lundi 31 décembre 2007

Orchestre Rouge

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J’ai déjà raconté que je voyais parfois un lien entre Red Crayola et Orchestre Rouge, une chose qu’il faut vraiment dire vite tellement elle peut paraître peu évidente et forcée. C’est la chanson Conspirator’s Oath extraite de l’album Soldier-Talk de Red Crayola qui me fait penser à cela -le début de cette chanson et sa fin aussi, pas du tout le milieu, trop ubuesque- parce que le chant maniéré de Mayo Thompson renvoie à ce qu’a fait Théo Hakola quelques années plus tard. Il y a une version terrifiante de Conspirator’s Oath sur le Live In Paris édité par Sordide Sentimental (excellent malgré un son très moyen) et j’imagine parfois que Theo Hakola a assisté à ce concert du Bataclan, ce qui est bien peu probable parce que je crois qu’il n’était pas encore arrivé en France à la date du 13 décembre 1978.
Mais je suis bien conscient que les comparaisons doivent s’arrêter là. Elles ont juste ce mérite de me remémorer les deux albums d’Orchestre Rouge : Yellow Laughter et More Passion Fodder, enfin réédités cette année par RCA/Sony. Le premier avait été produit (de manière inadéquate) par Martin Hannett qui cependant avait visiblement fait tout ce qu’il pouvait pour mettre en valeur des musiques inachevées et immatures. C’est le rôle de la mémoire que de faire le tri de façon parfois contestable et incomplète -dans cette situation c’est plutôt la mémoire qui me travaille- et j’ai été complètement dérouté par l’écoute de Yellow Laughter. La pauvreté de certains titres, en particulier Red Orange Blue qui marque le début du gros passage à vide de ce disque, pour moi n’existait tout simplement pas. On pardonne l’intro cliché de Soon Come Violence parce que juste derrière l’écoute de Je Cherche Une Drogue (Qui Ne Fait Pas Mal) et Soft Kiss est restée intacte. Speakerine est l’un des autres sommets de l’album, et peut être le seul moment avec Je Cherche Une Drogue (Qui Ne Fait Pas Mal) où la production de Martin Hannett est enfin justifiée… Le gros inconvénient de la réédition 2007 de Yellow Laughter en CD c’est aussi l’adjonction d’une face B de 45 tours, Kazettlers Zeks, qu’est ce que cette horreur sans nom fout là ?



















J’ai toujours été fasciné par la photo illustrant le premier album d’Orchestre Rouge -c’est mon côté kolkhozien, tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents staliniens reconvertis sur le tard à l’écologie et à la social-démocratie- une photo qui peut aussi évoquer la guerre d’Espagne (c’est même sûrement de ça dont il s’agit), l’une des passions de Théo Hakola sur laquelle il a beaucoup travaillé. Pourtant, l’illustration de More Passion Fodder est très importante elle aussi : elle marque la première collaboration entre Théo Hakola et l’artiste peintre Ricardo Mosner.
L’écoute de More Passion Fodder est beaucoup moins gênante que celle de Yellow Laughter alors que dans mon souvenir c’était tout l’inverse. Il y a bien ce son de guitare horripilant sur The Perfect Drunk, quelques choeurs pas très heureux mais il y a surtout -entre autres- Where Family Happens (Slow Death Kicking) qui est la première tentative de rapprochement avec le rock suintant du Gun Club. En général on peut même dire que, contrairement à son prédécesseur, More Passion Fodder ne souffre pas de réelle baisse de régime (mis à part Catholic Eyes ?). Même la nouvelle version de Red Orange Blue se révèle convaincante. Avec ce disque Théo Hakola pose les premiers véritables jalons de tout ce qu’il fera par la suite, à commencer par son groupe d’après, Passion Fodder (trois bons albums) et sa carrière en solo, qu’il poursuit encore aujourd'hui.

dimanche 30 décembre 2007

Filastine / Burn It

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De tous les disques publiés par Jarring Effects cette année -et ce label a publié un sacré paquet de bons trucs en 2007, à commencer par le Scorn (déjà évoqué ici) et Underground Wobble de High Tone qui dans le genre e-dub est une totale réussite (dont je finirais bien également par parler un jour…)- je crois que celui qui m’a le plus impressionné et que j’ai le plus écouté est l’album de Filastine, Burn It. Initialement publiée par Soot records en 2006, cette collection d’enregistrements venus du monde entier est le ravissement de tout amateur de mille-feuilles : glanés à droite et à gauche, les samples recueillis par Filastine évoquent aussi bien le Maghreb que le Brésil, les Balkans que le Moyen Orient ; les percussions elles aussi d’origines diverses viennent renforcer et enrichir des rythmes toujours très travaillés, complexes et denses mais irrésistibles ; nombre d’invités figurent également sur ce disque -et presque autant de langages différents : français, arabe, espagnol, anglais et quoi d’autre ?- ce qui fait que chaque titre à une coloration propre.
Cette coloration n’est jamais forcée puisque à chaque fois tous ces éléments complètement opposés se télescopent sans que la moindre sensation de collage ne surgisse -comme sur le très beau et le très prenant Crescent Occupation. Un titre repose toujours sur trois éléments maximum, tout le talent de Filastine consiste à les rendre parfaitement complémentaires, indissociables, inséparables mais il n’y a aucun simplisme ni aucune facilité ou ostentation dans son travail pas plus qu’il n’y a la moindre trace de présomption -DJ du monde entier, Filastine absorbe tout ce qui pour lui est un sujet de curiosité et produit une musique dont l’intégrité et les principes de fonctionnement (comme des lois organiques évoluant selon la matière sonore qu’elles sont supposées régir…) sont le ciment. Réussir à donner une homogénéité de ton a une telle diversité de sons, Burn It le réussit sans difficulté, avec une immédiateté et une fraîcheur imparable.
Militant politique (il va régulièrement perturber le G8 avec l’Infernal Noise Brigade, une battucada dantesque), Filastine est un infatigable globe-trotter et un curieux résolu : bloqué par les grèves de transport à Lyon après son passage au festival Riddim Collision, il aurait passé plusieurs jours à se balader avec son laptop pour éventuellement collecter des nouveaux sons -sa rencontre avec une scie musicale (instrument dont jusqu’ici il ignorait l’existence même) figurera peut être sur son prochain album…

samedi 29 décembre 2007

Radiohead, Denis olivennes et le mp3

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Je ne sais pas trop quoi penser de cet article mis en ligne par le Monde Diplomatique à propos du rapport Olivennes. Ou plus exactement je souris à l’idée que l’industrie du disque se soit rendu compte beaucoup trop tard qu’internet est très certainement l’arme absolue du faîtes le vous-même contre une machine de distribution à l’ancienne qui s’est gavée pendant si longtemps -50 % du prix de vente hors taxe, c’est ce qu’exigeait Pias il y a quelques années pour distribuer un petit label et ils appelaient ça aider la production indépendante, haha.
Mais je souris aussi à la naïveté de l’auteur de l’article qui semble s’émerveiller d’une telle résistance au pouvoir économique et va même jusqu’à appeler le phénomène néo-communisme numérique. Il n’est pourtant pas question de faire la révolution mais uniquement d’obtenir gratuitement ou de payer le moins cher possible ses disques, sa musique. Le moins cher possible cela peut toutefois vouloir également dire suffisamment pour que le musicien/groupe puisse en vivre si tel est son but, car vouloir gagner un peu d’argent pour s’acheter des pâtes et de la bière sont des choses qui arrivent couramment. Tout ceci n’est donc qu’une question d’équilibre : il est beaucoup plus amusant et utile de télécharger le disque d’une rock star et de la priver ainsi de sa quatrième résidence secondaire ou de son deuxième jet privé (quand je pense que ce pauvre Kirk Hammet est obligé de vendre sa maison de San Franciso…).






















En éliminant les intermédiaires tout va beaucoup mieux : si je peux écouter et télécharger n’importe quel fichier audio posté n’importe où dans le monde je peux aussi acheter directement à un groupe ou un label son disque si je le souhaite. Et je ne parle même pas des mercis sincères qu’une telle façon de faire suscite. Pourquoi payer beaucoup plus cher et au passage engraisser un distributeur sans que le groupe y gagne quelque chose de plus ? Mes raisons ne sont pas idéologiques mais purement économiques. De l’économique pondéré -ce qui revient il est vrai à une posture idéologique : la pondération est l’ennemi de l’accumulation capitaliste.

Je m’amuse aussi des hourras qui ont accompagné la sortie digitale de nouvel album de Radiohead, quel groupe courageux ! Puis les anglais se sont rétractés, ont signé un deal avec un gros label -comme par hasard le même qui a publié l’album solo de Thom Yorke l’été dernier- et In Rainbows sera bientôt disponible en magasin. Peut être n’ont-ils pas eu assez de bras pour empaqueter et expédier les exemplaires collector de leur album vendus honteusement cher ? Ou peut être le savaient ils déjà… pourquoi avoir donné en pâture une version numérique si médiocre (seulement 160 kbs mais i-tunes fait souvent pire) et qui ne pouvait pas être satisfaisante ? Le mp3 est le parent pauvre du son, faut il le rappeler -quelle sera la prochaine étape dans la déperdition de qualité ?- et le problème est le suivant : ce qui plait aux amateurs de Radiohead, dont je ne fais pas partie, c’est justement le son du groupe. Dans ces conditions vendre des mp3 limités de In Rainbows à prix libre était vraiment une question de bonne conscience. Avec un tel exemple de récupération et de détournement de ce que peut offrir l’internet musical on est en pleine confusion, bien joué les gars.

vendredi 28 décembre 2007

Monosourcil et Hallux Valgus @ Grrrnd Saloon

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Dernier concert de l’année en ce qui me concerne, rendez vous à Gerland dans les locaux high-tech du siège social de Grrrnd Zero pour une real punk party (et quelques bières). Je ne sais pas pourquoi j’ai toujours cette faculté d’arriver à l’heure et donc avant tout le monde : est ce du à mon grand âge ? mon sens des responsabilités de père de famille ? ma position sociale dominante et sûre d’elle même ? ma connerie congénitale ? mon arrogance de roi ? En fait je suis très content de voir ce soir deux poulains de l’écurie Gaffer records : Hallux Valgus et Monosourcil. Le prix de la place de concert est libre -cette sale vieille habitude de hippie- mais finalement, l’organisateur devant la faible affluence décide de faire la soirée gratuitement, aux chiottes le capitalisme.





















 

Papotages de rigueur d’avant concert, histoire de faire davantage connaissance et je m’affaisse de plus en plus dans un des vieux fauteuils pourris installés dans la salle où le matériel est monté. C’est Monosourcil qui commencera mais pour l’instant c’est l’heure de la gamelle : le bassiste est parti explorer le désert urbain environnant à la recherche d’un kebab alors en l’attendant ça papote encore plus. J’arrive à m’extraire de mon fauteuil lorsque le groupe s’installe enfin dans une odeur de viande grillée -d’autant plus que le chanteur de Monosourcil trouve que sinon cela fait un peu trop tribunal- mais je prends appui sur le mur, ola papy, bien au milieu, l’ampli basse dans l’oreille gauche, l’ampli guitare dans celle de droite et la batterie dans la gueule. Un bon groupe de punk noise (et de rock’n’roll tout court) n’est rien sans un bon batteur et là je vais être servi : ce garçon manie les baguettes avec autant d’efficacité que mon boucher fait l’artiste avec son hachoir à steak, le bassiste a apparemment très bien digéré son kebab et balance de ces grosses lignes brutes mais swinguantes qui me rendent toujours heureux, le guitariste manie les canons no-wave avec une sobre précision et le chanteur a cette voix au timbre curieux qui fait qu’il sait parfaitement imiter le cri de la viande à steak mentionnée plus haut. Papy se décolle enfin du mur pour les derniers morceaux tout en faisant attention à ses petites cervicales qui lui donnent des maux de têtes depuis de trop nombreuses années -n’oublions pas que dans trois jours sera appliquée la franchise médicale et que tomber malade va devenir de plus en cher (mais je m’égare)(mais s’il n’y avait que ça)(je m’égare encore).

Le changement de groupe prend du temps et c’est bien, bonne ambiance. Hallux Valgus partage son guitariste avec Monosourcil, l’autre membre (batterie, chant, baguettes) est l’homme-orchestre de Lyon (Gaffer records c’est lui et il joue aussi dans SoCRaTeS, Kandinsky et Sheik Anorak -est ce que j’en ai oublié ?). Je ne sais plus lequel des deux m’avait dit qu’Hallux Valgus était fait pour emmerder les gens… Si emmerder cela veut dire casser les oreilles c’est parfaitement réussi (et avec bonheur en plus). Le guitariste déploie une palette de sons beaucoup plus large qu’avec Monosourcil, baroufant à un degré supérieur de bizarrerie et qu’importe si son matériel se montre parfois déficient, le son est bien abrasif. De son côté son petit camarade arrive à bousiller deux baguettes en moins de dix secondes, s’égosille dans un micro qui se casse la gueule. Hallus Valgus c’est la lose magnifique qui ne se prend pas au sérieux mais qui le fait bien quand même. Les titres sont numérotés de un à dix et le public aura beau réclamer le onzième il aura droit au numéro quatre, joué donc une deuxième fois et dans une version bien meilleure que la première -les petits gars se sont échauffés entre temps et ça se sent, le bordel aussi ça se polit avec de l'amour et de la transpiration.


jeudi 27 décembre 2007

Nadja, et ça continue

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L’information est venue directement de Crucial Blast : Nadja publie déjà un nouvel album, ce sera pour mars 2008… Voilà, même pas le temps de parler un peu de Radiance Of Shadows (comme toujours avec le label Alien8, l’album est disponible en streaming) ou de Guilted By The Sun sur Roadburn records. Les mauvaises langues, jamais en retard d’une infamie, affirment elles que puisque Desire In Uneasiness est bel et bien mis en boite, finalisé et prêt à l’emploi, de nouveaux enregistrements auront certainement déjà vu le jour au moment de la publication de celui-ci. Il est vrai que Nadja a la fâcheuse tendance de pondre des disques à une cadence plus que soutenue (à la différence du tempo de sa musique) mais, pour l’instant, cela n’a jamais été préjudiciable au groupe.
On peut juste remarquer que parmi toutes les parutions de Nadja un nombre important concerne des réenregistrements de vieux matériel -et Crucial Blast fait bien d’annoncer que
Desire In Uneasiness
sera à 100 % composé d’inédits. On peut aussi argumenter que Nadja n’évolue pas beaucoup d’un disque à l’autre, certaines parutions semblant se contenter de n’être que tout juste plus intéressantes que la moyenne générale : ces canadiens ramonent leur doom atmosphérique (Crucial Blast parle de dreamsludge, j’adore) avec autant de conviction et de minutie qu’une dentellière du Puy en Velay. Encore une fois le label a raison de préciser que Desire In Uneasiness a été enregistré avec un vrai batteur… wait and see donc, parce que l’usage de la boite à rythmes est quand même une composante importante du son de Nadja.




















Crucial Blast a une sous division qui s’appelle Crucial Bliss et c’est sur celle-ci qu’Aidan Baker (tête pensante de Nadja) a publié Exoskeleton Heart, enregistrement solo joliment emballé et limité à trois cents exemplaires. J’ai toujours entendu dire que Baker s’occupait vraiment de tout dans Nadja, que Leah Buckareff (basse, voix) ne faisait rien d’autre que de lui obéir au doigt et à l’œil. Comme il est écrit si élégamment sur le site du groupe, la bassiste a été embauchée pour permettre à Nadja de sortir du studio et d’appréhender les prestations en concert. Aussi j’étais assez curieux d’écouter ce CDr. Exoskeleton Heart est à conseiller à tous les amateurs de drone noise à base de guitares. Ici, pas de rythmes, pas de virages, juste des couches qui s’épaississent, coagulent, amplifient durablement un mouvement grandiloquent et convenu. Le deuxième titre est un peu plus orienté synthétiseurs -ou est ce que c’est juste de cette horreur de guitar-synth dont il s’agit?- synthétiseurs/manipulations sonores qui peu ou prou essaient de reproduire les mêmes artifices que les guitares mais (surprise) c’est un peu raté et la fin du disque échappe de justesse à la mièvrerie ambiante sous l’effet d’une densification du son qui tardait vraiment trop à venir. Rien de réellement passionnant donc.
Côté Nadja, il y a un mini album intitulé
Guilted By The Sun (gravé sur du vinyle blanc ou vert) qui est à ranger dans les disques les moins pertinents du groupe, excepté le début de la première face avec cette lourdeur atroce et le chant à la frontière du murmure et du grondement. Par contre Radiance Of Shadows figure parmi les meilleurs enregistrements du duo, de ceux qui font espérer qu’ils feront encore mieux la prochaine fois même si on sent que cela va être dur : toujours plus heavy, froidement hostile, finalement subtilement emmené même si jouant sur des figures de style désormais archi-connues, parfois grandiloquent mais sans jamais être pathétique (pas trop de synthés pourris à l’horizon…), ce disque s’achève dans une débauche industrielle -on jurerait que le son qui sort alors des enceintes est du au fracas de plaques de métal caressées avec une meuleuse électrique- qui vise à l’hypnose puis à l’engourdissement des sens, un cauchemar d’engloutissement dans lequel on se laisse glisser sans hésitation.

mercredi 26 décembre 2007

Wurmwulv

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Lotus Eaters, encore un groupe de métalleux qui ont vu la vierge. C’est la première réaction que j’ai eue en écoutant, fort distraitement, un album publié en 2007 par Troubleman Unlimited : Wurmwulv. Derrière ce groupe se cachent (mais pas très bien, on voit des oreilles pointues et des pieds fourchus qui dépassent) Stephen O’Malley, James Plotkin et Aaron Turner, du beau monde quoi, Lotus Eaters est comme qui dirait un super groupe -au sens seventies du terme, c'est-à-dire le mauvais sens…- et il fallait bien qu’un jour un de leurs disques parvienne jusqu’à moi par je ne sais quelle opération du saint esprit. Je n’ai jamais écouté Mind Control For Infants (chez Neurot) et, même si j’avais pu déjà collecter ici ou là quelques opinions parfois très tranchées sur ce groupe, la surprise a été complète avec Wurmwulv. Cinquante minutes de musique ambiante, transcendantale et gentiment indus qui ne ferait pas de mal à une mouche. Très loin de pouvoir concurrencer même le plus routinier et le plus académique des albums de Zoviet France.






















Je ne sais pas pourquoi j’avais eu l’impression que ce disque avait une forte coloration zen/bouddha et tralala, la méditation par le bruit rampant, l’élévation de l’âme grâce à toujours plus d’expérimentation. Sûrement la faute aux premières minutes du premier titre, avec ces cloches/percussions qui résonnent, vibrent, ne paraissent même pas se répondre. Cette entrée en matière assez peu glorieuse fait craindre le pire pour tous ceux qui détestent voir le bien partout (le blanc immaculé c’est repoussant), comme si nos trois gaillards déambulaient en plein milieu des jardins du Ryoanji main dans la main avec le fantôme de John Cage. La suite est pourtant largement au dessus de cette intro en forme de jumelage pâturages de Bourgogne/hauts plateaux du Tibet avec des fréquences qui évoluent très lentement vers le bas (et non pas vers les graves) : des sons descensionnels en douce chute libre qui curieusement débouchent en pleine lumière, pour le coup une tentative d’apaisement, de plénitude enfouie, comme si le centre de la terre était le seul endroit où aller. Une petite demi-heure vient de s’écouler.
Passons rapidement sur le deuxième titre, court de quelques cinq minutes et qui n’est rien d’autre qu’un interlude vaguement bruitiste : on en profite pour balayer la cuisine et jeter la poubelle dans le vide-ordures, les boites de conserve qui résonnent dans le conduit d’acier dévalant la monté d’escalier font un joli tintamarre qui s’accommode parfaitement avec les piètres efforts alors déployés par Lotus Eaters.
Reste un quart d’heure et un dernier titre. Celui-ci commence là où le premier s’était arrêté, c'est-à-dire profondément enfoui sous des couches épaisses d’un silence bourdonnant plutôt apaisant sauf que cette fois l’auditeur a très nettement la tête sous l’eau : c’est un monde subtilement aquatique qui se révèle, à peine troublé par quelques grincements de cordes et quelques grincements d’origine inconnue, et la descente reprend, toujours plus profondément, jusqu’à l’air libre (une poche d’air coincée depuis une éternité ?), des voix enfin, une lumière crue et une odeur d’encens un peu écoeurante. A nouveau un jardin qui semble familier. Finalement, Wurmwulv n’évite que de justesse la musique d’ambiance de magasin de bricolage zen et de gadgets bio-équitables pour cadres supérieurs alter mondialistes. Cela aurait pu être bien pire mais il y a fort à parier que dans quelques années les gentilles expériences sonores de Lotus Eaters prêteront à sourire.

mardi 25 décembre 2007

Come On Pilgrim

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C’est avec un malin plaisir que j’ai exprès gardé ce disque pour aujourd’hui, l’illustration de la pochette me semblant parfaitement compatible avec la mascarade de la nativité. Surtout, j’ai mis énormément de temps avant de me décider à écouter ce LP et j’ai mis au moins autant de temps avant de l’apprécier ne serait ce qu’un tout petit peu. Donc il a réussi à patienter jusqu’à maintenant sans trop de difficultés. De Om j’avais déjà écouté le premier album (Variations On A Theme) sur la simple croyance qu’un bon groupe a de grandes chances d’en engendrer plein d’autres tout aussi bons lorsqu’il se sépare : dans Om on retrouve en effet Al Cisneros (chant/basse) et Chris Hakius (batterie), autrement dit la section rythmique de feu Sleep, groupe de stoner/doom indécrottable -le guitariste Matt Pike ayant lui choisi l’option de l’exorcisme métallique sous amphétamines en fondant High On Fire. Une croyance bien ridicule et naïve je l’admets puisque après Sleep, Chris Hiakus a également joué dans The Sabians, groupe que je voudrais pouvoir oublier à tout jamais. Comme quoi.
Pour en revenir à Variations On A Theme, ce disque ne m’avait pas laissé non plus un grand souvenir, une autre croyance obscurantiste rendant à mes yeux Matt Pike irremplaçable. Et ça tombait bien, puisque -du moins au niveau de l’arithmétique- Om = Sleep – Matt Pike. Un calcul simple et un raisonnement lapidaire qui me faisait toujours penser (et dire) qu’Om n’était que le palliatif incomplet d’un groupe essentiel. Un batteur exécutant des rythmes vaguement complexes, une basse qui assure tout le sale boulot de remplissage et un chant traînant laissant vaguement deviner que c’était de la bonne qui se fumait dans les studios à ce moment là. De même, je suis toujours passé à côté des références bouddha/mantra/zen du duo.
Ecouter Pilgrimage ne m’a absolument pas fait changer d’avis sur Om. Mais les vapeurs d’encens et d’opium me sont cette fois ci davantage montées à la tête. Le morceau titre déjà -il figure deux fois sur le disque, au début de la première face et à la fin de la seconde, dans une version écourtée et transformée- est étonnement calme et contemplatif, à peine marqué par des percussions légères et reniflant la puanteur des eaux sacrées du Gange sur un peu plus de dix minutes, soit à peu près le temps qu’il faut pour arriver jusqu’à Katmandou en vol plané. C’est beau comme un voyage initiatique.
Mes deux titres préférés sont les deux autres, le court Unitive Knowledge Of The Godhead et Bhima’s Theme (encore une référence hindou me semble t-il). Le premier est de loin le meilleur, renouant avec les options musicales des deux premiers albums de Om, explosant lentement mais sûrement et servi par une qualité d’enregistrement -Steve Albini inside- absolument parfaite pour ce genre de musique. Le second est à peu près du même tonneau, sauf qu’il y a un passage aérien au milieu. Ce genre de métallurgie tantrique est décidément très à la mode par les temps qui courent. Mais comme je ne suis pas très mystico cérébral et que les subtilités de la spiritualité opiacée m’échappent quelque peu, je crois que je préfère nettement la philosophie de comptoir de Matt Pike et d’High On Fire, cheers !

lundi 24 décembre 2007

xbxrx, new gods of chaos ?

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Mais qui croit il tromper Weasel Walter, lorsqu’il annonce la fin des Flying Luttenbachers ? It’s official: the Flying Luttenbachers RIP (1991-2007) ou Mission is terminated c’est peut être un peu court mais cela prête surtout à sourire puisque ce groupe n’est que Weasel Walter invitant d’autres musiciens comme autant de mercenaires et -pour les pointilleux de service- on peut même signaler l’album Systems Emerge From Complete Disorder (2003) que notre bonhomme a enregistré tout seul, jouant de tous les instruments. Dans ces conditions annoncer le split du groupe d’un seul gaillard ou presque relève de l’absurde… L’absurde, c’est peut être finalement ce qui l’a séduit. Un dernier mot sur ce groupe qui fut l’un des rares à aller jusqu’au bout et avec succès d’un leitmotiv a priori casse-gueule mais imparable -death metal is free jazz- avec l’annonce d’un nouvel album posthume (ou presque), Incarceration By Abstraction et d’un DVD consacré à l’histoire tumultueuse et tellurique des Flying Luttenbachers et dont on peut trouver un avant goût ci dessous, ça promet :




…Ça promet à condition toutefois que ce DVD bénéficie d’un tirage un peu moins confidentiel et ne soit pas donc sold-out avant même sa sortie (comme pour l’album Cataclysm, genre 300 exemplaires…). Allez Weasel, fais un effort pour une fois.

C’en est donc bel et bien fini des Flying Luttenbachers -mais il ne faut jamais dire jamais, regardez Led Zeppelin- et ce n’est pas demain que l’on reverra ce groupe sur une scène. Par contre Weasel Walter sera effectivement présent sur la tournée de xbxrx au mois de janvier et pour celles et ceux qui se sont encore récemment extasiés des talents de mollardeur extraverti de David Yow lors des concerts de Qui et bien ce sera l’occasion de constater que Weasel Walter le batteur fou est encore plus efficace à ce petit jeu là, sauf que lui préfère glavioter sur ses musiciens et sur le public, c’est plus arty.
Pour en revenir à xbxrx, ceux-ci viennent de publier via Important records un nouvel album, Sounds, dont on se serait bien passé parce qu’il tente de réveiller le monstre de musique improvisée qui sommeil au plus profond du groupe sans réellement y parvenir. Quelques départs en flèches rappellent les speederies habituelles mais l’efficacité est le plus souvent absente de ces quelques pièces sûrement enregistrées un dimanche après-midi de pluie. Ce n’est pas franchement passionnant ni réellement ennuyeux (mis à part un titre avec piano et grincements en tous genres) mais c’est particulièrement inutile. L’inutile étant parait il l’apanage de l’art qui se touche on peut alors affirmer que ce disque n’apporte rien de nouveau à la théorie (et la pratique) de la branlette collective. En soi ce n’est pas si grave puisque on savait déjà que xbxrx n’était qu’un ramassis de losers magnifiques. Mais que cela ne vous dissuade pas d’aller les voir en concert parce que Wars, publié à peine quelques mois auparavant par Polyvinyl et que l’on peut considérer cette fois-ci comme un véritable album de xbxrx, est par contre un petit bijou de grind punk acidulé et déviant. Ce groupe est capable du meilleur comme du pire mais je sens que cela pourrait donner du bon gros fouchtra core pétaradant sur scène, façon gods of chaos


dimanche 23 décembre 2007

John Zorn à la cité de la musique

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Je ne peux pas résister à l'envie de donner le détail de la carte blanche à John Zorn, semaine de concerts programmés et consacrés au new-yorkais du 23 au 27 juin 2008 à la cité de la musique à Paris. Mais où est donc passé Fred Frith ?

Le 23 juin, Six Litanies For Heliogabalus avec Mike Patton, Trevor Dunn, Joey Baron, Jamie Saft, Ikue Mori et trois choristes.

Le 24 juin Cobra avec Mark Feldman, Erik Friedlander, Mike Patton, Marc Ribot, Jamie Saft, Steve Drury, Trevor Dunn, Ikue Mori, Cyro Baptista, Joey Baron, Kenny Wollesen et William Winant

Le 25 juin, The Gift volume 2 (Fearytales) et Electric Masada avec Marc Ribot, Jamie Saft, Trevor Dunn, Ikue Mori, Cyro Baptista, Joey Baron et Kenny Wollesen.

Le 26 juin (cette fois ci à la salle Pleyel), Uri Caine en solo, le Masada String Trio et le Masada quartet.

Le 27 juin, Mysterium.

[22 euros la soirée, 29 euros le 25 juin. Pour le concert à la salle Pleyel c’est entre 30 et 45 euros…]

Et pendant que j’y suis : la publication par Tzadik du très attendu Xaphan de Secret Chiefs 3 (volume 9 de la série Book of Angels) est reportée au mois de février 2008…


samedi 22 décembre 2007

Ulan Bator : l'ego, l'écho


Conversation d’avant-concert :
-Alors les gars ça va ? Contents de jouer ce soir ?
- …
-Bon. Au fait, pourquoi vous vous appelez Banaus ?
-Ben, tu comprends, Bauhaus c’était déjà pris…

Banaus joue du post rock. Mais ces quatre garçons ont bien compris la leçon, ils savent que le post rock c’est chiant, rabâché jusqu’aux oreilles et rongé jusqu’à l’os par l’ennui, alors ils ont décidé de mettre un peu de vitesse pour soutenir leurs entrelacs de guitares. Certains titres n’échappent pas aux inévitables montés en puissance (qui sont au post rock ce que la mayonnaise est à l’oeuf dur, crise de foie y compris) mais ça ne traîne pas : pas le temps d’écouter le paysage que déjà on est dans le vif du sujet, les guitaristes déballent des plans qui sortent un peu des sentiers battus trop symptomatiques du genre (encore un oeuf dur pour la route ?) et la basse -joli son, surtout lorsque les cordes sont jouées aux doigts- apporte une assise assez mélodique à l’ensemble. L’avant dernier titre est celui qui me convainc le plus, il faudrait juste que ces joyeux musiciens arrêtent de regarder leurs pieds lorsqu’ils jouent -total shoegazing pour le guitariste tout à gauche- et que le bassiste se remette à raconter des blagues stupides et sexistes comme au bon vieux temps de De Ku Dilacht, l’un de ses précédents groupes.

















Amaury Cambuzat, seul rescapé de la formation originelle d’Ulan Bator, faisait part avant le concert de sa lassitude : marre de parcourir les routes depuis plus de quinze ans, marre de monter des tournées par ses propres moyens, marre des plans foireux, lassé du peu d’écho que rencontrent les disques d’Ulan Bator. Certains croient même comprendre que ce soir ce sera le dernier concert du groupe. La formation actuelle est sans Olivier Manchion qui a à nouveau quitté Ulan Bator depuis la mi 2007 mais son remplaçant est tout aussi efficace. La différence notoire entre la formation des débuts et celle de maintenant c’est qu’auparavant la musique du groupe reposait sur une construction rythmique sans faille (Franck Lantignac était également un sacré batteur) sachant faire tourner un groove à la fois hypnotique et noise ; désormais, tout ce que fait Ulan Bator est axé sur la guitare et la voix d’Amaury Cambuzat, comme s’il y avait eu un glissement du centre de gravité du groupe.

J’ai un peu de mal à rentrer dans ce concert. Je fais pas mal d’allers et retours entre le devant de la scène du Sonic et le fond du bar, parfois un passage m’attire mais la voix me rebute toujours et encore : cette voix est le principal problème d’Ulan Bator, faiblarde et sans timbre, vouloir chanter des textes de manière intelligible (et en français) n’est pas une solution. A la moitié du concert, je finis par rester devant, enfin pris par les tourbillons noisy des chansons d’Ulan Bator, séduit par la guitare qui se fait de plus en plus incisive tandis que basse et batterie font une belle démonstration. Amaury Cambuzat annonce Lumière Blanche (c’est un titre de Végétale, le troisième album) mais, devant l’absence totale de réaction du public à son annonce, essaie de s’en sortir par une pirouette désabusée. Ce sera son dernier signe de faiblesse : la musique d’Ulan Bator devenant toujours plus tendue, la réponse du public se fait toujours plus forte et le chanteur/guitariste rentre complètement dans le jeu. Lorsque le groupe joue D-Press T.V. (extrait de l’album ) c’est l’envolée totale. Deux titres en guise de rappel et un final qui fait comprendre toute l’influence qu’a pu avoir Faust, avec qui Amaury Cambuzat a beaucoup joué depuis le milieu des années 90, sur Ulan Bator.












Alors ce soir c’était vraiment la fin du groupe ? Lorsque après le concert j’en parle au chanteur/guitariste (visiblement content) il me répond que le groupe va faire un break de six mois. Plus de concerts, faire autre chose, surtout faire le point. Il a de nouvelles compositions de prêtes dont il ne sait pas encore si elles seront un jour enregistrées par Ulan Bator. On verra bien. Il a également renoncé à jouer avec Faust (il y a moins d’un an il accompagnait encore ici même Jean-Hervé Péron pour un concert complètement foutraque) et il a l’air de penser à tout autre chose…

[nota bene : actuellement on retrouve Olivier Manchion et Franck Lantignac, ex Ulan Bator, au sein de Permanent Fatal Error]


vendredi 21 décembre 2007

Ulan Bator + Banaus

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Un procès d’ajourné n’empêche pas de continuer à organiser des concerts : ce soir au Sonic c’est spécial naphtaline et eau de Cologne Mont Saint Michel avec un concert de vieux pour les vieux... Ulan Bator (que je n’ai pas du voir sur scène depuis près de dix années) et Banaus, avec des anciens De Ku Dilacht dedans (et oui…).


jeudi 20 décembre 2007

Hasta la vista baby

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Belle mobilisation ce matin pour l’audience des responsables du Sonic au tribunal de Lyon, dans le cadre de l'affaire de l'affichage libre. Des dizaines de personnes ont répondu présent : des vieux, des jeunes, des grands, des petits, des gros, des membres de groupes, des anciens de l’organisation de concerts, des membres d’associations toujours actives, des labels, des représentants de salles et des anonymes comme moi dont la seule motivation est de pouvoir continuer à assister à des concerts sans que personne ne trouve rien à y redire. Une équipe de France 3 dans un coin (mais qui partira bien vite), deux ou trois types dans le hall qui font semblant de regarder ailleurs mais qui surveillent parfaitement tout ce qui se passe juste au cas où il y aurait de dangereux terroristes dans la foule. Car foule il y a, et ça coince à l’entrée au passage des portiques. Un quart d’heure que j’attends et je ne suis toujours pas passé au détecteur à métaux. Beaucoup de gens sont déjà rentrés, il y en a au moins autant derrière moi. Combien sommes-nous pour soutenir le Sonic ? Cent Cinquante personnes, peut être plus encore, si on demandait aux gugusses qui font toujours semblant de rien dans le hall ils répondraient sans doute quarante. Les deux fonctionnaires de police chargés de la fouille à l’entrée commencent à criser sérieusement devant l’ampleur de la tâche. Il y a trop de monde.
Lorsque j’arrive enfin dans la salle d’audience celle-ci est pleine. Pire, tout semble déjà terminé. Explications : l’avocat du Sonic a déposé hier toutes les pièces du dossier, il a donc parfaitement respecté les délais mais le procureur prétend n’avoir eu accès à ces pièces que ce matin et donc n’aurait pas eu le temps d’en prendre connaissance. En conséquence de quoi le procès est reporté au jeudi 31 janvier 2008. Ce n’est même pas une déception, il fallait s’y attendre, toute cette agitation est bien trop embarrassante en période pré-électorale. Comme si toutes les personnes venues ce matin n’allaient pas revenir dans un mois et demi. A Lyon, il semblerait qu’il n’y ait que deux alternatives, la culture starac qui empêchera personne de dormir et le consensus mou. Donc c’est reparti pour un tour de mobilisation sans faille, parce que les intimidations, les convocations continuent de pleuvoir (les membres de l’association S'étant chaussée doivent se présenter au commissariat le 24 décembre…) et parce que sans petites structures alternatives -salles comme organisateurs- il n’y aura bientôt plus de concerts dignes de ce nom à Lyon.

mercredi 19 décembre 2007

Soutien au Sonic pour la défense de l'affichage libre !

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Demain a lieu l’audience concernant les plaintes déposées par la mairie de Lyon contre le Sonic pour affichage sauvage. Comme tant d’autres je préfère moi parler d’affichage libre. Il n’est pas inutile de rappeler que ce procès concerne trois affiches collées en avril 2007 et que la peine encourue est de 500 euros par affiche. Si la sanction maximum est décidée et si d’autres plaintes pour affichage illégal après le mois d’avril 2007 aboutissent, il est bien évident que le Sonic fermera, victime de la banqueroute -qui peut se permettre de payer des amendes à répétition d’un tel montant ? Pas les petites structures alternatives. Ce sera la disparition inéluctable d’une salle à la programmation courageuse proposant de la musique différente et autrement. Rappelons également que les associations organisant des concerts au Sonic (ou ailleurs…) sont elles aussi visées, on peut citer S'étant Chausée et Atropine.
Certains parlent de malédiction lyonnaise -le Pezner, le [kafé mysik]…- mais en la matière il n’y a pas de fatalité qui tienne : ces actions sont purement et simplement politiques, une grande ville comme Lyon avec ses musées, ses festivals, ses traquenards à touristes, sa politique culturelle à plus petit dénominateur commun et sa volonté de rayonnement international (ce n’est pas moi qui le dit…) peut et doit aussi laisser un peu de place aux cultures underground. L’équipe du Sonic invite qui voudra les soutenir à venir assister au procès, demain jeudi 20 décembre au tribunal de Lyon. Une telle invitation ne se refuse pas.

[pour lire en détail le texte colérique, mais à bon escient, du tract il suffit de cliquer dessus]


mardi 18 décembre 2007

Les hollandais volent toujours

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C’est en lisant des chroniques de disques de plus en plus nombreuses -un exemple ?- que j’ai enfin réalisé que De Kift bougeait encore. Mieux que ça, l’un des secrets les mieux gardés de la branchitude underground a même publié un disque en français. En français ? Exactement. Ce qui pour un groupe batave n’est pas une mince affaire. Ce disque, tout simplement dénommé par le chiffre 7 puisqu’il s’agit du septième album du groupe est la version française d’un album paru lui en 2006 dans la langue d’origine de De Kift, le hollandais. Il y avait déjà eu en 2005 un CD compilant des vieux titres destiné uniquement au marché français et même le site internet officiel du groupe a été traduit.
Pour différencier les deux éditions de 7 c’est très simple : le sept est imprimé sur un timbre au fond bleu turquoise pour la version hollandaise et au fond rose pour la version française. Un timbre ? Comme pour tous ses disques précédents, De Kift a opté pour l’emballage de luxe, cette fois ci le résultat est beaucoup moins spectaculaire qu’auparavant -pas de cadre photo à clouer au mur ni de boite à cigares, pas de vignettes à coller dans un livre (rappelle-toi l’année 1976 et ton album Panini, lorsque tu avais enfin complété la page 28, celle de l’A.S.S.E.) et encore moins de scène d’opéra en relief- mais 7 bénéficie toutefois du haut de gamme, une épaisse enveloppe carrée en papier kraft contenant un CD (encore heureux) ainsi qu’un copieux livret en papier recyclé avec textes en version originale et traductions en français et en anglais…
De kift aime la France et la France aime De Kift mais pourquoi insister autant en publiant un disque en français ? Le résultat en vaut il la peine ? Je n’aurai jamais la réponse car je n’ai pas pu me résoudre à écouter 7 dans une version autre que celle de sa langue d’origine. La magie De Kift fonctionne énormément grâce à cette langue incompréhensible et racleuse qu’est le hollandais, sous la conduite irrrésistible de la voix inimitable et embuée que possède Ferry Heyne.
7
est tout simplement un album supplémentaire de De Kift, loin des exubérances lyriques du précédent Vier Voor Vier. Le groupe vieillit et sa musique aussi -pas question d’assagissement, non, mais une certaine langueur qui s’installe doucement. De Kift ressemble de plus en plus à cette fanfare fantomatique filmée par Bruno Dumont pour l’un de ses films (débordant de réalisme et de mépris mais là n’est pas le propos) : la beauté du truc inexorable, la poésie de l’inutile, la chaleur du moment partagé. Mais il faut peut être attendre le huitième morceau pour soudain avoir envie de danser la bourrée en renversant sa chope de bière et pour la première fois aucune chanson ne donne réellement envie de pleurer. De Kift est définitivement un chien fatigué qui ne fait rien d’autre qu’à son rythme. Donc pour rien au monde je n’écouterai la version française de ce disque, il y a des choses que je préfère ne pas comprendre (je ne lis pas les traductions non plus) et des intentions qui doivent rester floues.

lundi 17 décembre 2007

A tombeau ouvert

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La voilà donc, la compilation de Jon Spencer Blues Explosion (pour l’occasion le groupe a retrouvé son nom en entier) et c’est In The Red qui publie ce bouche-trou. Bouche-trou mais pas amuse-gueule: dessus figure l’intégralité des singles du groupe publiés dans le cadre des Jukebox series, plus quelques pseudo inédits et fonds de tiroirs qui justement traînaient par là, ce que le label appelle fort pudiquement des jam sessions. Le package obtenu contient pas moins de dix huit titres, chez In The Red on ne se fout pas de la gueule du client d’autant plus que la quasi majorité des titres proposés vont du bon au formidable.
Puisque Jukebox Explosion est une compilation c’est donc que nombre des morceaux qui y figurent sont loin d’être des inédits. C’est vrai. Peut être avez-vous chez vous un ou plusieurs de ces singles emballés dans une pochette de papier blanc et agrémentés d’une étiquette de 8 x 2,5 centimètres imprimée du nom de Jon Spencer Blues Explosion et indiquant les deux titres figurant sur la galette de vinyle, étiquette destinée au jukebox que vous possédez sûrement aussi et dans lequel vous n’avez pas manqué de placer le dit single. Personnellement j’ai retrouvé un exemplaire de Get With It/Down Low, quatrième 45 tours de la série, que je n’avais jamais réellement écouté et je me demande bien pourquoi : de tous les titres de Jukebox Explosion ils figurent parmi les meilleurs. Get With It démarre avec un piano presque baltringue, le rock’n’roll du Blues Explosion débaroule en à peine plus d’une minute et demi, soit à peine le temps de retrouver son souffle après une bonne suée conduite par un harmonica furieux ; en face B Down Low assure la continuité, arrive à atteindre les deux minutes (plus une seule petite seconde…) et donne immédiatement envie de retourner le disque pour recommencer. Et ça tombe bien parce que des morceaux courts mais efficaces de cette trempe Jukebox Explosion en est bourré. A croire que les Jukebox series étaient une véritable mine d’or…

Il ne s‘agit pas que d’enregistrements antédiluviens de la part du Jon Spencer Blues Explosion (par exemple Get With It et Down Low ont été enregistrés pendant les mêmes sessions que l’album Now I Got Worry) mais certains masters ont semble t-il été perdus puisque le repiquage d’après les vinyles d’origine s’entend très bien -ces bons vieux craquements- ce qui donne une coloration encore plus brute au trash-a-billy garage punk du groupe. Les titres les plus anciens rappellent le bon vieux temps des premiers albums, jusqu’à Extra Width inclus, et cultivent ce savoureux paradoxe qui consiste à rendre datés les titres les plus récents : c’est dans la furie lo-fi d’une cave puante que Jon Spencer, Judah Bauer et Russels Simins étaient vraiment les meilleurs.
J’aime beaucoup aussi l’illustration d’un rouge criard et saturé de la pochette de ce disque qui montre nos trois gaillards en train de creuser une tombe, fossoyeurs des musiques mammouths des 90’s dont quelques noms emblématiques illustrent des pochettes de disques jetées au sol -une imagerie tellement galvaudée qu’elle ne fait même plus sourire. Mais ce n’est pas grave.

samedi 15 décembre 2007

Quatre ans et toutes ses dents

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Juste une page de publicité pour celles et ceux qui ne partent pas en week end (bande de losers), ce soir c’est l’anniversaire de la librairie Grand Guignol et ça se passe dans les salons -avec moquette au sol et bar à tapas- de Grrrnd Zero, c'est-à-dire au 40 rue Pré Gaudry, Lyon 8ème (Gerland).

Au programme, parce que le fly ci-dessus est illisible : 80 Dates + Jérôme Noetinger, Mesa Of The Lost Women (avec comme invité de luxe Jac Berrocal) et Ned.

vendredi 14 décembre 2007

Death To Pigs : Carnal Carnival

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Le voilà donc enfin cet album de Death To Pigs… et avec un tel nom de groupe et un titre pareil (Carnal Carnival) on tient là une fois de plus un exemple typique de la stupidité congénitale des groupes de gore grind sexuel dont le nord et l’est de la France se sont malheureusement fait un spécialité, mélange de n’importe quoi et de tout le reste aussi. Ahah, je me suis trompé dans mes fiches bristol, j’ai bêtement confondu avec Gronibard, désolé. DEATH TO PIGS, donc, les rois nancéens de la non métaphore rock’n’roll : pas de chichis, pas de superflu ni de risques d’embourbement, le tout c’est d’aller directement à l’essentiel. Pas de problème pour les étincelles, ce n’est pas ce qui manque et c’est même un véritable brasier qui s’allume sous nos yeux -les poils des oreilles qui crament, les ORL protestent, la cervelle qui fond, trépanation pour tous, petit goret je veux bien être ton tire-bouchon.
Ces petits gars ont tout compris et reprennent avec talent et conviction quelques recettes bien digérées et revomies il y a quelques années (mais il n’y a pas trop longtemps non plus…) par de prestigieux anciens qui eux même s’étaient consciencieusement biberonnés en écoutant leurs illustres prédécesseurs qui etc. Death To Pigs ranime la flamme d’un rock’n’roll suintant et hormonal, celui qui fait pousser les boutons d’acné sur le nez justement le jour où on doit conclure avec la plus belle fille du quartier mais qui n’empêche pas de bander comme un cochon affamé.
Il y a seize titres repartis sur les deux faces de ce LP en vinyle noir, autant dire que ça joue vite, intensément et que c’est court de bouillon. La rythmique est menée par une basse qui fait tout ce qu’elle Pew (et c’est déjà beaucoup), les riffs peuvent rappeler ceux de Jesus Lizard (celui en introduction de Fat Free ne serait il pas un pompage intégral du groupe de Chicago ?), le chant est aussi geignard/crispant que dans Arab On Radar mais renvoie également à un certain David Yow -et oui, encore lui. Le guitariste applique parfaitement le principe mentionné plus haut qui dit que plus c’est simple et plus c’est efficace mais envoie de temps à autre des enluminures bien troussées et très post punk, Death To Pigs sait alors se faire groovy et enlevé, reprenant même excellemment ESG le temps d’un court titre furieusement dansant et destiné à coup sûr à en finir définitivement avec la plus belle fille du quartier qui attend toujours depuis tout à l’heure et en a marre des promesses. Ses promesses, Death To Pigs les tient haut la main -il n’y a qu’a écouter le dernier titre- et mérite à l’unanimité la prestigieuse appellation punk as fuck.

En attendant de (re)voir ces délinquants sur scène -en février 2008 je crois- il vous est donc vivement conseillé de vous procurer ce disque auprès de Gaffer records.

jeudi 13 décembre 2007

Alles Wieder Offen (tout est à nouveau ouvert)

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Einstürzende Neubauten est il encore autre chose que le groupe de Blixa Bargeld ? Depuis les départs de Mark Chung et de FM Einheit il y a déjà quelques années lumières de ça, l’aspect collectif du groupe s’est lentement dissout dans une forme plus conventionnelle avec leader. C’est encore plus flagrant sur Alles Wieder Offen, dernier album des berlinois. Il n’y en a que pour Blixa Bargeld qui clame à longueur d’interviews qu’il est très fier de son chant sur ce disque et que sa voix a été mixée exprès très en avant. Il n’y a rien de contestable dans tout cela mais cette fois ci -à quelques exceptions près- le résultat dépasse le stade du plaisant, Alles Wieder Offen fait naître un regain d’intérêt pour un groupe qui paraissait un peu perdu dans une démarche revendiquée d’absolu et de pureté. Car cela fait des années qu’Einstürzende Neubauten ne présente plus rien d’innovant et pour la première fois ils ont l’air de l’admettre, fini les boursouflures et les hymnes ridicules à la Silence Is Sexy, le post romantisme semble enfin correctement digéré et recraché, les trouvailles sonores se font certes très discrètes et plus que jamais on peut parler de chansons mais -c’est une surprise- la musique atteint ici un état de fraîcheur et d’élégance qui n’empêche pas à l’occasion quelques petites tensions, quelques dérapages abrupts et dangereux.
Le disque commence même très bien avec Die Wellen, courte montée d’adrénaline conduite par une basse sourde et un piano répétitif et qui s’arrête in extremis au bord du gouffre sans que l’absence de catastrophe ne devienne frustrante. Au contraire, Nagorny Karabach et Ich Hatten Ein Wort ont du mal à se faire une place : il s’agit de pop songs résolument doucereuses et atmosphériques -c’est plutôt joli mais (surtout pour la première) le chant de Blixa Bargeld semble mal placé, appuyant lorsque il ne le faut pas et inversement. Passées ces réticences, le retour à plus de conviction est confirmé avec le très entraînant Let’s Do It A Dada (une référence évidente pour ce groupe mais puisqu’il fallait le dire…) ou le magnifique, et comme par hasard plus long morceau de l’album, Unvollständigkeit, qui malgré son titre -incomplétude- est le moment le plus beau, le plus fort et le plus abouti de Alles Wieder Offen. Dernier détail -mais il a son importance- Blixa Bargeld chante à nouveau strictement en allemand, une langue aux sonorités magnifiques dont il sait parfaitement jouer, tant au niveau du rythme que celui des à coups avec par exemple la diversité ambitieuse du chant explorée sur Von Wegen. Tout au long de l’album il n’a d’ailleurs que très peu recours aux cris et autres déchirements vocaux dans lesquels il est pourtant expert. Un chant calme quoi, pour un album qui l’est lui aussi, mais faussement. Einstürzende Neubauten s’est réconcilié avec l’insidieux.

[Et puis c’est officiel, Einstürzende Neubauten fait partie du programme de l’édition 2008 des Nuits Sonores, ce sera le 11 mai à Lyon. Une tournée européenne est également prévue.]

mercredi 12 décembre 2007

Agathe Max vs Laura Ingalls


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Le concert au ras de pâquerettes de la semaine et dans le sens littéral du terme c’est à dire avec des fleurs de partout et de l’amour sucré qui colle autant qu’un dragibus sur une molaire plombée. Serafina Steer est une jeune anglaise qui chante avec un tout petit filet de voix en s’accompagnant d’une harpe -une vraie, qui mesure deux mètres de haut et pèse cinq cents kilos. C’est doucement amer, gentiment acidulé et dans le meilleur des cas ça me fait penser à CocoRosie (sans le kitsch ni l’alcotest positif) qui se prendrait pour Mary Poppins sauf que cette fois-ci ça fait vraiment peur. Sur un titre ou deux son chéri l’accompagne au banjo et je me dis que ces deux là doivent passer de sacrées soirées ensemble. A noter pas mal de reprises, dont une de Brian Eno (d’après ce qu’elle dit, mais je n’en sais rien) et une autre de The River Of No Return, chanson popularisée pendant les années 50 par une blonde célèbrissime. Mais qu’est ce que je fous là ?






















La réponse est toute simple, je suis venu pour Agathe Max. La demoiselle entame son set à la voix, quelques pédales d’effet à ses pieds et une petite lampe qui l’éclaire de face tandis que les lumières rouges de la scène du Sonic la placent en contre-jour. Elle met en boucle, superpose, entasse, déforme, interrompt, ranime, mélange, extrait puis attrape son violon dont elle tire ces sons toujours aussi effrayants et leur fait suivre le même traitement qu’aux voix. Une trame répétitive est définitivement installée, reviendra sans cesse hanter une première partie de prestation qui s’étire sur la longueur sans effets secondaires indésirables -si faire de la musique minimalisme consiste à abolir le temps (dans le sens de continuum), le résultat obtenu par Agathe Max est de ce point de vue particulièrement spectaculaire.
De violentes interruptions du motif principal me ramènent parfois un peu plus à la réalité, surtout lorsque le son devient très fort et les stridences magnifiquement insupportables. Je suis plongé dans une espèce d’hébétude débarrassée de tout complexe idiot, je me laisse porter et j’ai à peine le temps de remarquer qu’Agathe Max a repris son micro ou se penche parfois pour modifier les réglages de ses pédales. Puis elle prend une lampe de poche, fait la circulation aérienne autour d’elle, aveugle une partie du public. Durant toute cette première partie elle n’aura eu de cesse de développer ses sons, restant maîtresse d’un processus qui ne semble à aucun moment lui échapper, décidant dans cette marée de sensations sonores ce qui doit être et ce qui ne doit plus être : la musique s’interrompt brutalement alors que la machine à émotions aurait pu continuer pendant encore longtemps. Un second et dernier petit titre et c’est la fin, un peu de promotion pour le CD qui vient tout juste de paraître sur Angry Ballerina records et dont je vais me faire un plaisir de reparler très bientôt.

Il reste un dernier groupe pour la fin de la soirée. Spires That In The Sunset Rise est un duo de filles (ne me demandez pas pourquoi elles sont trois sur les photos) et elles arrivent très en retard sur le coup des 22h30, après seize heures de train disent-elles. J’ai une grosse envie de partir et cette envie grossit au fur et à mesure qu’elles prennent tout leur temps pour s’installer, régler leur son, déplacer un ampli un peu vers la droite, accorder un violoncelle. Je patiente en ironisant facilement avec quelques connaissances sur l’allure toute campagnarde de ces deux jeunes filles -Laura Ingalls étudiante aux Beaux Arts- et nous nous attendons, moi et mes préjugés laxistes, à un concert au moins aussi fleuri et enchanteur mon amour que celui donné par Serafina Steer. Je ne résiste pas aux deux premières minutes d’une musique folk d’opérette et prétentieuse et j’abandonne la partie avant que les bonnes résonances insufflées un peu plus tôt par Agathe Max ne disparaissent -même si au fond je doute que cela soit réellement possible.

mardi 11 décembre 2007

Cyrod, dessine moi un mouton

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Cyrod : je ne comprends pas grand-chose dans les différentes déclinaisons de ce projet multiforme (un, deux et trois) mais je sais quand même que derrière tout ça se cache un homme et un seul -si j’ajoute à la liste Cockchafer Goodbye! et peut être aussi le label DIY Kuryakin (est ce que j’en ai oublié ?) plusieurs options s’offrent à moi : soit notre homme est rentier et ment à ses parents, soit il est chômeur longue durée mais il a trouvé une très bonne raison pour quand même se lever le matin.
En tous cas je doute fort qu’il ait des enfants, il a déjà fort à faire pour s’occuper avec lui-même. C’est l’album Routes de Cyrod que j’ai gentiment reçu, toujours avec cette appréhension du décalage entre ce qui est en écoute sur un site internet et ce qui est gravé sur un disque, un vrai.



















Une illustration et un nom d’album qui ne laissent planer aucun doute, neuf parties sans titres mais numérotées dans l’ordre puis un dernier morceau qui s’intitule Winsful : les intentions du disque semblent claires comme de l’eau de roche -démarre, embraye, passe la première, enlève le frein à main, accélère, passe la deuxième, etc, et c’est parti pour un petit voyage pépère. Oui, mais non. Pas tout faux mais presque. Parce que Routes n’est pas un petit chemin bucolique semé de pâquerettes et de nymphettes alanguies, écouter ce disque n’a rien à voir avec maîtriser sa voiture à allure lente ou modérée, le trafic étant faible ou nul. Il n’y a rien de désagréable ici, certes non, mais tout au long de Routes l’auditeur va de surprise en surprise et l’ensemble de celles-ci étant plutôt bonnes, le voyage tourne rapidement à la découverte.
Difficile de préciser dans quel style évoluerait Cyrod -il y a de la guitare et il sait en jouer, il y a de la voix et il sait chanter, il y a plein de zigouigouis de travers et il sait rafistoler- et il faudrait plutôt parler de démarche. Une démarche pas très éloignée de celle d’un Nurse With Wound (dans le sens dada et ludique du terme) qui consiste à essayer, puis lentement faire glisser le résultat vers autre chose et, hop, on est déjà ailleurs. Ce peut être quelques notes éthérées de guitare répétées à l’envie ou des voix immatérielles soudain perturbées par une nappe sonore que l’on croirait tout droit sortie des expériences telluriques d’un Lustmord. Ce peut être aussi un coulis de violons (cette fois j’y vois du Foetus) avec un glitch quasiment subliminal. Ou des tentatives de folk robotique et noisy qui tournent court. Certaines plages peuvent paraître un peu longuettes, trop répétitives mais il y a toujours un ou des éléments perturbateurs -pas tout de suite discernables, souvent en décalage (le sifflement morriconien sur les voix traînantes de la neuvième partie par exemple) et qui parfois passent au premier plan. Ce disque n’est que du bricolage (de la musique d’appartement nous dit son auteur) mais c’est du bon bricolage comme je l’aime.

lundi 10 décembre 2007

Jazzwerkstatt


Le label Jazzwerkstatt (basé à Berlin et à ne pas confondre avec son homologue viennois, également très intéressant) poursuit son petit bonhomme de chemin, c'est-à-dire organise des concerts de free jazz et de musique improvisée à Berlin ou Postdam et publie sporadiquement des disques : Peter Brötzmann, Rudi Mahall, Last Exit, Charles Gayle ou Steve Lacy figurent au catalogue. Il y a une homogénéité semble t-il parfaitement revendiquée en ce qui concerne la présentation des disques et le design des pochettes. Si on ajoute à cela le mode de fonctionnement de ce workshop jazzophile, on obtient une maison dans les caractéristiques et la couleur du crépi (mais pas encore la taille des pièces ni la superficie au sol, patience…) font indéniablement penser à un autre label berlinois : Free Music Productions, alias FMP, grand et prestigieux label s’il en est et qui abrite également la plupart des musiciens que l’on retrouve sur Jazzwerkstatt.
A noter la référence jw024, Touchin’ On Trane, par le trio composé de Charles Gayle, William Parker et Rashied Ali : je me demande si celle-ci correspond au même disque que celui publié en 1993 par FMP ou s’il s’agit d’une nouvelle version (en concert ?). Au passage, la référence FMP est peut être l’un des meilleurs enregistrements de Charles Gayle et c’est également le plus beau (à défaut d’être le meilleur ?) disque enregistré en hommage à John Coltrane que je connaisse et ce sans la moindre reprise issue du répertoire du saxophoniste aux pas de géant. Il va donc falloir que j’écoute la version Jazzwerkstatt pour en avoir le coeur net. Pour information, on peut trouver ici le descriptif technique des références du label mais malheureusement pour l’instant il n’y a que les seize premières.




















Ecouter les disques de Jazzwerkstatt est un peu problématique : ce label est très mal distribué mais les gens qui s’en occupent ont eu la bonne idée de le faire également par eux même (il suffit de leur envoyer un petit mail) et à des prix raisonnables. Ce n’est pas la quête du Graal mais presque, une quête dont les efforts sont toutefois justement récompensés. Ceci dit, c’est tout de même préférable à une distribution française via Orkhêstra, distributeur soi-disant spécialisé dans les labels difficiles (Tzadik, ReR Megacorp, Sub Rosa… ) dont la politique de prix -tellement élevés qu’ils en deviennent prohibitifs- est d’autant plus scandaleuse qu’Orkhêstra exige l’exclusivité de la part des labels qu’il distribue. Ainsi, Metamkine a par le passé été plusieurs fois obligé de renoncer à vendre par correspondance les références de certains labels pour devoir respecter cette clause d’exclusivité -ce qui est fort dommage lorsqu’on sait qu’un disque vendu par Metamkine est en moyenne 50 % moins cher qu’un disque vendu par Orkhêstra…

Les deux dernières références Jazzwerkstatt sur lesquelles j’ai pu mettre les oreilles sont Sonore, Only The Devils Has No Dreams (jw013) et Rudy Mahall Quartett (jw019). La première présente en fait un trio composé de Peter Brötzmann, Mats Gustafsson et Ken Vandermark enregistré lors d’un concert organisé par le label à Berlin (bien sur) le 27 septembre 2006. Le second est un enregistrement studio du quartet conduit par Rudi Mahall (clarinette basse) accompagné de Aki Takase (piano), Johannes Bauer (trombone) et Tony Buck (batterie, connu des rockeux amateurs de sensations fortes parce qu’ayant participé à Kletka Red au côté d’Andy Ex ou à Peril avec Otomo Yoshihide). J’avais tendance à trouver Only The Devils Has No Dreams plus hermétique que le Rudi Mahall mais j’ai fini par me raviser : un trio de saxophones, sur le papier, ça ne fait pas forcément envie à tout le monde mais celui-ci (grâce notamment au toujours très mélodieux Ken Vandermark) privilégie les notes et non pas les bruits de tuyaux, le chromatique au mat de l’acier poli. Le quartet de Rudi Mahall lui ne s’éloigne jamais de certaines caractéristiques d’un free jazz typiquement européen et pratique l’improvisation sur un mode qui désormais peut paraître daté voire éculé. Vieille de quarante années en ce qui concerne ses premiers participants, cette scène européenne rabâche un peu, se mord la queue mais il n’empêche que Jazzwerkstatt prouve qu’il se passe encore de bonnes choses de ce côté là. Après, c’est juste une question de goût.

dimanche 9 décembre 2007

Piouhgd + Widowermaker !

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Après quatre années d’interruption Latino Buggerveil reprend la réédition des albums des Butthole Surfers et c’est au tour de Piouhgd d’être relifté. C’est à la fois une très mauvaise et une très bonne nouvelle : Piouhgd (1990, sorti chez Rough Trade en Europe et chez Capitol aux US, faîtes vos jeux) est l’un des plus mauvais albums des Butthole Surfers -tellement mauvais que s’en est une énigme qui lui confère instantanément ce petit côté attachant que l’on donne aux bibelots achetés pendant sa jeunesse, ceux que plus tard on se plaira à exhiber sur un napperon en dentelle posé au dessus de la télé- mais cette nouvelle parution est agrémentée du EP Widowermaker! qui lui est l’un des meilleurs disques des psychopathes texans. Au total ça nous fait dix-sept chansons, une grosse heure de séance d’électrochocs et un disque qui démarre dans le navrant autoparodique et s’achève dans la plus complète désinvolture. Et en plus c’est une façon comme une autre de rendre à nouveau disponible un Widowermaker! absent depuis beaucoup trop longtemps des bacs de disques, détail qui en réalité est très loin d’en être un.
Un petit résumé de Piouhgd ? Pas vraiment facile de se faire -même après toutes ces années d’oubli- une idée convaincante de cet album. Le pire y côtoie l’atroce, le grotesque y concurrence l’inutile et le stupide y nique l’absurde. Peut être la faute à cette surproduction, les guitares démultipliées, le psychédélisme baveux -les Butthole Surfers avaient touché beaucoup de thunes pour faire l’enregistrement, ils comptaient bien tout dépenser et pas seulement en gnôle, en dope et en putes à l’arrière d’un pick-up flambant neuf. A noter aussi la country à répétition de Lonesome Bulldog (le chanteur Gibby Haynes aimant bien traire les vaches ; d’autres exemples de son talent d’artiste ici) et quelques fausses bonnes idées comme la reprise de The Hurdy Gurdy Man de Donovan, reprise qui pourtant faisait les beaux jours des étudiants batcave sur la piste de danse du Toy Club au début des années 90, enfin bref. Il y a aussi beaucoup de synthétiseurs sur ce disque, tellement trop que lorsque arrive Something -un rip off absolument parfait de Jesus & Mary Chain- c’en est presque une délivrance.












Passons donc au EP Widowermaker!, publié une année avant Piouhgd et tout aussi psychédélique et psychotique mais avec le gras en moins. En seulement quatre titres (dont le fabuleux Helicopter et le non moins excitant Booze, Tobacco, Dope, Pussy, Cars -je vous l’avais bien dit), les Butthole Surfers bottent le cul du monde entier et vomissent avec une réelle délectation sur toute forme de bon goût. Et je vomis avec eux.
Il ne reste plus qu’à espérer que Latino Buggerveil (en fait c’est le batteur qui s’occupe du label) n’attende pas quatre années de plus pour continuer les rééditions du reste du back catalogue des surfers proctologues, même si le plus gros -les années 83/89- a d’ores et déjà été fait. Manquent le superbe Double Live (1989), Independant Worm Saloon (1993), The Hole Truth And Nothing Butt (1995) et peut être aussi Electric Larryland (1996) pour terminer le sale boulot. On laissera tomber l’insipide Weird Revolution et on aura ainsi l’intégralité ou presque d’une discographie passionnante à nouveau disponible sur support -je dis ça, je dis rien mais tous les albums du groupe se trouvent tout de même très facilement et sans chercher beaucoup en mp3 quelque part dans le monde virtuel, hop deux ou trois petits extraits pour la route.

samedi 8 décembre 2007

Qui d'autre ?

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Ces dernières semaines, à chaque fois que l’on me demandait si j’allais au concert de Qui, je répondais toujours NON. J’enchaînais avec mes arguments habituels -un : tu comprends (voix assurément supérieure de vieux flambeur) j’ai déjà vu David Yow à l’époque de Jesus Lizard ; deux : je n’aime pas beaucoup l’album de Qui ; trois : j’ai un agenda de ministre et j’ai déjà un autre truc de super passionnant de prévu- et tandis que j’énumérais tous mes contres sans même me demander s’il pouvait y avoir ne serait-ce qu’un seul pour, je voyais luire au fin fond des yeux de la personne à qui je parlais cette petite lueur d’incrédulité qui semblait me dire gros con. Gros con. Je pense maintenant que j’ai bien fait de changer d’avis. La chair est faible.
Je ne vais pas revenir sur ma mauvaise opinion à propos de Love’s Miracle, l’album que Qui a publié cette année chez Ipecac : je ne suis pas à proprement parler déçu puisque je n’attendais rien de ce disque, tout le monde sait bien que Jesus Lizard est mort et enterré depuis des années et Qui est un tout autre groupe. Toutefois, l’argument qui fait dire à certains que Love’s Miracle n’aurait pas eu droit à toute cette attention si David Yow (alors heureux retraité au pays des alcooliques anonymes) n’avait pas décidé de reprendre du service et de rejoindre Qui n’est pas totalement irrecevable. Pourquoi sinon avoir inscrit featuring David Yow ex Jesus Lizard sur les affiches ? Je me suis également laissé prendre à ce petit jeu là: plus la date fatidique du vendredi 7 décembre approchait et plus je me trouvais comme une vieille donzelle toute fanée complètement excitée à l’idée de retrouver des années après un vieil amant vigoureux -revoir cet extraordinaire showman qu’est David Yow et puis c’est tout. J’espérais de plus en plus assister à un concert avec un vrai groupe et non pas à une exhibition d’un vieux singe imbibé accompagné par un ersatz band.
La confirmation que SoCRaTes assurait bien la première partie de Qui (en plus de Get The People) a aussi fini de me convaincre. Après la défection énervante des lyonnais lors du concert de The Creeping Nobodies (SoCRaTeS n’avait pas joué et avait été remplacé au pied levé par Sheik Anorak, c'est-à-dire le guitariste en solo) je comptais bien avoir ma revanche et pouvoir enfin faire mon fan de base. Gigoter sur de la néo no wave (ou quoi que ce soit) et avoir l’opportunité de rouler une pelle à David Yow : l’affaire me semblait donc entendue.
























Lorsque SoCRaTeS commence le public est encore clairsemé et c’est dommage, ils auraient mérité un peu plus d’attention quoique les personnes déjà présentes étaient là pour eux et l’ont clairement manifesté. Le groupe s’installe toujours en triangle, le batteur à droite, la chanteuse à gauche (les deux sont de profil par rapport au public et donc se font face) et le guitariste au milieu. Celui-ci n’arrêtera pas de changer de guitare, il en a amené trois afin explique t-il de ne pas perdre de temps à se réaccorder entre chaque morceau parce que comme ça c’est moins le bordel. Présenté de cette façon c’est plutôt drôle, même si c’est effectivement vrai. Evidemment le set fut court (quand on compose des titres qui ont du mal à dépasser les deux minutes, hein…) avec quelques points d’orgue comme In Bed… In Bed et son final supersonique. Des nouveautés aussi, du moins des titres que je ne connaissais pas et rondement menés. Décidément un bon groupe.
Je n’en dirais pas autant de Get The People dont j’avais déjà détesté la dernière prestation en date et dont le batteur Kevin Shea avait été particulièrement odieux lorsqu’il était revenu un peu plus tard pour jouer avec Talibam!. De la mauvaise musique joué par des gens pas sympathiques. Pas la peine de s’éterniser sur leur cas.















Un, deux, trois, ils sont tous là. Qui démarre à bloc, le son est épais, surtout celui de la guitare qui me parait bien plus abrasif et granuleux que sur le disque. C’est parti pour plus d’une heure de rock’n’roll circus. David Yow a l’air en grande forme, il crache toujours autant par terre, éructe, hésite à enlever sa chemise, se penche constamment au dessus du public, on sent bien qu’il a envie de surfer un peu mais il n’y a peut-être pas assez de monde à son goût -au maximum deux cents personnes, score décevant- et fera juste une seule tentative, vautré sur les deux premiers rangs. Il fait des blagues avec son micro, boit de la bière, raconte des conneries entre les titres et essaie aussi de monter sur les enceintes, s’agrippe aux poutrelles du plafond de la salle et se prend pour Tarzan -la dernière fois que j’ai vu un type jouer à ça dans cette salle c’était le chanteur des Washington Dead Cats en 198? (haha).
Le son est vraiment satisfaisant, le guitariste est sauvage même si parfois il plagie à l’envie Duane Denison (l’ancien compère de David Yow…), j’ai toujours ces réticences sur le jeu du batteur mais Qui sur scène joue la carte de la puissance -exactement ce qui manque à leur album Love’s Miracle. Les titres que je n’aime pas sur disque comme A #1 ou Apartment (chanté par le batteur) passent la rampe et haut la main. Un vrai concert de rock’n’roll -noise, vicieux et sale- et le public ne s’y trompe pas, fait une ovation au groupe. Seul moment d’incertitude : le rappel. Qui entreprend de jouer Echoes, oui cette reprise de Pink Floyd. David Yow a empoigné une basse (comme aux tous débuts de Scratch Acid) qu’il touchera à peine. Les deux autres se partagent le chant. C’est lent et mou, parfois traversé par un break chargé en lourdeur nauséeuse puis petit à petit le morceau s’étoffe, gagne en intensité, le guitariste pond un solo abominable tandis que David Yow roule des yeux et fait des mimiques de guitar hero, la tension continue de monter et c’est le final répétitif -et c’est bien aussi la première fois de ma vie que j’apprécie une reprise de Pink Floyd : ça mériterait presque une punition si ce concert n’avait pas été aussi bon.

vendredi 7 décembre 2007

Comme à la télé






L’électricité réinventée par le capitaine Coeur de Boeuf. J’hésite toujours en regardant cette splendide petite vidéo : n’est ce pas que l’on dirait qu’elle a été tournée sur la plage à Cannes ?

jeudi 6 décembre 2007

Volcano The Bear @ Grrrnd Zero

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Uniquement deux groupes pour le concert de ce soir, lorsque j’arrive le Grrrnd Zero est plongé dans le noir et un rétroprojecteur diffuse sur un écran un vieux film muet en noir et blanc : un type avec des fourmis qui lui sortent de la paume de la main, une tentative de viol, un accident de voiture, je n’y comprends rien si ce n’est que cela semble se passer à deux époques différentes. La musique change selon l’époque et pour l’une d’elles il s’agit du Final (ou du Prélude, je ne sais plus bien parce qu’ils se ressemblent un peu) de Tristan Und Isolde de ce cher Wagner, son opéra le plus cérébral et le plus conceptuel au niveau de la composition -c’est mon préféré loin devant tous les autres, non je ne rigole pas. Je croise le boss de Gaffer records avec lequel j’ai plus ou moins rendez-vous et je récupère un magnifique exemplaire du nouvel album de Death To Pigs, album dont je ne manquerai pas de reparler. Ce soir le prix du concert est libre (je me suis toujours demandé quel est le prix moyen donné par les gens pour assister à un tel concert) et la salle se remplit raisonnablement : j’imagine qu’avec un prix fixe, moins de personnes se seraient décidées pour venir voir Volcano The Bear, un groupe relativement inconnu.























En attendant c’est Fat32 qui débute la soirée et comme d’habitude pour les premières parties dans cette salle ils jouent par terre. Comme ce n’est pas non plus la foule, il y a suffisamment de place pour que je puisse me glisser devant : je vais quand même pouvoir tout voir et tout entendre -une occasion de râler de perdue, dommage. Fat32 c’est un terme technique d’informatique et je m’en contrefous, c’est surtout une énième émanation du collectif Undata vu fin octobre et qui m’avait alors un peu déçu. Là il s’agit d’un duo batterie/synthé et le premier titre joué me donne quelques frissons d’effroi -oui ça envoie et c’est bien taré mais les sonorités que le garçon (grand, beau et fort) arrive à tirer de son instrument à touches me font un peu tiquer, j’ai alors un peu peur d’assister à une démonstration néo prog. Et puis le duo s’arrête, raconte une blague ou deux et c’est reparti pour un festival de grind musette, de hard core baltringue, de death bontempi ponctué de samples hilarants et de courtes citations de phrases musicales ultra connues. Ça cartoone à fond, un peu comme si Mike Patton avait viré King Buzzo de Fantômas pour le remplacer par Charly Oleg. Le garçon à la batterie (encore plus beau, plus grand et plus fort que celui qui joue du synthé) est un véritable monstre de puissance et de finesse : tout lui réussit, les blasts comme la valse à quatre temps, les roulements comme la bossa jazzy-listening. Je ravale prestement tout ce que j’ai dit de négatif au sujet du début de la prestation de Fat32 et je m’étrangle de bonheur.

















J’attendais beaucoup de Volcano The Bear. Sûrement beaucoup trop mais je n’ai absolument pas été déçu. La poésie inflexible qui sur disques se dégage de la musique des britanniques me semblait peut être un peu difficile à retranscrire sur une scène mais j’avais confiance. D'ailleurs il ne faut jamais faire confiance à une bande d’énergumènes qui manient le non-sens aussi bien que l’absurde sinon c’est le plaisir assuré. Et puis c’est peut dire que le spectacle offert par les trois trublions m’a ravi. Maniant une myriade d’instruments -certains de facture classique comme une batterie, un clavier, une guitare, une trompette, etc et d’autres étant des objets détournés ou des instruments trafiqués-, se battant parfois pour avoir accès au micro devant la scène, se montrant menaçants, luttant de manière inattendue et toujours inachevée, les multi-instrumentistes de Volcano The Bear ont joué leurs folk songs dadaïstes sans sourciller, entrecoupant les passages visiblement pré-écrits par des improvisations sur tout et n’importe quoi (la limite de cette pratique c’est que cela peut varier du banal/anecdotique au magique). Mention spéciale pour celui qui, placé au milieu (également au centre de la photo du boys band), n’a quasiment fait que manipuler un magnéto à cassettes, modifiant parfois les nappes bruitistes qu’il balançait et se contentant le reste du temps de regarder ses deux camarades d’un air entendu et connaisseur, leur intimant l’ordre de jouer, chef d’orchestre sans orchestre ni baguette, interpellant un public trop bavard et bruyant à son goût, rictus goguenard et yeux rieurs à l’appui. Pourtant un mec adorable malgré sa tronche de boxeur, j’en suis certain.