C’est en lisant des chroniques de disques de plus en plus nombreuses -un exemple ?- que j’ai enfin réalisé que De Kift bougeait encore. Mieux que ça, l’un des secrets les mieux gardés de la branchitude underground a même publié un disque en français. En français ? Exactement. Ce qui pour un groupe batave n’est pas une mince affaire. Ce disque, tout simplement dénommé par le chiffre 7 puisqu’il s’agit du septième album du groupe est la version française d’un album paru lui en 2006 dans la langue d’origine de De Kift, le hollandais. Il y avait déjà eu en 2005 un CD compilant des vieux titres destiné uniquement au marché français et même le site internet officiel du groupe a été traduit.
Pour différencier les deux éditions de 7 c’est très simple : le sept est imprimé sur un timbre au fond bleu turquoise pour la version hollandaise et au fond rose pour la version française. Un timbre ? Comme pour tous ses disques précédents, De Kift a opté pour l’emballage de luxe, cette fois ci le résultat est beaucoup moins spectaculaire qu’auparavant -pas de cadre photo à clouer au mur ni de boite à cigares, pas de vignettes à coller dans un livre (rappelle-toi l’année 1976 et ton album Panini, lorsque tu avais enfin complété la page 28, celle de l’A.S.S.E.) et encore moins de scène d’opéra en relief- mais 7 bénéficie toutefois du haut de gamme, une épaisse enveloppe carrée en papier kraft contenant un CD (encore heureux) ainsi qu’un copieux livret en papier recyclé avec textes en version originale et traductions en français et en anglais…
De kift aime la France et la France aime De Kift mais pourquoi insister autant en publiant un disque en français ? Le résultat en vaut il la peine ? Je n’aurai jamais la réponse car je n’ai pas pu me résoudre à écouter 7 dans une version autre que celle de sa langue d’origine. La magie De Kift fonctionne énormément grâce à cette langue incompréhensible et racleuse qu’est le hollandais, sous la conduite irrrésistible de la voix inimitable et embuée que possède Ferry Heyne.
7 est tout simplement un album supplémentaire de De Kift, loin des exubérances lyriques du précédent Vier Voor Vier. Le groupe vieillit et sa musique aussi -pas question d’assagissement, non, mais une certaine langueur qui s’installe doucement. De Kift ressemble de plus en plus à cette fanfare fantomatique filmée par Bruno Dumont pour l’un de ses films (débordant de réalisme et de mépris mais là n’est pas le propos) : la beauté du truc inexorable, la poésie de l’inutile, la chaleur du moment partagé. Mais il faut peut être attendre le huitième morceau pour soudain avoir envie de danser la bourrée en renversant sa chope de bière et pour la première fois aucune chanson ne donne réellement envie de pleurer. De Kift est définitivement un chien fatigué qui ne fait rien d’autre qu’à son rythme. Donc pour rien au monde je n’écouterai la version française de ce disque, il y a des choses que je préfère ne pas comprendre (je ne lis pas les traductions non plus) et des intentions qui doivent rester floues.