jeudi 20 mars 2008

Prurient / And Still, Wanting


Lorsqu’il y a écrit No Fun Productions au dos d’un disque on sait déjà que l’on va avoir affaire à du lourd, ce label basé à Brooklyn ayant un goût immodéré pour le bruit dans ce qu’il a de plus dense, pur et absolu… genre fallait quand même oser publier un quadruple CD regroupant les oeuvres de jeunesse de C.C.C.C., du japonoise définitif.
Dans les dernières sorties du label, on compte également un album de Prurient, en anglais cela signifie quelque chose comme lubrique, je soupçonne un sens caché en patois local mais je ne le parle pas, en tous les cas ce nom évoque quelque chose de bien dégueulasse et poisseux, c’est effectivement le cas.
Prurient est un énième one man band, le gugusse qui se cache derrière ce nom évocateur s’appelle en fait Dominick Fernow, activiste et hyperactif parce que du genre à ne pas arrêter de sortir des disques et heureux propriétaire d’un petit label on ne peut plus recommandable, Hospital Productions, dont le catalogue comprends quelques pépites noise, drone-machin, indus ou harsh telles que les trop hype Magik Markers, Hair Police ou les vétérans Nocturnal Emissions. Dominick Fernow/Prurient fait partie de toute cette bande qui comprend des groupes comme : Mouthus, Death Unit, Double Leopards. Des gens qui pratiquent, entre autres, le renouveau du bruit industriel et/ou ambient de façon complètement innocente et primitive.















Prurient fait partie des plus radicaux, l’écoute de l’un des disques du groupe ramène au beau milieu des années 80, à cette musique industrielle à base de voix torturées et de feedback douloureux, Whitehouse n’est jamais très loin, SPK non plus. C’est violemment maladif, perpétuellement malsain, complètement gratuit mais dénué de toute provocation autre que celle générée par la musique en elle-même -pour toutes celles et ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie il n’y a donc là aucune violence conceptualisée, juste un agréable retour en arrière dans la volonté d’agression. Les textes non plus ne tombent pas dans le trip sado-fascisant (une invention de Throbbing Gristle qui en suivant cette voie comptait bien dénoncer, nombre de leurs suiveurs sans imagination, ayant eux tout pris au pied de la lettre, se sont vautrés là dedans non sans délectation) mais insuffle un certain malaise, même pour un béotien du american speaking : I just want to let you know/Late that afternoon/Frustration built up/You have to realize/That we know/We found her jewelry/We found almost nothing/We found nothing obvious/We found almost a dozen locations/And it’s getting a little frustrating. Lorsque les attaques sonores diminuent quelques peu et que la musique flotte davantage, l’effet cauchemardesque est encore plus fort.
Petit détail technique, ce CD est accompagné d’un vinyle de même format (5 pouces) comprenant deux inédits de facture intense et violente. Un bien bel objet de la part d’un label qui nous avait déjà habitué à de telles frasques (comme le double LP de Mouthus qui ne comporte aucune indication et que l’on peut écouter à la vitesse de son choix) et de la part d’un bonhomme qui ne bénéficie pas de l’éclairage médiatique d’un Wolf Eyes alors qu’il le mériterait tout autant.