samedi 8 décembre 2007

Qui d'autre ?

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Ces dernières semaines, à chaque fois que l’on me demandait si j’allais au concert de Qui, je répondais toujours NON. J’enchaînais avec mes arguments habituels -un : tu comprends (voix assurément supérieure de vieux flambeur) j’ai déjà vu David Yow à l’époque de Jesus Lizard ; deux : je n’aime pas beaucoup l’album de Qui ; trois : j’ai un agenda de ministre et j’ai déjà un autre truc de super passionnant de prévu- et tandis que j’énumérais tous mes contres sans même me demander s’il pouvait y avoir ne serait-ce qu’un seul pour, je voyais luire au fin fond des yeux de la personne à qui je parlais cette petite lueur d’incrédulité qui semblait me dire gros con. Gros con. Je pense maintenant que j’ai bien fait de changer d’avis. La chair est faible.
Je ne vais pas revenir sur ma mauvaise opinion à propos de Love’s Miracle, l’album que Qui a publié cette année chez Ipecac : je ne suis pas à proprement parler déçu puisque je n’attendais rien de ce disque, tout le monde sait bien que Jesus Lizard est mort et enterré depuis des années et Qui est un tout autre groupe. Toutefois, l’argument qui fait dire à certains que Love’s Miracle n’aurait pas eu droit à toute cette attention si David Yow (alors heureux retraité au pays des alcooliques anonymes) n’avait pas décidé de reprendre du service et de rejoindre Qui n’est pas totalement irrecevable. Pourquoi sinon avoir inscrit featuring David Yow ex Jesus Lizard sur les affiches ? Je me suis également laissé prendre à ce petit jeu là: plus la date fatidique du vendredi 7 décembre approchait et plus je me trouvais comme une vieille donzelle toute fanée complètement excitée à l’idée de retrouver des années après un vieil amant vigoureux -revoir cet extraordinaire showman qu’est David Yow et puis c’est tout. J’espérais de plus en plus assister à un concert avec un vrai groupe et non pas à une exhibition d’un vieux singe imbibé accompagné par un ersatz band.
La confirmation que SoCRaTes assurait bien la première partie de Qui (en plus de Get The People) a aussi fini de me convaincre. Après la défection énervante des lyonnais lors du concert de The Creeping Nobodies (SoCRaTeS n’avait pas joué et avait été remplacé au pied levé par Sheik Anorak, c'est-à-dire le guitariste en solo) je comptais bien avoir ma revanche et pouvoir enfin faire mon fan de base. Gigoter sur de la néo no wave (ou quoi que ce soit) et avoir l’opportunité de rouler une pelle à David Yow : l’affaire me semblait donc entendue.
























Lorsque SoCRaTeS commence le public est encore clairsemé et c’est dommage, ils auraient mérité un peu plus d’attention quoique les personnes déjà présentes étaient là pour eux et l’ont clairement manifesté. Le groupe s’installe toujours en triangle, le batteur à droite, la chanteuse à gauche (les deux sont de profil par rapport au public et donc se font face) et le guitariste au milieu. Celui-ci n’arrêtera pas de changer de guitare, il en a amené trois afin explique t-il de ne pas perdre de temps à se réaccorder entre chaque morceau parce que comme ça c’est moins le bordel. Présenté de cette façon c’est plutôt drôle, même si c’est effectivement vrai. Evidemment le set fut court (quand on compose des titres qui ont du mal à dépasser les deux minutes, hein…) avec quelques points d’orgue comme In Bed… In Bed et son final supersonique. Des nouveautés aussi, du moins des titres que je ne connaissais pas et rondement menés. Décidément un bon groupe.
Je n’en dirais pas autant de Get The People dont j’avais déjà détesté la dernière prestation en date et dont le batteur Kevin Shea avait été particulièrement odieux lorsqu’il était revenu un peu plus tard pour jouer avec Talibam!. De la mauvaise musique joué par des gens pas sympathiques. Pas la peine de s’éterniser sur leur cas.















Un, deux, trois, ils sont tous là. Qui démarre à bloc, le son est épais, surtout celui de la guitare qui me parait bien plus abrasif et granuleux que sur le disque. C’est parti pour plus d’une heure de rock’n’roll circus. David Yow a l’air en grande forme, il crache toujours autant par terre, éructe, hésite à enlever sa chemise, se penche constamment au dessus du public, on sent bien qu’il a envie de surfer un peu mais il n’y a peut-être pas assez de monde à son goût -au maximum deux cents personnes, score décevant- et fera juste une seule tentative, vautré sur les deux premiers rangs. Il fait des blagues avec son micro, boit de la bière, raconte des conneries entre les titres et essaie aussi de monter sur les enceintes, s’agrippe aux poutrelles du plafond de la salle et se prend pour Tarzan -la dernière fois que j’ai vu un type jouer à ça dans cette salle c’était le chanteur des Washington Dead Cats en 198? (haha).
Le son est vraiment satisfaisant, le guitariste est sauvage même si parfois il plagie à l’envie Duane Denison (l’ancien compère de David Yow…), j’ai toujours ces réticences sur le jeu du batteur mais Qui sur scène joue la carte de la puissance -exactement ce qui manque à leur album Love’s Miracle. Les titres que je n’aime pas sur disque comme A #1 ou Apartment (chanté par le batteur) passent la rampe et haut la main. Un vrai concert de rock’n’roll -noise, vicieux et sale- et le public ne s’y trompe pas, fait une ovation au groupe. Seul moment d’incertitude : le rappel. Qui entreprend de jouer Echoes, oui cette reprise de Pink Floyd. David Yow a empoigné une basse (comme aux tous débuts de Scratch Acid) qu’il touchera à peine. Les deux autres se partagent le chant. C’est lent et mou, parfois traversé par un break chargé en lourdeur nauséeuse puis petit à petit le morceau s’étoffe, gagne en intensité, le guitariste pond un solo abominable tandis que David Yow roule des yeux et fait des mimiques de guitar hero, la tension continue de monter et c’est le final répétitif -et c’est bien aussi la première fois de ma vie que j’apprécie une reprise de Pink Floyd : ça mériterait presque une punition si ce concert n’avait pas été aussi bon.