mercredi 13 juin 2007

La parade des trous du cul

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La grande affaire de la semaine dernière -peut être même de tout le mois de juin ou plus, en tout cas c’est vraiment ce que j’espérais- c’est Shellac qui ressortait enfin de sa réserve pour publier un quatrième album au drôle de nom : Excellent Italian Greyhound. Le rock c’est avant toute chose une affaire de concerts (étant sorti d’une profonde léthargie isolationniste depuis quelques mois je ne peux que l’admettre) et Shellac vient d’effectuer une tournée dont les échos lus ici ou là sont très favorables, Shellac est un groupe de scène un point c’est tout.
Je ne les ai vus qu’une seule fois (en 1995 ?) et il y avait les anglais de Headcleaner en première partie, c’était le genre de concert comme on rêverait qu’il y en ait plus souvent (c’est marrant parce qu’hier je me suis souvenu d’un autre, avec Unsane ET Neurosis : à l’époque je faisais aussi mon blasé et maintenant je sais que j’ai eu cette chance de trou du cul). Un concert de rêve donc et dans la salle en attendant l’arrivée de Shellac cela n’arrêtait pas de parler dans tous les sens -quel est le meilleur album des Swans ? Un type en t-shirt marqué (je ne me rappelle plus quoi) parlait très fort (façon trou du cul lui aussi), disant que le meilleur Swans c’était cette réédition CD de l’album Cop couplé avec le EP Young God et il avait raison -cette salle était remplie de trous du cul qui avaient un avis sur tout et l’excitation était à son comble, c’était la grande parade, chaque détail avait son importance, même une conversation stupide à propos d'un autre groupe qui n'avait rien à voir.
La batterie était placée au centre et devant, les amplis home-made identiques de chaque côté. Parfois je réécoute un excellent bootleg vinyle qui date de cette époque (dessus c’est écrit en japonais mais cela ne veut rien dire du tout) et qui me replonge directement dans ce concert magnifique, c’est le même son aride et sec, la même rythmique reine, c’est SHELLAC.






















Par contre je n’ai pas beaucoup écouté leurs albums studio, mis à part le tout premier, At Action Park, ainsi que tous les singles qui datent de la même période. Je ne me souviens absolument pas de Terraform (déroutant parait-il) et il ne me reste pas grand-chose de 1000 Hurts que pourtant j’ai un peu usé. A vrai dire je ne suis pas sûr qu’un album de Shellac puisse s’écouter attentivement. Mais j’y pense constamment à cette musique squelettique (ils se proclament minimalist rock trio) et à ce son obsédant, tout en angles saillants et en déchirures franches. Il y a quelques reprises de basse/batterie qui inconsciemment me servent de maître-étalon dès que j’écoute un groupe américain de noise, il y a des parties de guitare qui m’obsèdent encore plus : si Angus Young arrive à tenir le solo de Touch Too Much avec à peine trois notes, Steve Albini lui est capable de balancer le même riff en fil de fer barbelé pendant de longues minutes, la tension monte, monte -sur At Action Park cette tension finit par s’affirmer (comme sur l’excellent Crow, dernier titre de la première face, qui explose littéralement) alors que depuis, sur les disques plus récents et donc aussi sur le petit dernier, ces moments sont devenus plutôt rares dans la musique de Shellac, l’explosion est à l’intérieur, Shellac est vraiment un groupe de rythmique pure.
Excellent Italian Greyhound
? Je ne savais même pas que les lévriers italiens existaient et la pochette du CD est plutôt sophistiquée et au millième degré (je n’ai pas encore vu la version en LP). Le premier titre résume vraiment le baratin écrit ci-dessus à propos du côté immanent de la musique de Shellac : il dure plus de huit minutes, Albini hurle des can you hear me now ? qui me semblent être le summum de l’ironie et lorsque un semblant de guitare solo arrive enfin on est presque déçu… mais on y revient toujours, tout comme je réécoute ce disque dès qu’il est terminé. Excellent Italian Greyhound n’est donc pas La Grande Affaire du moment mais va bien au-delà : qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Albini joue avec Shellac tout comme il s’amuse lorsqu’il enregistre un autre groupe -son studio analogique est très recherché et il a arnaqué plus d’une major en exigeant des tarifs prohibitifs (mais acceptés) pour PJ Harvey, Nirvana, Page & Plant ou les Stooges alors qu’il est capable de bosser avec un groupe de crevards pour presque rien- et son travail fonctionne sur la durée et non pas sur les effets, l’appellation de minimalisme n’est donc pas usurpée.