samedi 30 mai 2009

Comme à la tv : Sheik Anorak


Sheik Anorak. Il est jeune, il est beau, tatoué, il sent bon le sable chaud et c’est le printemps. En plus il a forcément du talent puisqu’il est l’incontestable lauréat du grand prix eurovision de la noise 2008. Remettra t-il son titre en jeu en 2009 ? 




vendredi 29 mai 2009

Monoliths & Dimensions : Sunn dégénérant























Greg Anderson et Stephen O’Malley, les deux têtes pensantes (qui a dit les deux têtes à claques ?) de Sunn devaient être trop conscients qu’ils étaient arrivés au bout de quelque chose avec ce projet devenu bien embarrassant. Hormis un album en collaboration avec Boris et quelques albums live à vocation alimentaire, le duo n’a rien publié de neuf depuis l’année 2005 et l’album Black One qui se mordait déjà bien la queue. Ils ont laissé les choses venir, occupés à des sous side projects ne valant souvent pas tripette* (comme Burial Chamber Trio avec Anderson accompagné d’Attila Csihar et d’Oren Ambarchi) ou donnant dans l’installation sonore et l’art contemporain (domaine dans lequel O’Malley est incontestablement le plus doué des deux). Ils ont pris leur temps, comme les moines qu’ils imitent avec leurs grimm robes, le temps de la réflexion, de la méditation et du renoncement. Du renoncement ? Non, pas tant que ça : le résultat de ces quatre années d’attente -en fait les deux Sunn aiment à préciser que la composition, la conception et la fabrication de leur nouvel album leur ont pris en tout et pour tout dix huit mois- s’appelle Monoliths & Dimensions et on ne pourrait être plus précis quant au choix du titre d’un album que l’on sait important pour le restant d’une carrière déjà bien menée.
Monoliths = comme avant. Dimensions = des trucs en plus. Ce septième album studio n’est rien d’autre que du pur Sunn avec des enluminures. Parmi celles-ci : des chœurs, des cuivres, des cordes, un Oren Ambarchi qui œuvre de plus en plus dans l’ombre ou un Attila Csihar incroyablement bavard et parfait dans son imitation pathétique des lead vocals totalitaires à la Laibach -sur Aghartha et sur Hunting & Gathering (Cydonia)- pour un rendu particulièrement pénible qui gâche la moitié du disque (tout comme Malefic de Xasthur et Wrest de Leviathan avaient plombé l’ambiance sur Black One). Ce n’est pourtant pas la première fois que Sunn rajoute une voix narrative à sa musique, on se souvient même de l’intervention réussie de l’illuminé Julian Cope sur My Wall, premier titre du génial White 1, on se souvient également de ce même Attila Csihar faisant preuve avec Sunn de beaucoup plus de discernement, qu’il retourne donc jouer au lapin-garou avec Mayhem.
Des invités il y en a des tonnes sur Monoliths & Dimensions. En plus de tous ceux déjà cités on peut également parler de Keith Lowe, Steve Moore, Eyvind Kang, Dylan Carlson, Cuong Vu, Rex Ritter, Tony Moore, Joe Preston, Daniel Menche… et encore je ne cite que ceux dont je connais les travaux par ailleurs, car il y en a en fait bien plus que ça : ce n’est plus un disque, c’est l’internationale de l’expérimental et Sunn, au lieu d’en profiter pour se ressaisir, au lieu de se retrouver, s’est complètement perdu, noyé dans cette foule d’invités, devenant presque anonyme**.
Monoliths & Dimensions n’a donc rien d’inquiétant, de malsain, de maladif. Monoliths & Dimensions ne fait pas mal et pas du tout peur. Monoliths & Dimensions ne t’envoie pas voir ailleurs, Monoliths & Dimensions ne te remet pas les pieds sur terre (en enfer) non plus. Monoliths & Dimensions est un disque agréable et confortable avec juste ce qu’il faut d’intrusions expérimentales pour interpeller mais avec de moins en moins de guitares qui font VVVVVVVVVRRRRRRROOOoooouuummMMMM -amusant : à chaque début de titre on n’entend qu’elles puis elles disparaissent, comme si les deux Sunn s’étaient creusé la tête pour compléter, rallonger et terminer leurs compositions sans avoir recours à la répétition et au drone, ce qui aurait été bien plus préférable. De là à dire que tous les invités ne l’ont été que pour assurer le délayage et finir les plats il n’y a qu’un pas. Franchissons-le. Monoliths & Dimensions est un disque d’atmosphère, presque une bande son aux visées un peu trop grandes et destinée à un film de seconde zone, tel le final tout en cuivres de Alice, sorte de générique en version ralentie d’une vieille émission d’Antenne 2***. On eut aimé que Sunn nous lessive les méninges et on se retrouve avec le doux ronron d’un lave-vaisselle. Monoliths & Dimensions est déjà retourné dans le placard d’où il n’aurait jamais du sortir.

* exception faite de KTL, duo réunissant Stephen O’Malley et Peter Rehberg
** à l’opposé de cette démarche Greg Anderson et Stephen O’Malley se plaisent à rejouer en duo les Grimmrobe Demos, j’ai toujours pensé qu’un groupe envisageant son activité sous le signe de la dichotomie était mal barré
*** qui est l’ancêtre de France 2 mais ça tu le sais déjà si tu es né avant 1992

jeudi 28 mai 2009

Monarch! / Mer Morte (ça t'ennuie si j'éteins la lumière ?)























Le label Throne records a décidé de ne plus jamais publier de CD. Non, plus jamais ça. Mais l’édition de vinyles continue, elle. Systématiquement limitée à 666 exemplaires et dont le tirage de tête -en général les 166 premières copies- sont en couleur*. Le label exclut également toute idée de repressage**. Du boulot magnifique, richement présenté dans des pochettes en carton épais et avec insert***, une idée du bonheur proche de la perfection pour le geek à lunettes. C’est sous cette forme qu’a été publié en décembre 2008 Mer Morte, le quatrième album de Monarch! -on ne compte pas les quelques splits enregistrés par les bayonnais. Un album attendu avec une impatience réelle. Presque six mois qu’il rôde autour de la platine, qu’il s’y pose parfois. Six mois de découverte, d’apprivoisement et de reviens-y. Mer Morte est encore un grand disque de Monarch!.
Pour l’enregistrement de celui-ci nos quatre jeunes amis sont retournés voir Stephan Krieger et son studio Amanita -le bonhomme, qui s’occupe également d’un label du même nom et jouait auparavant dans Voodoo Muzak, semble bénéficier désormais d’une aura d’ingénieur du son/producteur à faire flipper Steve Albini et ses queues de billard alors que cela fait tout de même un paquet d’années qu’il œuvre avec force moyens pour la musique**** (et dommage qu’il ait laissé tomber la distribution d’autres labels : c’est quand même lui qui a introduit en France les premiers disques de Knitting Factory Works, Avant records, Choke records, Skingraft, etc). Bien en a pris à Monarch! de retourner chez ce grand sorcier, tellement il a su à nouveau tailler un son sur mesure pour le groupe. Lequel raconte une petite histoire de l’enregistrement qui s’est passé sur deux jours et que l’on peut résumer ainsi : pour la première fois Monarch! voulait enregistrer la voix en même temps que le reste, sans faire d’overdubs et le groupe est finalement parvenu à boucler son enregistrement en prise directe en plongeant tout le studio dans le noir -Satan nuit si j'éteins la lumière.
Cela en dit long sur le sens de la théâtralité et de la dramaturgie dans la musique du Monarch!. Celle-ci est rude, entière, brûlante et tranchante mais elle est en même temps incroyablement sophistiquée, conceptualisée, mise en scène. Des explosions qui éclatent dans un ballet de mauvaises intentions mené par des chants de sirènes maléfiques et un sens du feedback monstrueux et carnassier. Monarch! creuse encore plus profond son sillon, rien ne semble pouvoir étancher la soif de sang du groupe ni apaiser le malaise profond qui rode dans sa musique. Monarch! est à la fois cruel et beau. Et si la première face de ce LP donne le frisson, la seconde est elle carrément terrifiante, quittant les errements enfumés de la première partie pour avancer lentement vers un dénouement mortuaire. Le chant prend des proportions gigantesques, le rythme cardiaque s’accélère et on reste tétanisé par cet ouragan immobile de noirceur. Tétanisé mais en rien perdu car si on s’en sort c’est pour mieux y retourner à la première occasion.

* la couleur du vinyle de Mer Morte n’est plus vraiment noire mais pas encore marron, avec de rares traits qui irradient discrètement depuis le rond central -la couleur qui en résulte me fait invariablement penser à ce cocktail assassin composé de vodka et de liqueur de café sur glace pilée
** mais Crucial Blast se chargera un jour de l’édition CD de Mer Morte comme ce label l’a déjà fait avec les précédents enregistrements de Monarch!
*** l’insert de Mer Morte, toujours dans le style faussement naïf cher au groupe, a été confié à Ciou
**** récemment, on ne peut que remercier Stephan Krieger d’avoir su magnifier Heavy, dernier album en date de Kourgane

mercredi 27 mai 2009

Lightning Bolt : retour de flamme immédiat























Les Nuits Sonores sont terminées. Complètement pris par des obligations aussi abrutissantes qu’inévitables je ne suis rien allé voir du tout de ce festival et je suis à la limite de le regretter car j’en ai entendu des vertes et des pas mures au sujet de certains concerts, surtout à propos du ridicule et du pathétique de Genesis P. Orridge. Mais les concerts bruyants sont toujours et plus que jamais d’actualité et ils se passent évidemment ailleurs : t’en veux du concert ultra sonore ? t’en veux du barouf dans ta tête ? t’en veux de l’oxydation prématurée des méninges et de la liquéfaction finale des tympans ? Après les prestations -monstrueuses- de Grey Daturas il y a trois semaines et de Psychic Paramount la semaine dernière, fin de la trilogie infernale avec une doublette de haut niveau: Monno (des suisses obscurantistes mais sans grimm robes) et Lightning Bolt -que l’on ne présente plus et déjà de retour après un passage mémorable au mois de novembre 2008 au même endroit, pas moins de quatre années après un tout premier concert resté lui dans les annales.
Quoi ? Comment ? Un concert organisé par Grrrnd Zero avec seulement deux groupes au programme ? Et même pas en prix libre histoire que tous les crevards de la ville se payent le luxe de se débarrasser dans un geste incommensurable de générosité de toutes les pièces jaunes qui encombrent leurs porte-monnaies au lieu de les refourguer à Sainte Bernadette ? Diantre. Que se passe t-il ? C’est que Duracell -plus connu sous l’appellation de plus grand fan de Lightning Bolt du monde- ne joue pas comme initialement prévu : clavicule droite atomisé par une mauvaise chute à vélo, voilà ce qui arrive lorsqu’on s’essaie à faire des acrobaties sur un trottoir. C’est con pour un batteur. On lui souhaite un prompt rétablissement, d’autant plus qu’il doit toujours une release party du premier album des Rubiks à tous ses fans en délire.


















Mais je bavarde. Premier groupe à jouer : Monno, une découverte pour la plupart des personnes présentes ce soir. Moi, je suis venu pour eux, tout scotché par le souvenir d’un concert énorme de lourdeur et de coulées free noise au Sonic il y a deux ans et demi (on me fait signe que Monno aurait également joué à Grrrnd Moquette auparavant). Entre temps Monno a publié Ghosts, un troisième album ne traduisant que très partiellement la noirceur endémique du groupe. Pas un mauvais disque, loin de moi cette pensée aberrante, juste une déception.
Ce soir Monno repasse au défoliant les territoires déjà vandalisés par Ghosts, s’offrant le luxe d’une intro de concert effroyable, d’un poisseux et d’un glauque terriblement envoûtant. Nos quatre suisses jouent dans la pénombre, lentement, très lentement mais inexorablement, avec un sens du déploiement comme on aimerait l’entendre plus souvent chez tous les groupes doom bidibulle qui pensent que c’est en rallongeant la sauce qu’on augmente son plaisir, grossière erreur. Le saxophone saturé et terroriste d’Antoine Chessex fait des merveilles mais il n’est pas la seule pièce maîtresse du dispositif de Monno (même si les poses du musicien, un peu trop outrancières, et ses grimaces de troll consanguin voudraient bien nous le faire croire) : le bidouilleur en chef calé sur la gauche avec un laptop et je ne sais quelle installation savante balance des sons déchirants sur fond de rythmique caterpillar -super bassiste, j’aurais aimé l’entendre davantage- et l’ensemble est d’une cohésion et d’une densité terrifiante.
La référence au doom concernant Monno n’est pas si absurde que cela sauf qu’il y a quelques années on aurait plutôt mis le doigt sur l’analogie avec les vieux Swans (Filth, Cop, Young God, etc). Question de vocabulaire et de références mais pas tant que ça : la musique de Monno sent la viande froide et la mutilation sensorielle, la torture du bruit et l’anéantissement. Un excellent concert qui va me pousser à réécouter Ghosts avec une oreille neuve. Messieurs vous pouvez revenir m’assassiner quand vous voulez.























C’est la traditionnelle pause bière/clope : tout le public déjà présent est sorti à l’extérieur du Rail Théâtre et je discute avec une moitié de l’imposant service d’ordre (oui ils sont deux…) mis en place ce soir par l’équipe du Grrrnd Zero. Ce n’est pas vraiment une blague, lors du concert de novembre dernier de Lightning Bolt pas mal de crétins congénitaux avaient confondu violence musicale et fight club, défouloir collectif et compétition testostéronée. Comme cet artiste des grands jours se jetant depuis l’une des coursives latérales du Rail théâtre sur les personnes situées seulement deux mètres en dessous et dans le seul but semble t-il de pimenter un peu sa pratique ordinaire du stage diving. La palme est revenue au gugusse qui se faisant virer comme un malpropre (qu’il était assurément) a cru bon de rétorquer qu’il était venu spécialement de Paris pour assister au concert lyonnais parce qu’il savait qu’à Lyon les conditions étaient plus à même pour foutre le bordel alors qu’à Paris le service d’ordre professionnel l’aurait obligé à se tenir tranquille. En résumé : je suis venu chez vous pour foutre ma merde. Bande de sales cons.
Mais ce soir pas l’ombre d’un sinistre plaisantin en mal d’aventure et de danger imminent. Je m’installe sur une des deux coursives pour bien tout voir parce que je sais que dans un concert de Lightning Bolt le spectacle dépend autant du groupe que de son public. Et puis je suis bien trop vieux pour pogoter au milieu de jeunes gens armés de dreadlocks assassines.


















Il y a moins de monde que la dernière fois mais qu’importe : il y a tout de même suffisamment de personnes, on se presse et on se regroupe devant la batterie et les amplis du groupe qui comme d’habitude va jouer à même le sol (c’est même Lightning Bolt qui a relancé cette mode de hippies qui s’ignorent). Pour ma part j’abandonne au bout d’un quart d’heure mon idée première de ne pas assister au concert dans son intégralité : Lightning Bolt s’est toujours la même chose, blah blah blah, etc, etc.
Oui, Lightning Bolt c’est toujours la même chose mais encore une fois qu’importe. Les deux Brian mettent aussi peut être un peu de temps à s’échauffer mais ils ont cette capacité encore jamais démentie d’électriser jusqu’au stade ultime une assistance en délire. Et quand c’est parti c’est toujours pour de bon. Par instant on finit par ne plus comprendre ce qui se passe exactement, par ne plus réellement pouvoir discerner ce qui nous resterait de sens commun ou de retenue -oui je m’aperçois avec effroi que je suis en train de faire des grimaces absolument horribles, grimaces apportant la preuve irréfutable de mon immense plaisir.
Brian (le batteur) se moque à l’occasion de Brian (le bassiste), l’imite en train de jouer de son instrument tout en ânonnant des cris sensés reproduire une ligne de basse typique de Lightning Bolt -et pour le coup limite jazz rock tellement ça sonne ridicule comme ça- ou bien faisant la démonstration de sa légendaire souplesse en exécutant quelques cabrioles. Ce type n’est pas une pile électrique, ce type est un super réacteur nucléaire bloqué dans un processus irréversible de fission atomique. Tout le monde connaît son fameux masque dans lequel est planqué un micro mais je crois que le gimmick le plus surnaturel de Lightning Bolt (et donc le plus efficace) c’est le contraste entre les deux Brian : le bassiste virtuose, ultra appliqué et concentré d’un côté et le beatman complètement déchaîné et frappadingue de l’autre. Après les quelques intermèdes récréatifs dispensés par un batteur jamais donc à court d’idées, le groupe repart toujours plus fort, retrouvant en un tour de main son sens du chaos communautaire et de la partouze bruitiste. Un dernier Ride The Sky pour la route et c’est terminé. On va dire une bonne heure de concert. De quoi tenir pendant six mois (ou quatre années dans le pire des cas).

lundi 25 mai 2009

Antoine Chessex / Terra Incognita























Antoine Chessex est plus connu pour être le saxophoniste fou des terribles Monno, groupe suisse réfugié à Berlin et qui malgré un dernier album un peu trop en deçà (Ghosts sur Conspiracy records) reste l’une des formations les plus furieuses du vieux continent. Avec Monno Antoine Chessex privilégie deux pistes de travail : soit le son de son saxophone est saturé jusqu’à l’outrance, jouant ainsi avec un mur du son hors du commun, soit il s’amuse diaboliquement avec les infrabasses, peut être en espérant trouver un jour celle qui donnera à l’auditeur instantanément envie de chier dans son froc. Lorsque il tape dans les deux registres en même temps les boites crâniennes explosent et les trous du cul partent en chou-fleur. Terra Incognita n’est peut être pas le premier enregistrement solo d’Antoine Chessex mais il s’agit en tous les cas du premier que j’écoute. Une courte collection d’enregistrements live pour la plupart. C’est le label grec Absurd records qui a publié ce joli LP gravé sur une seule face (c’est trop à la mode) et emballé dans une pochette cartonnée qui lorsqu’elle s’ouvre en deux laisse apparaître une vieille carte du monde ou plutôt une représentation mi cosmographique mi zodiacale de la Terre, avec plein de ces détails moyenâgeux débordant de superstition et d’obscurantisme.
Difficile pour Antoine Chessex d’échapper à l’incontournable référence à Borbetomagus et ce n’est pas le premier titre, Travelling Without Maps qui me fera dire le contraire. Chessex s’essaie au harsh noise, flirte avec des poètes renommés tels que Masami Akita/Merzbow, empile les fréquences, fait saigner les oreilles mais question originalité et pertinence on repassera. Originalité cela se comprend, les maîtres du bruit absolu sont légion mais on était en droit d’attendre un peu plus d’épaisseur du brouet cacophonique cuisiné par Antoine Chessex, ses explosions ultrasoniques manquant finalement de ce côté massif et envoûtant qui révèle au-delà du bruit blanc des harmoniques au départ insoupçonnées. Son système saxophone amplifié/manipulations électroniques ne semble pas tenir toutes ses promesses dans le cadre de l’expérience en solo. A sa décharge précisons que la qualité de l’enregistrement n’est pas bien terrible non plus et que si on avait été là, debout devant lui, à l’écouter en se bouchant les oreilles en s’enfilant le majeur dans les trous jusqu’à la troisième phalange, on ne penserait sûrement pas la même chose. Deuxième titre, A To B joue le chaud et froid. On entend distinctement les textures propres au saxophone et même si le son de celui-ci est volontairement sali on est très loin de la déferlante de saturation. Comme le musicien on hésite finalement un peu : est ce trop peu ou est ce pas assez ?
La réponse se trouve dans Xianggang, sorte de compromis enfin réussi entre les deux options défendues sur les deux titres précédents. De la saturation brute d’où émergent les stridences du saxophone. Antoine Chessex trouve enfin ses marques, son aire de jeu prend de l’ampleur, on s’amuse avec lui à se transformer les tympans en flocons de purée Mousseline et on ne sait pas vraiment pourquoi, ne comprenant pas ce qui pouvait manquer auparavant tout en restant conscient de la futilité de l’exercice. Puis on s’en fout. Vive le bruit. Trois titres mais Terra Incognita n’est pas tout à fait terminé : le label annonce un bonus track et effectivement si on retourne ce LP monoface on s’aperçoit qu’il y a une quatrième plage de gravée de l’autre côté, en fin de parcours, comme si on avait là un 7 pouces avec un grand vide en plus. Amusant. Ce quatrième titre sans être révolutionnaire lui non plus passe malgré tout assez bien. Comme pour les trois autres c’est en montant le son de son ampli qu’on l’écoute le mieux : entre ce faux ghost track et Xianggang, Antoine Chessex aurait pu sortir un bon petit single deux titres, cela aurait été largement suffisant.











L’actualité ça colle : Antoine Chessex est en concert ce soir avec Monno et en première partie des gentils fous tarés de Lightning Bolt au Grrrnd Zero de Vaise (c'est-à-dire dans ce bon vieux Rail Théâtre). Une bonne soirée, idéale pour entretenir sa surdité et son asociabilité dans le cadre d’une grande séance de psychothérapie de groupe.

dimanche 24 mai 2009

Monarch! / A Look At Tomorrow & Mass Death And Destruction















Heathen Skull, label maison des Grey Daturas, ne se contente pas de sortir les productions de nos australiens préférés du moment, publiant à l’occasion les disques d’autres groupes amis. C’est bien le cas de ce single de Monarch!. On sait que les Grey Daturas apprécient particulièrement le groupe de Bayonne, ou point d’avoir demandé si pour leur concert lyonnais il n’était pas possible que ceux-ci fassent leur première partie (les australiens avaient également évoqué Year Of No Light). Nous voilà donc avec un sept pouces à la présentation on ne peut plus sobre et avec les mêmes caractéristiques que le Barren Planet de Grey Daturas : tirage limité à trois cents exemplaires numérotés à la main, face B non gravée mais avec le logo du groupe dessus (Monarch! écrit en lettres dégoulinantes et formant deux croix inversées -gloire à Satan).
De manière fort surprenante il y a deux titres sur la face gravée. De manière plus surprenante encore on découvre qu’il s’agit de reprises: la première de Discharge (A Look At Tomorrow) et la seconde de Disclose, des japonais d’ailleurs complètement influencés par ces mêmes Discharge (Mass Death And Destruction). Enfin, précision de taille, la galette tourne en 45 rpm, ce qui pour le groupe réputé le plus lent du monde ressemble fort à une gageure. Et bien c’est pourtant vrai : avec ces deux titres enregistrés à l’arrache au tout début de cette année 2009, Monarch! donne dans le court, le rapide et le frénétique. Pas le moindre plan doom à l’horizon. On n’est pas sans penser alors à Rainbow of Death, side project de deux ou trois membres sur quatre de Monarch!, groupe désormais splitté et qui avait publié un excellent et jouissif 10 pouces chez Torture Garden Picture Company et Solitude records.
Sur ces deux reprises plutôt fidèles Emilie s’en donne à cœur joie, troquant son habituel costume de sirène maléfique contre celui tout aussi seyant de gremlin sous amphètes, braillant aussi bien voire même mieux que n’importe quel punk anglais deuxième vague (ceux qui avaient l’air de gros crétins avec leurs iroquois ou leurs spikes, leurs ceintures cloutées et leurs futals moulants zippés). Ses petits camarades assurent l’artillerie lourde avec même un pseudo solo de guitare, tout ça est follement drôle et sans aucune arrière-pensée. C’est certes moins ludique et fun que Rainbow of Death mais bien colérique et énervé, taillé au rasoir et inflexible, punk as fuck comme on dit chez les jeunes gens de bonne famille. Décidément Monarch! est un groupe qui n’en finira jamais de nous étonner. Et du comme ça j’en redemande forcément.

samedi 23 mai 2009

Le meilleur groupe du monde (finalement, oui, c'est bien vrai)























Difficile lorsqu’on arrive devant la péniche qui abrite le Sonic de ne pas remarquer la banderole Noise Is Beautiful déclinant la programmation de ce jeudi 21 mai et frappée du sigle des Nuits Sonores. Qu’est ce que c’est les Nuits Sonores ? Un festival se déroulant toutes les années à Lyon et qui malgré les attaques en règle dont il fait l’objet de la part des hypeux obscurantistes (dont je fais partie) en est déjà à sa septième édition. On passera sur la partie electro de la prog car Laurent Garnier, invité permanent du festival, n’est vraiment pas ma tasse de thé et ce n’est pas les rares bidouilleurs expérimentaux (genre des artistes du label Raster-Noton ou affiliés) qui feront pencher la balance du bon côté -on peut comme moi adorer toute cette scène de pixelateurs spartiates du clic/cut/glitch mais trouver ça complètement abscond en concert, un joueur de laptop est très rarement sexy sur scène.
L’autre versant de la prog des Nuits Sonores c’est le côté indie/rock dans sa version la plus revivaliste et nostalgique que l’on puisse imaginer : des vieux groupes mythiques (Genesis P-Orridge et Psychic TV cette année, Einsturzende Neubauten l’année dernière, The Fall il y a quelques années), des groupes récemment reformés (Boss Hog, Chrome Cranks) et des coups de pub (une simili version de Teenage Jesus & The Jerks). Des têtes d’affiches certes il en faut mais il faudrait que cela suive derrière, ce n’est pas Men Without Pants, l’une des hypes new-yorkaises du moment, qui pourra rendre un tel évènement plus palpitant.























Les concerts s’enchaînent pendant quatre jours, à des horaires de clubbers -2 heures du matin pour pouvoir enfin voir les australiens de The Drones en concert, tant pis je vais attendre qu’ils repassent (ou pas) une autre fois- avec cette désagréable impression qu’il ne se passerait rien le restant de l’année. Cela fait deux mois que la ville est tapissé de 4 par 3 annonçant le festival et impossible d’attendre son bus ou de pisser dans un chiotte public sans tomber sur l’une des affiches bariolées du festival.
Il y a donc un effet Nuits Sonores factice et déprimant : on sort pour les Nuits Sonores sans savoir pourquoi, l’évènement serait estampillé approuvé par Trax, les Inrockuptibles et les futurs lecteurs de Telerama ou vu à la tv chez tes parents que ce serait pareil. C’est d’ailleurs exactement l’impression que cela me laisse lorsqu’un quidam m’aborde en me demandant s’il y a un groupe qui joue ce soir au Sonic. Mais bien sûr que oui mon garçon.
Mais que vient donc faire ma salle lyonnaise préférée dans toute cette histoire ? Les Psychic Paramount ont été programmés par le Sonic depuis belle lurette et c’est suite aux déboires de la salle et suite au concert de soutien au mois de janvier dernier que l’équipe des Nuits Sonores a manifesté son intention d’aider le Sonic elle aussi en incluant le concert de ce 21 mai dans sa prog et en payant le cachet des groupes. Résultat, (re)voir Psychic Paramount sur une scène est devenu gratuit et ce coup de pouce des Nuits Sonores -coup de pouce bienvenu, admettons le- a amené du monde sur la péniche. Tous les concerts de cette deuxième nuit du festival (concerts disséminés dans toute la ville) sont d’ailleurs gratuits mais celui au Sonic éclipse largement tous les autres.


















Tamagawa, branleur stéphanois initialement prévu en début de soirée a annulé sa venue pour d’obscures raisons, son solex serait tombé en panne. C’est bien dommage. Par contre, Agathe Max est bel et bien là -en escarpins vernis dotés de talons aiguilles complètement invraisemblables pour un garçon normalement constitué (c'est-à-dire avec des pieds vaguement palmés et totalement plats)- réservée, bien consciente que son violon est trop petit pour la cacher entièrement.
Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu Agathe Max en concert, si elle rejouait demain j’y retournerais assurément et c’est toujours le même émerveillement devant cette capacité qu’elle a de se renouveler sans cesse avec un dispositif pourtant simplissime -un violon, une pédale de delay, une loop station- dont les possibilités semblent infinies. Le premier titre joué ce soir était tout simplement incroyable, la beauté de la musique d’Agathe Max chavire entre instants de grâce et interruptions déstabilisantes de boucles sonores, rien n’est acquis, tout est en mouvement, un rythme s’immisce et toujours ce transbahutement entre soucis harmoniques et déflagrations presque bruitistes. La violoniste semble dans un autre monde, jouant avec son archet de plus en plus vite, comme libérée par une magie musicale shamanique de la pression de tous les yeux posés sur elle.
Déjà une demi heure qu’elle joue et le public conquis fait une ovation à Agathe Max qui retrouve son sourire gêné mais ravi. La musique ne la cache plus. Oui elle est toujours sur scène et interprète un second titre extrait de son très beau premier album This Silver String histoire de confirmer que décidément tout ça n’est pas qu’un rêve.























Le Sonic s’est considérablement rempli pendant le concert d’Agathe Max. Une vraie fournaise. Il y en a de partout et je découvrirai après la prestation de Psychic Paramount que certains n’ont même pas pu rentrer dans la péniche. Deux solutions : soit on reste collé devant pour ne rien rater du concert à venir soit on reste derrière mais on ne pourra pas voir grand-chose. Impossible de naviguer dans cette marée humaine qui à force de nouvelles et incessantes arrivées se transforme bientôt en béton humain surcompressé et dégoulinant de sueur. Mention spéciale au comique troupier qui s’est mis à hurler j’ai froid ! rendez moi mon slip ! Un type s’installe juste à côté -il est armé d’une magnifique caméra seize millimètres d’un modèle comme je n’en avais plus vu depuis l’époque paternelle et est également doté d’une magnifique moustache digne des Brigades Du Tigre ou d’un guidon de vélo ayant cette fois plutôt appartenu à mon grand père. Il tient une lampe de chantier dont il va se servir pour éclairer la scène le moment venu (mais pas pendant tout le concert) renforçant deux gros spots de lumière blanche posés à même le sol. L’attente est très longue, un DJ fait patienter tandis que je me demande pourquoi un flycase a été laissé en plein milieu de la scène, pilepoil devant la batterie. Je n’ai pas vu qu’il y a un synthé de posé dessus.


















Autant dire tout de suite que la première fois où j’ai vu Laddio Bolocko en concert fait partie de mon top 10 éternel des concerts de ma vie de misérable cloporte amateur de transferts émotionnels. Laddio Bolocko, un groupe que j’étais allé voir uniquement par curiosité puisque son batteur n’était autre que ce gros enfoiré de Blake Fleming, ancien Dazzling Killmen. Dans Psychic Paramount on retrouve le bassiste Ben Armstrong et le guitariste Drew St Ivany de Laddio Bolocko. La cheville ouvrière du groupe complétée par un batteur incroyable, Jeff Conaway.
C’est Ben Armstrong qui utilise le synthétiseur en ouverture du concert. Ça sent bon la préparation du terrain, le calme avant la tempête et le vous allez voir ce que vous allez voir. Une mise en bouche un peu trompeuse, qui pourrait faire craindre que Psychic Paramount ne soit à son tour tombé dans le trip revival hippies qui s’amusent à faire un peu de bruit. On admire au passage le jeu du batteur qui a ce don de faire des trucs apparemment tout simples mais qui sonnent incroyablement. Un sens du groove hypnotique idéal.
Le son de synthé est mis en boucle, l’instrument est poussé de côté par Armstrong avec l’aide de l’homme à la caméra et sitôt tout le monde de nouveau en place Psychic Paramount se lance dans un concert de folie furieuse.























La musique du groupe est aussi incroyable que difficile à décrire. Ce qui l’est moins par contre, ce sont les effets qu’elle procure immédiatement et intensément. La meilleure drogue du monde et de la dure. Ces analogies hippisantes ne doivent pas cacher la vérité : Psychic Paramount est un groupe foutrement violent (j’en ai encore les oreilles qui saignent) et inventif, qui ne se contente pas de faire tourner un plan hypnotique et de le gaver d’effets dans l’espoir que cela le rendra plus intéressant. Il y a de cette énergie intense propre au free jazz le plus halluciné et le plus cosmique (la référence en la matière c’est Interstellar Space, le duo John Coltrane/Rashied Ali) dans le délire ascensionnel et bruitiste de Psychic Paramount, il y a une volonté évidente de pousser les choses toujours plus loin, dans leurs derniers retranchements, avec un côté magistral qui n’a rien à voir avec de la prétention instrumentale (comme chez les rosbifs de Guapo par exemple). Une furie tétanisante.
Drew St Ivany est d’une classe parfaite, sobrement élégant au milieu de cette tornade dont il est le principal instigateur, portant sa guitare toujours très haut, il en tire des stridences à la limite du supportable et jette parfois un regard entendu à l’un des deux autres pour mettre fin juste à temps à un plan et au contraire pour repartir dans une nouvelle direction. Lorsque résonne enfin l’intro de Echoh Air c’est l’orgasme assuré, ce qui fera dire après coup que les nouvelles compositions du groupe sont légèrement en deçà des précédentes. Après autant d’émotions et de frissons il ne restait plus qu’une seule solution : picoler pour continuer d’entretenir l’ivresse, passer la journée du lendemain dans un état second et ne surtout pas vouloir en sortir.

[On attend toujours un successeur à Gamelan Into The Minsk Supernatural, premier et unique album studio de Psychic Paramount datant déjà de 2005. Le groupe est bien retourné enregistrer en studio mais ne serait pas totalement satisfait du résultat, semblerait d’abord vouloir régler quelques détails et réenregistrer. Ce ne sera donc pas pour tout de suite.]

jeudi 21 mai 2009

Le meilleur groupe du monde (qu'ils disent)























Un concert dont on entend parler quasiment depuis le début de l’année : Psychic Paramount revient à Lyon pour la quatrième (?) fois et c’est ce soir au Sonic dans le cadre des Nuits Sonores -cela signifie principalement que ce concert est gratuit et qu’il s’agit d’un programmation indépendante des maîtres du lieu, le festival electro/indie des jeunesses socialistes ayant intégré après coup la soirée dans sa prog globale (dont le détail est consultable ici) ce qui est une bonne chose en soi puisque le Sonic est toujours convalescent pour ne pas dire sous perfusions.
En complément Agathe Max et son violon sismique viendront donner le ton en début de soirée tandis qu’il n’y aura pas besoin de pousser Miss K.K. -didjette au répertoire post punk de bon goût- pour qu’elle nous passe ses meilleurs disques jusqu’à trois heures du matin.
Une vidéo pour réviser d’ici ce soir : 




mercredi 20 mai 2009

Young Widows - Melt Banana / split #2























Temporary Residence devait initialement envoyer les split singles consacrés à Young Widows un par un mais le label a pris tellement de retard qu’il a envoyé les deux premiers ensemble. Après l’œil droit, l’œil gauche et un vinyle toujours transparent mais cette fois ci bleu foncé et bleu clair, c’est du meilleur effet, presque comme Long Live The New Weight, second inédit des Young Widows qui relève sans aucune peine le niveau déjà pas très haut du premier single. Il n’y a rien de réellement révolutionnaire non plus dans ce nouvel inédit dont ingrédients et structure sont les mêmes que sur King Of The Back Burners mais avec une efficacité tout autre. On peut craindre que Young Widows ne soit plus qu’un groupe qui a trouvé sa formule et qui va désormais s’y tenir, sentiment que pouvait également donner leur récent concert, très pro et en définitive pas très spontané.

L’attaque de Long Live The New Weight est franche et massive et bien que l’on ait besoin que d’un seul doigt pour compter le nombre de plans qui tournent pendant les deux minutes que dure le titre on retrouve un peu plus les Young Widows que l’on aime. Deux petits problèmes toutefois. La voix est bizarrement mixée, presque au ralenti (problème de mastering ou bien ?) et pitcher un peu Long Live The New Weight ne lui fait pas de mal, bien au contraire. Enfin, l’explosion finale tant attendue, la marque de fabrique de Young Widows, le truc bien à eux qui fait que leur musique te rentre dans le crâne pour ne pas en ressortir de sitôt, cette explosion est honteusement tronquée, avortée. A peine quelques secondes et puis cela coupe net. Rendez moi cette sauvagerie qui me sied tant.
C’est avec un indescriptible bonheur que l’on retrouve Melt Banana sur la face B. Dans la droite lignée de leur dernier et excellent album (le très poppy punk Bambi’s Dilemma) les japonais(e)s se montrent plus que jamais inspiré(e)s par le Machine Gun Etiquette des Damned. Rythmique alerte, basse vibromasseur, bidougnoufs électro (à la guitare ou non -qu’importe ?) et chant de collégienne en plein trip Elastigirl versus les forces obscures du mal. Pas très loin de la perfection, du moins du niveau de perfection que l’on est en droit d’exiger d’un groupe aussi primordialement débile que Melt Banana.
Prochain épisode de cette série de split : ce sera avec les post machins de Pelican dont le nouveau maxi chez Southern Lord ne devrait trop tarder à être publié non plus.

mardi 19 mai 2009

Young Widows - Bonnie Prince Billy / split #1























Déjà en manque de Young Widows ? Old Wounds ne suffit déjà plus à ton bonheur ? Cela tombe très bien puisque Temporary Residence a eu cette idée mercantilement géniale de se lancer dans une série de quatre split singles dont le principe est fort simple : d’un côté une rasade supplémentaire de Young Widows pour les soiffards et de l’autre un groupe invité pour faire diversion. Quel ne fut pas mon effroi de constater que pour le premier sept pouces de la série Bonnie Prince Billy était l’invité de la face B. Je fais évidemment partie des snobs qui détestent les bouseries folkloriques US (ce qu’il est de bon goût d’appeler parfois americana) et si j’aime la country de Cash c’est simplement parce que ça fait rock’n’roll -et encore je n’écoute que les deux albums live enregistrés dans les prisons de San Quentin et de Folsom parce que c’est dangereux- et si j’apprécie le folk de Dylan c’est parce que c’est de l’art. Bonnie Prince Billy ou Will Oldham, qu’importe, je ne peux pas le sentir et je ne dis pas ça parce qu’il n’est qu’un sale rouquin barbu en sandalettes de cuir.
Prenons donc ce volume 1 dont le visuel est très proche de celui de Old Wounds ce qui est une très mauvaise idée de la part de Temporary Residence, cette tête à géométrie variable et aux couleurs chamarrées valant bien un premier prix de laideur. Va donc pour l’œil droit du bonhomme. Le vinyle est lui transparent, moitié vert et moitié incolore. Aussi incolore que la musique de Bonnie Prince Billy qui sans aucune surprise est aussi insupportable que prévu. Si ce mec vendait de la merde en boite il s’appelerait William Saurin. Et je ne parle pas des paroles. Si parlons-en : entendre des conneries tel que If I Live In A Poor Shelter I Will Give Something back me donne instantanément envie de décapiter au couteau à huîtres quelques têtes tonsurées ou de remettre à Benoit XVI la Kriegsverdienstkreuz qu’il mérite amplement.
On écoute les maîtres des lieux sur la face A. King Of The Back Burners est un titre tout ce qu’il y a de plus classique de la part de Young Widows, construit comme une bonne moitié des morceaux du groupe de Seattle c'est-à-dire avec une première partie s’appuyant sur une grosse basse et une rythmique hachée avant un final tout en guitares explosives. Enfin qui devraient exploser parce que sans être mauvais ce premier inédit est de piètre qualité et pas très inspiré. On appelle ça un fond tiroir. On l’y remet instantanément en se disant que cette split single series ne commence pas sous les meilleurs auspices.

lundi 18 mai 2009

Agoraphobic Nosebleed vs Insect Warfare


















Avant de publier Agorapocalypse, Agoraphobic Nosebleed s’était compromis fin 2008 dans un split en compagnie des texans -et désormais défunts, qui a dit un bon texan est un texan mort ?- d’Insect Warfare (toujours chez Relapse). Ce disque, concourant pour l’enregistrement le plus court du monde, est disponible en CD dans un digipak tout bien soigné mais surtout a été pressé en vinyl sur une galette de sept pouces -soit douze centimètres, la taille d’un CD quoi- en trois couleurs, rouge, bleue ou noire. Autant dire qu’il faut avoir de bon yeux pour poser la tête de lecture de la platine au bon endroit et qu’en plus il ne faut pas posséder de platine automatique ou même semi automatique si on veut entendre les deux faces intégralement jusqu’à leurs fins respectives, la dernière plage étant un peu serrée. Un petit objet aussi beau qu’inutile.



















A l’intérieur Agoraphobic Nosebleed assène quatre titres -dont un de neuf secondes et composé de larsens alors ça ne compte pas- donc Agoraphobic Nosebleed nous assène trois titres de son grind propulsé à la machine à beat, trois titres au son crade (surtout lorsque on vient d’écouter le dernier album du groupe) mais réellement jouissif. Crypto-Zoology, Dis-Order Of Species et Un-Natural Selection ne confirment que partiellement le nouvel attrait de la bande à Scott Hull pour les tempos ralentis, disons que les trois titres de ce split se partagent équitablement et efficacement entre l’option lenteur au groove tordu et l’option grind turbo fistfuck que l’on connaît au groupe. Ce n’est pas du grand art mais comparé au split avec Apartment 213, on est en très net progrès.
Sur l’autre face on retrouve Insect Warfare, groupe dont la notoriété était grandissante jusqu’à l’annonce de son split et qui a publié une bonne poignée de démos et de singles ainsi qu’un unique album en 2007, World Extermination, réédité en 2008 par Earache. On trouve ici pas moins de sept titres oscillant entre 15 et 40 secondes avec une pointe d’humour à 6 secondes et un titre épico-progressif culminant à 1 minute 15, la folie. Le grind d’Insect Warfare est logiquement ultra linéaire, bourrin, direct et sans fioritures. Le trio (chant/guitare/batterie) arrache sans concession tout ce qui dépasse, il n’y a pas d’ornière non plus. Diablement bandant et foutraque quoi que l’on puisse douter de la pertinence d’un tel régime d’ultra violence musicale au delà du quart d’heure réglementaire -ça tombe bien parce que ces sept morceaux réunis ne totalisent que 3 minutes et 37 secondes.

dimanche 17 mai 2009

Agoraphobic Nosebleed / Agorapocalypse



















Le label Relapse prétend qu’Agorapocalypse est seulement le deuxième album d’Agoraphobic Nosebleed en dix ans. Un rapide tour sur la page discographie du site officiel du groupe permet de se rendre compte que Frozen Corpses Stuffed With Dope date déjà de 2002 et que Honky Reduction date effectivement du siècle dernier (1997). Il ne faudrait donc pas prendre en compte l’énorme Altered States Of America (2003) qui est considéré comme un mini album (pressé en CD sur un format 3 pouces ou en vinyl 10 pouces) bien qu’il ne contienne pas moins de 99 titres -oui : quatre vingt dix neuf et ça ne dure que 20 minutes… C’est d’ailleurs là l’une des deux marques de fabrique d’Agoraphobic Nosebleed. On ne peut à ce niveau même plus parler de trépidation compulsive, d’hystérie maladive, d’hypertension supersonique, non Agoraphobic Nosebleed a été le groupe le plus rapide et ne même temps le plus dense du monde, frôlant le millier de bpm, donnant la nausée avec tant de débordement de violence digitale. Ce genre d’acrobaties étant bien sûr rendues possibles uniquement grâce à l’utilisation d’une boite à rythmes (deuxième marque de fabrique d’Agoraphobic Nosebleed, ce qui a valu au groupe l’appellation peu scrupuleuse de cyber grind par tous les mecs qui portent des lunettes).
Deuxième album en dix ans, soit. Pourtant les étagères du grindeux fanatique du groupe en sont pleines de disques d’Agoraphobic Noisebleed, puisque le groupe n’arrête pas de publier singles, split, mini LP en tous genres. Une vraie débauche d’activité là aussi. C’est justement avec ces dernières parutions (le décevant split album avec Apartment 213, le single partagé avec les excellents Total Fucking Destruction) que l’on a commencé à se rendre compte qu’Agoraphobic Nosebleed était en pleine mutation, mutation dont on peut dater les premiers symptômes à partir d’A Clockwork Sodom. Agoraphobic Nosebleed n’est donc plus tout à fait ce groupe qui réussissait à faire rire en faisant peur. Le band de Springfield (dans le Massachusetts, le même bled que Killswitch Engage ou Onslaught -hum) a changé la donne, s’est assagi (presque), a au bout du compte perdu une part certaine de son originalité dévastatrice. Pourtant Agorapocalypse n’est pas un mauvais album, loin de là.
A de rares exceptions près, l’utilisation d’une boite à rythmes n’apporte plus rien de différent à la musique du groupe. Avec les progrès techniques et surtout en ce qui concerne le metal et ses dérivés, une boite à rythmes sonne parfaitement comme un batteur d’autant plus que maintenant les batteurs sonnent comme des boites à rythmes (et ne parlons pas de ceux qui utilisent des triggers, suivez mon regard…). Donc Agoraphobic Nosebleed aurait un vrai batteur que cela ne changerait pas grand-chose -et il y a même un pseudo solo de batterie très étonnant à la fin de Question Of Integrity.
Agorapocalypse
ne contient que treize titres pour une petite demi heure de musique. C’est fini l’outrance carnassière, c’est fini les blasts inhumains, fini les breaks thermonucléaires, Agoraphobic Nosebleed a dilué son grind hallucinogène et déviant vers un metal certes hors normes mais plus axé sur le développement à tiroir des titres -c’est plus abordable, plus propre voire plus mélodique (!) même si cela reste complètement foutraque sur de nombreux passages. Dans cette entreprise de reconstruction le duo/noyau dur du groupe composé du guitariste/producteur Scott Hull et du Hurleur Jay Randall est épaulé par le bassiste (?)/chanteur Richard Johnson (également membre de Enemy Soil) et par la chanteuse Katherine Katz (que l’on retrouve chez les doomeux de Salome). Pour se faire une idée de la virulence employée par celle-ci, on peut directement se rendre à la neuvième piste, Trauma Queen.
Alors que retient-on de ce Agorapocalypse ? Un metal ultra colérique, chaotique, débordant d’énergie hard core, amoureux de ce bon vieux thrash (Timelord Zero qui démarre comme Hit The Lights) et surtout de Slayer (cité à de nombreuses reprises), des soli de guitares aussi pourris que ceux de Kerry King et toujours un nombre impressionnant de riffs et d’idées au mètre carré, celles-ci sont juste mieux exploitées sur la longueur. Et que l’on se rassure, les splits et singles mentionnés au début montraient un ralentissement de la musique d’Agoraphobic Nosebleed mais ici -certes les rythmiques sont extrêmement variées- l’adrénaline est toujours au rendez-vous.
L’artwork est dans le plus pur style de Florian Bertmer tandis que chaque titre a été illustré par José Carrasquillo -un tatoueur de Springfield lui aussi- avec un humour parfois assez proche de celui d’Anal Cunt (Flamingo Stuff).

vendredi 15 mai 2009

Hint / 93 - 99


Hint… Hint ? Hint ! Merde. Pour un peu j’aurais complètement oublié l’existence de ce groupe des années 90 originaire d’Angers et responsable de trois albums dont le meilleur restera à tout jamais le premier, 100% White Puzzle (sorti chez Black & Noir en 1995). Voilà une chronique qui commence très mal. C’est qu’en dehors de cet album vraiment marquant et très fort, Hint, tout en affichant une incroyable volonté de progresser, d’explorer et de défricher, n’a jamais été aussi convaincant que sur ce premier effort. Oui le groupe a ouvert la voie à toutes ces formations des années 2000 qui mélangent guitares, électro et aussi parfois indus -on peut citer EZ3kiel ou Picore, deux poulains du label Jarring Effects. Hint a su également incorporer des éléments ethniques à sa musique sans tomber dans la fioriture putassière et a maximisé l’utilisation des samples c'est-à-dire sans que cela ressemble à un bouche trou ou à un pis-aller. Dys- et Wu-Wei (respectivement deuxième et troisième albums de Hint publiés par Pandemonium) restent de bons albums, regorgeant de très bons titres, mais ils ne possèdent pas toute la magie de 100% White Puzzle. Est-ce que Hint était finalement un groupe trop prisonnier de son concept protéiforme pour laisser cavaler sa spontanéité ?
Le très actif label lyonnais Jarring Effects souhaite remettre les pendules à l’heure avec un double CD compilant le meilleur des trois albums de Hint et rajoutant singles ou titres rares (par exemple ceux de Portobello Amigos enregistrés en compagnie des Portobello Bones) et quelques live et inédits.




















93 - 99 démarre très fort avec 100% White Puzzle, titre long et lent réussissant l’exploit de coller à une rythmique très Swans un pourtour de flûtes. Cette pièce d’anthologie est pour beaucoup dans l’effet cathartique provoqué à l’époque par le premier album de Hint. Le groupe l’avait d’ailleurs bien compris puisque il se mit à le jouer systématiquement en ouverture de concert (dans une version quelque peu raccourcie) alors qu’auparavant 100% White Puzzle bénéficiait d’un traitement live de faveur, à la fin du set et dans une débauche d’énergie hypnotique incroyable. Après l’exposé de cette pierre angulaire tout le reste de la discographie de Hint débaroule fort logiquement. Les incursions ethniques on l’a déjà dit et cette parfaite utilisation de la boite à rythmes en autres choses. On notera l’excellent et rampant The Process ou les ambiances très cinématographiques de Wu-Wei -l’album du même nom et comportant les deux derniers titres mentionnés est d’ailleurs et de très loin le plus varié que Hint ait jamais enregistré.
Mais force est de constater que certains aspects de cette musique ont très mal vieilli. Le côté ethnique tout réussi qu’il soit n’a jamais été ma tasse de thé et que dire du saxophone sirupeux à la sauce ECM de l’ignoble Limitless Space ? De même certains des titres proposés ici ne doivent être considérés que comme l’occasion d’entendre ce qu’il est convenu d’appeler des « raretés » (si on ne possède pas les vinyles d’origine) mais ne dépassent pas le stade de l’anecdotique comme les trois titres gentiment sympathiques de Portobello Amigos, dont une reprise du Alleged d’Unsane qui au passage est très loin d’être le meilleur titre des new-yorkais. Diagonal, l’un des trois titres enregistrés par Hint en compagnie du saxophoniste Daunik Lazro pour la compilation File Under Music sortie en 1996 par Rectangle mérite déjà plus d’attention. Enfin, on n’a que faire des deux remix extraits du LP Product Topology (et repris sur le deuxième album Dys-). Un (beaucoup trop) court extrait live enregistré au Pezner met l’eau à la bouche -pourquoi ne pas avoir publié en guise de CD bonus en concert en entier puisque c’est sur scène que Hint prenait toute sa (dé)mesure ?- tandis que des démos enregistrées en 1994 et 1996 permettent de baliser le chemin parcouru par le groupe à ses débuts.
93 - 99 est une compilation très honnêtement conçue. Hint y apparaît dans ce que le groupe avait de meilleur comme dans ce qu’il pouvait avoir comme faiblesses. Je ne doute pas que ce double album va faire énormément de bien à la mémoire collective en rendant à nouveau disponibles quelques unes des pépites noise/indus ou ambient/ethniques des angevins. En cela cette publication Jarring Effect est plus que bienvenue. A noter aussi que Hint sera en concert fin mai début juin en compagnie d’ EZ3kiel. Un CD/DVD live devrait suivre.

jeudi 14 mai 2009

Nick Cave & The Bad Seeds : des rééditions inutiles ?


Le désamour profond entre Nick Cave et ses vieux fans -voir l’insupportable Dig!!! Lazarus, Dig!!!- n’empêche pas de conserver une oreille discrète sur les nouveaux (?) méfaits du bonhomme. Ainsi Mute records entreprend de rééditer l’intégrale des albums des Bad Seeds en commençant par les quatre premiers : From Her To Eternity (1984), The Firstborn Is Dead (1985), Kicking Against The Pricks (1986) et Your Funeral… My Trial (1986). On est en droit de trembler -autant de bonheur que d’appréhension- car avec ces quatre albums nous tenons le carré d’as de Nick Cave & The Bad Seeds, des enregistrements séminaux, les Tables De La Loi, rien que ça. From Her To Eternity, premier album, celui des tâtonnements et des tentatives qui se sont vite révélées géniales. Un véritable cauchemar de noirceur et de désespérance. The Firstborn Is Dead et sa relecture de l’essence blues ou Nick Cave reprenant à son compte quelques idées de génie de Jeffrey Lee Pierce et du Gun Club sans jamais lui avoir rendu la monnaie de sa pièce. Kicking Against The Pricks, l’album de reprises aussi disparates qu’inattendues, alliant la pure sauvagerie (I’m Gonna Kill That Woman de John Lee Hooker) et balades sirupeuse (Something’s Gotten Hold Of My Heart, une sucrerie pop so british de la fin des années 60), préfigurant dès 1986 ce qu’allait devenir les Bad Seeds des années 90, un backing band de luxe pour un crooner de moins en moins destroy. Your Funeral… My Trial, enfin, le plus beau de tous et finalement le plus sombre. Le premier album des Bad Seeds que j’ai acheté et écouté (mais on s’en fout).
Comme toutes les rééditions -définitives, ultimes, deluxe, bref…- qui fleurissent depuis ces dernières années sur le marché du disque et dont le but avoué est de relancer un peu les ventes dans un secteur même plus en crise tellement il semble s’être définitivement effondré, celles des Bad Seeds sont en deux CDs. Sur le premier on retrouve l’album original dans une version remasterisée (?) et sans aucun bonus. C’est le grand avantage de telles rééditions : les titres supplémentaires ont cette fâcheuse tendance à dénaturer l’intention première d’un disque… c’était particulièrement vrai dans le cas des premières éditions CD de From Her To Eternity coupées en plein milieu et encadrées par le single In The Ghetto b/w The Moon Is In The Gutter -deux titres certes excellents mais n’ayant rien à voir avec cet album, pas le même son ni la même production déjà, et publiés à l’origine entre celui-ci et l’album d’après The Firstborn Is Dead (la version maxi 45 tours de Tupelo, single tiré de The Firstborn Is Dead, comprend d’ailleurs In The Ghetto et The Moon Is In The Gutter ce qui était bien plus logique). Avec cette réédition on a à nouveau le plaisir d’écouter From Her To Eternity sans cet ajout malencontreux, comme à la bonne vieille époque du LP que rien ne pourra certes remplacer question restitution sonore.




















Les bonus sont donc ailleurs. Sur le deuxième disque. Mais le gros hic c’est que ce deuxième disque est un DVD ! Quel intérêt ? Sur ce DVD on retrouve l’intégralité de chaque album mixé en 5.1, ouais le son qui va bien sur ton home studio avec l’effet dolby surround comme au cinéma, le bonheur de l’autisme des spectacles modernes. Inutile de dire qu’écouter des disques au son aussi cru et fort que celui de From Her To Eternity, The Firstborn Is Dead ou Your Funeral… My Trial avec une technique de mixage/restitution de son digne d’un live stadier de Pink Floyd ou de Coldplay est un non sens complet en plus d’être une arnaque supplémentaire à la consommation. Sinon, tous les titres bonus présents auparavant sur les précédentes éditions CD -en plus de ceux dont nous avons déjà parlé à propos de From Her To Eternity il y avait The Six Strings That Drew Blood sur The Firstborn Is Dead, Black Betty et Running Scared sur Kicking Against The Pricks et enfin Scum sur Your Funeral… My Trial- sont également présents sur le DVD. On ajoute quelques vidéos d’époque parfois à hurler de rire (comme celle de In The Ghetto) et on a presque fini le tour.
Presque parce qu’il y a également un documentaire intitulé Do You Love Me Like I Love You divisé en autant de parties qu’il y a d’albums et constitué d’interviews de personnages plus ou moins célèbres parlant de l’importance qu’a eu pour eux chaque album concerné. On comprend parfaitement la présence de Mick Harvey, de Rowland S. Howard ou de Jim Thirlwell. On comprend un peu moins celle de Dave Gahan qui à part raconter qu’il avait failli se foutre sur la gueule avec les mecs de Birthday Party lors d’un concert n’a pas vraiment grand-chose d’intéressant à dire. Jamais non plus je n’aurais reconnu Gavin Friday (non il n’est pas mort) et Flood -ingénieur du son et producteur sur les quatre albums- apparaît sous un jour inédit, loin du faiseur de son boursouflé pour U2 ou Depeche Mode, la lueur qui s’allume au fond des yeux de ce gars là lorsqu’il parle de Nick Cave et de ses Bad Seeds donne chaud au cœur. Certain(e)s autres intervenant(e)s me sont totalement inconnu(e)s, visiblement des adolescent(e)s à l’époque et interviewé(e)s uniquement au sujet de leurs jeunes émois musicaux ou des membres du following des Bad Seeds (une tour manageuse, un photographe prétentieux). En résumé il n’y a rien dans ces quatre tronçons d’un quart d’heure qui ne relève pas de l’anecdotique ou de la nostalgie. Il est aussi amusant de constater que beaucoup y parle de Nick Cave indirectement, à la troisième personne du singulier, sans le nommer, comme s’il était Dieu. Heureusement que les Dieux sont comme les rois que l’on décapite : il est parfaitement autorisé de brûler leurs effigies. Mais pour l’autodafé il faudra attendre encore quelques albums. Disons jusqu’à Let Love In, premier disque des Bad Seeds à mériter le lance-flammes.

mercredi 13 mai 2009

Mumakil / Behold The Failure























Tiens, pour une fois je vais parler un peu de moi, ça changera un peu. L’autre jour, à une vieille connaissance qui me demandait en toute ingénuité pourquoi j’écoutais encore Napalm Death, pourquoi je me précipitais malgré tout sur chaque nouvel album des britanniques -c’est vrai quoi qu’est ce que je peux encore trouver à ce groupe de vieux cons qui tous les deux ans publie le même disque ou presque ?- à cet ami je n’ai tout d’abord rien su répondre. Pourtant la solution était fort simple : j’ai mis Behold The Failure, dernier album en date de Mumakil, en mode lecture sur la machine à musique et j’ai monté le son.
Mumakil
est un groupe suisse qui ne fait pas dans la dentelle, formé entre autres d’un ex bassiste de Knut et d’un guitariste de feu Nostromo. Les aléas de la vie faisant, le split de Nostromo plus quelques aventures annexes, Mumakil est rapidement passé du stade de petit side project du dimanche à celui de groupe à part entière dont Behold The Failure, album publié par Relapse est la concrétisation la plus flagrante. La recette ? Des titres de une à deux minutes bourrés de grind furieux avec une pointe de death bien technique (comme on dit chez les spécialistes en ingénierie métallurgique). De l’agression pure et simple, de l’ultra violence. Et il faut avouer que Mumakil cela envoie sévèrement. Les influences revendiquées du groupe vont de Napalm Death à Rotten Sound et de Terrorizer à Nasum -oui le monde du grind est vraiment tout étriqué. En résumé Mumakil c’est le groupe qui veut tuer ta mère, violer ton père et manger ton chien. Non, je plaisante : un mumak (pluriel : mumakil) est un pachyderme sorti de l’imagination de Tolkien et qu’il a abondamment utilisé dans ses bouquins pour attardés mentaux -on pourrait traduire Mumakil par oliphants de guerre ce qui, couplé avec les soldats en rangs d’oignons sur l’illustration de la pochette, en donne long à penser sur l’ampleur du militantisme du groupe (A state of war is only an excuse for domestic tyranny braillent ils avec raison sur State Of War).
Tout ce descriptif, du moins sur papier, sent bon la perfection. C’est cette perfection qui dégoûte d’un disque comme Behold The Failure sur lequel rien ne semble laissé au hasard. Le grind de ces suisses est réglé comme une horloge. Ce n’est pas une question de manque (ou non) d’originalité (on parle de death grind là) mais simplement que le gros son énorme et vaguement baveux de la production est exactement le même que sur 99,9 % des enregistrements du genre, que les vocaux sont d’une linéarité et d’une monotonie digne d’un Paris/Tokyo en vol long courrier et qu’il y a une demi idée maximum par titre comme chez n’importe quel groupe de hard core rétrograde -au hasard Verbal Abuse. On finit donc par s’emmerder fermement à l’écoute de ce disque, les 27 titres -14 sur la première face, 13 sur la seconde, oui pour penser à autre chose rien de tel que de compter ce genre de détail- bref ces 27 titres sont des copiés/collés les uns des autres et au bout d’un moment on ne peut dire que stop à tant d’ébattements inutiles et stériles.
Mon vieil ami si réfractaire au grind core a ainsi parfaitement compris là où je voulais en venir : pour rien au monde je n’échangerais une dosette de Napalm Death contre un baril de Mumakil. Leaders Not Followers

mardi 12 mai 2009

Grey Daturas / Barren Planet























Battons le fer tant qu’il est encore chaud : le souvenir de l’énorme concert donné par les Grey Daturas est encore tellement vivace et fort qu’il est impossible de résister à la tentation de le prolonger de manière quelque peu artificielle en se jetant sur les enregistrements du groupe. Tentative vouée à l’échec disons le tout de suite, rien ne semblant pouvoir restituer toute l’intensité des australiens sur scène. On s’enfile un gramme de paracétamol pour le mal de tête, on fait passer la dose avec une bonne rasade de schnaps pour en même temps noyer son chagrin et on jette malgré tout son dévolu sur le single -trois cents exemplaires numérotés à la main- mis spécialement en vente pour la tournée européenne de Grey Daturas par Heathen Skulls, le propre label du groupe (on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, etc).
Le visuel reprend celui du poster officiel lequel se retrouve également sur le t-shirt créé pour l’occasion (il y a de la suite dans les idées) c’est à dire une belle datura bien épanouie, la datura étant une plante réputée vénéneuse et chargée en alcaloïdes -un truc vachement plus efficace que le paracétamol, nous y revoilà. La face B de ce single n’est pas gravée : on y trouve uniquement le logo en lettrage gothique de Grey Daturas et -la bonne blague- on peut lire sur le verso de la pochette : side b - Grey Daturas (de la suite dans les idées peut être mais surtout un humour de 2).
On s’en fout, on retourne la galette pour écouter Barren Planet (littéralement planête désertique ou stérile, un hommage au Mer Morte de Monarch! ?) enregistré peut on lire encore une fois sur le verso de la pochette au mois de mars 2009 c'est-à-dire peu de temps avant que les Grey Daturas n’embarquent pour cette tournée. Le rythme est lent, la basse est d’une lourdeur infaillible et la guitare shootée à la fuzz satanique fait inlassablement tourner le même riff de derviche drogué avant de partir à une vitesse consciencieusement ralentie mais sûre d’elle-même -c’est comme dans L’Homme Qui Valait Trois Milliards : lorsque le bioman de service se met à courir comme un dingue derrière le gros méchant qui tente de fuir au volant d’un bolide lancé bien au delà des limitations de vitesse imposées par la loi, l’image passe automatiquement au ralenti pour donner au téléspectateur l’illusion de ce sentiment d’ivresse surhumaine provoquée par un pouvoir à la fois hors normes et scientifique- oui, donc, la guitare s’envole vers de nouveaux horizons stratosphériques avec la grâce d’un somnambule réfractaire à toute psychothérapie en route vers le prochain accident corporel domestique et, franchement, qu’est ce que c’est bon. Bon mais beaucoup trop court, cette tranche de vie distillée par les Grey Daturas s’arrêtant tout net ou comme si. Taille et vitesse (45 rpm) de la galette oblige. A écouter absolument très fort et plusieurs fois de suite si les symptômes persistent.

dimanche 10 mai 2009

Dark 80's




















Dark 80’s est le titre d’un vinyle 25 centimètres dont la thématique est fort simple : quatre groupes (français) actuels reprennent un standard du post punk anglais du début des années 80. One Second Riot a osé s’attaquer à One Hundred Years des Cure, Abronzius a choisi Charlotte Sometimes (toujours des Cure), Kill The Thrill a opté pour The Pandys Are Coming de Killing Joke tandis que Year Of No Light a jeté son dévolu sur le Disorder de Joy Division. Ce dernier titre -enregistré à l’origine pour le vingtième anniversaire du fanzine Abus Dangereux- a en quelque sorte été le catalyseur du projet Dark 80’s puisqu’il en a donné l’idée au label lyonnais Atropine records -lequel label est déjà responsable entre toutes autres choses de la magnifique édition double LP de Nord, le premier album de ces mêmes Year Of No Light.
Si on en a marre du revival 80’s qui nous pollue les oreilles avec trop de groupes prétendument post punk/new wave dont l’imagination ne va pas au-delà d’une collection de mp3 glanés sur une plateforme de réseaux sociaux en ligne, on peut tout de suite se rassurer au sujet de Dark 80’s car le format et le nombre de groupes sont ici idéals : quatre reprises c’est en effet amplement suffisant pour atteindre le bonheur car comme nous allons pouvoir le constater ces quatre relectures/réinterprétations sont aussi excellentes les unes que les autres.
Commençons par la face B. Il y a une bonne raison à cela : son premier titre est la reprise de Killing Joke par Kill The Thrill et il n’y a pas plus symptomatique du pourrissement musical opéré pendant les années 80 que le parcours en forme de dégringolade de Killing Joke -comment un groupe capable de pondre trois (quatre ?) premiers albums aussi primordiaux que novateurs a pu s’embarquer dans Love Like Blood ? Période honnie que celle des années 80, voyant le business musical s’intensifier vers toujours plus de fourberie commerciale tout en accélérant la décrépitude de la musique en elle-même. Rip It Up And Start Again, le bouquin de Simon Reynolds aux éditions Allia raconte très bien cette histoire bien qu’à son corps défendant : en bon amateur de soupe l’auteur consacre un bon tiers de son livre au courant new pop (hum) dont il est visiblement un très grand fan, s’appesantissant par exemple sur le cas de Trevor Horn -producteur de : Yes, Buggles, Frankie Goes To Hollywood ou Art Of Noise… que des étrons- qu’il admire et incluant donc toutes les dérives artistiques (et pécuniaires) de la variété anglaise de l’époque aux grands mouvements de l’after punk. La logique du déclin a complètement échappé à Simon Reynolds, lequel la démontre quand même en assurant des parallèles inqualifiables (ce même déclin a fort heureusement amené à une nouvelle réaction, comme celle de la révolution alternative du do it yourself ou du hard core, reprenant quelques préceptes d’autonomie artistique et musicale que certains n’avaient fort heureusement donc pas oubliés). Au milieu de cette décennie marquée par le triomphe du renouveau puritain (Reagan, Thatcher) et de l’effondrement économique européen, Killing Joke est donc en passe de devenir un ange déchu.
Mais nous n’en sommes pas encore là. The Pandys Are Coming est un extrait de l’album Revelations de Killing Joke (sorti en 1982) et on imagine mal quel choix aurait pu mieux convenir à Kill The Thrill. Surprise, c’est la bassiste (et habituellement beaucoup trop discrète) Marylin Tognolli qui chante sur cette reprise respectueuse de l’originale qui tient bien des promesses que je n’osais pas espérer venant d’un groupe qui n’a jamais réellement su se frayer un chemin confortable vers mon cœur d’artichaut -la reprise de Strange Days des Cure par ces mêmes Kill The Thrill sur la compilation/hommage au groupe de Robert Smith publiée par Fear Drop en fin d’année dernière est l’une des pires choses qu’il m’ait été donné d’entendre. Là, la séduction opère à plein d’autant plus que l’efficacité mélodique et rythmique est de mise.
Disorder
repris par Year Of No Light c’est une toute autre histoire. Les bordelais ont dépecé cet incontournable post punk, l’ont étalé sur la table avant de le reconstituer en accentuant certains éléments comme la batterie hyper ralentie et alourdie et les guitares à la fois épaissies et embrumées. On ne peut même pas dire que Joy Division ait été trahi ou honoré -cela dépend du point de vue duquel on se place- tant la métamorphose est complète mais fascinante. Bien que déjà connue de longue date, cette reprise de Disorder reste l’un des meilleurs témoignages enregistrés de Year Of No Light ancienne formule (puisque le chanteur a depuis quitté le groupe).
Sur la face A One Second Riot crée plus que la surprise même si on soupçonnait le duo lyonnais à la hauteur de l’enjeu constitué par une reprise du One Hundred Years des Cure. Là aussi l’esprit de l’original est perverti mais avec plus de tact et de délicatesse que chez Year Of No Light, One Second Riot reprenant autrement et à son compte l’impératif rythmique qui est la marque de fabrique de l’album Pornography et s’accommodant naturellement de l’évidence mélodique originelle, ce qui n’était pas gagné avec une formation aussi restreinte (il n’y a pas de guitare dans le groupe). La voix du chanteur/bassiste de One Second Riot présente en outre de nombreuses similitudes avec celle de Robert Smith ce qui -loin de faire penser à un plagiat- se révèle finalement assez troublant.
L’avantage de chroniquer ce Dark 80’s à l’envers c’est de terminer par la reprise de Charlotte Sometimes. On peut dire ce que l’on veut de ce titre sorti à la base uniquement en single par Robert and C°, qu’il est bancal et mal foutu, mais on ne peut être qu’admiratif quant au traitement folk et sombre que lui a appliqué Abronzius. Abronzius est un duo formé par deux membres d’Overmars (la bassiste/chanteuse Marion et le claviériste Tiphaine) et sauf erreur cette version de Charlotte Sometimes doit être leur premier enregistrement officiellement publié. Dépouillée et minimaliste, écorchée et hantée, cette reprise associe des nappes sonores profondes et belles avec un chant habité et porté par un timbre légèrement éraillé et granuleux -sur les fins de phrases, ce qui rajoute un côté poignant absolument irrésistible. Une interprétation que je peux écouter tous les matins tellement elle possède un double tranchant apaisant et questionnant (la plénitude c’est l’ennui assuré). Magnifique.