samedi 29 mars 2008

Lève toi et crache


Dans la vie cela ne servirait à rien de :
-remuer le couteau dans la plaie
-tirer sur l’ambulance

-en rajouter dans le négatif alors que tout semble déjà perdu.
En résumé, cela fait trois excellentes raisons de se pencher sur le quatorzième album de Nick Cave (et de ce qui reste des Bad Seeds), alléché par le cadavre encore fumant d’un premier single, Dig !!! Lazarus, Dig !!!, aussi déconcertant que décevant et que l’on retrouve directement en ouverture d’album. Mais après tout, il y a des albums de Nick Cave qui commencent très (très) mal -exemple : The Good Son avec l’horrible Foi Na Cruz- avant de se révéler un peu plus, de laisser entrevoir quelques bonnes chansons, quand même. On peut également se demander si après une vingtaine d’années de carrière solo, Nick Cave a encore quelque chose à dire de pertinent. Il y a ceux qui considèrent que les Bad Seeds doivent tout au naufrage de Jeffrey Lee Pierce et du Gun Club, cela pouvait être vrai à l’époque du fabuleux The Firstborn Is Dead, époque où Nick Cave était lui-même en train de couler donc cela ne compte pas. Il y a ceux également qui pensent que l’australien et sa bande n’ont rien fait de valable depuis Tender Prey (1988, tout de même) mis à part quelques sursauts : Henry’s Dream (1992) malgré sa production pourrie, Let Love In (1994) bien qu’il soit très inégal ou Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus (2006). Difficile en revanche de pardonner des albums tels que Murder Ballads et No More Shall We Part. Mais que signifie pardonner lorsque on ne connaît pas la personne et qu’en plus elle ne nous doit rien ? Enfin, il y a tout ceux qui écoutent Nick Cave comme n’importe quel autre chanteur de variétés, n’ont jamais entendu parler de Birthday Party ou de Your Funerals… My Trial et pensent que Wim Wenders est un producteur de musique cubaine.












En fait, il existe une dernière catégorie, dont je fais dorénavant partie: ceux qui s’en foutent, ne vont plus voir Nick Cave & The Bad Seeds en concert parce qu’ils ne passent plus à côté de chez eux et/ou parce que c’est devenu incroyablement cher et qui écoutent chaque nouvel album par curiosité, après l’avoir téléchargé en toute illégalité et avant de l’effacer pour faire un peu de place sur leur disque dur pour autre chose (l’album posthume de Bauhaus ?) -internet, la grande poubelle numérique.
Dig !!! Lazarus, Dig !!!
(l’album) semble suivre le même chemin, celui du rejet catégorique, que celui emprunté par son single avant-coureur. Pourtant, avec son prédécesseur Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus, double album en forme de retour de flamme, quelques espoirs étaient revenus chatouiller les synapses anesthésiés du caviste moyen : à nouveau de la tension, voire du rock’n’roll, moins de sirupeux malgré les éternels éclats de croonerie, des baisses de régime notoires mais aussi des petits moments de frisson.
Pour Dig !!! Lazarus, Dig !!!, Nick Cave a choisi l’entertainment, l’efficacité d’un album commercial et bien mené qui pallie à la faiblesse générale des chansons par une production luxuriante (hand claps, effets électro, orgue à tous les étages, choeurs démultipliés, rythmes groovy, etc) que n’aurait pas reniée un Tom Jones alors en pleine ascension à Las Vegas. Mieux : Dig !!! Lazarus, Dig !!! est à Nick Cave ce que From Elvis In Menphis est à Elvis Presley : une renaissance parfaite en quelque chose d’autre, un monstre de sophistication décomplexée, d’amusement revendiqué, de vagues relents d’ironie peut être mais absolument aucun second degré apparent. C’est amusant parce que la pochette -brillante, étoilée, pailletée et en même temps très simple- rappellerait presque celle de l’album d’Elvis. Pour mémoire, le kid de Tupelo devenu king du rock’n’roll avant de se transformer en burger fourré au beurre de cacahouètes et autres pilules n’a plus jamais rien fait de bon après son album de 1968, se métamorphosant en baudruche pour beaufs amateurs de bagnoles, de sport à la tv et de femmes au foyer. C’est en grande partie grâce à Elvis qu’est née cette génération d’adolescents désoeuvrés et recherchant le pourquoi de sa vacuité rebelle dans les poubelles du coin de la rue. Nick Cave, né en 1957, a été de ceux là, à la fois en opposition contre un mode de vie occidental lénifiant et fasciné par l’une de ses plus grandes icônes.
Reste qu’à l’occasion de son side-project Grinderman, Nick Cave s’était fait pousser la mustache wild, histoire de différencier sa fausse tentative garage des instances dirigeantes de la maison mère Bad Seeds. Aujourd’hui qu’il menace de garder encore un peu cet accessoire pileux, on a le droit d’être inquiet : quelle crédibilité apporter à un chanteur dont l’allure de technico-commercial pour Dodge fait plus parler que sa musique ? Aucune, assurément, mais lui semble s’en foutre, au moins presque autant que ses fans de la première (et deuxième) heure se moquent désormais de lui et de la farce Dig !!! Lazarus, Dig !!!.