lundi 4 juin 2007

Sonic Life

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Pendant trois jours j’ai essayé d’oublier que j’allais revoir Oxbow en concert -leur dernière venue par ici doit dater de cinq ans, dans un magnifique squat depuis très proprement démoli- oublier pour éviter de me laisser submerger par mon habituel enthousiasme débilitant, la bave aux lèvres, l’haleine fétide du chien qui s’est trop léché le cul et les mains tremblantes de désir. J’écoutais en boucle le nouvel album, The Narcotic Story, un peu inquiet parce que la news letter du label Hydra Head annonçait que la date lyonnaise était en fait un concert de Love’s Holidays c'est-à-dire le duo acoustique chanteur/guitariste d’Oxbow -là n’est pas le problème, j’ai déjà vu ce duo et j’en garde un grand souvenir mais c’est Oxbow en intégralité que je voulais revoir- donc autant dire que je n’arrivais absolument pas à penser à autre chose qu’à ce concert.
J’arrive tellement en avance que le premier groupe n’a pas encore fini ses balances et que Niko Wenner (je confirme que pendant de nombreuses années il a été live guitariste pour Swell mais il remplaçait aussi Justin Broadrick dans God lorsque celui-ci était trop occupé ailleurs) est tranquillement installé dehors sur une chaise à changer les cordes de sa guitare. Un petit sourire. Dans la salle Eugene Robinson bouquine dans un coin, juste à côté du stand de disques et de t-shirt d’Oxbow : il y a le nouvel album que j’achète immédiatement, je bredouille (en anglais dans le texte) que je l’ai écouté sur le site du label et que je l’aime beaucoup -Eugene souriant me remercie et commence à engager la conversation (en américain je crois) mais comme je ne comprends rien à ce qu’il me raconte je m’enfuis lâchement en direction du bar dire bonjour aux copines qui vont servir des bières toutes la soirée. Je repère enfin Dan Adams et Greg Davis (soit la section rythmique) donc ce soir Oxbow joue au grand complet et je suis soulagé.


















L’attraction locale commence à jouer, ils ne sont plus que cinq (le garçon qui bidouillait des ondes ou quelque chose comme ça est parti) et la musique du groupe me parait plus resserrée, plus efficace, le violon d’Agathe Max mène les débats avec la guitare toujours plus noisy de Tony -Sun God Motel fait un excellent concert, je m’étonne toujours qu’ils ne jouent que des reprises, ils terminent avec un Blue Moon méconnaissable, Elvis is dead.
Je me place dans les premiers rangs pour assister correctement à la suite et le premier constat qui s’impose est que les places sont chères, je n’ai jamais vu autant de monde à un concert d’Oxbow, il est bien loin le temps de leur première venue par ici devant une vingtaine de personnes déchaînées. Ce groupe va-t-il donc finir par récolter toute la reconnaissance qu’il mérite ? Il semble que oui et ce soir il sera difficile de bouger comme un épileptique, nous sommes un peu serrés comme des sardines et la chaleur est étouffante.
Le concert est une vraie surprise -déjà le nouvel album montre parfois un visage un peu différent- en ce sens que le groupe y va moins directement, moins frontalement : les cassures en demi-teinte sont plus nombreuses qu’auparavant, le guitariste est proprement bluffant de simplicité éclairée et pour la première fois j’entends vraiment correctement le son du bassiste (qui joue sur une fretless cinq cordes). Eugène est à poil dès le troisième morceau, son gros corps luisant de multiples tatouages (il me semble qu’il en a encore des nouveaux) et il a toujours des bouts de ruban adhésif sur les oreilles. Mais il n’est pas l’unique attraction de la soirée, son charisme et sa prestation hors normes sont toujours aussi évidents mais le guitariste lui vole presque la vedette : j’assiste non pas à un concert d’Eugène Robinson avec Oxbow mais bien au concert d’un groupe formidablement ensemble et entier. La musique difficile et parfois alambiquée devient doucement assassine, la set-list est très équilibrée entre nouveaux et anciens titres (mais donc les morceaux les plus violents du répertoire ne seront pas joués) et le temps perd tous ses droits en abandonnant son pouvoir obsessionnel sur les esprits, un magnifique rappel de deux titres dans un bain de sueur et Oxbow quitte la scène, les musiciens ont presque l’air choqué par les applaudissements et hurlements qu’ils suscitent -encore un beau succès.

Je me fais raconter le concert de Battles qui a eu lieu deux jours auparavant et auquel je n’ai pas assisté pour cause de fin de mois difficile, cela avait l’air plutôt bien, beaucoup plus taillé à la tronçonneuse que sur les disques mathématiques… Quelques échos du concert de Shellac à Genève aussi, parait-il mémorable mais par contre je ne trouve personne qui soit allé voir et écouter Do Make Say Think, dommage. Rendez vous est pris pour dans une dizaine de jours avec la venue de But God Created Woman et de Talibam ! puis dès le lendemain avec le concert de NoMeansNo. En attendant beaucoup de personnes traînent ce soir, la salle a exceptionnellement l’autorisation de fermer à trois heures du matin, des flots de conneries de racontées mais aucune envie de s’en aller et de rentrer chez soi, histoire de faire durer un peu plus longtemps les dernières impressions du concert d’Oxbow -mais c’est bel et bien fini : le temps a d’ores et déjà repris son travail de sape sur les esprits.