vendredi 29 juin 2007

Carla Bozulich & Swann Danger
























[pour écouter c’est ici et ]

jeudi 28 juin 2007

Retour aux choses sérieuses

La trompette dans le jazz : dans le cas de 37500 Yens, jeune groupe instrumental et plutôt bruyant originaire de Reims, on ne retrouve ni l’une ni l’autre et c’est tant mieux. Pourtant j’avais un petit peu peur, rien que le nom déjà -en ce moment je fais une énorme fixation sur les noms de groupes, j’en tire des conclusions hâtives et donc toujours fausses, un peu comme cette théorie qui me faisait considérer qu’un disque avec une pochette moche ne pouvait pas contenir de la bonne musique (mais maintenant que je me soigne j’ai appris qu’il y a aussi des mauvais disques avec de belles pochettes). Donc : le nom qui rassemble un paquet de pognon bien plus gros que ce que je ne verrai jamais, un titre d’album énigmatique et une pochette incertaine représentant peut être le guitariste et le batteur de 37500 Yens, tout ça ne me parlait pas.
Et puis j’ai lu coup sur coup deux chroniques, dont celle absolument dévouée de Perte Et Fracas (le responsable de ces écrits affolait déjà tout le monde il y a fort longtemps grâce à l’excellent fanzine Sonik) et je n’ai jamais su résister à un avis dont l’argumentation ne repose ou presque que sur l’affect. C’est même la meilleure argumentation possible.
















J’ai donc commandé Astero au label qui me l’a envoyé en un temps record, et depuis je n’écoute plus que ça. Pourtant j’en ai soupé des duos guitare/batterie ou basse/batterie et n’est pas les Ruins ou Lightning Bolt qui veut, surtout lorsque la tentation du trop bien jouer se fait sentir, lorsque la démonstration efface la conclusion, lorsque la virtuosité (ou ce que l’on pense comme telle) enlève toute vérité, du moins celle qu’on s’imagine.
37500 Yens n’est donc pas un groupe de math core de plus, même si ces deux garçons utilisent une bonne partie de sa grammaire : le batteur n’a pas tendance a mouliner dans le vide et perpétuellement à contre temps (comme Zach Hill de Hella), le guitariste a un son plutôt clair teinté de reverb et il y a de nombreux passages lents et plein de nuances, c’est tout ce qui fait la différence ce côté post quelque chose, ces boucles de guitare souvent élégantes qui s’entrecroisent mais ne s’empilent jamais jusqu’à la saturation. Au départ il est vrai que j’avais tendance à ne retenir que les courts passages chaotiques et géométriquement dévoyés mais c’était bien à tort : 37500 Yens est avant tout un groupe aux climats flottants, derrière le rictus du mathématicien on trouve parfois quelques châteaux de sable qui s’écroulent tout doucement.
Il y a aussi ce titre (Canard Boiteux) où le papa du guitariste vient souffler dans son saxophone, titre qui atteint une vitesse de croisière dont peu de formations free émérites peuvent se vanter. Sur Microphonie, 37500 Yens préfère jouer la carte du sample discret mais efficace. L’album se conclut par un Sullivan’s Quartet et un final chanté/crié (avec une nouvelle fois un invité) particulièrement prenant, cédant la place à une mare de guitares s’évaporant dans un bourdonnement sans suite. Alors je ne suis pas loin de penser moi aussi que nous tenons là l’un des plus talentueux jeunes groupes de ce petit coin de la planète.

mercredi 27 juin 2007

La bande originale de l’été : le massacre continue

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Et toi qu’est ce que tu fais pour les vacances ? Peut être partir en camp de naturisme en compagnie de Jacques Vergès ? Passer ton temps à mâter les seins qui tombent de la vieille allongée à côté de toi et fricassant dans son bain d’huile solaire ? Ou bien vas-tu faire du sport pendant trois semaines parce que tu n’arrives pas à oublier que tu es un winner en sursis de dégringolade sociale ? Préfèreras tu rester chez toi pour regarder Intervilles et les poubelles qui brûlent ? Vas-tu retaper l’ancestrale maison de famille pour tes enfants parce qu’il faut toujours laisser quelque chose derrière soi ? Peut-être aimeras tu aller pisser dans les piscines des hôtels quatre étoiles en Tunisie alors que le pays manque cruellement d’eau potable ? Une petite pute de dix ans du côté de la Thaïlande avant qu’un Tsunami ne tire la chasse alors ? Ce n’est pas le choix qui manque.
Pour ma part je n’ai encore rien décidé, j’hésite encore. Mais je suis ravi rien qu’à l’idée de pouvoir à nouveau sortir de chez moi en bermuda à rayures et marcel CK, tongs à fleurs aux pieds et sourire aux lèvres : l’été est vraiment une chouette saison, les filles sont à moitié nues, les garçons jouent aux boules et la nouvelle Assemblée Nationale fraîchement élue va pouvoir légiférer en toute quiétude. Ne manque que la musique, il n’y a que la musique qui m’intéresse.

Je suis parti à la recherche du ou des disques qui marqueront mon été 2007, à chaque occasion il faut sa bande son c’est bien connu. J’ai déjà passé en revue (même succinctement) quelques cas désespéré tel l’album instrumental des Beastie Boys, le Liars particulièrement décevant et d’autres moins redoutables comme le Retox de Turbonegro mais rien n’y fait, ce n’est pas facile de trouver la musique qui donnera le groove à mes tongs à fleurs. Reste le cas clinique de Our Love To Admire, nouvel album d’interpol -parution imminente aux alentours du 10 juillet. Voilà des new-yorkais sympathiques, du moins j’ai apprécié le premier album et j’ai même réussi à apprivoiser le deuxième, pourtant partiellement ridicule. L’annonce d’un troisième était donc bienvenue : Interpol n’est qu’un groupe actuel et revivaliste de plus, certes, pas très original mais honnête, avec cette petite pointe de noirceur proprette et aseptisée et cette légère distanciation qui rendaient le regard un peu vague mais pas trop.

J’ai alors écouté Our Love To Admire, plusieurs fois même, en sirotant une bouteille de vodka glacée et très très légèrement parfumée aux baies rouges sauvages (celle-là je la conseille vivement, c’est l’une des meilleures vodkas que j’ai pu boire ces derniers temps mais je change de sujet), j’ai écouté ce disque épouvantable et j’ai tellement été décontenancé par tout ce lyrisme de stade, ces claviers qui trompettent, ces guitares ronflantes, le piano qui la ramène, le chant qui désormais n’a plus rien à envier à celui de Wayne Hussey (jeune) que je n’arrive même pas à établir la théorie ronflante qui me tirera de l’embarras et règlera un sort à toute cette catastrophe. Seul le bassiste qui a troqué sa coupe de cheveux façon jeunesse hitlérienne contre une moustache de représentant de commerce me parait être le seul mystère digne d’intérêt d’un groupe dont la musique, elle, n’en a plus aucun.
Je m’arrête là-dessus, je veux dire que je sais bien que c’est entièrement de ma faute : depuis quand faut il obligatoirement chercher une musique pour chaque occasion ? Qu’est ce que tu écouterais toi, perdu dans un camp de naturisme avec Jacques Vergès qui te court derrière ? Quel con. Tiens, prend un disque au hasard (oui, celui-ci fera très bien l’affaire) et écoute le. Il ne te plait pas alors que d’habitude tu l’aimes bien ? C’est juste que ce n’est pas le bon moment. Je suis toutefois intimement persuadé qu’il n’y aura jamais de bon moment pour ce Our Love To Admire -ni amour, ni admiration.

mardi 26 juin 2007

Sept fois dans la bouche mais c’est trop tard

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En 2006, à la sortie de Drums Not Dead, Angus Andrew, Aaron Hemphill et Julian Gross se plaisaient à affirmer à longueur d’interviews que le troisième album des Liars était différent du précédent, pour eux l’écart avec They Were Wrong, So We Drowned était aussi conséquent qu’entre celui-ci et leur premier album, They Threw Us All In A Trench And Stuck A Monument On Top. A chaque fois le message avait du mal à passer, dénégation, contradiction, avis contraire de l’interlocuteur très étonné (quelle bande de connards quand même tous ces journalistes) qui affirmait que les deuxième et troisième albums formaient une sorte de continuité, qu’ils définissaient ensemble le nouveau son des Liars. Je pense exactement la même chose, le groupe des années 2002/2003 n’est absolument pas le même que celui des années 2004/2006 et aujourd’hui -en 2007- nous avons affaire à une autre mutation des Liars, leur nouvel album (sans titre, parution prévue pour le 28 août) prenant le contre-pied quasi absolu des deux précédents.























Je ne sais pas ce qui a poussé nos trois garçons dans leur volonté de changement -l’esprit de contradiction, l’ennui, la mise en pratique radicale de leur théorie de changement de style entre chaque album ou de l’orgueil absolu, bref un truc d’artiste que je ne peux pas comprendre- mais le résultat est flagrant : je déteste ce nouvel album des Liars.
Cela me fait d’autant plus mal de l’admettre que jusqu’ici j’étais assez client de leurs inepties intellectuelles et de leurs mécaniques noisy et répétitives, il n’y avait certes pas de quoi crier au génie mais ils se réappropriaient le kraut rock (décidément je ne parle que de ça en ce moment, bientôt un article sur du death metal, ça changera un peu) de manière efficace, en tous les cas suffisamment efficace pour les gamins nés à la fin des années 60 ou au début des 70’s et qui donc ont passé leur adolescence à avoir le choix entre Scorpions ou Depeche Mode, les Smiths ou Madonna, Sigue Sigue Spoutnik ou Georges Michael.
Ce nouvel album débute par un Plaster Casts Of Everything très rapide et presque punk ; suit directement un titre résolument pop et absolument quelconque, d’une mollesse assez confondante (Houseclouds) et tout de suite j’ai l’impression que ces deux titres n’ont pas été placés ensemble en début de disque par hasard, c’est le coup vieux comme le monde du chaud et du froid, du contraste qui fait table rase, vous allez voir les gars ce que vous allez entendre, attendez donc la suite.
La suite ? Une chanson bizarrement électro mais absolument pas séduisante. Puis quelques réminiscences des précédentes tentatives kraut (mais sans l’effet de transe) et surtout du Velvet Underground et sa descendance comme s’il en pleuvait : Freak Out c’est carrément du Jesus And Mary Chain période Psychocandy, un peu plus loin surgit le fantôme de My Bloody Valentine et celui de Sonic Youth, tout ça sans grand résultat. L’ennui est physiquement palpable même si en écoutant l’intro de Cycle Time je me demande à chaque fois si les Liars ne sont pas en train de faire une reprise de Deep Purple, le plus sérieusement du monde, même pas pour rire un peu, sait on jamais. S’ils écrivent à nouveau des chansons -et même si la dichotomie couplet/refrain n’est toujours pas évidente- je ne peux pas dire que la musique des Liars ait gagné en lisibilité mais, par contre, elle a tout perdu de ses effets magiques de derviche-tourneur, elle n’enterre plus le rock dans un linceul chamanique, elle oublie l’étrangeté psychédélique. Vraiment dommage.


lundi 25 juin 2007

Encore de la cervelle (cramée)


Les Bad Brains : je parle d’un pur fantasme parce que, comme pour tant d’autres groupes, j’ai connu et apprécié leur musique sur le tard, elle était déjà loin l’époque de la cassette publiée par Roir, loin aussi l’album Rock For Light -tout juste ai-je eu droit aux restes de I Against I, un album bancal avec quelques chansons merveilleuses et puis aussi des gros trous d’air… Quant à Quickness il n’en a jamais été question et je ne parle même pas de l’abominable Rise et sa curieuse pochette psychédélique avec un tunnel mystérieux ne menant malheureusement nulle part.
Donc les Bad Brains sont bel et bien de retour -dans leur formation originelle ce qui en soit est déjà un exploit- et ils ont l’air vraiment décidé d’écrire un nouveau chapitre à leur histoire chaotique, après tout ces quatre garçons peuvent se vanter d’avoir purement et simplement inventé le hard core en ajoutant une bonne dose de violence et de vitesse à leur rock-funk insipide. Ils peuvent aussi se vanter d’avoir réussi à faire apprécier quelques lignes reggae aux blanc-becs qui pourtant détestent ça : pas n’importe quel reggae bien sûr, pas celui sirupeux et formaté de l’oncle Bob, mais une musique aride et au lyrisme urgent, tout un programme.























Il est donc là ce Build A Nation et il est produit par Adam Yauch (alias MCA), l’un des trois crétins des Beastie Boys, groupe prétentieux à sensation qui au départ devait beaucoup aux Bad Brains (comme peut en témoigner ses premiers enregistrements pas vraiment indispensables regroupés sur Some Old Bullshit) et qui après a régulièrement continué à rendre hommage à ses illustres aînés -faudra un jour leur expliquer que la jeunesse ça ne se rattrape pas.
Il est là cet album et il m’emmerde. Je m’étais tranquillement mais fermement impatienté en l’attendant, alléché par quelques bribes produisant notamment un son de guitare digne de la préhistoire du groupe, avec des rythmiques rapides, bref du Bad Brains comme on en a pas entendu depuis très longtemps. Entre temps le disque a été publié, il est téléchargeable, il est même disponible en streaming intégral et dispose d’une version vinyle soignée. Mais son écoute assidue est douloureuse : les riffs de guitare ont déjà été trop entendus, les breaks posent le même problème -on a alors plutôt la très nette impression d’entendre un medley de vieilles recettes usées jusqu’à la corde et ce n’est pas parce que ce sont les Bad Brains qui ont inventé tout ça que je vais leur pardonner. Parce qu’il y a pire : ce disque est vraiment paresseux. Je passe sur le trop grand nombre de chansons reggae qui parsèment l’album et qui cette fois m’irritent profondément. Non, la production d’Adam Yauch n’arrive que très difficilement à masquer la resucée hard core en multipliant les effets, le cas de la voix noyée sous des tonnes d’écho est flagrant -où sont passées les paroles, où est passée la colère des Bad Brains, est ce qu’ils ne savent plus crier ?

[Pendant ce temps là les Beastie Boys publient The Mix Up, un album entièrement instrumental et inédit -à la grande différence de The In Sound From Way Out ! paru en 1996- ce qui semble beaucoup les amuser : musique cocktail pour quarantenaires en plein sevrage, branchouille jazzy et érection lounge sont au rendez-vous, personnellement je passe.]

vendredi 22 juin 2007

De la bouillie dans les crânes

Des Skull Defekts je ne connaissais rien si ce n’est deux ou trois disques d’industriel ambient qui parfois virent franchement au bruit -sur le live Open The Gates Of Mimer il y a un passage vers la fin avec ce son suraigu particulièrement irritant, ma conseillère technique en matériel médical m’a soufflé à l’oreille que cela lui faisait penser à un bip d’IRM qui s’emballerait- et donc j’ai été assez surpris d’apprendre que dans ce groupe se retrouvaient un ancien Union Carbide Productions ainsi qu’un ex Kid Commando. Certes, il y a de la guitare sur ces longues plages chargées à la fois en acétone et en plomb mais on est loin du rock'n'roll des premiers cités ou de la noise desséchée des seconds. Mais j’ai vérifié : Henrik Rylander (percussions, feedback) et Joachim Nordwall (guitares, voix, machines) viennent bien de ces deux groupes et sont bien présents sur Blood Spirits And Drums Are Singing, le nouvel album de Skull Defekts.






















Ce disque, c’est Conspiracy Records qui en assure fièrement la sortie, dans des termes particulièrement élogieux et imagés (genre je n’aurais pas fais mieux mais de toutes façons je ne bosse pas pour eux) et c’est amplement mérité, Blood Spirits And Drums Are Singing est un disque étrange, expérimental peut être mais sans ostentation et s’il fallait rapprocher cette musique de quelque chose ce serait des deux derniers albums des Liars, toutefois dans une version moins éthérée et sans l’odeur de papier d’Arménie, pour raccourcir le propos on peut dire que The Skull Defekts est la version punk rock des Liars ou quelque chose d’approchant.
Il y a donc beaucoup de guitare sur cet album, il y a également beaucoup de batterie -en fait deux à chaque fois- mais surtout il y a des répétitions, des boucles, des motifs infinis et parfois aussi quelques voix fermement traînantes (oui, oui : comme si par exemple G.W. Sok avait inhalé un peu trop d’eau écarlate) et des bruits bizarres greffés comme on met des tableaux de merde sur les murs de son salon, des bruits dont je sais très bien qu’ils ne sont là que pour faire désagréable et vu sous cet angle c’est plutôt réussi.
The Skull Defekts prétendent convoquer l’Allemagne du tout début des 70’s et le New York de la toute fin de cette même décennie et ils ont tout bon, ayant presque retrouvé le Faust beat originel, répétitif à souhait, et réussissant à exprimer l’urgence tout en l’étirant sur la longueur. Du coup, voilà un groupe qu’il me tarde vraiment de découvrir sur une scène, j’imagine le genre de transe que cela provoquerait, le bain de sueur aussi -parce cette musique n’est pas une bouillie cérébrale de plus (comme le nom du groupe peut à tort le faire penser) mais sent aussi le gros bouillon sexuel et la débauche binaire.

jeudi 21 juin 2007

Fête des enfants, faites de la musique
























[s'il pleut ce n'est pas une raison pour faire l'inverse]

mercredi 20 juin 2007

Don Niño (deuxième)


Cela suffit de parler des gros rockers buveurs de vodka, sniffeurs de coke et amateurs de dollars, j’avais vaguement évoqué le nouvel album de Don Niño mais je suis bien obligé d’y revenir et ce pour deux raisons : la première c’est le disque en lui-même, vraiment bien, et la seconde c’est que Don Nino et nlf3 (trio) seront en concert à Lyon le 14 septembre prochain -pour l’instant il y a aussi une date de prévu à Aix en Provence et une autre à Nantes. Ce sera donc une bonne occasion de revoir les trois petits gars de Prohibition, un groupe qui a su aller jusqu’au bout de sa démarche musicale, est arrivé à un excellent niveau de concrétisation puis a eu l’intelligence de se mettre en question (ce qui n’est jamais mon cas mais on s’en fout : ce n’est pas moi qui fait de la musique) et de s’arrêter là, dans un bel achèvement, pour recommencer presque à zéro sous le nom de nlf3 (trio). Presque à zéro parce que tout le monde savait que derrière cette appellation arty il s’agissait en fait des trois gaillards de Prohibition (d’ailleurs ils ne s’en cachaient pas) mais c’était en même temps difficile, nouveau nom certes mais surtout nouvelle musique -exit la guitare qui raye les tympans, la basse qui fait de l’escalade en rappel et la batterie qui ameute les chiens. Certains signes prémonitoires donnaient certes des appels du pied : les plans sitar, le saxophone alto de Quentin Rollet bientôt inclus comme un élément essentiel et à part entière du groupe, la musique de plus en plus aérienne aboutissant au très beau 14 Ups And Downs. Mais avec nlf3 les changements étaient tout de même assez radicaux, l’instrumentation s’ouvrait vers d’autres sons, d’autres façon de faire de la musique et aujourd’hui nlf3 (trio) est l’un des meilleurs groupes français, toute sa créativité culmine sur son troisième disque, Que Viva Mexico, à l’origine basé sur un film muet d’Eisenstein.





















Mais revenons à nos moutons, donc à Don Niño -le rapport entre les deux est très simple : Don Niño joue aussi dans nlf3 (trio)- et à cet album de reprises qui s’intitule Mentors Menteurs ! Un album de reprises c’est quand même la fausse bonne idée par excellence, le truc casse-gueule qui souffre de quelques exceptions notoires comme le Kicking Against The Pricks de Nick Cave, Sons Of Satan/Praise The Lord d’Entombed (un double CD incluant des reprises allant de Dylan à Unsane en passant par Kiss et Stormtroopers Of Death et qui ne doit sa réussite qu’au fait qu’il ne soit en réalité qu’une compilation de titres enregistrés pendant plus de dix années, ce qui a permis à Entombed d’éviter tout essoufflement) ou Songs From A Room de Red qui est aussi un cas spécial puisqu’il s’agit d’une reprise intégrale (pochette comprise) de l’album de Leonard Cohen du même nom.
L’écoute de Mentors Menteurs ! se fait d’une traite, c’est un véritable disque et non pas une collection de références bigarrées, il révèle plusieurs niveaux de lecture ou plus exactement plusieurs niveaux d’impressions chez moi. D’abord les chansons que je ne connais pas : elles me plaisent ainsi, je ne suis pas certain d’effectuer les recherches nécessaires pour écouter les versions originales. Viennent ensuite les chansons que je n’aime vraiment pas (Kiss de Prince ou Like A Virgin de Madonna) dont les versions proposées par Don Niño me font oublier tous mes a priori de petit branleur. Suivent les chansons que j’écoutais beaucoup trop pendant mon adolescence boutonneuse (Bela Lugosi Is Dead de Bauhaus, At Night des Cure ou Expressway To Your Skull de Sonic Youth) et dont j’aime les réinterprétations, surtout sur la dernière citée avec son piano funèbre à la Chopin. Restent les chansons populaires (comme Porque Te Vas ?) qui prennent un surcroît d’intimité et les chansons appartenant à la mythologie (A Day In A Life, la plus belle chanson des Beatles du monde avec I Am The Walrus, fallait quand même oser) qui redeviennent tout simplement de belles chansons comme les autres.

lundi 18 juin 2007

Le beurre et le cul de la crémière


Une dose de rock’n’roll ketchup pour mon hamburger numérique : en mettant des albums entiers en streaming sur internet quelques jours ou même parfois quelques semaines avant la date officielle de leur commercialisation les dernières techniques promotionnelles ont cet avantage d’épargner au fouineur de prendre quelques petits risques inconsidérés en téléchargeant (et en plus ça fait gagner du temps). Mais pour se faire une bonne idée en avant-première le peer to peer reste quand même souvent la meilleure solution, il y a plein de petits malins experts en découverte de musique bien avant l’heure et ce n’est pas près de s’arrêter. Tu bootlegues les chansons, si tu n’aimes pas tu as bien fait mais si tu aimes alors tant pis pour toi -le fin du fin chez les record geeks c’est carrément de télécharger puis de tout racheter en vinyle, vouloir le beurre et le cul de la crémière en même temps, l’argent du beurre c’est pour les maisons de disques ou ce qu’il va en rester.
























Au programme des nouveaux albums en streaming ces semaines passées il y a donc eu (attention, cela ne va être que du très lourd, ennemi du mainstream passe ton chemin) le dernier Marilyn Manson (Eat Me, Drink Me -en ligne une toute petite semaine avant la sortie du disque), le Queens Of The Stone Age (Era Vulgaris je crois qu’il s’appelle, une semaine de streaming là aussi) et le Turbonegro, Retox, dont la parution était prévue aux alentours du 15 juin.
Le Manson mérite à peine d’être téléchargé en P2P, je préférais lorsque Brian ne se prenait pas pour un homme, un vrai, de ceux que l’amour blesse et je préférais aussi lorsque sa copine Twiggy s’occupait de le recadrer et de le pousser dans le sens de l’exagération. A la place Tim Skold compose de la musique comme s’il était un agent de change au service d’une banque d’affaires et en plus il n’arrête pas de faire des soli de guitare dégueulasses.
Josh Homme aussi a déconné en mettant Nick Oliveri à la porte des Queens Of The Stone Age, tout ça parce que celui-ci essayait un peu trop souvent de jouer de la basse avec une piquouze plantée dans le bras. Sur Era Vulgaris je n’ai pas beaucoup entendu la voix de Mark Lanegan non plus. En fait je crois que je préfère le Marilyn Manson, ce doit être mon côté midinette.
Turbonegro sort son troisième album depuis le hiatus post Apocalypse Dudes et continue exactement dans la même veine, la seule chose que les norvégiens savent faire c’est du Turbonegro, avec des hauts et des bas -je trouve ce Retox bien meilleur que le précédent Party Animals mais toujours en deçà de leur chef d’œuvre de 1997, surtout il n’y a pas d’arrangements trop luxe et c’est un soulagement. Ils prétendent être the best bits of The Rolling Stones mixed with the best bits of Black Flag, but composed by Shostakovich, Stalin's in-house composer mais la vérité c’est qu’ils ressemblent à nouveau à Alice Cooper accompagné par un backing band composé de quelques Ramones survivants ou zombifiés et non plus à Mötley Cruë reprenant Let’s Spend The Night Together avec Jeremy Jordan aux chœurs. A la fin du dernier titre (What Is Rock ?) ils ont même l’air de s’adresser directement aux Queens Of The Stone Age : Where is the cash ? Money ! Money ! mais personne évidemment ne répond, puisque Josh Homme ne semble plus avoir grand chose à dire pour l’instant -je ne suis tout de même absolument pas persuadé que Turbonegro puisse la ramener pour autant.

dimanche 17 juin 2007

Allez les filles !
















 



Les filles détourmentées c’est un trop chouette nom pour une asso organisant des concerts, surtout lorsque le concert en question réunit Binaire (de Marseille) et Sandals Of Majesty (Ecosse) pour la très modique somme de cinq euros -c’était vendredi dernier et malgré les proverbes à la mode du style pas un jour sans pluie ou un orage par jour c’est pour toujours pas mal de monde avait fait le déplacement.
Je n’avais encore jamais vu Binaire en concert et je connaissais assez mal leur musique, juste des anecdotes à leur sujet qui me faisaient envie comme celle à propos de leur dispositif scénique (ils jouent face à face, séparés par un pied de micro qui forme un T) et leurs machines infernales c'est-à-dire boite à rythmes, basses, samples et zigouigouis industriels divers. Binaire sont donc deux, ils ont de l’informatique sur scène et un ampli pour sonoriser spécialement les rythmes. Ils jouent une sorte de métal hard core électro qui suivant la tonalité empruntée par les machines peut faire penser à plein de choses différentes -personnellement j’ai nettement préféré les passages sautillards pendant lesquels la boite à rythmes balançait du groove bien chaloupé et les morceaux lents et lourds (comme le tout dernier titre joué ce soir là) qui n’étaient pas très loin de Godflesh. Sinon, il y a aussi des cavalcades frénétiques ultra rapides et des passages noisy plus aériens mais il ne faut pas croire que Binaire s’éparpille et se perd dans trop de directions, bien au contraire Binaire c’est de la dilation constante et homogène, de la grosse chaleur, du granit à facettes et ça fait du bien tellement ça fait mal. J’ai donc hâte d’écouter leur nouvel album (si j’ai bien compris enregistré par Nicolas Dick de Kill The Thrill) que malheureusement ils n’avaient pas avec eux, suite à un problème de pressage ou quelque chose comme ça.

La suite du concert s’annonçait tout aussi alléchante avec The Sandals Of Majesty : le flyer annonçait des anciens Bagdewearer et ça c’était une bonne nouvelle. Ils arrivent, s’installent et je n’en reconnais aucun -pourtant il me semble bien avoir vu un jour Badgewearer en concert, à moins que je ne confonde avec Archbishop Kebab, bref un groupe de cette tendance là. J’ai tout de suite un problème avec la musique du groupe, cela démarre toujours très bien, ils ont de vraies compositions, le son du groupe est bien posé sur une basse énorme et ça, ça me plait toujours, mais tout tombe à plat, la vindicte s’efface, l’émotion s’enfuit, il manque quelque chose. Je n’aime pas particulièrement la voix du chanteur et je trouve qu’il ne prend pas assez de place (pourtant il porte une belle chemise blanche) mais je ne suis pas sûr que ce soit lui le problème. La prestation de The Sandals Of Majesty n’est pas très habitée, manque de cette fougue dont par exemple peut faire preuve un groupe comme The Ex -cette comparaison n’est pas là pour faire méchant : la musique des deux groupes a quelques points communs et je me rappelle d’un concert des hollandais où justement ils m’avaient laissé cette même impression un peu vide.
Je retournerai donc voir ces écossais militants si un jour ils repassent par ici parce que je suis finalement persuadé que pour eux c’était tout simplement un jour sans comme cela arrive parfois. J’ai hâte aussi de savoir quel sera le prochain concert organisé par Les Filles Détourmentées, elles ont un sacré bon goût mais pas encore de site perso (peut être n’en veulent elles pas ?) et je leur ai donné mon adresse mail pour être inscrit à leur liste de diffusion, on ne sait jamais.

jeudi 14 juin 2007

It's catching up


Mardi. Je suis presque arrivé à destination, il ne me reste qu’un pont (assez dangereux) à traverser et j’attends que le feu se mette gentiment au vert : une bande d’énergumènes en short débarque, ils slaloment entre les voitures, hilares -il me semble que j’en reconnais un mais je ne me pose pas d’avantage la question, c’est à moi de passer et mon vélo prend doucement la petite descente jusqu’au quai.
Le garçon qui attend à l’entrée de la péniche (et qui organise ce concert) se demande s’il ne va pas s’arrêter là : je suis le premier arrivé, en tout et pour tout nous ne serons que quatorze ce soir et je l’entends expliquer qu’il en a assez, que c’est démoralisant de faire venir des groupes que lui aime mais qui ne semblent intéresser personne. La veille il y avait une bonne centaine de métallurgistes pour assister au concert de Lair Of The Minotaur et de Knut, le public en ce moment a une très nette préférence pour le lourd et le gras, c’est certain.
Les gens arrivent petit à petit, les groupes reviennent eux aussi -ils étaient partis manger quelque part, ce sont ces mêmes énergumènes que j’avais croisé sur le pont- et c’est l’heure de commencer. Le premier groupe est un one man band qui n’est autre que l’organisateur du concert. Il trafique une guitare, fait des boucles qu’il empile, là-dessus il se met à la batterie, martèle sur ses strates de sons et le résultat est vraiment bluffant.
Arrivent les italiens de
But God Created Woman et ils ne tardent pas à démontrer qu’ils sont effectivement ce que l’on dit d’eux : une copie au carbone d’Arab On Radar, s’en est même terriblement gênant. Le chanteur se tient bizarrement de profile en faisant mine de se pendre avec son fil de micro tandis que les deux guitaristes tournent consciencieusement le dos au public. Je décroche complètement et ne suis tiré de ma tordeur que lorsque je vois que le technicien son procède à un échange de micro en plein milieu d’un morceau, je ne m’étais même pas aperçu que l’on n’entendait plus la voix. Ils jouent vingt cinq minutes.
Talibam! s’installent à leur tour : le batteur c’est Kevin Shea, ancien Storm And Stress (avec des membres de Don Caballero) et actuel Get The People, c’est lui que j’avais cru reconnaître tout à l’heure avant d’arriver à la salle. Il y a aussi un clavier et je cherche désespérément la guitare… Il n’y en a pas et pourtant je reste persuadé que les Talibam! sont normalement trois alors je m’attends à voir débarquer quelqu’un d’autre pendant que les deux premiers jouent une mélasse infâme (en début de concert ils annoncent qu’ils vont faire du jazz) à base de sons d’orgue dignes de Charly Oleg et d’un jeu de batterie qui se voudrait inspiré par Rashied Ali mais qui n’est que de l’esbroufe polyrythmique. Ils font des interventions ironiques et finalement méchantes sur le fait qu’ils sont si heureux de jouer sur un bateau qui ne coule pas et devant tant de personnes, que l’organisateur du concert est vraiment sympa, etc. Un type réussit à s’endormir sur une banquette et je l’envierais presque. Je n’attends que la fin pour pouvoir dire au revoir aux deux ou trois personnes que je connais puis je rentre à une heure inhabituellement tôt, quand j’arrive à la maison il est à peine minuit.
Je vérifie tout de suite sur mes tablettes : effectivement Taliban! sont trois, il y a aussi un saxophoniste (et non pas un guitariste) mais je ne crois pas que sa présence eût changé quoi que ce soit.























Je me réveille mercredi matin dans un drôle d’état, aujourd’hui je ne travaille pas mais je sens que je vais malheureusement profiter de ce jour de congé pour être pas très bien… Je suis incapable d’écouter autre chose que du piano, notamment des pièces de Schoenberg -un disque d’un bon label de musique contemporaine et de freeture que j’ai payé une misère en solde alors que d’habitude les références de ce label sont très (très) chères… Ce jour là j’avais aussi trouvé un disque consacré aux travaux de jeunesse de Morton Feldman pour piano (et qui fait écho à celui publié chez Mode) mais je n’arrive pas à rentrer dedans, j’ai besoin de choses beaucoup plus figuratives et donc le Schoenberg me convient très bien. Je passe la journée à m’occuper à rien faire tout en écoutant ce brave Arnold. Le soir arrive -et la fraîcheur avec- et je me pose enfin la question du concert de NoMeansNo, je décide d’y aller, au moins pour me remettre de la catastrophe de la veille… et puis entre les canadiens et moi c’est une longue histoire d’amour, je les ai déjà vus deux fois il y a pas mal d’années alors il est grand temps de remettre ça, même si leur petit dernier (All Roads Lead To Ausfahrt) m’a convaincu sans réellement m’enthousiasmer.
Toujours en vélo, l’orage a menacé toute la journée mais finalement il ne pleut pas… Devant la salle il y a une bonne centaine de personnes qui attendent encore, cela me rappelle le dernier concert de NoMeansNo auquel j’ai assisté : c'était complet et tous ceux qui n’avaient pas pu rentrer étaient passés en force, balayant les organisateurs débordés tandis que d’autres esquivaient par derrière en cassant les fenêtres des chiottes, une véritable émeute et une salle de concert bien au delà de sa capacité et à la limite de Furiani. Mais le concert de ce soir se déroule dans un bel endroit -c’est une salle que j’adore, j’y ai vu des choses si différentes mais souvent affolantes… puis la musique y a été abandonnée, avant d’être remise au goût du jour il y a un an et demi- un endroit assez grand donc je sais que j’arriverai à rentrer à l’intérieur. Je vais attacher mon vélo dans la cour de derrière et je vois John Wright (batteur de NoMeansNo, un type très laid qui arrive merveilleusement bien à imiter Popeye) en train de faire une petite sieste tout en écoutant quelque chose qui ressemble à du Lionel Hampton, cela fait ding ding dung ding ding, je déteste le xylophone ou je ne sais quoi alors je retourne vite vers l’entrée de la salle.
C’est
Ned qui joue en premier et à domicile, je les ai vus un nombre incalculable de fois, mes nerfs ont parfois eu du mal à les supporter, j’ai dû connaître toutes leurs périodes musicales et ce soir, pour la première fois vraiment, ils sont totalement excellents et impressionnants, peut être qu’un jour je finirai même par acheter un de leurs disques. Les lumières se rallument et je croise au hasard quelques très vieilles connaissances, ce concert aura au moins servi à ça.
Les trois NoMeansNo montent sur scène, trois papys aux cheveux blancs (la première fois que je les ai vus ce devait être aux alentours de 1990 et déjà à cette époque je les trouvais vieux), la batterie sur le côté droit, le guitariste à lunettes à gauche et Rob Wright -frère de l’autre- au centre dans une magnifique chemise rouge. Les morceaux, surtout des récents, sont enchaînés sans répit, toutes les trois titres environ ils font une petite pause pour raconter des blagues stupides, prétendent qu’ils ont inventé le math-rock tout ça parce qu’un de leurs albums s’intitule 0 + 2 = 1 et ça repart de plus belle, ils ont la banane, ça rigole, ça gueule, ils ne jouent pas assez de vieux morceaux à mon goût (j’en ai comptés cinq : The Fall, Dark Ages, Two Lips, Two Lungs And One Tongue, Rags And Bones et Big Dick) mais ce n’est pas grave du tout, le service gériatrie est en feu, la nurserie aussi, plus ça va et plus j’aime les vieux (oui je me répète), deux rappels et les lumières qui tardent à se rallumer alors j’y crois encore un peu, ils vont revenir une dernière fois mais non c’est bien fini, je me rends compte que je suis épuisé, ils m’ont épuisé.
Sur la pochette du disque The People’s Choice il y a cette photo d’un mur graphité, dessus quelqu’un a écrit How fuckin old are NoMeansNo ? Give It Up Grand Dads. Juste en dessous il y a la réponse (et elle est signée John Wright) qui dit : that’s ’great grand dad’ to you fucker ! Sans commentaires. Assurément ils arrivent toujours sans difficultés à tenir la dragée haute à la plupart des groupes de punk que je connais, ils demeurent difficiles à dépasser ou tout simplement à rattraper et cela donnerait presque envie de vieillir -c’était vraiment un plaisir de les revoir.

mercredi 13 juin 2007

La parade des trous du cul

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La grande affaire de la semaine dernière -peut être même de tout le mois de juin ou plus, en tout cas c’est vraiment ce que j’espérais- c’est Shellac qui ressortait enfin de sa réserve pour publier un quatrième album au drôle de nom : Excellent Italian Greyhound. Le rock c’est avant toute chose une affaire de concerts (étant sorti d’une profonde léthargie isolationniste depuis quelques mois je ne peux que l’admettre) et Shellac vient d’effectuer une tournée dont les échos lus ici ou là sont très favorables, Shellac est un groupe de scène un point c’est tout.
Je ne les ai vus qu’une seule fois (en 1995 ?) et il y avait les anglais de Headcleaner en première partie, c’était le genre de concert comme on rêverait qu’il y en ait plus souvent (c’est marrant parce qu’hier je me suis souvenu d’un autre, avec Unsane ET Neurosis : à l’époque je faisais aussi mon blasé et maintenant je sais que j’ai eu cette chance de trou du cul). Un concert de rêve donc et dans la salle en attendant l’arrivée de Shellac cela n’arrêtait pas de parler dans tous les sens -quel est le meilleur album des Swans ? Un type en t-shirt marqué (je ne me rappelle plus quoi) parlait très fort (façon trou du cul lui aussi), disant que le meilleur Swans c’était cette réédition CD de l’album Cop couplé avec le EP Young God et il avait raison -cette salle était remplie de trous du cul qui avaient un avis sur tout et l’excitation était à son comble, c’était la grande parade, chaque détail avait son importance, même une conversation stupide à propos d'un autre groupe qui n'avait rien à voir.
La batterie était placée au centre et devant, les amplis home-made identiques de chaque côté. Parfois je réécoute un excellent bootleg vinyle qui date de cette époque (dessus c’est écrit en japonais mais cela ne veut rien dire du tout) et qui me replonge directement dans ce concert magnifique, c’est le même son aride et sec, la même rythmique reine, c’est SHELLAC.






















Par contre je n’ai pas beaucoup écouté leurs albums studio, mis à part le tout premier, At Action Park, ainsi que tous les singles qui datent de la même période. Je ne me souviens absolument pas de Terraform (déroutant parait-il) et il ne me reste pas grand-chose de 1000 Hurts que pourtant j’ai un peu usé. A vrai dire je ne suis pas sûr qu’un album de Shellac puisse s’écouter attentivement. Mais j’y pense constamment à cette musique squelettique (ils se proclament minimalist rock trio) et à ce son obsédant, tout en angles saillants et en déchirures franches. Il y a quelques reprises de basse/batterie qui inconsciemment me servent de maître-étalon dès que j’écoute un groupe américain de noise, il y a des parties de guitare qui m’obsèdent encore plus : si Angus Young arrive à tenir le solo de Touch Too Much avec à peine trois notes, Steve Albini lui est capable de balancer le même riff en fil de fer barbelé pendant de longues minutes, la tension monte, monte -sur At Action Park cette tension finit par s’affirmer (comme sur l’excellent Crow, dernier titre de la première face, qui explose littéralement) alors que depuis, sur les disques plus récents et donc aussi sur le petit dernier, ces moments sont devenus plutôt rares dans la musique de Shellac, l’explosion est à l’intérieur, Shellac est vraiment un groupe de rythmique pure.
Excellent Italian Greyhound
? Je ne savais même pas que les lévriers italiens existaient et la pochette du CD est plutôt sophistiquée et au millième degré (je n’ai pas encore vu la version en LP). Le premier titre résume vraiment le baratin écrit ci-dessus à propos du côté immanent de la musique de Shellac : il dure plus de huit minutes, Albini hurle des can you hear me now ? qui me semblent être le summum de l’ironie et lorsque un semblant de guitare solo arrive enfin on est presque déçu… mais on y revient toujours, tout comme je réécoute ce disque dès qu’il est terminé. Excellent Italian Greyhound n’est donc pas La Grande Affaire du moment mais va bien au-delà : qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Albini joue avec Shellac tout comme il s’amuse lorsqu’il enregistre un autre groupe -son studio analogique est très recherché et il a arnaqué plus d’une major en exigeant des tarifs prohibitifs (mais acceptés) pour PJ Harvey, Nirvana, Page & Plant ou les Stooges alors qu’il est capable de bosser avec un groupe de crevards pour presque rien- et son travail fonctionne sur la durée et non pas sur les effets, l’appellation de minimalisme n’est donc pas usurpée.


mardi 12 juin 2007

Je l’aime, un peu, beaucoup, etc.

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J’essaye plusieurs fois de suite d’écrire quelque chose sur The Narcotic Story mais je n’y arrive pas : j’ai déjà écouté ce disque beaucoup trop souvent (au moins tous les jours) pour que je puisse m’en détacher. Alors à quoi bon encore employer les éternels adjectifs dont je me sers toujours pour décrire la musique d’Oxbow ? La batterie, la basse ? Oui, oui. La guitare ? Il y en a également sur ce disque. La voix du chanteur ? Est-ce qu’il se fout aussi à poil pendant les sessions studio ? Tu le lui demanderas toi-même, imbécile. Je pourrais peut être parler des arrangements orchestraux (cordes, instruments à vents, etc) écrits pas le guitariste Niko Wenner pour certains titres, des arrangements limite majestueux qui donnent une coloration pop 60’s/jazzy/spectorienne à l’intro de She’s A Find -tiens, justement, voilà un titre pendant les premières minutes duquel je me demande toujours s’il va y avoir de la guitare à la place de ce foutu piano puis la réponse arrive, Oxbow est un groupe à guitares bordel, comment est ce que je pourrais bien oublier ça ?

Par contre je ne pourrais pas parler du producteur (un certain Joe Chiccarelli) dont le curriculum vitae inclus moult enregistrements avec des groupes ou musiciens qu’en général je n’apprécie guère, mais dont la longueur prouve bien qu’on peut traîner très tard la nuit dans des studios ultra perfectionnés, à rien foutre sinon éternellement réécouter les mêmes trente secondes de bande pour savoir s’il faut tout garder ou bien jeter, et se lever le lendemain à point d’heure mais gagner quand même beaucoup de pognon -hey Joe, je pense que tu as bien bossé sur The Narcotic Story et je t’en remercie.
J’essaye alors d’écrire à nouveau sur ce disque mais je n’y arrive toujours pas, j’essaye en écoutant tout autre chose, le prochain Turbonegro par exemple, ha ha ha, et rien n’y fait, je reste persuadé que j’ai déjà trop écouté cet album pour que je puisse en dire quelque chose qui ne soit pas de l’ordre de la béatitude, qu’il fait déjà partie de moi, qu’il y est arrivé avec une facilité déconcertante, et fatalement c’est la plus belle qualité que je puisse lui trouver : un disque du premier jour est un disque d’amour (c’est tout).

[bonus track : la reprise de Insane Asylum en duo avec Marianne Faithfull, extrait de l’album Serenade In Red en 1996]

dimanche 10 juin 2007

Bedtime for democracy

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J’ai cherché quelque chose à dire contre (à défaut de quelque chose à faire) et j’en suis arrivé à ce titre d’un album des Dead Kennedys sûrement parce que je viens de relire un texte de Lester Bangs intitulé Jello Biafra n’est pas un crétin (extrait de Fêtes Sanglantes) dans lequel le moustachu démonte complètement le groupe de San Francisco. Une centaine de pages plus tôt il y a la fameuse chronique sur le Kick Out The Jam du MC5 et si Bangs a plus tard reconnu son erreur à propos de Rob Tyner and C° il n’a pas eu le temps de le faire à propos des Dead Kennedys et d’ailleurs l’aurait il fait ? Je crois qu’il ne supportait pas la politique en musique : Tu hais réellement la vie américaine actuelle, Jerry Brown et Ronald Reagan. Moi aussi. Mais tous les nihilistes californiens idiots et peut être proto fascistes/racistes aussi. […] Même si tu crois à ce que tu dis sur le capitalisme, le consumérisme, etc., je ne crois pas qu’ils t’écoutent. Je pense que, dans la mesure où ils peuvent te différencier des autres, ils viennent te voir pour la même raison qu’ils vont voir Black Flag ou les Plasmatics, d’ailleurs : pour la brutalité idiote.

Il a bien saisi l’ambivalence du truc, c’est un vieux débat, la violence du propos (ou de ce qui entoure le propos) peut elle être aussi ou même plus violente que ce que le propos lui même voudrait dénoncer ? L’effet miroir est dévastateur, le contre exemple ne fonctionne que rarement et donc peut même parfois séduire. Un type comme Lester Bangs aurait il fini par se vautrer dans la débauche de violence tout comme John Peel avait choisi dès 1986 de faire confiance à Napalm Death ou Extreme Noise Terror et de les enregistrer pour son émission sur Radio One ? La brutalité idiote telle qu’il l’a décrite est devenue une forme d’expression en elle-même, acceptable, l’ironie et le sens de tout ça échappe à toutes règles autres que celles qui les définissent en propre : autrement dit, on tourne en rond.

Ce n’était pas le cas des Dead Kennedys, l’engagement de Jello Biafra je crois était sincère -la preuve : il dure toujours… ok, je sais que ce n’est pas suffisant mais c’est qu’en fait je n’ai absolument pas besoin d’une preuve infaillible- et après toutes ces années la musique du groupe est toujours aussi motivante et libératrice, contrairement à ce qu’affirmait Bangs dans son article. Alors la violence, en musique ou ailleurs, oui, sûrement et de plus en plus. C’est notre monde... un monde où la définition de la démocratie est celle qui tend à demander le silence après les élections, comme si un vote imposait au final de fermer sa gueule et de courber les épaules. S’enivrer du parfum délétère de la destruction ou bien jouer la subversion ? La subversion n’est plus dans les idées mais dans la description de l’horreur (en musique les champions du genre s’appellent Whitehouse) et c’est triste d’en être arrivé là, je regrette chaque jour d’avantage qu’il n’y ait plus grand-chose d’autre à dire, qu'il n'y ait personne pour le dire. Après, on peut toujours aller brûler des bagnoles et se prendre des coups de matraques, pas pour rien ?

vendredi 8 juin 2007

Les morts ont la vie dure
























Et ça continue, dans une récente interview David J parle du nouvel album de BAUHAUS : It was recorded very quickly. It took just over two weeks. We went in without any preparation and consequently, it has a very raw, vital feel which I love. The sound and form is reminiscent of German ‘motorik’ meets Iggy & The Stooges but very contemporary. There's a solid thickness to the sound which has never been there before, a driving and relentless intensity -des mots qui sentent bon l’exercice d’auto promotion. Dites donc les gars vous ne pourriez pas laisser les gamins avec leurs rêves inachevés et passer à autre chose ?

Autre chose justement avec Don Nino (un ancien de Prohibition et un bout du nlf3 trio) qui sort son troisième album intitulé Mentors, Menteurs ! Dans le nid d'ange du petit Nicolas on retrouve quelques extraits de ces nouveaux enregistrements (apparemment que des reprises ou presque), toujours marqués par le même goût de l’intime ensoleillé et l’émotion au bord des lèvres -Syd Barrett n’est jamais très loin et est même directement cité dans un titre. Il y a aussi une version assez étonnante du Bela Lugosi’s Dead de Bauhaus, à tous les coups un rêve d’enfant là aussi.

jeudi 7 juin 2007

Une page de publicité (death metal is free jazz)

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J’ai trouvé ce petit tract vert fluo dans l’enveloppe à bulles contenant le disque de Ground Zero et celui de Death Unit que j’avais commandés il y a quelques semaines, depuis tellement longtemps que je pensais que le colis s’était perdu, que je m’étais trompé d’adresse ou quelque chose dans ce genre -la musique est une tentative dérisoire de se convaincre que le temps a quelques limites lui aussi (et puis quoi encore ?) mais si parfois la musique s’accommode mal de l’impatience, elle sait aussi choisir son moment, car c’est elle qui choisit je n’en doute pas une seule seconde et c’est moi qui attend.
Est donc arrivé ce tout petit colis avec deux disques portant des noms dignes de groupes de heavy metal -le mauvais goût assumé avec toute la pose artistique possible qui fait que n’importe quel crétin comprendrait que c’est juste pour rire mais moi j’ai beaucoup trop envie d’être un crétin alors je n’ai même pas essayé d’écouter ces deux disques, même si Ground Zero est le premier groupe d’Otomo Yoshihide, même si Death Unit a quelque chose à voir avec Hair Police ou Wolf Eyes. Ce n’est toujours pas le bon moment.

A la place j’ai téléchargé le nouvel album de Cephalic Carnage -un vrai groupe de death mais qui passe pour une bande d’intellectuels tout ça parce qu’il y a parfois des plans jazzy ou dub dans sa musique : arrivé à ce stade là je ne sais pas ce qui est pire, les binoclards qui s’encanaillent sur des grosses guitares déconstruites ou les forgerons qui sucent le bulbe rachidien de Frank Zappa au petit déjeuner. Je suis donc passé à Listen To Your Left Brain des Chinese Stars, un groupe que j’adore et dont les concerts me réjouissent. L’album est beaucoup trop produit pour moi, je veux dire pourquoi le premier titre (Drugs And Sunshine) sonne t-il comme du Duran Duran ? Il parait que depuis l’enregistrement de ce disque le bassiste Richard Pelletier est allé voir ailleurs, peut être pense t-il comme moi que les deux meilleures chansons de l’album sont les deux à être déjà parues sur un vinyle deux titres l’année dernière, en l’occurrence TV Grows Arm et The Drowning et qu’il se cache de désespoir.
Pour en revenir au tract vert fluo -je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer que c’était presque la même couleur que celle du t-shirt que portait Tony Conrad lors de son dernier concert par ici- il fait la publicité d’un festival (pour la tête et les jambes disent ils) du côté de Mulhouse dont le programme regroupe quelques siphonnés et autres réfractaires aux mélodies croustillantes. Il y a déjà du côté de cette ville un autre excellent festival, mais de free jazz cette fois, et mon petit doigt me dit que les deux évènements sont intimement liés. Vive l’Alsace.

mardi 5 juin 2007

Ton mariage est un trou noir et Boris invente la durée paradoxale


En général lorsque j’évoque les Melvins (même brièvement) les japonais de Boris se pointent pas très longtemps après, j’appelle ça le syndrome du couple divorcé parce que justement je connais un ancien couple -divorcé donc- et à chaque fois il y a cette coïncidence troublante : lorsque je rencontre ou parle à l’un, l’autre met moins de quarante huit heures à se manifester et à me demander si je n’aurais pas eu des nouvelles. Alors je réponds que non, un peu perturbé pas le systématisme de la situation et à tel point que j’ai fini par soupçonner qu’ils me faisaient une blague, mais pas de blague non plus et le manège continue, c’est ça le syndrome du couple divorcé.
Les liens unissant les Melvins et Boris sont très simples et de deux types, le premier se résume à ça et le second est que lorsque je pense aux Melvins (et je pense très souvent et très fort à eux), Boris débarque dans ma petite vie de monomaniaque uniphasé... Mais j’ai quelques autres exemples de convergences spatio-temporelles entourant le même genre de mystique digne de la plus obscure des numérologies (ou cartomancies si vous préférez les images et les bons points) : lorsque je vois une pub Mac Donald’s à la télé sur leur nouveau shit burger avec mayonnaise sucrée je pense immanquablement à Rob Halford mais lorsque j’écoute mes collègues de travail raconter leur soirée de la veille je me rappelle toujours avec bonheur que je n’ai pas la télé -il n’y a aucune contradiction là-dedans, je le répète, c’est juste de la magie.

En fait il existe peut être un troisième lien entre les deux groupes, lien qu’il me faut évoquer ici et qui explique mon émoi intérieur : bien que beaucoup plus récent, le groupe japonais (Boris) essaie désespérément de rattraper son retard discographique sur ses illustres aînés (Melvins) alors que ceux-ci justement sont plutôt des débiteurs de tranches de plastiques émérites, à rendre jaloux un bluesman noir et aveugle sous-payé par la Columbia pour rentabiliser encore plus ses galettes de vinyle à deux faces. Traquer la discographie intégrale de Boris est donc assez compliqué, même en utilisant les moyens techniques modernes désormais à la disposition de tous les record geeks à lunettes de la planète.
L’électricité nucléaire, la musique sérielle, les ondes négatives de Dee Dee Ramone depuis l’au-delà (haha ha c’est une blague : il ne faut vraiment pas croire que j’y crois) ou peut être plus simplement une habitude agaçante de jouer des doigts dès que je rencontre un bac de disques couplée à un désoeuvrement profond et impénétrable (ce serait même mon seul point commun avec l’au-delà mais comme je déjà dit plus haut, etc), tout ces facteurs convergents ont fait que l’après midi suivant cette fabuleuse victoire remportée contre une technologie réfractaire j’ai enfin trouvé ce disque de Boris with Keiji Haino intitulé Black : Implication Flooding édité en 1998 par Inoxia.























Ce disque est une cruelle déception. Keiji Haino n’y braille que momentanément, sa guitare aux aigus déchirants est submergée par le sludge-doom-métal-ce que tu veux de Boris et certains titres visiblement très improvisés s’achèvent brutalement comme si l’ingénieur du son était tombé en rade de bandes magnétiques pour enregistrer ce cauchemar. Tous ces points négatifs s’effacent sur l’extraordinaire Don’t be cheated by the oozing silt from both of the accuser and the accused which is always there, saying ‘something have to be done’ (c’est ça le titre) enchaîné au non moins fabuleux The person who, what is s/he like, the one who has been determined and prepared -à eux deux cela avoisine les vingt-cinq minutes de n’importe quoi où paradoxalement (encore un mystère) toutes les qualités de Boris ET de Keiji Haino apparaissent enfin au grand jour, la basse qui vrombit, les guitares qui agressent, le petit Keiji qui rugit comme aux plus beaux jours de Fushitsusha et le batteur qui perd toute mesure, en résumé : vingt-cinq minutes de perfection sur un total de soixante-dix, personne ne leur a jamais dit que le maxi 45 tours avait été inventé et que dans leur cas cela aurait permis d’épurer tout le gras de leur musique ?

Il est temps de conclure et cela tombe bien, j’ai deux arguments supplémentaires qui tendent à prouver que j’ai absolument raison : Boris est bien un groupe de stakhanovistes stupides avec quelques éclairs de génie qui peuvent les rendre si attachants. Le premier argument est un vinyle deux titres (justement) que Boris et Merzbow ont publié je ne sais quand chez Hydra Head -voilà les gars, c’est ça, vous avez enfin tout compris, personne n’a le temps de vraiment s’emmerder en écoutant un maxi. Le second argument est un double CD intitulé Dronevil, à nouveau chez Inoxia (il date de 2005 mais a mis un peu de temps pour arriver jusqu'à moi). Chaque CD comporte trois titres pour une durée totale de une heure, le premier s’appelle Drone et le second Evil. Boris préconise d’écouter les deux simultanément, l’avantage étant que cela ne dure plus qu’une heure au lieu de deux. Un autre avantage est que c’est vraiment mieux ainsi, en sandwich entre les deux sources sonores qui se complètent parfaitement alors que l’écoute séparée ne laissait rien présager de tel… si ça ce n’est pas la chance insolente du créateur visionnaire qu’est ce que c’est ? Et bien en fait je plaisante : écouter les deux disques en même temps est un calvaire sans nom, un supplice digne de l’inquisition, une stupidité insondable et finalement une perte de temps parce qu’une heure de Dronevil est plus longue et douloureuse qu’une heure d’Evil enquillé après une heure de Drone, Boris a tout naturellement inventé la durée paradoxale mais n’en tire aucune gloire et là je pense vraiment, je pense vraiment qu’ils l’ont fait exprès, ces cons. Oui : CONS. Juste histoire de voir s’ils étaient capables de battre ces nerds de Melvins sur leur propre terrain. Evidemment la réponse est non.

lundi 4 juin 2007

Sonic Life

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Pendant trois jours j’ai essayé d’oublier que j’allais revoir Oxbow en concert -leur dernière venue par ici doit dater de cinq ans, dans un magnifique squat depuis très proprement démoli- oublier pour éviter de me laisser submerger par mon habituel enthousiasme débilitant, la bave aux lèvres, l’haleine fétide du chien qui s’est trop léché le cul et les mains tremblantes de désir. J’écoutais en boucle le nouvel album, The Narcotic Story, un peu inquiet parce que la news letter du label Hydra Head annonçait que la date lyonnaise était en fait un concert de Love’s Holidays c'est-à-dire le duo acoustique chanteur/guitariste d’Oxbow -là n’est pas le problème, j’ai déjà vu ce duo et j’en garde un grand souvenir mais c’est Oxbow en intégralité que je voulais revoir- donc autant dire que je n’arrivais absolument pas à penser à autre chose qu’à ce concert.
J’arrive tellement en avance que le premier groupe n’a pas encore fini ses balances et que Niko Wenner (je confirme que pendant de nombreuses années il a été live guitariste pour Swell mais il remplaçait aussi Justin Broadrick dans God lorsque celui-ci était trop occupé ailleurs) est tranquillement installé dehors sur une chaise à changer les cordes de sa guitare. Un petit sourire. Dans la salle Eugene Robinson bouquine dans un coin, juste à côté du stand de disques et de t-shirt d’Oxbow : il y a le nouvel album que j’achète immédiatement, je bredouille (en anglais dans le texte) que je l’ai écouté sur le site du label et que je l’aime beaucoup -Eugene souriant me remercie et commence à engager la conversation (en américain je crois) mais comme je ne comprends rien à ce qu’il me raconte je m’enfuis lâchement en direction du bar dire bonjour aux copines qui vont servir des bières toutes la soirée. Je repère enfin Dan Adams et Greg Davis (soit la section rythmique) donc ce soir Oxbow joue au grand complet et je suis soulagé.


















L’attraction locale commence à jouer, ils ne sont plus que cinq (le garçon qui bidouillait des ondes ou quelque chose comme ça est parti) et la musique du groupe me parait plus resserrée, plus efficace, le violon d’Agathe Max mène les débats avec la guitare toujours plus noisy de Tony -Sun God Motel fait un excellent concert, je m’étonne toujours qu’ils ne jouent que des reprises, ils terminent avec un Blue Moon méconnaissable, Elvis is dead.
Je me place dans les premiers rangs pour assister correctement à la suite et le premier constat qui s’impose est que les places sont chères, je n’ai jamais vu autant de monde à un concert d’Oxbow, il est bien loin le temps de leur première venue par ici devant une vingtaine de personnes déchaînées. Ce groupe va-t-il donc finir par récolter toute la reconnaissance qu’il mérite ? Il semble que oui et ce soir il sera difficile de bouger comme un épileptique, nous sommes un peu serrés comme des sardines et la chaleur est étouffante.
Le concert est une vraie surprise -déjà le nouvel album montre parfois un visage un peu différent- en ce sens que le groupe y va moins directement, moins frontalement : les cassures en demi-teinte sont plus nombreuses qu’auparavant, le guitariste est proprement bluffant de simplicité éclairée et pour la première fois j’entends vraiment correctement le son du bassiste (qui joue sur une fretless cinq cordes). Eugène est à poil dès le troisième morceau, son gros corps luisant de multiples tatouages (il me semble qu’il en a encore des nouveaux) et il a toujours des bouts de ruban adhésif sur les oreilles. Mais il n’est pas l’unique attraction de la soirée, son charisme et sa prestation hors normes sont toujours aussi évidents mais le guitariste lui vole presque la vedette : j’assiste non pas à un concert d’Eugène Robinson avec Oxbow mais bien au concert d’un groupe formidablement ensemble et entier. La musique difficile et parfois alambiquée devient doucement assassine, la set-list est très équilibrée entre nouveaux et anciens titres (mais donc les morceaux les plus violents du répertoire ne seront pas joués) et le temps perd tous ses droits en abandonnant son pouvoir obsessionnel sur les esprits, un magnifique rappel de deux titres dans un bain de sueur et Oxbow quitte la scène, les musiciens ont presque l’air choqué par les applaudissements et hurlements qu’ils suscitent -encore un beau succès.

Je me fais raconter le concert de Battles qui a eu lieu deux jours auparavant et auquel je n’ai pas assisté pour cause de fin de mois difficile, cela avait l’air plutôt bien, beaucoup plus taillé à la tronçonneuse que sur les disques mathématiques… Quelques échos du concert de Shellac à Genève aussi, parait-il mémorable mais par contre je ne trouve personne qui soit allé voir et écouter Do Make Say Think, dommage. Rendez vous est pris pour dans une dizaine de jours avec la venue de But God Created Woman et de Talibam ! puis dès le lendemain avec le concert de NoMeansNo. En attendant beaucoup de personnes traînent ce soir, la salle a exceptionnellement l’autorisation de fermer à trois heures du matin, des flots de conneries de racontées mais aucune envie de s’en aller et de rentrer chez soi, histoire de faire durer un peu plus longtemps les dernières impressions du concert d’Oxbow -mais c’est bel et bien fini : le temps a d’ores et déjà repris son travail de sape sur les esprits.

dimanche 3 juin 2007

Est-on vraiment obligé de se faire aux mauvaises nouvelles ?

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Il y a des semaines qui finissent mal : je reçois un mail à propos de la situation catastrophique de Radio Dio qui contrairement à ce que son nom indique n’est pas un hommage direct à l’ancien chanteur de Rainbow et remplaçant d’Ozzy Osbourne au sein de Black Sabbath. En un mot comme en cent, si à l’âge légal pour fuir le domicile parental sans risquer de me faire ramener direct à la maison par les autorités compétentes et par la peau du cul j’avais atterri à Saint Etienne et non pas dans la grande ville voisine, j’aurais très certainement frappé à la porte de cette radio pour proposer mes services, ma curiosité et mon envie de faire du bruit avec toute l’ignorance et toute la candeur que me caractérisaient à cette époque là. Le hasard a voulu que je sois fauché et paresseux et que donc je décide de ne faire que trente cinq kilomètres au lieu de cent et qu’après une observation attentive du terrain je me sois retrouvé à passer des disques et boire de la bière au lieu d’aller en cours quand je n’étais pas obligé non plus de travailler pour entretenir des conditions de vie sanitaire et sociale à peu près décentes.
Alors que se passe t-il à Radio Dio ? Un dépôt de bilan, purement et simplement et cette situation est malheureusement symptomatique de l’état général des radios associatives en France -j’exclue de cette catégorie toutes les radios confessionnelles qui elles débordent de moyens, les fidèles sont toujours prêts à payer très très cher pour entretenir le prosélytisme, je les laisse croire dans leur coin. Voilà donc une radio de plus qui risque fort de disparaître et bien que celle-ci soit membre du réseau clientéliste de la Ferarock (dont l’indépendance reste toujours une chose à prouver) je ne peux que le regretter mais cela m’amène aussi à penser que le temps des radios associatives est peut être révolu : je ne compte plus les webzines, les radios web, les forums internet où quelques énergumènes s’empoignent pour savoir si le dernier album de Neurosis est meilleur ou pas que l’avant dernier. Tout ça va plus vite, plus loin, plus fort… Mais ce qui manque c’est la rencontre, le lien social (j’emploie ce vilain terme galvaudé exprès) qu’apporte une radio en tant que lieu -c'est-à-dire, concrètement, le studio où se rendent des gens pour faire une émission : de là viennent quels uns de mes meilleurs amis.

[Sinon, j’essaie patiemment de me remettre du concert d’hier au soir : quelques amis là aussi et peut être un petit peu trop de bière ?]