lamentables (le label semble d’ailleurs en pleine crise : lorsque on commande un disque directement à son mailorder, on a droit à un deuxième disque gratuit à choisir dans le back catalogue…) et va même pouvoir bénéficier d’une doublette infernale puisque Agorapocalypse d’Agoraphobic Nosebleed est sorti le même jour.
Dès l’attaque de Sugardaddy, on comprend que Brutal Truth dans sa version 2009 est dans une forme resplendissante, plus puissant (on parle de metal là), plus brutal (sic) et plus en colère que jamais. Les papys font de la résistance. Les textes de Kevin Sharp sont à l’avenant, autant de crachats à la gueule de tout le monde qui en prend pour son grade et question voix, notre barbu n’a jamais été aussi vindicatif et enragé, reléguant Barney de Napalm Death au rang de roquet hystérique (OK j’exagère un peu : on peut regretter que le chant de Sharp soit désormais aussi linéaire et qu’il n’utilise plus du tout les alternances entre growls et hurlements de troll castré).
Mais si Brutal Truth est en si grande forme, c’est surtout parce qu’il ne manque rien aux vingt compositions formant Evolution Through Revolution -dont une reprise à se pisser dessus de Bob Dylan Wrote Propaganda Songs des Minutemen. Tout y passe avec ce groupe de grind deuxième génération (premier album Extreme Conditions Demand Extreme Responses publié en 1992, une éternité, faut il le rappeler) qui à son époque avait redonné un sérieux coup de jeune à un genre déjà limité dans son essence même. Ici c’est un vrai festival, que ce soit au niveau des rythmes imposés par ce fada de Rich Hoak (les amateurs de ralentissements s’il y en a iront directement voir du côté de Detached et surtout de Grind Fidelity) que des structures (le plan très death au milieu de Powder Burn). Les riffs en montagnes russes sont énormes, comme celui très hard core de la deuxième partie de Fist In Mouth, un titre sur lequel Brutal Truth démontre toute son habileté à générer le chaos (il y a un break stupéfiant juste avant le riff précité) et à s’en sortir, plus aiguisé que jamais.
C’est ça le son grind de Brutal Truth, l’alliage du hard core tout ce qu’il y a de plus intransigeant avec des influences metal tranchantes -à l’image du bassiste Dan Lilker qui n’est quand même qu’un gros métallurgiste et il est amusant de constater qu’au contraire il passait toujours pour le pounk de service dans les groupes de thrash (ou autre) dans lesquels il jouait. Le grind moderne d’il y a quinze ans de Brutal Truth est logiquement devenu un grind nostalgique -nostalgique comme les vieux fans du groupe- mais une nouvelle fois, avec un genre aussi codifié et balisé, comment aurait il pu en être autrement ? Nostalgique ou pas, rabâché ou non, tout ceci fonctionne parfaitement : brutal as fuck.

mardi 21 avril 2009

Napalm Death / Time Waits For No Slave


















L’avantage lorsque on parle de Napalm Death c’est que le groupe existe depuis tellement longtemps que l’on peut tout de suite en profiter pour ressortir les souvenirs d’anciens combattants datant du siècle dernier. Par exemple : ah oui, Napalm Death je me rappelle les avoir vus au Rail Théâtre à peu près à l’époque de l’album Fear, Emptiness, Despear (à moins que ce ne soit pour Utopia Banished, en fait c’était sûrement entre ces deux albums) et il y avait même Entombed en première partie. Non ? Si. A partir de là et suivant cette loi incontournable de la nature qui stipule qu’un vétéran -même gâteux- a le droit de dire absolument tout et n’importe quoi parce que lui (moi) y était et pas toi (oui toi, espèce de jeune, de loser ou de fan des Smiths), cette loi prend le dessus, écrasant de sa supérieure universalité toute tentative de ramener sa fraise, sa science et son objectivité empirique au sujet d’un groupe séminal du metal moderne et par définition largement au dessus de toutes critiques.
Comment peut on en effet -et ne serait que pendant un quart de centième de seconde- tenter de penser donner son avis à propos d’un groupe dont on n’a pas croisé le chemin quelque part pendant l’année 1993 sur cette fameuse et historique tournée Napalm Death/Entombed ? J’entends ici ou là des voix moqueuses qui parlent des nombreux passages à vide du groupe de Birmingham (la même ville que Black Sabbath et Judas Priest -si ça ce n’est pas un signe du destin), qui précisent qu’il n’y a plus aucun membre originel dans le groupe depuis le mois de juillet 1991 et le départ de Mick Harris ou qui affirment que Napalm Death n’est plus que le souvenir fossilisé et réactionnaire d’un genre désormais désuet et dépassé : le grind core. Allons bon, ce n’est quand même pas avec les saloperies cyber grind, thrash prog et synth metal dont nous abreuvent les labels metal autrefois novateurs et pionniers mais aujourd’hui désormais à côté de la plaque et aveuglés par le grand retour du progressif et du kitsch que Napalm Death est devenu un groupe de has-beens ? Bande de minables, retournez à votre missel prog.

[Quelques données techniques : l’édition CD normale de Time Waits For No Slave est marron, celle de l’édition digipak limitée avec deux titres bonus et autocollant est bleutée et la pochette du vinyl est plutôt verdâtre et imprimée dans un carton épais et granuleux. Les esthètes buveurs de bière qui ont choisi cette dernière auront la surprise de découvrir à l’intérieur de la pochette le CD dans sa version limité donc avec les deux titres supplémentaires.]

lundi 20 avril 2009

En plein bouillon avec NLF3























Dire que je trouvais qu’il n’y avait pas eu assez (beaucoup) de monde lors du précédent passage à Lyon de NLF3… de toutes évidences ce soir cela va être bien pire, le Sonic est encore désert alors qu’il est 21 heures bien sonnées : où sont les anoraks qui s’extasient devant des merdes incommensurables comme Animal Collective ou Black Dice ? Où sont passés les lecteurs des Inrockuptibles ? On est samedi soir et c’est déjà le four assuré. Heureusement qu’il y a Vitas Gerulaitis en première partie, tous leurs potes se sont déplacés pour assister à ce qui semble être le premier concert de ces ex Miss Goulash.
En attendant que ceux-ci attaquent la soirée, je réponds aux mêmes questions de la part de personnes différentes. T’étais où samedi dernier? T’étais où mardi soir? Tu n’aimes pas That Fucking Tank? Tu n’aimes pas Triclops!? Non effectivement je n’aime pas beaucoup le disque de Triclops! mais j’aurais bien consenti à faire un effort surhumain et passer outre mon aversion pour ce groupe si je n’avais pas été malade comme un chien. Et de raconter ma superbe semaine passée, partagé entre infirmier de luxe (début de semaine) puis malade de première catégorie (fin de semaine). Life is a bitch. 


















On me raconte aussi cette histoire complètement hilarante de deux groupes d’ici (et juste de retour de tournée le jour même) qui pour leur date parisienne n’ont pas pu jouer, la faute à un patron de bar acariâtre -mais mélomane selon ses propres dires- refusant que le concert ait finalement lieu et donnant même de l’argent pour que les amplis ne se mettent pas à fumer et à crépiter. Monsieur n’aimait définitivement pas la musique trop bruyante. Résultat la cinquantaine de personnes qui attendaient devant le bar pour le concert est partie et le gentil patron a du se contenter d’une dizaine de pélots pour remplir sa caisse -fumier de petit commerçant poujadiste.
Sur ces entrefaites le premier groupe commence. Alors qu’il y a une batterie et trois tables à bidouilles installées autour, je ne distingue que deux musiciens. Le premier manipule tout un attirail tandis que le second joue du clavier et chante. Je reste totalement froid face à une musique formée de sons electro et disparates, surtout je n’adhère absolument pas à la voix, mi nasillarde mi plaintive qui finit par devenir particulièrement irritante. Je vais m’asseoir sur le côté de la salle pour écouter ces chansons expérimentales.
Un batteur arrive, suivi d’une jeune fille qui s’installe derrière la table jusqu’ici laissée inoccupée. Notre chanteur s’empare d’une guitare (surprenante la guitare : pailletée, on dirait un jouet). Sous l’impulsion des ces nouveaux arrivants, la musique de Vitas Gerulaitis prend une toute autre ampleur. Le côté arty ne disparaît pas mais il est très largement compensé par une nouvelle énergie saturée et surprenante. Fort heureusement une voix féminine fait également son apparition et quelle voix. Tout n’est pas du même niveau, les passages foutraques et décalés sont bien menés mais il reste toujours cette tentation lyrico-prog qui fout tout par terre. J’apprendrai après le concert qu’il y avait en fait deux groupes fusionnant spécialement pour le concert de ce soir, le premier étant la formation à deux et dont je n’ai pas retenu le nom (désolé).


















Les trois NLF3 s’installent dans l’indifférence la plus totale. Le son est très bon malgré le bassiste qui visiblement aime toujours jouer aussi fort (sûrement un vieux reste de ses années Prohibition). De la même manière il n’arrivera pas à utiliser la cloche placée devant lui sans taper dessus comme un malade. Cela n’empêchera pas le post rock bigarré de NLF3 de faire rapidement ses preuves. Tourneries à la Tortoise, ambiances afrobeat, rythmes syncopés, kalimba amplifiée sur l’ampli basse, lignes de basse mélodiques et claviers omniprésents, la musique de NLF3 est aussi riche et imagée qu’elle en a l’air.
Pour jouer toutes leurs parties, les deux frères Laureau mettent allégrement en boucles lignes de basse, de guitare ou de clavier afin de pouvoir rejouer par dessus. Tout est d’un naturel et d’une simplicité luxuriante qui a chaque fois me ravissent les oreilles même si on peut regretter que les titres soient joués de façon un peu trop similaires aux versions des albums.























Tout le petit dernier (Ride On A Brand New Time) y passe, notamment l’énorme Shaadonga Falls et sa mélodie irrésistible ainsi que le super hit Echotropic avec son piano entêtant et sa ligne de basse aventureuse. Seul petit point faible, les voix aigues -sans paroles, souvent elles ne sont là que pour doubler et accentuer une ligne mélodique déjà jouée avec un autre instrument- ne sont pas très bien en place et/ou manquent de caractère. Pas facile de gérer des voix de tête.
Arrive ce qui va se révéler être les deux derniers titres interprétés. Les NLF3 ne jouent plus que devant une dizaine de personnes et ce sera tant pis pour tous ceux qui ont déjà décidé de partir. D’abord parce pour la première fois on a l’impression que le chant signifie enfin quelque chose, qu’il y a des mots (et c’est vrai que cela finissait par manquer un peu) et surtout parce que le groupe conclut par un dernier titre, énorme, qu’il me semble d’abord reconnaître puis qui s’éternise en mode répétitif et hypnotique sous de longues nappes froides tandis que la batterie bloque en mode repeat. Repeat : impossible effectivement de ne pas penser alors à This Heat.
Après le concert (décidément), j’apprendrai que ce titre n’était autre que Aï (Love), figurant à la toute fin du quatre titres Echotropic publié en 2008 entre les deux derniers albums en date. Un titre que le groupe a petit à petit remanié au fur et à mesure qu’il le jouait en concert, lui ajoutant cette fin étourdissante et magique.

samedi 18 avril 2009

Une page de publicité


















Il n’y avait pas eu trop de monde lors du dernier passage en date de nlf 3, étonnant et intrigant trio parisien fondé il y a déjà plus de dix ans sur les cendres de Prohibition et c’est bien dommage. Le dernier album du groupe, Ride On A Brand New Time, est un petit bijou de pop rythmique et colorée et l’occasion de se rattraper c’est ce soir au Sonic avec en première partie Vitas Gerulaitis, un joueur de tennis cocaïnomane des années 80 complètement oublié mais surtout un groupe formé d’anciens Miss Goulash.

vendredi 17 avril 2009

Last Exit / Headfirst Into The Flames




















Sous-titré Live In Europe, Headfirst Into The Flames est un live posthume de Last Exit une première fois publié en 1993 par un obscur label (Muworks) et réédité il y a peu par un autre label tout aussi obscur (Downtown Music Gallery) et ce pour notre plus grand plaisir. Headfirst Into The Flames a la réputation d’être le meilleur enregistrement officiel (live et studio compris) de Last Exit. Jusqu’ici seuls des mp3 hors catégories pouvaient en attester. Désormais il faut bien se rendre à l’évidence que cette galette de plastoc emballée dans un digipak propret, illustrée comme il se doit par le Brötzmann en chef et regroupant des enregistrements disparates de 1989 captés à Stockholm et Munich est bel et bien un monument de free rock/jazz noise (ou comme vous voudrez). Total destroy.
C’est le toujours très placide Robert Musso qui a mixé et assemblé ces bandes afin qu’elles ressemblent à quelque chose d’audible à défaut de construit. La prise de son est assez aléatoire, la plupart des neuf titres sont édités n’importe comment -pour ne pas dire qu’ils ont été coupés comme des merdes, souvent ça commence alors que les musiciens sont déjà en plein bouillon et ça s’arrête tout brutalement alors que le feu de l’action n’est pas encore éteint- et les accrocs à maître Brötzmann y trouvent également à redire, considérant que le saxophoniste est légèrement défavorisé question volume sonore, pour une fois serait on tenté d’ajouter. Oui le grand Peter est parfois un peu lointain mais on s’en fout parce que s’il fallait désigner une star au sein de Last Exit ce serait évidemment Sonny Sharrock, guitariste maudit (et mort) ayant pourtant été le principal initiateur de la guitare free dès le milieu des années 60. C’est bien simple : il arrive à tirer de son instrument des sons saturés et grésillants comme en ont rêvé et en rêvent encore la plupart des noiseux et free rockeux de la planète. Ce mec était le génie absolu de la guitare bruitiste et pourtant il savait également torcher une mélodie et faire tourner un riff comme personne*.
Entendre une nouvelle fois Sonny Sharrock est un pur émerveillement. Mais bon, n’oublions pas non plus Peter Brötzmann (tout de même le prétexte de cette chronique) et la section rythmique. Rien à redire sur les tornades free insufflées par notre saxophoniste allemand qui s’époumone comme un diablotin en rut et s’y connaît comme personne pour mettre une grosse baffe à l’auditeur avec ses hurlements de saxophone -c’est la teutonique des claques. Rien à redire non plus sur le couple Bill Laswell/Shannon Jackson, chacun de ces deux musiciens n’ayant jamais réussi à faire mieux que Last Exit. Laswell en particulier, à l’époque tout frais émoulu de son expérience dans Massacre aux côtés de Fred Frith et Fred Maher, n’est pas encore devenu le bassiste ronflant et boursouflé d’aujourd’hui, sa ligne de basse profonde et dubbesque en diable sur No One Knows Anything est même un pur régal alors que celle sur Don’t Be A Cry Baby, This Bloody Sweat Of Loving arriverait presque à foutre ce titre en l’air. Mais heureusement pour nous il n’y arrive pas, pas plus qu’il ne plombe la grosse heure que dure Headfirst Into The Flames, chef-d’œuvre bruyant de la musique improvisée.

[* on reparlera peut être un de ces jours de Black Woman, l’un des meilleurs enregistrements de Sonny Sharrock réédité il y a quatre ans par Water records]

jeudi 16 avril 2009

Bröztmann - Lonberg-Holm / The Brain Of The Dog In Section























Un chien qui se suce la bite, quelle plus belle illustration pour un disque de free/musique improvisée ? Toujours chez Atavistic -ce label est devenu la deuxième maison de Peter Brötzmann après FMP- The Brain Of The Dog In Section réunit notre souffleur préféré avec un petit gars jouant du violoncelle. La première fois -mais aussi la dernière- que j’ai vu Fred Lonberg-Holm en concert il jouait avec God Is My Co-Pilot, c’était il y a une quinzaine d’années et la seule chose dont je me souviens de ce concert (hormis le groupe de première partie dont j’ai complètement oublié le nom et qui avait eu assez de cran pour se lancer dans une reprise, plutôt bonne, du 30 Seconds Over Tokyo de Pere Ubu, devant le peu de réaction du public le chanteur avait lancé un laissez tomber, c’est un vieux groupe) donc la seule chose dont je me souviens de ce concert dans un bar de St Etienne c’est lui, petit mec coincé derrière tous les autres musiciens et faisant apparemment n’importe quoi avec son violoncelle. J’ai très vite fait l’impasse sur les minauderies de Sharon Topper et la guitare insipide de Craig Flanagan pour me concentrer sur les pitreries de Fred Lonberg-Holm qui avec le batteur avait bien l’air d’être le seul à s’amuser dans ce groupe prétentieux et arty.
Notre nain joyeux a joué avec un nombre impressionnant de musiciens free et de groupes de rock (noise ou autre), il a notamment participé à l’album Sang Phat Editor de U.S. Maple et a un temps fait partie des Flying Luttenbachers de Weasel Walter. Dernièrement il a intégré le Vandermark 5 (en remplacement du tromboniste Jeb Bishop) et il joue régulièrement avec le Chicago Octet/Tentet de Peter Brötzmann -et au passage je ne peux pas résister à la tentation et au plaisir de donner la liste des musiciens qui jouent aussi ou ont joué dans cette formation tellement cela ressemble à un all-star band : Mars Williams, Ken Vandermark, Mats Gustafsson, Joe McPhee, Jeb Bishop, Kent Kessler, Michael Zerang, Hamid Drake, Johannes Bauer, Per-Åke Holmlander, Paal Nilssen-Love, William Parker, est ce que j’ai oublié quelqu’un ? Pour celles et ceux que cela intéresse, on trouve la plupart des enregistrements de ce super groupe free fondé il y a maintenant plus de dix ans par le saxophoniste allemand chez Okka Disk, autre maison de disques basée à Chicago.
Pour en revenir à notre chien adepte de l’auto fellation,
The Brain Of The Dog In Section est un petit disque enregistré par deux potes qui s’éclatent entre eux. Le son est limité, très loin du recueillement apaisant obtenu sur Born Broke, comme capté à l’arrache. Brötzmann se défoule bien, ses volutes carnassières sont pressurisées sans aucune pitié par le son cru et dru de son (gros) saxophone de chien enragé. De son côté Fred Lonberg-Holm joue ou plus précisément maltraite les cordes de son violoncelle et comme cela ne lui suffit pas il bidouille son instrument avec de l’électronique. Ça joue fort et tous azimuts, sans faire de détails, les éventuelles accalmies ne sont que temporaires, The Brain Of The Dog In Section est une bonne grosse chiasse free comme on en a déjà beaucoup entendue et comme on en entendra encore à l’occasion (du moins si on est consentant). Les stridences du saxophone se marient particulièrement bien avec les crissements du violoncelle, cet enregistrement n’est pas dénué d’une certaine violence qui ravira les uns tandis qu’elle hérissera les autres. Un disque vraiment bien mais uniquement pour celles et ceux qui aiment la freeture bouillonnant bien au delà de la température réglementaire (et il y en a)(moi par exemple).

mercredi 15 avril 2009

Brötzmann - Uuskyla / Born Broke


Je ne me rappelle plus quel saxophoniste affirmait que la formation en trio était la plus difficile à maîtriser, que l’on n’avait pas le droit à l’erreur, que chaque note était audible, identifiable, cernable et que rares étaient les trios saxophone/basse/batterie réussissant une communion absolue et parfaite débouchant sur une musique idéale. Autrement dit : jouer en trio nécessite beaucoup de travail et d’apprentissage pour atteindre la supériorité de l’isocèle. Ceci est bien une vision limitée de la musique puisque depuis ses origines historiques quand l’homme ne savait pas encore ce qu’il faisait jusqu’à nos jours où ce même homme s’est à nouveau affranchi des systèmes de notation en revenant vers l’improvisation ou en mettant en place des protocoles aléatoires de composition (Cage, Feldman, etc) tout tend à montrer que l’erreur et le hasard sont partie intégrante de la musique. Et que dire alors des musiques non occidentales donc non relevables selon notre jolie gamme et non théorisables selon nos lois harmoniques ? Que dire de toutes les musiques qui ne se transmettent que par la mémoire, vecteur aléatoire s’il en est ? Que penser de la musique concrète ? Que penser du groupe de punk qui répète ses trois accords pourris dans la cave de tes voisins ? La musique est une question de mémoire -y compris technologique : c’est à ça que sert un enregistrement- et donc forcément d’effacements, d’oublis, de mutations, de disparitions. Improviser c’est (se) jouer de cette mémoire, oublier ce que l’on sait déjà et accepter ce que l’on va apprendre.
Il me semble bien que le saxophoniste mentionné plus haut était ce gros couillon de David Murray (qui lui-même a joué en trio au début de sa carrière, l’album 3D Family par exemple, avant de se lancer dans un effort compositionnel imbuvable). Mais qu’importe. Si le trio est une forme difficile à maîtriser, que dire alors du duo saxophone/batterie ?























Il n’y a pas beaucoup d’exemples de cet exercice du duo. Et par-dessus tout il existe un monument incontournable du genre, ce chef d’œuvre qu’est Interstellar Space de John Coltrane en compagnie de Rashied Ali (1967). On trouve d’autres tentatives pour des résultats mitigés comme le très militant The Long March enregistré par Max Roach et Archie Shepp en 1979 (deux disques chez Hat Hut records) et beaucoup plus récemment les fabuleux duos Chris Corsano/Paul Flaherty. Peter Brötzmann est également coutumier de cette formation, par exemple le très bucolique Schwartzwaldfahrt avec Han Bennink ou son duo avec Günter Sommer (Reservé sorti par FMP en 1989, un titre étant joué en trio avec le contrebassiste Barre Philips).
Born Broke
est un double CD publié par Atavistic réunissant Peter Brötzmann au ténor et à la clarinette basse uniquement et le suédois Peeter Uuskyla à la batterie. Je ne connais rien d’autre de ce grand blond mis à part Medecina, un album enregistré toujours avec le même Brötzmann ainsi que Peter Friis Nielsen à la basse électrique mais il a un curriculum vitae impressionnant puisque ayant également joué avec Cecil Taylor ou Peter Kowald.
Born Broke
est un disque étrange, enregistré en prise directe en studio alors que les deux musiciens jouent côte à côte, sans aucune amplification. Le son est immensément chaleureux et en même temps d’une intimité profonde, plein de détails résonnants (comme les vibrations des toms en intro du morceau titre) et de subtilités confirmant l’adage que plus c’est dépouillé et plus on en entend.
Il y a un aspect méditatif et serein à l’écoute de cette heure et demi de musique -un rayon de soleil qui réchauffe un carré de lumière sur un coin de parquet- y compris lorsque Peter Bröztmann s’envole sur les fulgurances dont il a le secret. Son phrasé est toujours délicat, la sonorité de son ténor ressemble à une vieille pierre polie dont un petit côté aurait été oublié, il y a une évidence poétique dans ce flot continu que ne semble démentir que quelques granulations résiduelles. Born Broke est ce que l’on pourrait appeler un disque de chevet, un disque que l’on écoute sans rien faire d’autre et surtout un disque qui donne envie de ne rien faire d’autre.

mardi 14 avril 2009

Brötzmann - Nilssen-Love - Gustafsson / The Fat Is Gone


Question musiques improvisées (jazz ou autres), Smalltown Superjazz est vraiment le label qui a monté en puissance ces dernières années. Il faut dire que cette petite mais bientôt très grande maison norvégienne possède un sacré catalogue : jazz à lunettes (Ken Vandermark), rockers arty (Thurston Moore), terroristes sonores (Lasse Marhaug/Jazkamer), choucrouteurs hypnotiques (Nisenenmondai) et vieilles gloires du free jazz européen (Peter Brötzmann) ou américain (Joe McPhee). Il n’y a pas grand-chose à jeter dans les disques estampillés Smalltown Superjazz ou Smalltown Supersound.
Publié en 2007, The Fat Is Gone est un concert réunissant l’allemand Brötzmann, le suédois Mats Gustafsson et le norvégien Paal Nilssen-Love. Deux souffleurs et un batteur -dont on a pu admirer le jeu très dense lors d’un récent concert d’Offonoff (en compagnie de Terrie Ex et de Massimo Pupillo de Zu)- pour une musique improvisée fatalement typique mais résolument jusqu’au-boutiste et bruyante. Fatalement parce qu’avec ce géant de Peter Brötzmann il ne faut pas s’attendre à grande chose d’autre. Mais qu’importe puisque c’est lui -aux côtés d’autres musiciens tels que Evan Parker, Manfred Schoof ou Sven-Åke Johansson (pour avoir une liste plus complète se reporter au verso de l’album Globe Unity 67 & 70 du Alexander von Schlippenbach’s Globe Unity Orchestra et tant qu’à faire écouter ce disque fabuleux)- qui a popularisé si ce n’est inventé le genre à la fin des années 60 et pendant toutes les années 70 en Europe. Elles sont peut être loin ces années, l’esprit libertaire de tous ces musiciens s’est peut être évaporé dans l’éther ambiant nouvel gauche et la catéchèse écolo bon teint (les produits bio c’est bon pour la santé et ça fait faire des jolis cacas) mais il reste quelques piliers, inflexibles et immuables -Brötzmann pour le jazz, The Ex au rayon punk…






















The Fat Is Gone étale tout le savoir faire de trois musiciens inventifs et généreux sur près d’une heure de musique divisée en trois titres. Bullets Through Rain est une entrée en matière idéale, un point de départ comme Peter Brötzmann s’en est fait une spécialité depuis Machine Gun, attaque pied au plancher, hautes vibrations des anches des saxophones et batterie en pilonnage intensif. On reconnaît sans aucun mal le son abrasif et explosé de son baryton mais il faut bien admettre que question souffle c’est Mats Gustafsson qui mène la danse avec son ténor implacable, modulant, partant très loin, revenant en fanfare et explosant. Ce saxophoniste est vraiment le meilleur de sa génération -avec Assif Tsahar mais celui-ci semble avoir bel et bien disparu de la circulation depuis quelques années*…- et il ne faut pas rater The Thing, trio nommé d’après une composition de Don Cherry (sur l’album Where Is Brooklyn ? de 1966 du trompettiste), trio qu’il a justement monté avec le batteur Paal Nilssen-Love et le contrebassiste Ingebrigt Haker Flaten.
Mats Gustafsson a trente années de moins que Peter Brötzmann, donc on comprend donc aisément qu’il ait un peu plus de souffle que ce dernier. Sur la longueur (et Colors In Action et The Fat Is Gone, les deux derniers titres de ce disques sont très longs) nos deux joueurs de anches se répondent merveilleusement, ils ne jouent plus à se mesurer, leurs textures propres s’affirment et se complètent. Autant Brötzmann a toujours conservé le côté roots d’un Albert Ayler, autant Gustafsson est colemanien en diable, chacune de ses interventions en solo le prouve aisément bien que sa technique modale finisse toujours par se retrouver submergée par son sens naturel du barouf.
Dernière plage, The Fat Is Gone est le titre commençant le plus calmement, chacun se lance dans des petits soli pointillistes, se cherche (la prise de son défaille au moment où Gustaffson joue tout seul, comme s’il venait de quitter la scène pour aller retrouver ses deux potes partis en coulisses pour boire des coups) avant de repartir dans le frénétique -Paal Nilssen-Love nous gratifie de son jeu de toms puissant mais retenant parfaitement la pression- ou plus exactement allant dans le sens de l’épaississement : on ne peut pas dire que le ton (le son) monte mais plutôt qu’il va s’élargissement, se gonflant puis se dégonflant sans jamais déborder dans l’inutile, tout cela est magnifiquement orchestré par la batterie et lorsque les souffleurs montent réellement en intensité (vers la seizième minute) ce n’est pas pour nous infliger une énième attaque en règle menée de front mais une ascension parallèle vers le climax -qu’importe alors les questions de souffle et de capacité pulmonaire, chacun a sa place et son registre, tout ça est magnifiquement beau.
[* … mais son label Hopscotch records lui existe toujours]

lundi 13 avril 2009

Gutbucket / A Modest Proposal


Si je ne m’abuse, A Modest Proposal n’est que le quatrième album de Gutbucket, quartet typiquement new-yorkais (ils viennent de Brooklyn, c’est tout dire…) composé d’un saxophoniste, d’un guitariste, d’un bassiste -parfois électrique, parfois à la contrebasse- et d’un batteur. Gutbucket a ceci d’intéressant qu’il s’agit d’un groupe de jazz lorgnant vers le rock, mais pas le rock de papa et grand papa, plutôt un rock vindicatif et légèrement bruyant -encore une fois on est à Brooklyn. On trouve également dans le jazz de Gutbucket quelques touches klezmer, parfois des intonations spaghetti et un certain mordant qui toutefois ne dépasse que trop rarement les limites fixées par la politesse et les bonnes manières -un peu comme écouter un disque de Naked City (exception faite de Torture Garden, premier maxi 42 titres du gang de John Zorn publié en 1990 par Earache records et quasiment intégralement repris sur Grand Guignol deux ans plus tard) : la colère métallique est d’une propreté impeccable et n’échappe que d’un cheveux à l’étalage et à la dextérité.
Gutbucket est (était ?) essentiellement un excellent groupe de scène, voir ces quatre gugusses dévaler les pentes de leur musique, transpirer sans se chier dessus a un énorme côté jubilatoire. Affirmation valable si on aime le jazz. Bien sûr. Gutbucket est un groupe comme il en pullulait du côté de la Knitting Factory dans les années 90. Au passage, Insomniacs Dream, le premier album du quartet a été publié tardivement (en 2001) par Knitting Factory Works alors que les deux suivants -Dry Huming The American Dream (2003) et surtout Sludge Test (2006) sont toujours disponibles chez Cantaloupe Music.























Ça c’était bon pour les trois premiers disques du groupe. Avec A Modest Proposal Gutbucket change la donne. Ce nouvel enregistrement est nettement moins emporté et foutraque que ses prédécesseurs mais par un miraculeux effet de levier à rebrousse-poil, le groupe y gagne énormément en crédibilité. Le rythme est devenu plus lent, presque plus paresseux (les premiers titres Head Goes Head et A Little Anarchy Never Hurt Anyone ne sont pas une tromperie sur la marchandise) et si on reconnaît la patte Gutbucket on reste interloqué par le côté nouvellement serein et apaisé. Mais on s’accroche. D’abord parce que notre quatre new-yorkais ont gardé ce sens imparable de la mélodie et du break qui tombe à pic (on trouve sur les deux titres déjà mentionnés un final qui prend par surprise). Ensuite Ty Citerman a conservé ce son de guitare qui dans ses meilleurs moments renvoie directement à Sonny Sharrock. Quant au saxophoniste -principalement altiste, quelques fois et logiquement au Baryton mais également clarinettiste- il s’est définitivement débarrassé de ses tics trop colemaniens.
Ce qui ne va pas sur A Modest Proposal c’est la construction quasiment systématique des trois quarts des titres : dans un premier temps Gutbucket étale son pouvoir mélodique, son sens du grove moderne puis s’excite sur la fin, lâchant les fauves. Exceptions : More More Bigger Better Easter With Cheese dont la construction et le thème rappellent le meilleur des deux premiers albums du Jim Black’s Alas No Axis ou Lucy Ferment ?, sorte de polka klezmer traversée de stridulations punks. La fin du disque -en particulier Side Effects May Include- se laisse apprivoiser sans problème, A Modest Proposal apparaît alors comme un bon disque de jazz énergique, un peu barré par endroit mais laissant dorénavant son côté outrancier aux vestiaires.
Si les allers-retours entre fantaisies mélodiques et déchirements rock des premiers albums peuvent manquer, Gutbucket a gagné (au moins sur disque) davantage de souplesse, de cohérence et de brio. Le groupe nous a-t-il fait pour autant le fameux coup de l’album de la maturité (concept rock par et pour rock critics s’il en est) ? Et bien non. L’explication vient essentiellement du fait que Paul Chuffo, le batteur originel, a été remplacé par un certain Adam D. Gold au jeu radicalement différent, moins explosif et plus axé sur le groove. Paul Chuffo confessait pour sa part avoir commencé la batterie en autodidacte en s’émerveillant sur les roulements titanesques de Keith Moon. Comme le dit un vieux proverbe : changez le batteur et…

dimanche 12 avril 2009

Comme à la tv : gerbe et nausée
























Il est pas beau ce flyer ? C’est celui du concert auquel j’aurais du aller samedi soir (à défaut de participer au gang bang parisien organisé par Nextclues) mais le sort en a décidé autrement : ce n’est pas de sitôt que je pourrais enfin assister à un concert de That Fucking Tank mais par contre j’ai décroché haut la main mon diplôme d’infirmier. En guise de lot de consolation une video de ces britanniques pas comme les autres.






samedi 11 avril 2009

Nadja / When I See The Sun Always Shines On TV























Impossible de savoir ce qui passe par la tête d’un chanteur/groupe lorsqu’il décide d’enregistrer un album de reprises alors que jusqu’ici il ne se consacrait qu’à ses propres compositions. Entre l’hommage appuyé et la perte d’inspiration aucune réponse n’est satisfaisante, disons que la réponse est aussi facile que le (faux) problème est insoluble. Cette question c’est encore le symptôme du complexe d’infériorité du rocker face au jazzeux ou au musicien de musique classique qui sont avant tout des interprètes. Le rocker n’est qu’une merde sauf s’il arrive à déballer ses tripes sur un parterre de notes dont il a lui-même accouché. Ah bon. Pourtant il y a bien des gugusses incapables d’imaginer un accord et/ou un mot et qui battissent toute une carrière en interprétant ceux des autres. Il y a bien au sein d’un même groupe des musiciens qui composent et d’autres qui se contentent de jouer, tout le monde est content, s’engueule et éventuellement se tape dessus et ça roule très bien ainsi. Non, la vraie question c’est le résultat et dans 90 % des cas le résultat est une catastrophe, que ce soit un album de reprises d’origine diverse enregistrées intégralement par un même groupe ou l’épineuse question du tribute album avec différents contributeurs où là on frise presque systématiquement le grand n’importe quoi.
Lorsque Aidan Baker a annoncé que Nadja publiait un album de reprises intitulé When I See The Sun Always Shines On TV sur The End records, cela n’a strictement rien eu de surprenant. La discographie du groupe regorge de reprises (exemple récent : celle de One Hundred Years de Cure sur Coal Fire, désastreuse compilation/hommage au groupe de Robert Smith publiée par Fear Drop et sauvée in extremis du naufrage par Nadja et Savage Republic reprenant The Hanging Garden) et tout le monde sait bien qu’Aidan Baker est un grand fan de musique. Non seulement il n’arrête pas d’en jouer -et d’en enregistrer…- mais surtout il n’arrête pas d’en écouter. When I See The Sun Always Shines On TV est donc à prendre comme la compilation d’un mec qui a mis dedans quelques uns des morceaux préférés de ses groupes favoris d’adolescent. Après, ça fonctionne ou pas.
Faisons quelques statistiques. Il y a huit titres sur ce disque. Je connais (et aime) quatre d’entre eux dans leurs versions originales : Only Swallow de My Bloody Valentine, No Cure For The Lonely des Swans (existe déjà en version live), Dead Skin Mask de Slayer et Faith de The Cure. J’en connais et déteste un : The Sun Always Shines On TV de A-HA. Je ne connais pas et n’ai pas envie de connaître davantage Pea de Codeine et Needle In The Hay d’Elliot Smith. Reste la reprise de Long Dark Twenties déjà enregistrée par Nadja et publiée en single, sympathique mais anecdotique. Après écoutes, le résultat est inversé ou presque. Seule la reprise de Slayer -ralentie, étirée, évaporée- est excellente. Celles d’Elliot Smith, de My Bloody Valentine et de Long Dark Twenties suscitent un minimum d’intérêt. Celles de Codeine, Swans et A-HA sont totalement dispensables. La version enregistrée de Faith est décevante mais on y revient quand même. Non seulement parce qu’à la base ce titre est tout simplement formidable mais surtout parce qu’on se demande pourquoi Nadja rate le coche, passe à côté d’une réinterprétation magique et se contente de shoegazer la musique des Cure tout comme ce cher Robert se crêpe la touffe avec de la laque monoprix. Alors on imagine ce que Faith aurait pu donner.
A partir de là, When I See The Sun Always Shines On TV est un disque agréable, une parenthèse, une pochade, la marotte/lubie d’un musicien redevenu gamin. On pense également aux titres des chansons que Nadja aurait pu reprendre à son compte, les chansons avec lesquelles Aidan Baker aurait pu commettre quelques éclats (pas des éclats de voix, la sienne est toujours aussi diaphane et plate) ou réussir quelques exploits. Moi, j’aurais bien vu son groupe reprendre How Soon Is Now ? -la prochaine fois peut être.

vendredi 10 avril 2009

Nadja / Corrasion


Nous avons déjà parlé de Basses Fréquences, label spécialisé dans les musiques drone/doom/noise/etc et éditant notamment en mode DIY des CDr emballés dans des jolies petites boites métalliques (c’est la série intitulée Digital Duplicated et référencée en 0.1.1). Le label propose également une série Digital Replicated (0.1.2) comprenant la réédition du très bon I Fall Into You d’Aidan Baker et annonçant deux ou trois régalades pour très bientôt (Elemantaural Research Project). Enfin une dernière série -Analog, soit 0.1.3- s’occupe elle uniquement d’édition de vinyles. C’est sur cette dernière que l’on retrouve Letters, encore un album d’Aidan Baker. Basses Fréquences aime le travail du canadien et c’est fort logiquement que le label a également entrepris de rééditer Corrasion, l’un des meilleurs enregistrements de Nadja.
Comme souvent chez Nadja, Corrasion est le réenregistrement d’une première version datant de 2003 et publiée en CDr à l’époque où Aidan Baker était encore seul aux manettes du groupe. Une première édition CD de ces réenregistrements en tant que duo a été faite par le label polonais Foreshadow en 2007 (cette édition ne comprenant pas moins de trois titres bonus tirés de splits ou de compilations). Celle proposée par Basses Fréquences comprend les quatre titres originaux auxquels ont été ajouté un long Numb jusqu’ici uniquement disponible en tant que face B virtuelle du net single Basefluid. La pochette du disque est gatefold, l’artwork a été sensiblement modifié (et rend dix fois mieux) et c’est un tirage limité à cinq cents exemplaires -dont les cent premiers ont été fondus dans un beau plastique bleu électrique et profond.






















Electrique et profond ce sont aussi les meilleurs qualificatifs que l’on pourrait trouver à propos de la musique de Nadja (qui ne manque pourtant pas de commentateurs plus ou moins éclairés et d’appellations elles aussi plus ou moins contrôlées). Corrasion allie cet éternel soucis de flottement aérien et de gravitation métallique. Ainsi Basefluid finit par développer un riffage lourd et presque menaçant reléguant au second plan les vapeurs fantomatiques s’échappant de la guitare d’Aidan Baker tandis que le boite à rythmes martèle un beat broadrickien de premier ordre. Enchaîné à ce premier titre, You Are As Dust est un deuxième petit hit pour Nadja, conjuguant cette fois attente et un chant à mi-chemin entre murmure rauque et feulement de bête sauvage acculée -une retenue menaçante qui trouve sa conclusion libératrice dans un final à nouveau très inspiré, lent et lourd mais toujours avec ces courants ascendants qui donnent envie de lever la tête et de perdre son regard au loin, un peu lorsque on regarde un détail du ciel par une nuit étoilée.
On retourne la galette pour écouter le morceau titre. Corrasion est essentiellement construit dans le style ambient mais les nappes et bourdonnements tirés des guitares de Baker et de la basse de Leah Buckareff ont tendance à se resserrer alors que la lisibilité du riff qui tournait en rond depuis le début s’estompe : Nadja s’y connaît comme personne pour noyer son auditeur tout en lui donnant l’impression de le sauver du tumulte des flots. Puis Corrasion s’étire mollement vers une fin en pente douce jusqu’à s’éteindre tristement.
Le deuxième disque démarre par Amniotic -encore un titre qui dure toute une face- et qui reprend les choses là où les avait laissées Corrasion. Nadja souffle sur les braises d’un feu éteint depuis peu, une cymbale et quelques coups de caisse claire laissent deviner que la combustion va bientôt reprendre et que le crépitement n’est pas loin. En fait de crépitement Amniotic est une suite de saccades malsaines enrobant un chant dans la même veine que celui de You Are As Dust. La deuxième partie du titre fait tourner un riff qui flirt avec les sommets du spleen avec toujours cette alliance contre nature de la brume et du plomb.
L’album s’arrête là mais la quatrième face de Corrasion est entièrement occupée par Numb, un bon titre bonus quoique plus direct et simpliste que ses prédécesseurs. C’est le morceau le plus ouvertement shoegaze et post quelque chose de ce double LP, fonctionnant un peu trop en pilotage automatique et sans apporter de réelles variations entre le début et la fin (mises à part quelques fantaisies de temps à autre sur la boite à rythmes et une conclusion bruitiste). Derrière la facilité d’une telle construction pointe tout de même l’ivresse angoissante d’une course effrénée dans un labyrinthe sans issue mais pour une fois chez Nadja, on sent bien que c’est un peu pour de faux.

jeudi 9 avril 2009

Les mathématiques pour les nuls























Après la déconfiture de dimanche soir, quoi de mieux pour se remettre d’aplomb qu’un autre concert ? Le problème est qu’en ce lundi il n’y a qu’Aucan qui joue au Sonic et je ne suis vraiment pas très fan de ce trio italien qui allie math rock et synthétiseurs cheap (un premier album bien moyen paru l’année dernière sur le label African Tape). Il y a une blague récurrente qui demande comment dit-on Battles en italien ?-l’humour lyonnais est vraiment détestable… mais les comparaisons sont inévitables dès que l’on daigne jeter une oreille sur les enregistrements de ce trio, enregistrements un peu fades, un peu tristes et dont le manque d’originalité est flagrant et désolant.
Comme Keiko Tsuda -autre groupe (local cette fois) jouant dans un répertoire assez similaire- est également au programme, la décision d’aller jusqu’au Sonic l’emporte finalement assez aisément. Ces jeunes gens sont meilleurs à chaque nouveau concert et jusqu’ici les revoir a toujours été un réel plaisir. Donc pas la peine de se forcer plus que ça pour y aller.
Et question statistiques, l’indécision du public potentiel étant ce qui plombe le plus les organisateurs de concerts, on peut dire que la Noise Academy (l’asso du jour qui a investi le Sonic pour cette soirée) a plutôt eu la main heureuse pour un lundi avec une cinquantaine d’entrées payantes. Ce qui n’est pas toujours le cas.


















Mais il y a un premier groupe avant Keiko Tsuda. Il ne faut pas se fier à ce nom bizarre et vraiment pas terrible rappelant la mauvaise odeur de ce qu’il y a eu de pire dans ce pays dans les années qui ont immédiatement suivi l’explosion alternative : Antiforfora est composé de trois garçons (formation : guitare/basse/batterie avec chant et occasionnellement du saxophone baryton) qui parait il écument depuis déjà quelques bons mois tous les rads de la Croix Rousse. Ce soir c’est leur premier concert au Sonic.
L’écoute des titres mis en ligne sur le monospace du groupe ne donne aucune piste à suivre (mis à part un chant qui attaque souvent dans un registre à la The Ex avant de virer à la braillardise) mais en concert, avec l’assise rythmique très carrée, la guitare en mode répétitif entêté et un son bien compact (grosse basse très efficace) on peut également penser à Helmet. Du punk massif et rythmique.
Les morceaux aux parties instrumentales diluées et ne laissant que peu de place aux voix sont toutefois trop longs, pas assez cohérents et l’incursion du saxophone baryton -celui utilisé par le bassiste m’a l’air d’être un très vieil instrument, presque une antiquité- est maladroite et change inutilement la couleur d’un set qui risquait déjà de manquer d’homogénéité. Toujours en réécoutant les titres en ligne on s’aperçoit que Antiforfora est encore un groupe qui se cherche -mais ils m’ont l’air sacrément jeunes- impression confirmée par le concert qui laissait trop de place à ce sentiment d’indécision et aux tâtonnements. Mort au hasard, place aux mathématiques.


















Je crois que les Keiko Tsuda ont rarement joué en dehors de Lyon (peut être une fois à Chambéry ou à Clermont Ferrand) et ils ont désormais une masse de supporters dans cette ville, supporters dont je fais partie depuis deux ou trois concerts. Ce groupe est une très bonne surprise tant il rafraîchit considérablement un genre éculé et fatigant, le math rock de Don Caballero et consorts, agrémenté pour le coup d’un synthé tout sauf pénible. Le guitariste dispose de tout un attirail (dans ce genre là) lui permettant d’enregistrer, de superposer et de démultiplier des boucles de guitares et de synthé, ce qui ne l’empêche pas non plus de jouer pour de vrai avec ses dix petits doigts, bien au contraire. Il fait face avec tout son bazar à un batteur nerveux et puissant qui évite généralement les poses intempestives et va droit au but.
Ce soir Keiko joue dans la même veine franche et directe, massive et entraînante qu’on connaît au duo. Malgré un début de set calamiteux question son (c’était quoi ce réglage d’ampli guitare coincé en mode robot Moulinex ?) le duo trouve ses marques, les deux se scotchent l’un à l’autre, la connivence est de mise. Le reste -c'est-à-dire des compos bien fournies, mélangeant mélodies correctement troussées et explosions d’énergie- suit naturellement, même le passage en double tapping (plus fort que ce gros bâtard d’Eddie Van Halen) requière toute l’attention sans susciter les moqueries d’usage face à ce type de pratiques pourtant prohibées par l’éthique et le savoir-vivre le plus élémentaire.
Rappelons que Keiko Tsuda a enregistré huit titres disponibles en CDr ou bien téléchargeables gratuitement à cette adresse.


















Dernier groupe de la soirée, Aucan a décidé de jouer par terre devant la scène afin de disposer de plus de place (sur la fiche technique du groupe il est spécifié que les italiens ont besoin d’une scène d’au minimum quatre mètres sur trois). C’est vrai qu’ils prennent de la place avec leurs deux synthétiseurs. On ne va pas tarder non plus à se rendre compte que ces deux instruments prennent encore plus de place que ce que l’on pouvait craindre.
Dans les grandes lignes la musique d’Aucan est similaire à celle de Keiko Tsuda sauf qu’il y a un musicien en plus. Dans la réalité le math rock bontempi d’Aucun ne décolle jamais, est d’une mollesse ennuyeuse, plein de trous et de vides que le groupe ne parvient jamais à combler. La musique d’Aucun se veut savante, pleine d’attente et de suspens avant l’explosion mais celle-ci ne vient jamais. Le pire c’est peut être le son des deux synthétiseurs et les mélodies seventies/érotiques qui en sortent -on croirait entendre de la bonne vieille musique tiré d’un boulard avec gorge profonde. Les deux guitaristes passent plus de temps à taquiner leurs claviers qu’à astiquer leurs manches de six cordes ce qui est bien dommage, cette mode du tout synthétique sauce prog dans les étoiles commence sérieusement à lasser.
Si on se demande pourquoi il n’y a pas qu’un seul groupe de math rock sur cette terre puisqu’ils semblent tous jouer la même musique, la réponse est toute simple et se trouve dans ce concert : d’un côté Keiko Tsuda, groupe inventif, dense et dynamique et de l’autre Aucan et ses synthés pornographiques et sa mollesse d’exécution. Au petit jeu de la comparaison, il n’y avait aucun doute (mais je veux bien admettre que les italiens étaient juste fatigués par leur tournée ou simplement de mauvaise humeur).