lundi 3 décembre 2007

L'Enfer c'est aussi soi-même

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Retour en fanfare avec un groupe de metal, un vrai de vrai : Anaal Nathrakh. Ce duo de Birmingham pratiquait comme personne une sorte de black metal cybernétique tellement violent qu’il en devenait passionnément hermétique et horriblement froid. Pour s’en convaincre il suffit d’écouter le premier album The Codex Necro (sur Mordgrimm en 2001) ainsi que les démos du groupe réunies sous le titre de Total Fucking Necro (Rage Of Achille, 2002) -deux disques qui arrivent à faire la synthèse entre la trinité Mayhem/Burzum/Darkthrone et l’atomisation sonore pratiquée par des expérimentateurs bruitistes parmi les plus extrêmes tels Masami Akita ou Zbigniew Karkowski, ce genre de petits rigolos. A cette époque la musique d’Anaal Nathrakh procédait plus par strates abrasives, reléguant les structures des titres (assez similaires, il faut bien le dire) au second plan. La voix, toujours saturée, trafiquée, arrachée, vomie, n’était vraiment rien d’autre qu’une strate supplémentaire.
En signant pour Season Of Mist, Anaal Nathrakh a offert une vitrine un peu plus grande et un peu plus belle à sa musique, laquelle n’a pas manqué d’évoluer en incorporant divers éléments grind et death. Le bruit devenait ainsi plus classiquement convenu, moins déstabilisant, pas forcément plus efficace -l’efficacité étant un critère toujours très important pour les groupes de metal (extrême ou non), quelle bande d’imbéciles- mais beaucoup plus direct et tangible, concret. Il y a deux albums issus de cette période, à savoir Domine No Es Dignus en 2004 et Eschaton en 2006. Pour la première fois la voix évoluait même vers des registres plus discernables, attrapant au passage un peu de chant clair et vaguement lyrique (!). C’est également vers 2006 que le groupe a donné ses premiers concerts mais malgré le succès obtenu à l’occasion de ceux-ci, Anaal Nathrakh a refusé de tourner davantage -misanthropie quand tu nous tiens.
Le guitariste/multi instrumentiste/homme machines Michael Kenney (qui auparavant se faisait appeler Irrumator, hum) a fondé en compagnie de Shane Embury (le gars qui dans Napalm Death ressemble à Jacques Villeret) le label Feto records -Feto comme From Enslavement To Obliteration, deuxième album de Napalm Death, parce que l’on est jamais aussi bien servi que par soi-même. C’est sur ce label qu’est sorti en 2007, Hell Is Empty And All The Devils Are Here, le nouvel album d’Anaal Nathrakh.















 



Les démons sont là ? Si j’en crois ce que j’entends dès le premier titre Solifugae, ils seraient plutôt sur la platine et ont pour nom Rob Halford ou Bruce Dickinson : le chant death laisse rapidement et plutôt systématiquement la place à des envolées dignes des groupes de la new wave of british heavy metal du début des années 80 -j’en ai les couilles qui se serrent toutes seules dans mon jean elastis à rayures et mes pieds se mettent à puer comme si je portais des américanas. Vient ce break avec la guitare doublée qui fait des arpèges et j’en suis sûr, Adrian Smith et Dave Murray sont là aussi, je suis en train d’écouter une reprise d’Iron Maiden ou quoi ? Ce genre de facéties se reproduira plusieurs fois au cours de ce bref album qui dure à peine plus d’une demi heure. Le black metal post industriel est désormais très loin, Anaal Nathrakh est plus typiquement death que jamais (dans le sens de surproduit) et emprunte je ne sais où (Manowar ?) un côté guerrier, héroïque, pour agrémenter sa tambouille. Puis, c’est le tour de titres comme Shatter The Empyrean et là V.I.T.R.I.O.L. -c’est le pseudo du chanteur et dans le metal ce qui me plait toujours le plus (avec les bracelets cloutés et les filles à poils sur les pochette) c’est justement ce genre de pseudonyme- le chanteur qui donc balance des cris comme rarement entendus. Parlons simplement de cris innommables.
Hell Is Empty And All The Devils Are Heren’est pas pour autant un disque avec deux visages distincts : je veux dire que j’ai fini par me faire avoir et que, sous couvert d’un ironique second degré -celui que je prétends avoir et qui des fois m’arrange bien- j’en suis également venu à apprécier les aspects gros warrior grandiloquent de ce disque particulièrement bien foutu. C’est d’ailleurs l’agaçante limite d’une musique qui à ce propos clame ne pas en avoir : décrire l’apocalypse ou je ne sais quoi, fustiger la connerie humaine, faire référence au nihilisme de Nitzsche et puis balancer des arrangements tout bien chiadés, faire monter la sauce de l’illustratif et finalement rendre attractif ce que l’on voudrait tant avoir haï tout en s’emparant de ses atours -s’il y avait démonstration et dénonciation, de ce côté là c’est sûr que c’est raté. Résultat, lorsque j’écoute ce disque stupide au casque, j’ai une folle envie de violer de la gueuse tchétchène enceinte à grands coups de baïonnette, de conduire une puissante voiture allemande pour écraser les mères de famille que je croise le matin lorsque elles emmènent leurs gosses à l’école ou de torturer mon chien. Hell Is Empty And All The Devils Are Here c’est uniquement de la (bonne ?) musique qui rend très con.