lundi 31 mars 2008

Ahleuchatistas / The Same And The Other


Je ne sais plus dans la bouche de qui (ou bien peut être que je l’ai lu dans une interview) j’ai entendu cette phrase magnifique : le math rock c’est un peu le prog du pauvre. Bravo. C’est exactement ça, l’impression d’avoir à la maison une collection de boules de neige offertes par des amis voyageurs - et de bon goût - en souvenir de toutes les destinations touristiques que l’on a pas pu se payer, l’ennui de regarder Derrick à la télé parce qu’une place de cinéma pour aller voir Memories Of Murders c’était définitivement trop cher. Entendons nous bien : le rock progressif, surtout lorsqu’on a grandi pendant les années 70/80 et que l’on est le dernier d’une portée de baba cools en pleine rantanplanitude affectée, c’est l’horreur absolue, la nausée immédiate, le renvoi obligatoire au fond de la cuvette des chiottes. Autant écouter du jazz, du vrai. Pas de cette musique de rockers (?) mégalomanes en mal de reconnaissance de ce qu’ils ne pourront jamais être, et n’ont de toutes façons jamais été.
Le math rock est un sujet intéressant parce que derrière cette terminologie agaçante (et une terminologie qui est tout sauf spectaculaire, bien que contenant le mot rock, ça c’est déjà très inquiétant) il n’y a rien, ou pas grand-chose. Quelques groupes et tellement de suiveurs. Don Caballero bien sûr - le vrai, celui avec Mike Banfield et Ian Williams - mais cependant pas tout de ce groupe de Pittsburg, ça dépend des disques, voire même des titres. Qui sont les suiveurs ? Actuellement, plus j’écoute Sleeping People, qui est censé être le dessus du panier, et plus je m’emmerde, d’ailleurs je n’écoute plus : trop de joliesse. Pas assez d’éjaculations.






















Il y a aussi le cas assez inconfortable d’Ahleuchatistas, un trio qui sort beaucoup trop de disques à la suite pour des gens qui ne connaissent pas le peer to peer. Tzadik vient de rééditer en grandes pompes le deuxième album du groupe, The Same And The Other, un disque réputé épuisé depuis longtemps, sauf si vous préférez les vinyles. Une remasterisation signée Scott Hull (pas mon ami de Pig Destroyer, un autre) et, il est vrai, cinq titres bonus qui valent le détour. Un vrai festin qui ne dure que quarante six minutes mais un festin quand même et il y a intérêt, à ce prix là - le prix des disques de chez Tzadik, distribués en France par des voleurs, sauf lorsqu’on sait passer par les voies secondaires de l’importation.
The Same And The Other
est (donc) le deuxième album d’Ahleuchatistas et possède un son légèrement brut pour un groupe de cette catégorie, les sessions ont été enregistrées dans une cave nous dit on dans les notes du livret, c’est donc pour ça. Mais il ne faut pas s’attendre à du rock : ici, c’est le bordel, ça improvise beaucoup, ça joue souvent très bien et c’est d’une tenue irréprochable. La basse est parfois un peu pénible lorsque elle lance des grosses flamenconneries mais ces tentatives de postures démonstratives ne durent jamais suffisamment longtemps, tant mieux parce que la guitare peut aussi s’y mettre et soudain le désir fulgurant d’arrêter la musique en deviendrait presque irrépressible, trop de notes. Ce qui sauve Ahleuchatistas - et enterre 99 % des groupes de math rock - c’est cet esprit punk et urgent, un plaisir évident de jouer ensemble qui transparaît même à travers le plastique sans âme d’un disque digital, des titres courts qui ont le bon goût de s’arrêter avant que l’ennui ne gagne plus de terrain. Ajoutons une guitare qui sonne très bien et une basse qui claque elle aussi - pas de gras qui enrobe les notes (même lorsqu’il y a trop de notes...), aridité et tension permanente. Inutile de préciser aussi que le batteur n’est bien sûr jamais en reste.
Cet album ne date que de 2004. Depuis, Ahleuchatistas en a déjà publié deux autres, What You Will (2006) et le très bon Even In The Midst (2007), ce dernier arrivant parfaitement à réunir l’urgence explosive de The Same And The Other avec une production limpide et franche. Un must disponible chez Cuneiform records, un label dont le catalogue très disparate est toutefois à prendre avec des pincettes (ou des moufles).

dimanche 30 mars 2008

Go Away White


Qui, après tant d’années, écoute encore ses vieux albums de Bauhaus ? Je veux dire : pas le live Press The Eject And Give The Tape mais bien l’un des quatre albums studio du groupe ? Ou alors le double LP Swing The Heartache qui regroupe toutes les BBC sessions ? Il doit bien y avoir du monde qui le fait, puisque Bauhaus a encore un public et a eu l’insigne honneur (avec un gros cachet) de figurer à l’affiche 2005 du festival Coachella avec le succès que l’on sait et surtout une tournée mondiale à la clef (un passage à Paris en février 2006…).
Depuis tous ces concerts, le groupe s’est à nouveau engueulé, Peter Murphy est parti bouder dans son coin, a annoncé un nouvel album solo peut être suivi d’une tournée tandis que ses trois camarades ont eux reformé Love And Rockets, le groupe qui pendant des années a servi de palliatif à beaucoup de personnes en état de manque. Avant cette énième séparation -annoncée une fois de plus comme définitive- Bauhaus a eu le temps d’enregistrer un album intitulé Go Away White paru à titre posthume au début de mois de mars. Le groupe fait partie de ces rares exemples de reformation à être allé jusqu’au bout d’une logique artistique et à l’assumer. Un disque donc. Mais pour quoi faire ? Qui écoute encore les vieux albums de Bauhaus ? Qui va écouter le nouveau ? Moi, par exemple.




















Ce disque a prétendument été enregistré pendant une période féconde (sic) et d’intense créativité (re-sic), refléterait un aspect immédiat et direct de la musique de Bauhaus. Un disque composé puis enregistré sur une si petite période ? Un disque de vieux punks qui veulent éjaculer sans se poser plus de questions ? C’est en partie vrai mais pas seulement : l’écoute de Go Away White dévoile quelques overdubs et un peu de post production qui viennent atténuer le mythe de l’album poussée de fièvre. Un bon album, finalement, si on aime le groupe. Dans le cas contraire, il vaut mieux passer son chemin.
Il n’y a rien de déshonorant ici, quelques erreurs sûrement, mais pas d’égarements. Bauhaus fait du Bauhaus c'est-à-dire du glam groovy dopé au gothique et avec du khôl autour des refrains. Too Much 21st Century est un début un peu timide pour un disque ultime mais le bien nommé Adrenalin et son piano stoogien donne envie de danser comme le corbeau moyen, les pieds statiques et avec de grands mouvements de bras. Et ça continue : Undone, malgré une ligne de chant un peu étrange au départ et des synthés un peu trop envahissants, renoue avec les lignes de basses dub de David J. International Bullet Proof Talent est du genre brûlot glam avec un Peter Murphy impérial dans son imitation de lui-même en train d’imiter David Bowie. Endless Summer Of The Damned par contre ronronne un peu, on pouvait s’attendre à mieux surtout que Kevin Askins y joue de ces roulements qui dans le passé avaient un peu été sa marque de fabrique.
A partir du très beau Saved, on commence à se dire que Bauhaus a bel et bien réussi sa sortie : enfin du saxophone de la part de Daniel Ash et un fabuleux lyrisme de la part d’un Peter Murphy plus précieux que jamais. Mirror Remains est le titre le plus typiquement Bauhaus de Go Away White avec ce son de guitare de Daniel Ash qui vrille tandis que Peter Murphy n’en peut vraiment plus. Black Stone Heart, de facture classique, confirme que cette deuxième moitié d’album est bien meilleure que la première alors que The Dog’s A Vapour s’impose comme la pièce maîtresse du disque, avec ce final emphatique à la guitare mi plaintive mi déchirante. Zikir, en pente douce, pose cette dernière question avant la fin : Loves Me/Loves Me Not ? Ben voyons. On attend une reformation pour 2010 et un sixième album en 2015, sans déconner.


samedi 29 mars 2008

Lève toi et crache


Dans la vie cela ne servirait à rien de :
-remuer le couteau dans la plaie
-tirer sur l’ambulance

-en rajouter dans le négatif alors que tout semble déjà perdu.
En résumé, cela fait trois excellentes raisons de se pencher sur le quatorzième album de Nick Cave (et de ce qui reste des Bad Seeds), alléché par le cadavre encore fumant d’un premier single, Dig !!! Lazarus, Dig !!!, aussi déconcertant que décevant et que l’on retrouve directement en ouverture d’album. Mais après tout, il y a des albums de Nick Cave qui commencent très (très) mal -exemple : The Good Son avec l’horrible Foi Na Cruz- avant de se révéler un peu plus, de laisser entrevoir quelques bonnes chansons, quand même. On peut également se demander si après une vingtaine d’années de carrière solo, Nick Cave a encore quelque chose à dire de pertinent. Il y a ceux qui considèrent que les Bad Seeds doivent tout au naufrage de Jeffrey Lee Pierce et du Gun Club, cela pouvait être vrai à l’époque du fabuleux The Firstborn Is Dead, époque où Nick Cave était lui-même en train de couler donc cela ne compte pas. Il y a ceux également qui pensent que l’australien et sa bande n’ont rien fait de valable depuis Tender Prey (1988, tout de même) mis à part quelques sursauts : Henry’s Dream (1992) malgré sa production pourrie, Let Love In (1994) bien qu’il soit très inégal ou Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus (2006). Difficile en revanche de pardonner des albums tels que Murder Ballads et No More Shall We Part. Mais que signifie pardonner lorsque on ne connaît pas la personne et qu’en plus elle ne nous doit rien ? Enfin, il y a tout ceux qui écoutent Nick Cave comme n’importe quel autre chanteur de variétés, n’ont jamais entendu parler de Birthday Party ou de Your Funerals… My Trial et pensent que Wim Wenders est un producteur de musique cubaine.












En fait, il existe une dernière catégorie, dont je fais dorénavant partie: ceux qui s’en foutent, ne vont plus voir Nick Cave & The Bad Seeds en concert parce qu’ils ne passent plus à côté de chez eux et/ou parce que c’est devenu incroyablement cher et qui écoutent chaque nouvel album par curiosité, après l’avoir téléchargé en toute illégalité et avant de l’effacer pour faire un peu de place sur leur disque dur pour autre chose (l’album posthume de Bauhaus ?) -internet, la grande poubelle numérique.
Dig !!! Lazarus, Dig !!!
(l’album) semble suivre le même chemin, celui du rejet catégorique, que celui emprunté par son single avant-coureur. Pourtant, avec son prédécesseur Abattoir Blues/The Lyre Of Orpheus, double album en forme de retour de flamme, quelques espoirs étaient revenus chatouiller les synapses anesthésiés du caviste moyen : à nouveau de la tension, voire du rock’n’roll, moins de sirupeux malgré les éternels éclats de croonerie, des baisses de régime notoires mais aussi des petits moments de frisson.
Pour Dig !!! Lazarus, Dig !!!, Nick Cave a choisi l’entertainment, l’efficacité d’un album commercial et bien mené qui pallie à la faiblesse générale des chansons par une production luxuriante (hand claps, effets électro, orgue à tous les étages, choeurs démultipliés, rythmes groovy, etc) que n’aurait pas reniée un Tom Jones alors en pleine ascension à Las Vegas. Mieux : Dig !!! Lazarus, Dig !!! est à Nick Cave ce que From Elvis In Menphis est à Elvis Presley : une renaissance parfaite en quelque chose d’autre, un monstre de sophistication décomplexée, d’amusement revendiqué, de vagues relents d’ironie peut être mais absolument aucun second degré apparent. C’est amusant parce que la pochette -brillante, étoilée, pailletée et en même temps très simple- rappellerait presque celle de l’album d’Elvis. Pour mémoire, le kid de Tupelo devenu king du rock’n’roll avant de se transformer en burger fourré au beurre de cacahouètes et autres pilules n’a plus jamais rien fait de bon après son album de 1968, se métamorphosant en baudruche pour beaufs amateurs de bagnoles, de sport à la tv et de femmes au foyer. C’est en grande partie grâce à Elvis qu’est née cette génération d’adolescents désoeuvrés et recherchant le pourquoi de sa vacuité rebelle dans les poubelles du coin de la rue. Nick Cave, né en 1957, a été de ceux là, à la fois en opposition contre un mode de vie occidental lénifiant et fasciné par l’une de ses plus grandes icônes.
Reste qu’à l’occasion de son side-project Grinderman, Nick Cave s’était fait pousser la mustache wild, histoire de différencier sa fausse tentative garage des instances dirigeantes de la maison mère Bad Seeds. Aujourd’hui qu’il menace de garder encore un peu cet accessoire pileux, on a le droit d’être inquiet : quelle crédibilité apporter à un chanteur dont l’allure de technico-commercial pour Dodge fait plus parler que sa musique ? Aucune, assurément, mais lui semble s’en foutre, au moins presque autant que ses fans de la première (et deuxième) heure se moquent désormais de lui et de la farce Dig !!! Lazarus, Dig !!!.

vendredi 28 mars 2008

Enablers à demi capacité


Rien à dire sur Pocket Bastard, le one man band qui a ouvert jeudi soir au Sonic pour Enablers. En dire du mal m’est impossible, cela reviendrait à porter un jugement de valeur sur quelque chose qui m’est totalement étranger, comme si j’allais chier sur Michel Polnareff, Prince ou Blur, comme si je pouvais avouer que j’ai pratiqué ma première sodomie sur une chanson de U2, comme si j’avais que ça à foutre. Il n'y a rien de pire que l'indifférence.
Indifférence montée en épingle par l’attente plutôt fébrile d’Enablers, de retour en Europe une année après leur précédente venue, petite tournée quand même (quatre pays : Grande Bretagne, Belgique, Pays Bas et France) sans nouvel album mais avec un excellent vinyle une face sous le bras, c’est déjà ça. A mon arrivée le groupe est en train de terminer ses balances, de l’extérieur la musique d’Enablers s’est habillée de puissance et de nervosité, c’est plutôt de bon augure pour le concert.
























Effectivement, cela commence très très fort, Pete Simonelli est déchaîné, ne tarde pas à bondir, sauter à pieds joints, à fond dans son rôle habituel mais l’outrepassant rapidement, il n’est plus ce raconteur/performer qui déclame ses poèmes inspirés par toute le beat generation, il devient un frontman halluciné qui mène le show, ce soir Enablers est un vrai groupe de rock’n’roll. L’effet est sale, dégoulinant de sueur, poisseux, carrément approximatif sur certains passages, tout passe grâce à l’énergie déployée par le groupe. Les deux guitaristes, Joe Goldring (à gauche) et Kevin Thompson (à droite), sont complètement dedans eux aussi, attaques frontales de riffs aiguisés, dérapages noise -c’est la fête des grosses guitares, parfois même vraiment très grosses et bruyamment nerveuses, c’est étonnant mais complètement captivant de violence. Exultation. Le batteur Joe Burns est de retour derrière les fûts (il était absent lors de la tournée de l’année dernière), malgré son air pataud et mollasson, malgré la curieuse configuration de son instrument, il fracasse l’atmosphère de coups précis et économes, il a un jeu vraiment très particulier. Entre deux titres Simonelli s’empare d’une bouteille de pinard et lance un santé ! plein d’entrain. Il est déjà bien attaqué. Thompson réclame du son dans le micro qui se trouve devant lui, il va assurer quelques backing en renfort du poète en chef et c’est du plus bel effet.


















Le groupe fait mine de quitter la scène, c’est le plan éculé du faux rappel placé en milieu de concert mais la farce ne dure pas longtemps et Enablers attaque une seconde partie de set complètement différente de la première : morceaux plutôt calmes pendant lesquels on peut plus facilement comprendre les mots de Simonelli (au lieu d’avoir à faire des efforts pour les distinguer derrière les deux guitares), guitares en dentelles justement, qui jouent la connivence, batterie en service minimum avec option jazz au rabais. A peine un éclair, une fulgurance de temps à autre. Les titres se suivent et ont tendance à tous se ressembler, Enablers a peut être eu tort de trop faire monter la pression en début de concert, maintenant c’est comme si le groupe n’arrivait pas à calmer le jeu, on a surtout l’impression qu’ils ont juste baissé le volume mais ils restent toujours aussi approximatifs : dans ses conditions l’urgence disparue leur fait défaut car elle n’est plus là pour pallier au manque de sophistication. Enablers échoue à installer cette atmosphère incroyable pour laquelle le groupe est pourtant d’habitude si fort et qui fait tout l’attrait de ses deux premiers albums, End Note et Output Negative Space. L’ambiance devient très polie, malgré les blagues racontées par le groupe et la bouteille de rouge qui tourne entre ses membres.
Cette fois Enablers quitte réellement la scène et c’est l’heure d’un véritable rappel. Ce sera le magistral Pauly's Day In Cinema, sans doute l’un des meilleurs titres d’Enablers, une partie du public devait désespérer de l’entendre jouer car -après une exécution impeccablement tendue- c’est le retour de l’exultation. Un beau final pour un concert en demi teinte, ponctué il est vrai de titres inédits qui donnent envie d’écouter le prochain et troisième album du groupe annoncé pour cette année 2008, espérons que nous n’aurons pas trop longtemps à attendre.

jeudi 27 mars 2008

Enablers en concert !
























Même s’il n’y a pas de nouvel album, c’est toujours un plaisir sans nom de revoir sur scène Enablers, l’une des meilleures choses qui soit arrivée à l’indie US dans le genre noisy, intelligent et frissonnant. En début de soirée : Pocket Bastard.

mercredi 26 mars 2008

Women As Lovers


Le problème avec Xiu Xiu c’est qu’il est très difficile d’en parler correctement, même lorsqu’on adore. Surtout, éviter l’analyse psychologique et la nomenclature catégorielle qui rassurent le nerd hétérosexuel ventripotent à défaut d’expliquer ce qui de toutes façons ne peut pas l’être : la bissexualité de Jamie Stewart, le suicide supposé de son père en 2002 -rien à foutre de tout ça. Qu’importe aussi que le titre du dernier album, Women As Lovers, soit tiré d’un bouquin d’Elfriede Jelinek à propos de la marchandisation des femmes (corps et âme) dans notre société contemporaine. Je n’ai jamais réussi à venir à bout de Lust, malgré plusieurs tentatives répétées et courageuses mais ça aussi c’est une toute autre histoire. On pourrait présumer que la douleur qui affleure de chaque disque de Xiu Xiu est jalonnée par une bonne partie de tout ça, Jamie Stewart se plaisant à écrire ses textes sur ses expériences passées et en particulier sur son histoire familiale, mais on s’en moque parce que cette douleur interpelle avant toute chose dans sa traduction musicale, est dépassé par elle, une forme devenue indépendante et autonome.
Recommençons : Xiu Xiu est un groupe à la fois pop et difficile, sucré et aride, mélodieux et bordélique, Jamie Stewart a toujours réussi à rendre palpables ses propres interrogations et ses propres questionnements sans tomber dans le plus effrayant des pathos, dans l’autocomplaisance, à tel point que l’on oublie vite la cause de tout ça pour ne plus focaliser que sur la musique en elle-même. Tout passe par l’instinct sans avoir besoin d’explications supplémentaires car il y a énormément de vie dans la musique de Xiu Xiu, c’est à la fois suffisant et en même temps ce n’est jamais assez, la vie c’est ce truc dont on veut toujours plus. L’attrait (ou le rejet catégorique) pour ce groupe provient évidemment de là, de cet effet miroir car il est très facile de se sentir physiquement concerné (ou pas) par une chanson de Xiu Xiu. Une musique qui parle au coeur et au corps, c’est quelque chose de vraiment très rare. Coupons la tête à tous les détracteurs de Jamie Stewart.






















 


Women As Lovers doit être le sixième ou septième album de Xiu Xiu (et on ne parle même pas de tous les singles parus entre temps). Outre notre play-boy chanteur de charme, la composition du groupe est assez floue, quoique la petite Caralee McElroy (également cousine de Jamie Stewart) semble s’accrocher aux branches de l’arbre, Sam Mickens et Jherek Bischoff sont eux partis depuis longtemps, trop occupés sans doute par The Dead Science. Il y a pourtant une constance dans la musique du groupe, son chanteur/leader veille au grain, les albums se suivant sans se ressembler mais possédant tous un caractère curieusement élaboré pour de la pop (certains parlent d’expérimental…) tout en restant d’une sobriété incroyable. C’est toute la magie du truc, comment réussir à faire tenir debout une chanson avec des rythmes plutôt vagues, en général une boite à rythmes, des synthés dont on aimerait pouvoir affirmer qu’ils sont désaccordés (mais un synthé, est ce que cela peut s’accorder ?), des guitares aigrelettes, des cloches, des cordes, des cuivres et une voix qui se partage entre le susurrement au creux de l’oreille et le hurlement lyrique, toujours au creux de l’oreille donc ça surprend toujours un peu, ces envolées ultra maniérées façon exorcismes.
Women As Lovers
est de très loin l’album le plus lisible et le moins atypique de Xiu Xiu. Il y a de vrais chansons (mais toujours arrangées avec humour, voir les synthés variétés 80’s de No Friends Oh !), des tentatives très rythmées (In Lust You Can Hear The Axe Fall ou You Are Pregnant You, You Are Dead), quelques balades tordues à l’acoustique minimal (Black Keybord), de la politique (Guantanamo Canto) et, puisque Xiu Xiu raffole autant de reprises, il y en a une d’Under Pressure de-qui-vous-savez avec Michael Gira en invité, une reprise moins désossée qu’à l’accoutumée, on aime ou on déteste, une chanson qui au final va bien au groupe. C’est vraiment curieux et inhabituel d’écouter un album de Xiu Xiu sans se demander ce dont il s’agit encore, sans avoir cette obligation consentie de l’effort d’écoute. Un album presque évident, certes souvent bancal, parfois vicieux, grinçant et décalé mais qui s’écoute d’une seule traite et si le besoin de l’écouter une deuxième fois d’affilée se fait ressentir ce n’est pas pour déchiffrer une musique difficile, non, c’est uniquement par pur plaisir.

[Au mois de mai, Xiu Xiu entamera une tournée européenne. A Lyon, c’est prévu pour le 11, c'est-à-dire exactement le même jour qu’Einsturzende Neubauten, c’est malin.]

mardi 25 mars 2008

Myra Lee / 2


Ce n’est pas tout de parler des superproductions noise/noisy en provenance directe d’outre-atlantique et parrainées par des cinquantenaires très conscients d’eux-mêmes (mais la conscience de soi, il parait que c’est ça le but de l’existence) car il y a aussi de par nos belles campagnes verdoyantes des garnements qui s’essayent à nous casser les oreilles et certains y arrivent avec classe et distinction. Cette terminologie n’est peut être pas la plus évidente pour qualifier la musique de Myra Lee, trio originaire du côté de Poitiers, mais je persiste : lorsqu’on est capable de donner des titres tels que Vivre Et Penser Comme Des Porcs ou Mange Merde à ses compositions c’est que l’on est sur la bonne voie, celle où il est beaucoup trop tard pour faire machine arrière et c’est alors tant mieux.
Ce disque, sobrement intitulé 2 et emballé dans un non moins sobre mais magnifique digipack noir et gris, est une coproduction Rejuvenation, Theatre records et La Machoire (je crois que je n’ai oublié personne) et fleure bon le DIY, don’t pay more than 10 € et tout ça. Ce qui m’a le plus amusé en découvrant ce disque, c’est le nom du groupe qui est aussi le titre d’une chanson de Cat Power, je ne me permettrais toutefois pas de penser que les trois garçons de Myra Lee sont des fanatiques de Chan Marshall, en dehors de toutes considérations purement sexuelles bien sûr.





















L’enjouement constant et communicatif déborde de la musique de Myra Lee. Voilà un groupe qui tourne pas mal (et que bien sûr je n’ai jamais vu bien qu’il a du passer une bonne paire de fois dans le coin mais comme je ne sors jamais de chez moi) et dont les maîtres mots sont l’éclate et l’efficacité. De ce point de vue là, c’est particulièrement réussi. Le résultat -ces dix titres avoinés en une petite demi heure- donnent tout de suite envie de transpirer sa bière et de galipetter -même tout lorsqu’on est tout seul, en caleçon difforme et taché, assis devant un clavier, un train de s’enfiler le dixième café de la journée/nuit, les yeux explosés et le dos en capilotade.
Le son est approximatif à souhait, c'est-à-dire qu’il ne souligne rien mis à part la formidable puissance du groupe. La guitare, la basse et la batterie arrivent à s’extirper du brouhaha hard core mais ne s’en excluent jamais, c’est l’effet torgnole. Je préfère nettement lorsque les voix sont braillées, à de très rares exceptions près elles peuvent aussi virer à l’emo (genre pas très bien défini dont je ne sais qu’une seule chose c’est que je déteste), tendance très très vite rattrapée par la cradeur et la fange. Je ne suis absolument pas sûr que j’aurais autant apprécié ce deuxième album avec un son tout millimétré et circonspect, la classe et la distinction de Myra Lee -j’y reviens- c’est de tout saloper et de ne privilégier que l’énergie et le défoulement, on peut entendre sur ce disque un groupe qui joue réellement ensemble.
J’aime particulièrement lorsque Myra Lee swingue comme sur le break de Fais Toi Opérer (avant que cela ne reparte à fond les ballons) ou sur l’intro de Pauvre Ignorant, titre que l’on peut d’ailleurs écouter et télécharger ici. Il ne me reste plus qu’à voir le trio en concert, un jour ou l’autre et pas trop loin de chez moi de préférence.

lundi 24 mars 2008

Magik Markers


J’adore ces disques en provenance directe d’Amérique du nord au dos desquels est apposé le logo du F.B.I. suivi de cette phrase : Unautorized copying is punishable under federal law. C’est aussi obscène que les injections du PMRC de madame Gore sauf que les stickers explicit lyrics sont avec le temps devenus un magnifique argument de vente (même sous forme de t-shirts, c’est trop rebelle…), pas le F.B.I. anti piracy warning. Même un label comme Ecstatic Peace! a ce genre de logo au cul, amusant lorsque on lit les déclarations de Thurston Moore sur le piratage et que l’on peut s’acheter des t-shirts Sonic Youth sur lesquels est écrit quelque chose comme downloading is not killing music/downloading is just killing music business (je cite de mémoire).
Boss
, l’énième album des Magik Markers -publié chez Ecstatic Peace!, donc) date déjà de septembre 2007 et n’est plus le dernier album en date du groupe puisque celui-ci sacrifie comme tant d’autres à la surproduction de CDr au tirage aussi limité qu’ils se multiplient rapidement. Boss est juste l’album le plus facilement trouvable de Magik Markers -on peut également citer celui-ci). Avant de l’écouter il faut uniquement savoir deux ou trois petites choses. Premièrement Magik Markers doit tout musicalement à Sonic Youth, période Confusion Is Sex/Bad Moon Rising. Deuxièmement, Boss est -répétons le- une production du label de Thuston Moore. Enfin, Boss a été produit par Lee Ranaldo qui en plus joue sur l’album. Tout ça semble quand même faire beaucoup trop. 
























Mais non. Boss est un album beaucoup plus serein et construit que ses prédécesseurs, moins linéaire aussi, s’ouvrant sur quelques variantes pop/folk finalement plutôt bienvenues. Elisa Ambrogio ne passe pas son temps à hurler plus fort que Lydia Lunch, essayerait plutôt de susurrer comme elle, mais surtout imite convenablement et avec distinction le phrasé de Kim Gordon (Last Of The Lemach Line). Les guitares simplissimes évitent de justesse la poussivité sans pour autant systématiquement tomber dans le remblayage à base de bruits distordus et autres supercheries. Certes, Magik Markers envoie sa dose de dissonances et de bordel à cordes mais ce qui séduit le plus c’est l’utilisation d’un glockenspiel ou d’un piano (sur le magnifique Four/Ballad Of Harry Angstrom) et le jeu du batteur Pete Nolan qui a cette formidable tendance à en foutre de partout même lorsqu’il s’agit de tenir un rythme tout basiquement binaire, poum-tchac-poum-tchac.
Quelques balades, on l’a dit, illuminent cet album. Empty Bottles, gentiment naïve et surtout Bad Dream/Hartford’s Beat Suite tout simplement céleste. Boss s’achève sur une dernière salve électrique avec le très volumétrique et lancinant Circle. On pense bien sûr à Lydia Lunch mais pas seulement, ce titre avec sa rythmique tribale et accentuée, le bruit de fond des guitares, les samples et la voix à la fois traînante et charmeuse renvoient directement aux Painteens, groupe trop injustement oublié. Finalement, pour les amateurs de comparaisons et de petites cases et si on excepte les punkeries comme Body Rot, l’analogie avec les texans est la meilleure : noisy, reptilien, tendu, souvent mélodique et flirtant avec bonheur avec un certain sens de l’approximation technique mais pas avec le flou des intentions.


dimanche 23 mars 2008

Comme à la télé : Painteens





Les Painteens alors au sommet de leur forme ou pas très loin de l’être. Pour tout connaître et tout savoir sur ce groupe formidable, autant lire la rubrique oldies de Perte & Fracas.


samedi 22 mars 2008

The Sinking Of The Titanic

Retour sur le label Touch et un joli CD emballé dans une pochette cartonnée (tout comme Mego le faisait à ses débuts pour ses premiers tirages mais c’est bien Touch qui a initié ce type de packaging, voir par exemple le très beau Kill The King de Hafler trio en 1991) contenant l’oeuvre maîtresse de Gavin Bryars : The Sinking Of The Titanic. Gavin Bryars a commencé sa carrière de musicien comme contrebassiste de free jazz rapidement passé à l’improvisation pure -le Joseph Holbrooke trio en compagnie de Derek Bailey et de Tony Oxley, une expérience qu’il finit par abandonner faute de satisfaction personnelle. Place à la composition avec comme premier coup d’éclat (1969) ce Sinking Of The Titanic qui, presque quarante années plus tard, risque bien de rester l’éternelle enseigne lumineuse et clignotante d’une postérité qui ne retiendra de Gavin Bryars que cette première oeuvre acclamée de toutes parts. Encore faut il pouvoir apprécier les motifs évanescents de cette composition basée sur le drame nautique que tout le monde connaît avec comme pitch l’orchestre du bateau réputé insubmersible et qui aurait continué à jouer encore et encore toujours le même air tandis que quelques centaines de voyageurs à destination de New York goûtaient aux joies du bain de minuit en plein océan arctique.
Dans l’absolu, il est difficile d’être fan de l’œuvre originelle dont la version la plus connue est celle publiée par Brian Eno en 1975 sur son label Obscure. On a beau savoir que c’est le sujet même de cette musique, la tonalité néo classique, un brin romantique avec une pointe de drame hollywoodien s’enfonçant dans une sorte de répétitivité évanescente, n’a rien de passionnante. La nature de cette composition était alors dans l’air du temps, en bon adepte de Cage, Bryars n’avait pas déterminé la durée de la pièce, ni le nombre d’exécutants.



















Il existe donc plein de versions de The Sinking Of The Titanic qui se définit comme une oeuvre inachevée, in progress, ce qui explique l’annotation (1969…) apposée après le titre. Celle qui nous intéresse a été orchestrée par le platiniste Philip Jeck et interprétée par l’ensemble Alter Ego en octobre 2005 lors du festival de musique contemporaine de Venise. Philip Jeck est du genre à faire du bruit avec des platines vinyles, plus que Janek Schaefer mais moins qu’Otomo Yoshihide ou Christian Marclay. Ses raclements de microsillons ont un côté froid qui plaisent à l’amateur d’electronica façon Ryoji Ikeda ou Alva Noto.
L’association des bidouilles parasitaires de Jeck avec les procédés d’ensevelissement de motifs nostalgiques de Bryars fonctionne plutôt bien. Cela commence avec une longue période de craquements, évoquant aussi bien la pluie qui ruisselle que le feu qui crépite avant que l’instrumentation classique n’intervienne, de façon ténue. L’auditeur est directement plongé dans le passé, effet renforcé par des extraits de témoignages de survivants du drame, des appels en morse et quelques paysages sonores qui n’ont rien à voir (est ce que ce sont bien des grillons qui apparaissent à la trentième minute ?) ou un peu trop évidents telle cette cloche qui résonne comme un glas.

Toute la première moitié du CD navigue en eaux troubles avant que la nostalgie musicale n’intervienne avec la partie composée proprement dite de Gavin Bryars. C’est le côté néo classique teinté sépia déjà évoqué et la partie la moins passionnante des soixante-douze minutes du disque, malgré quelques interventions discrètes de Jeck. Après un climax théâtral, la manipulation et l’effacement reprennent le dessus et cette interprétation de
The Sinking Of The Titanic devient alors presque passionnante, le rendu sonore de l’engloutissement et de la disparition du bateau et de ses occupants est palpable, sensation physique, crescendo des violons et intervention d’un hautbois, avant une nouvelle sensation d’endormissement, des gargouillis d’une boite à musique qui se tait de façon très légèrement abrupte, un final donc forcément évocateur.
Tout ceci ressemble quand même fortement à une bande son et en lisant les notes du livret on s’aperçoit qu’il en s’agit effectivement d’une : lors de l’enregistrement public de l’oeuvre était diffusé un film d’un certain Andrew L. Hooker, également responsable du design du disque. Finalement, même si cette version longue de
The Sinking Of The Titanic est bien faite, largement théorisée, ostensiblement construite, tout est joliment sans surprise, du papier peint lessivable pour salle de bains. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut écouter une musique qui parle ouvertement de la mort sans tomber dans le côté morbide de la chose -étrange paradoxe que le remplacement de la violence d’un drame par la nostalgie de son illustration.


vendredi 21 mars 2008

Yellow Swans / At All Ends


J’ai sûrement eu tort, dès le départ, d’écouter At All Ends plusieurs fois au casque et uniquement de cette façon là : musique de nuit par excellence, celle des Yellow Swans me paraissait tout à fait apte à ce genre de pratique en solitaire, je ne vous dis pas ce que je faisais en même temps. Mais cela m’a rapidement dégoûté du nouvel album du duo car je n’y entendais qu’une seule chose, que je n’aimais pas beaucoup, de nouveaux sons de guitares. Insister dans cet onanisme audiophile m’a donc complètement détourné de At All Ends, jugé loin d’être aussi électronique qu’un Bring The Neon War Home et surtout beaucoup moins dangereux que l’album précédent, Psychic Secession. Load records, la nouvelle maison de Yellow Swans depuis deux albums avait pourtant prévenu que le petit dernier innovait, position qui parait tout à fait naturelle venant d’un groupe dont le corps même de la musique est basé sur la recherche sonore, l’expérimentation, le magma des fréquences d’où peut être filtrera la potion magique qui transforme l’influx nerveux traversant les cortex soumis à la torture sonique en vibrations de bonheur masochiste. En concert Yellow Swans joue fort et gros, sur disque c’est à peu près la même chose sauf que l’on a le temps de s’attarder sur les détails qui changent tout, comme la rythmique tour à tour rampante et martiale de I Woke Up, l’un des meilleurs titres de Psychic Secession.






















Faisons abstraction de la puissance sonore du groupe en concert, faisons abstraction des enregistrements antérieurs, faisons même abstraction de l’hideuse illustration de la pochette en forme d’ADN de chamallows ou de collection de pierres elfiques pour hobbits david hamiltoniens. A l’instar du camarade Birchville Cat Motel qui à l’occasion de son LP Four Freckle Constellation a ouvert quelques fenêtres pour changer l’air (putride et vicié), les deux Yellow Swans ont eux fait des trous dans leur musique, acheter du Brise Air, privilégié des sonorités aigues mais raisonnablement perforantes, secoué les tapis, sniffé de l’éther et peut être même du shoegaze (cette vieille drogue britannique revenue au goût du jour mais dont il ne faut pas abuser au risque de se retrouver rapidement écoeuré) et ont même décidé de jouer des vrais notes. C’est bien simple, à chaque fois que la fin du premier titre de l’album arrive, on a toujours l’impression que Jimi Hendrix a débarqué et qu’il va jouer son habituelle reprise overfuzzée de Star And Stripes. Heureusement pour nous, non.
Une fois passée la surprise d’être confronté à un univers nettement moins fermé et optu que d’habitude, une fois que l’on a accepté que les guitares s’envolent dans les nuages (Mass Mirage), une fois que l’on a intégré l’idée même que Pete Swanson et Gabriel Mindel Saloman ont décidé de nous pondre quelques mélodies angéliques (mais des anges qui porteraient des casques à pointes), on est prêt à tout accepter de At All Ends -tout, y compris son désir de beauté puisque en définitive c’est bien de ça dont il s’agit. Il faut juste malheureusement repasser par la case Jimi Hendrix à la toute fin du dernier titre (Endlessly Making An End Of Things) et prendre, après un très bon début à la limite d’un crépuscule contemplé depuis l’orée d’une forêt, le risque d’avoir les oreilles bouchées par le retour de la bannière étoilée. Comme un mauvais goût dans la bouche. Je me demande bien dans quelles pédales d’effet Gabriel Mindel Saloman est allé chercher des sons aussi révoltants de laideur anachronique mais on lui pardonne parce que tout le reste -après l’éviction de toute velléité d’écoute au casque- se révèle excellent. Mais pas à écouter tous les jours.

jeudi 20 mars 2008

Prurient / And Still, Wanting


Lorsqu’il y a écrit No Fun Productions au dos d’un disque on sait déjà que l’on va avoir affaire à du lourd, ce label basé à Brooklyn ayant un goût immodéré pour le bruit dans ce qu’il a de plus dense, pur et absolu… genre fallait quand même oser publier un quadruple CD regroupant les oeuvres de jeunesse de C.C.C.C., du japonoise définitif.
Dans les dernières sorties du label, on compte également un album de Prurient, en anglais cela signifie quelque chose comme lubrique, je soupçonne un sens caché en patois local mais je ne le parle pas, en tous les cas ce nom évoque quelque chose de bien dégueulasse et poisseux, c’est effectivement le cas.
Prurient est un énième one man band, le gugusse qui se cache derrière ce nom évocateur s’appelle en fait Dominick Fernow, activiste et hyperactif parce que du genre à ne pas arrêter de sortir des disques et heureux propriétaire d’un petit label on ne peut plus recommandable, Hospital Productions, dont le catalogue comprends quelques pépites noise, drone-machin, indus ou harsh telles que les trop hype Magik Markers, Hair Police ou les vétérans Nocturnal Emissions. Dominick Fernow/Prurient fait partie de toute cette bande qui comprend des groupes comme : Mouthus, Death Unit, Double Leopards. Des gens qui pratiquent, entre autres, le renouveau du bruit industriel et/ou ambient de façon complètement innocente et primitive.















Prurient fait partie des plus radicaux, l’écoute de l’un des disques du groupe ramène au beau milieu des années 80, à cette musique industrielle à base de voix torturées et de feedback douloureux, Whitehouse n’est jamais très loin, SPK non plus. C’est violemment maladif, perpétuellement malsain, complètement gratuit mais dénué de toute provocation autre que celle générée par la musique en elle-même -pour toutes celles et ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie il n’y a donc là aucune violence conceptualisée, juste un agréable retour en arrière dans la volonté d’agression. Les textes non plus ne tombent pas dans le trip sado-fascisant (une invention de Throbbing Gristle qui en suivant cette voie comptait bien dénoncer, nombre de leurs suiveurs sans imagination, ayant eux tout pris au pied de la lettre, se sont vautrés là dedans non sans délectation) mais insuffle un certain malaise, même pour un béotien du american speaking : I just want to let you know/Late that afternoon/Frustration built up/You have to realize/That we know/We found her jewelry/We found almost nothing/We found nothing obvious/We found almost a dozen locations/And it’s getting a little frustrating. Lorsque les attaques sonores diminuent quelques peu et que la musique flotte davantage, l’effet cauchemardesque est encore plus fort.
Petit détail technique, ce CD est accompagné d’un vinyle de même format (5 pouces) comprenant deux inédits de facture intense et violente. Un bien bel objet de la part d’un label qui nous avait déjà habitué à de telles frasques (comme le double LP de Mouthus qui ne comporte aucune indication et que l’on peut écouter à la vitesse de son choix) et de la part d’un bonhomme qui ne bénéficie pas de l’éclairage médiatique d’un Wolf Eyes alors qu’il le mériterait tout autant.

mercredi 19 mars 2008

Rester couché

Qu’est ce que j’ai raté comme concert ces derniers temps ? Apparemment celui de Nisennenmondai, genre ébouriffant et hypno-groovy et dont on peut voir quelques extraits ici, filmés à la punk comme il se doit. Pour ce qui est du concert de Pan Sonic, on peut lire qu’il a été très sage, surtout je retiens qu’il devait être très comparable à celui donné au Pezner par les finlandais il y a déjà une dizaine d’années. Pas beaucoup d’évolution depuis tout ce temps. Donc je ne regrette rien.
Alerté par quelques propos intéressants sur GHQ (Double Leopards inside) ainsi que par quelques extraits sonores accrocheurs, l’appel du concert n’a pas tardé à se faire à nouveau sentir, nettoyage d’oreilles, hygiène des bas instincts, un peu d’air vicié (mais sans tabac) pour mon organisme. Sur le flyer, l’organisateur a écrit psychedelic drone, OK si tu le veux mon garçon mais moi ce qui me faisait peur c’était la présence d’un invité de marque, Tom Carter des abominables dark folkeux Charalambides, j’y-vais-j’y-vais-pas. J’y vais.



















Tout petit hors d’oeuvre de la part de I'm A Grizzly. Le garçon met un micro dans sa bouche, échantillonne, manipule, bidouille, fait des faux-plis, recoud à l’envers, évite le repassage et c’est déjà fini. Dix minutes chrono. J’ai beau savoir que le timing est serré (GHQ a demandé à jouer une heure et demi…), cela fait un peu court pour commencer à apprécier le début d’un commencement de frémissement d’intérêt. I’m A Grizzly ça avait l’air plutôt bien, du bruit pas très original c’est vrai mais avec un minimum de boulot derrière or là, franchement, impossible de trancher quoi que ce soit dans le vif du sujet ou ailleurs. Je prends ça comme une bonne blague, la plupart des gens présents (une vingtaine de personnes…) aussi. L’ennui et la fatigue s’installent tout doucement, j’ai déjà tout le bas du corps qui ne répond plus.

















PartWildHorsesManeOnBothSides est un duo d’anglais basés à Lyon, quelle drôle d’idée. Le garçon s’installe derrière une batterie qui n’en est pas une -pas de charley, un tom basse scié en guise de grosse caisse, des bidules en ferraille posés sur les peaux afin d’obtenir des drôles de son. Surtout il appose sur sa gorge une lanière noire maintenant deux micros, un peu d’effets par dessus et je comprends qu’une partie des sons étranges générés le sont par les bruits de son larynx. Amusant. La fille joue de la flûte traversière amplifiée.
Je vais une nouvelle fois faire appel au flyer de l’organisateur du concert, celui-ci parle de free psychedelic trance, pourquoi pas. Sur des rythmes répétitifs et vaguement tribaux (et une légère touche de free il est vrai), PartWildHorsesManeOnBothSides plante le décor d’une musique assoupissante à peine rehaussée par les stridences de la flûte. Limite insupportable. Parce que je ne me rappelais plus jusqu’à quel point je peux détester cet instrument pacificateur, à quelques exception près tout de même, exceptions ayant toutes à voir avec le (free) jazz : chez Eric Dolphy, Pharaoh Sanders, Rahsaan Roland Kirk ou Harold Alexander. Là je n’en peux plus, malgré les trouvailles divertissantes du batteur, l’ennui, la fatigue et la paresse gagnent encore un peu plus du terrain et je fais un effort surhumain pour tenter de me souvenir et de reprendre la conversation interrompue une demi-heure auparavant. Je vais bientôt passer de l’engourdissement à la léthargie.

















GHQ et Tom Carter sont déjà sur scène (tous les autres ont joué par terre), commencent à s’accorder, pardon, à gratouiller, ça prend forme petit à petit, ça y est ils jouent enfin un vrai morceau avec de vraies notes, je me rapproche tout doucement car je sens des fourmis dans mes pieds qui s’impatientent quelque peu. Mais ce regain d’intérêt ne dure pas. J’admire le guitariste de gauche et son jeu élaboré dans lequel on pourrait trouver des réminiscences de John Fahey, du moins des intentions de faire tout comme. Je crois bien avoir affaire à Steve Gunn de Magik Markers et je commence à me demander ce qu’il fait là. Au centre il y a Marcia Bassett (Double Leopards) et la même réflexion me vient tout de suite à l’esprit. Reste à droite Tom Carter. D’entrée je déteste son son de guitare, c’est lui qui donne l’aspect un peu Mazzacane Connors à la prestation de GHQ de ce soir mais cela aussi, il faut le dire très très vite.
Il n’y a aucune accroche possible dans le néo folk interprété par le groupe, lorsque celui-ci s’étoffe en grosses tranches on retrouve quelques accents à la Spacemen 3, lorsqu’il se fait plus cristallin il y a peut être un peu du troisième album du Velvet Underground là dessous, j’essaie de dire tout ça toujours et encore de plus en plus vite tellement ces comparaisons -énormes- semblent disproportionnées face à la fadeur de ce que nous livre GHQ. Un peu de chant, d’une voix blanche, n’y change rien. Je n’y entends rien à tout ce revival folk/country/blues en version modernisée et urbaine (ça c’est pour la référence à Sonic Boom et à Lou Reed) qui semble faire fureur chez les musiciens américains en quête d’expérimentation, l’impression persistante qu’ils sont complètement paumés est loin d’être fugace. J’abandonne entre la fin du troisième titre et le début du quatrième, il est absolument hors de question que je me tape une heure et demi de ce genre de désert musical, sinon la trétraplégie me guettera. Bonne nuit.

mardi 18 mars 2008

GHQ en concert























Aujourd’hui, un concert organisé par S'étant chaussée et qui, espérons le, va faire un peu de bruit : GHQ (dont je ne connais que peu de chose mais dont j’attends beaucoup) avec PartWildHorsesManeOnBothSides et I'm a grizzly (dont je ne sais strictement rien). On prétend toujours qu’il ne faut jamais trop se fier aux extraits et autres bouts de son postés sur MySpace. Je me demande juste ce que Jim Carrey fait sur le fly.

lundi 17 mars 2008

Touch Seven























Je n’aurais jamais cru que le label anglais Touch allait un jour se remettre à presser du vinyle et bien si, et des petits formats qui plus est, du 17 centimètres qui tourne en 33 tours, c'est-à-dire des jolis objets avec une bonne qualité de pressage et une dynamique correcte. Vu le caractère expérimental/électro cérébral de la musique habituellement proposée par le label, un tel format n’était peut être pas ce qui convenait le mieux pour un rendu maximum (dès fois le support digital, cela a du bon…) mais les deux exemples que j’ai pu avoir sous les oreilles -un single de Chris Watson et un autre de Christian Fennesz- sont plus que convaincants.
Ash International, label petit frère de Touch, propose lui aussi des singles vinyles comme le dispensable hymne du royaume virtuel d’Elgaland Vargaland -fondé le 14 mars 1992 par les musiciens Carl Michael von Hausswolff et Leif Elggren- interprété selon la version par d’obscures formations mariachi ou klezmer, c’est quand même très drôle parce que parfaitement inutile. Pour les amateurs de davantage de consistance, le dixième anniversaire de la fondation de ce royaume a entre autres été l’occasion de la publication d’une compilation sous la forme d’un double CD et regroupant la plupart des artistes/musiciens de la nébuleuse Touch/Ash Intetnational, de Jim O’Rourke à Ryoji Ikeda, de Mika Vaino (Pan Sonic) à Oren Ambarchi…























Mais revenons à cette série de singles produits par Touch et intitulée Touch Seven. La première référence à avoir été publiée (TS02) est donc Chris Watson. Fennesz (TS04) a suivi de près. Au mois de mars paraîtra un split single Fennesz/Philip Jeck (TS01) alors que la référence TS03 (deux titres inédits de AER) est prévue pour le mois de mai. Oren Ambarchi et Mika Vainio sont les suivants sur la liste.
Ecouter un field recording de Chris Watson -pour mémoire : un ancien Cabaret Voltaire et un ex Hafler trio- est toujours un moment émouvant. Non seulement le choix de ce qu’il a décidé d’enregistrer est régulièrement étonnant voire déroutant mais Watson s’est attelé aux techniques de captation du son en milieu naturel avec une force et une volonté singulières non dénuées d’un sens de l’abstraction qui transforme régulièrement le résultat obtenu en un équivalent de la musique concrète (dans le sens de Pierre Schaeffer) violemment poétique et crue. Les deux titres présents sur ce bout de vinyle et enregistrés du côté des îles Galapagos n’échappent pas à cette impression fugace. A noter que sur chacune des deux faces le sillon est fermé.
Le single de Christian Fennesz est lui annonciateur d’un nouvel album à paraître au printemps 2008 -ça c’est de la bonne nouvelle. Ces deux titres (auxquels il faut ajouter un single digital, hum, intitulé On A Desolate Shore A Shadow Passes By) devraient rester inédits et développent l’univers habituel de Fennezs, amoureux de guitares bidouillées, filtrées, tamisées, manipulées, transformées et tout ce qu’on voudra, ce single est fait pour vous. La face B, avec son attaque à la guitare clairement identifiable, est la plus convaincante. Le brouillard électronique cher à Fennesz accompagne de manière fantomatique les quelques notes maladroites qui s’échappent des cordes de l’instrument, c’est un peu comme être dans la tête d’un guitariste assoupi et qui commence à rêver. A l’inverse du disque de Watson, celui de Fennesz est frustrant : un petit côté inachevé peut être, pas assez de développement, de temps ou d’espace pour avoir l’opportunité de rêver aussi. Vivement l’album.

dimanche 16 mars 2008

S-S-S-Spectres / Sea Potentia Divina



Tout de suite il y a quelque chose qui ne colle pas avec le Sea Potentia Divina EP de S-S-S-Spectres, : voilà un CD, dans une pochette toute simple et toute plate façon disque promo ou CD 2 titres de hit parade avec option temps de cerveau disponible, qui contient quatre titres d’un post punk guilleret et moderne, soit huit minutes de rythmes robot Moulinex, de basses rondes et puissantes, de guitares au taquet et raisonnablement dissonantes et de voix légèrement outrées ou parfois traînantes (les Liars première période, celle où les new-yorkais se prenaient pour Gang Of Four avant de se prendre pour les maîtres du monde). Autant dire que ces quatre titres auraient été plus que parfaits sous la forme d’un petit 45 tours en vinyle. Le label (également webzine) aurait été bien mieux inspiré de ne pas publier cet EP sous une forme qui parait plus ringarde que jamais, inutile et laide. Incongrue. Le temps de mettre le CD dans le mange disque, de faire tout autre chose, que la musique est déjà terminée, même pas besoin de lever ses fesses pour changer de face, même pas nécessaire de prêter une quelconque attention à un disque qui pourtant en aurait un peu plus besoin. Car ce n’est pas que la musique de S-S-S-Spectres ne mérite pas que l’on s’y arrête. Elle manque certes d’originalité et parfois de mordant, elle sent la fête de la bière sans alcool à plein nez, alors on a l’impression d’avoir affaire à une version poppy de Ex Models mais ce n’est pas désagréable.























Cette bande de jeunes gens a fait tout ce qu’elle peut c’est évident alors je ne vais non plus bouder mon (petit) plaisir -voilà un disque concocté par deux garçons et deux filles et dont les défauts majeurs sont, dans l’ordre : la batterie qui fait toujours la même chose et qui manque de chance ne le fait pas très bien, des voix -déjà évoquées- mixées beaucoup trop en avant et qui jouent la carte du débit constant et croisé à la limite du brouhaha (Trumans Water mais avec la comisole), une guitare avec un son trop coincé dans les médiums et en retrait (un peu plus de rigolade toutefois à la fin de Witches vs Wolves). Une fois de plus c’est la basse qui assure l’essentiel du spectacle, qui gratouille l’hypophyse dans le sens hormonal et donne envie de rebondir. Il faut toutefois attendre le dernier titre, You Faux Pas, pour entendre une rythmique un peu moins chewing-gum, un peu plus piquante et un titre construit de manière plus complexe même si c’est avec tous les gadgets que le genre semble toujours devoir autoriser c'est-à-dire quelques dissonances à la Sonic Youth, du gigotage de toms et de cymbales, des mini breaks immédiatement suivis de reprises, bref du bordel de singes savants. Avec ce tartinage de poncifs noisy/post punk Sea Potentia Divina accroche quand même son petit monde, fait éventuellement rire mais ne donne pas envie d’en connaître davantage. Je parierais même que, en l’état actuel des choses, S-S-S-Spectres ne tiendrait absolument pas la longueur d’un véritable album. Finalement le label a eu raison de se limiter au format EP/quatre titres, dans ce cas l’aventure d’un album est uniquement conseillée et vraiment réservé aux barges et aux fondus véritables.


samedi 15 mars 2008

L'aile ou la cuisse


La frustration intense née d’un ordinateur défectueux et d’une connexion internet intermittente est le gage d’un regain de délire en forme de trop-plein, en résumé faut que ça sorte. Je n’ai rien de particulièrement méchant à dire sur James Murphy, son label (plus disco que punk) DFA records, sa machine à tubes pour danser LCD Soundsystem, ses converses, son épi dilettante stratifié avec Vivel et les drogues aphrodisiaques et/ou hypnotiques. Quoique : en fait je n’ai rien à dire du tout sur tout ça ou presque, ce n’est pas mon rayon mais comme beaucoup d’introvertis je ne danse que lorsque je suis complètement défoncé, je ne vois pas comment on peut faire autrement et c’est ça qui est bien.
Il ne faut pas enlever le mérite à James Murphy et DFA d’avoir réédité l’intégralité des enregistrements studio des obscurs Pylon, trois coquelets en polos rouges et une poulette écorchée vive donnant dans un post punk acide et rachitique, froidement groovy et mécaniquement indansable, abrasif et tranchant, violent et captivant, primal et austère. Du vrai post punk d’époque (1978/1980), possédant un certain esprit en commun avec Gang Of Four, les leçons de choses marxistes en moins. Du garanti sans gras ni hormones de croissance, de la musique incandescente par le dessous, de la rage frustrée qui pète à la gueule de la part d’une bande de jeunes bouseux originaires d’Athens en Georgie, la même ville qu’un Michael Stipe pas avare en compliments dans les pages du livret ou qu’un Fred Schneider encore tout ému d’un concert de Pylon dans une cave quelque part en 1978 (toujours dans le même livret).























Gyrate Plus débute par le premier single du groupe, Cool/Dub et ce qui se remarque le plus c’est la basse -imposante, massive, entraînante, irrésistible- qui avec une économie de moyens et d’effets porte toute l’ossature, la pureté de l’âme, d’une musique qui va droit au but. Suivent les onze titres de l’album Gyrate, l’ouverture parfaite d’un Volume, l’inquiétant puis frénétique Driving School. Passons rapidement sur l’instrumental passablement faiblard Weather Radio et sa guitare aigrelette mais un peu trop primesautière qui jure un peu aux côtés du très concis et très punk Feast On My Heart, du martial et rigide Gravity, du rythmé et arrondi Danger, de l’hallucinant Stop It sur lequel la chanteuse Vanessa se lâche rapidement dans un crescendo d’arrachage de cordes vocales dans les règles de l’art.
On peut dire tout le bien que l’on veut du trio guitare/basse/batterie et l’épure musicale qui en découle, Pylon était avant toute autre chose doté d’une chanteuse tellement écorchée vive que celle-ci, quasiment incapable de la moindre modulation, joue subtilement en force -non il n’y a rien de paradoxal là dedans- de ses limites vocales, parfaite dès qu’il s’agit d’éructer, non moins parfaite lorsqu’elle sait se faire faussement calme. La tension est toujours là et, pas très loin, le cri est juste derrière : Don’t rock and roll, no/Now rock and roll, now.
Gyrate Plus
s’achève avec un titre extrait d’un 10 pouces (les trois autres titres de celui-ci se retrouvant sur le single ainsi que sur l’album), Danger !!, qui est de loin le titre le plus funky de cette rétrospective, un funk déstabilisant parce que parfaitement inorganique et inhumain. Functionality est la dernière plage du CD et est extrait d’une cassette démo, bien que pauvre le son garde l’aspect simplement rugueux et proprement efficace de la musique de Pylon. Il aurait quand même été dommage de passer à côté de tout ça mais, honnêtement, doit on quand même remercier James Murphy ?