Faisons une petite expérience, écoutons les versions studio disponibles des titres figurant également sur ce CDr live -ce qui en tout nous fait trois titres sur six : Car, Buses, etc…, Big Screen/Flat People et Derby, parus initialement sur l’album Joke Box. On peut ainsi mesurer la maîtrise instrumentale de Zëro sur scène. Ce disque, édité par les bons soins du groupe, a été enregistré le 28 octobre dernier à l’Epicerie Moderne de Feyzin (banlieue de Lyon). Je n’étais pas à ce concert mais on peut en lire un report intéressant ici. Le son de l’enregistrement est particulièrement impressionnent -combien y a-t-il de pistes disponibles sur la table de mixage de l’Epicerie Moderne ?- et qui plus est le groupe a bien pris soin de remixer un peu les bandes après. Résultat : on est très loin de la qualité sonore très approximative du CDr illustrant l’ultime concert des Deity Guns au Transbordeur de Lyon le 3 décembre 1993. On se balade même sur une véritable autoroute pour l’oreille.
Premier temps fort, Car, Buses, etc… qui débute l’enregistrement (alors qu’il clôturait l’album) gagne encore en majesté et en mystère -peut on même oser parler d’ésotérisme sans que la connotation péjorative ne vienne tout foutre en l’air ? Les sonorités mises en avant, pads de batterie, synthés et guitares effleurées, entretiennent une tension imperceptible avant la mise au point de la fin du morceau (et son synthétiseur abrasif). La voix est elle étrangement chevrotante, comme toujours en mode narratif, et bien placée. Zëro avait également commencé son set par ce titre lors du concert de soutien au Sonic, le groupe a assurément trouvé là la bonne façon d’installer toute l’étrangeté de sa musique. Big Screen/Flat People était l’un des meilleurs titres de Joke Box et cette nouvelle version va dans le sens du renchérissement avec sa première partie affirmant la nouvelle prédominance des synthétiseurs dans la musique de la bande d’Eric Aldea -mais cette prédominance n’est réelle que parce que derrière il y a ce riff de guitare simplissime qui pousse tandis que la basse vrombit à souhait- et la seconde partie avec le chant définissant toujours cette dualité distance/proximité. Question qualité, Derby va plus loin avec son vieux synthé encore plus présent et un bon boulot du batteur. Cela nous fait donc trois titres dans de nouvelles versions.
Et les trois autres ? Commençons par la reprise de Jocko Homo de Devo. Zëro avait déjà repris du Devo sur son album (Automodown/Space Girl Blues) donc il n’y a finalement rien d’étonnant à ce que le groupe recommence. Sauf que la reprise de Jocko Homo dépasse de très loin cette tentative précédente pourtant déjà plutôt réussie : Zëro arrive à insuffler dans cette chanson toute l’énergie pneumatique dont elle semble avoir besoin pour réellement sonner étrangement et décalé. Pigeon Jelly -dont on peut voir une version enregistrée aux Nuits Sonores 2008 ici- est un titre court (2’15 minutes) qui surprend d’abord avec son chant plus frontal et aux intonations un peu nasillarde. The Cage clôture cet enregistrement de la meilleure façon qui soit avec sa note de synthé persistante, le chant qui s’énerve un peu, la rythmique enlevée et la guitare qui poursuit son travail de soubassement essentiel avant de prendre le dessus car on arrive à ne plus entendre que ça, ces mailles finement tressées qui se resserrent pour finir par former un tapis de clous sous le glacis mélodique.
[Ce CDr à tirage très limité et numéroté inaugure une série de parutions d’enregistrements en concert de Zëro. La pochette sera à chaque fois pompée sur celle d’un disque emblématique -ici celle de l’album Absolutely Free des Mothers Of Invention.]