vendredi 30 janvier 2009

Zëro / Live @Epicerie Moderne























Faisons une petite expérience, écoutons les versions studio disponibles des titres figurant également sur ce CDr live -ce qui en tout nous fait trois titres sur six : Car, Buses, etc…, Big Screen/Flat People et Derby, parus initialement sur l’album Joke Box. On peut ainsi mesurer la maîtrise instrumentale de Zëro sur scène. Ce disque, édité par les bons soins du groupe, a été enregistré le 28 octobre dernier à l’Epicerie Moderne de Feyzin (banlieue de Lyon). Je n’étais pas à ce concert mais on peut en lire un report intéressant ici. Le son de l’enregistrement est particulièrement impressionnent -combien y a-t-il de pistes disponibles sur la table de mixage de l’Epicerie Moderne ?- et qui plus est le groupe a bien pris soin de remixer un peu les bandes après. Résultat : on est très loin de la qualité sonore très approximative du CDr illustrant l’ultime concert des Deity Guns au Transbordeur de Lyon le 3 décembre 1993. On se balade même sur une véritable autoroute pour l’oreille.
Premier temps fort, Car, Buses, etc… qui débute l’enregistrement (alors qu’il clôturait l’album) gagne encore en majesté et en mystère -peut on même oser parler d’ésotérisme sans que la connotation péjorative ne vienne tout foutre en l’air ? Les sonorités mises en avant, pads de batterie, synthés et guitares effleurées, entretiennent une tension imperceptible avant la mise au point de la fin du morceau (et son synthétiseur abrasif). La voix est elle étrangement chevrotante, comme toujours en mode narratif, et bien placée. Zëro avait également commencé son set par ce titre lors du concert de soutien au Sonic, le groupe a assurément trouvé là la bonne façon d’installer toute l’étrangeté de sa musique. Big Screen/Flat People était l’un des meilleurs titres de Joke Box et cette nouvelle version va dans le sens du renchérissement avec sa première partie affirmant la nouvelle prédominance des synthétiseurs dans la musique de la bande d’Eric Aldea -mais cette prédominance n’est réelle que parce que derrière il y a ce riff de guitare simplissime qui pousse tandis que la basse vrombit à souhait- et la seconde partie avec le chant définissant toujours cette dualité distance/proximité. Question qualité, Derby va plus loin avec son vieux synthé encore plus présent et un bon boulot du batteur. Cela nous fait donc trois titres dans de nouvelles versions.
Et les trois autres ? Commençons par la reprise de Jocko Homo de Devo. Zëro avait déjà repris du Devo sur son album (Automodown/Space Girl Blues) donc il n’y a finalement rien d’étonnant à ce que le groupe recommence. Sauf que la reprise de Jocko Homo dépasse de très loin cette tentative précédente pourtant déjà plutôt réussie : Zëro arrive à insuffler dans cette chanson toute l’énergie pneumatique dont elle semble avoir besoin pour réellement sonner étrangement et décalé. Pigeon Jelly -dont on peut voir une version enregistrée aux Nuits Sonores 2008 ici- est un titre court (2’15 minutes) qui surprend d’abord avec son chant plus frontal et aux intonations un peu nasillarde. The Cage clôture cet enregistrement de la meilleure façon qui soit avec sa note de synthé persistante, le chant qui s’énerve un peu, la rythmique enlevée et la guitare qui poursuit son travail de soubassement essentiel avant de prendre le dessus car on arrive à ne plus entendre que ça, ces mailles finement tressées qui se resserrent pour finir par former un tapis de clous sous le glacis mélodique.

[Ce CDr à tirage très limité et numéroté inaugure une série de parutions d’enregistrements en concert de Zëro. La pochette sera à chaque fois pompée sur celle d’un disque emblématique -ici celle de l’album Absolutely Free des Mothers Of Invention.]

mercredi 28 janvier 2009

Sheik Anorak & Weasel Walter/Les Aus split 10'

Le voilà enfin ce deuxième volume des splits 10’ initiés par Gaffer records, avec peut être deux (trois ?) mois de retard sur le plan marketing fomenté par le cerveau du label : on ne peut pas dire que les relations entre structures DIY et entreprises de pressage s’améliorent avec le temps. Cela me rappelle toujours les mésaventures lointaines des 7 Pilliers/Jazz To Come records avec un presseur tchèque : dans l’insert d’un split single Parkinson Square/Grand Bario on pouvait lire merci à Gramofonové Zadovy le presseur de disques qui a augmenté ses prix de 43.75% en 6 mois, dans celui d’un split Portobello Bones/Garlic Frog Diet on trouvait un grands mercis encore à Gramofonové Zadovy le presseur de disques qui a cette fois doublé ses frais de ports comme quoi les lois du marché, ils ont bien compris. Le bon temps quoi. Quoiqu’il en soit il est bel et bien là ce Sheik Anorak/Weasel Walter versus Les Aus featuring Lydia Lunch. Un programme gros comme ça. Un disque d’un joli bleu, dans une pochette transparente. La grande classe.












La première face est donc remplie avec trois titres de la session d’impro enregistrée entre Sheik Anorak et Weasel Walter et dont un autre titre figure déjà sur le CDr de Sheik Anorak chez Maquillage Et Crustacés évoqué hier. Le titre du CDr n’était finalement qu’une bonne mise en bouche, avec ces trois nouveaux extraits nos deux compères se déchaînent littéralement. Walter doit certainement être l’inventeur du mouvement perpétuel à la batterie -mouvement absolument pas rectiligne cependant- tandis que la guitare aligne explosions soniques et torpilles bruitistes. Si on n’est pas amateur ou même tout simplement familier de l’impro façon échappée belle ce duo ultra énervé et cacophonique défrisera n’importe quelle mise en pli solidifiée à la laque universelle. Parce que ça pulse, tout simplement. Cette face est la bonne pioche du disque.
On retourne la galette pour jeter une oreille attentive sur la face Les Aus, d’autant plus que l’on sait que Lydia Lunch doit y faire une apparition en personne à un moment ou à un autre. Les Aus est un duo de Barcelone formés par d’anciens Omega Cinco (qui ça ?) et qui pratique un folk à la fois psychédélique et noisy, parait il largement improvisé. Les deux premiers titres -instrumentaux- ne sont guère passionnants quoique fort honnêtes, on ressent trop cette impression de n’écouter que des ébauches de chansons. C’est avec Dead Man, le troisième et dernier titre, que les choses sérieuses commencent vraiment. Lydia Lunch débarque enfin et déballe son savoir-faire habituel plus proche du spoken words que du chant réel. L’ambiance est volontairement poisseuse et collante, le passage instrumental en fin de piste s’éternise un peu trop, on attend alors patiemment que la grande prêtresse revienne donner un peu de la voix mais il semble bien qu’elle soit déjà repartie ailleurs, dommage. Il est donc fortement conseillé de commencer à écouter ce split par cette face ci plutôt que par la face Walter/Sheik Anorak au risque de trouver l’ensemble encore plus déséquilibré.

[on attend la suite de cette série de 10’ avec impatience… sont dès à présent annoncés un Offonoff/Jazkamer et un Moha!/Tape That -encore du grand luxe]

mardi 27 janvier 2009

Sheik Anorak / [...] du coup






















Sheik Anorak est un one man band, le projet d’un seul homme mais de pas n’importe lequel : nous voilà en présence de l’une des multiples appellations d’origine contrôlée de Franck Garcia alias monsieur Gaffer. Un projet qui s’est vu couronné du très prestigieux premier prix de l’Eurovision Noise Contest 2008 organisé par le ZXZW festival de Tilburg, Hollande -non, ce n'est pas une blague. Après avoir vu le bonhomme un certain nombre de fois en concert sous ce nom là (concerts où il s’ingéniait à mélanger boucles triturées à la guitare et batterie tournante pour un résultat souvent hypnotique, alliant pistes de décolages kraut rock et stridences nowave), jetons une oreille sur […] du coup, CDr disponible chez Maquillage Et Crustacés -maison DIY dont je ne sais pas vraiment s’il s’agit d’un projet complémentaire d’Euphrate records (label dont on a déjà parlé ici) ou d’une mutation vers une nouvelle direction musicale et artistique.
[…] du coup
était annoncé comme assez différent, avec des relents de bidouilles et de parasites sonores… tant mieux ! Et effectivement dès le premier titre, Brushes & Rules, Sheik Anorak insuffle quelques frottements lointains de guitares arraisonnés par des déflagrations hasardeuses -on pense aux traitements infligés jadis par The Dead C ou Thela à leurs guitares lors des passages les plus atmosphériques de leurs cacophonies respectives. Seriously ??!!? explore lui le côté crispant des expérimentations à la guitare, Keiji Haino ne serait pas très loin s’il ne manquait l’incroyable travail sous-jacent sur les harmoniques opéré par le japonais. No Arms, No Drums est directement enchaîné et renoue avec les allures fantomatiques de Brushes & Rules, registre dans lequel Sheik Anorak se montre le plus convainquant ici. Surprise ! Chaos Tonight, Chaos Tomorrow a été enregistré à deux et pas avec n’importe qui : Weasel Walter y tient la batterie pour une séance d’improvisation libre où les grésillements de guitares (bizarrement aériens, ce qui ne veut pas dire planant mais dans les airs, ailleurs) contrastent avec le jeu de batterie toujours aussi reconnaissable et en mode mitraillette de monsieur Walter. D’autres titres enregistrés lors de cette rencontre sont disponibles sur le split 10’ partagé avec Les Aus sur Gaffer records. Dernier extrait, A Piece Of My Art For You… fait rejoindre triturations à la Fred Frith et hululements de guitare.
[…] du coup
n’est pas le disque génial d’un expérimentateur -un type qui teste une façon de jouer pour voir comment ça sonne et non pas quelqu’un qui imagine une façon de sonner et cherche ensuite les moyens pour y arriver- et c’est une bonne surprise car on sent que derrière tout ça il n’y a ni concept ni posture auto éclairante (le problème de la plupart des tordus des synapses qui font de la musique pour beaucoup trop de raisons différentes et jouent toujours entre eux dans les mêmes festivals toujours pour les mêmes personnes), juste un état de recherche aléatoire. Je ne peux que me réjouir à l’avance du prochain disque ou du prochain concert de Sheik Anorak dont je sais déjà qu’il sera différent du précédent.

dimanche 25 janvier 2009

Comme à la télé : Rahsaan Roland Kirk






En un seul mot : Rahsaan Roland Kirk = le roi du biniou.


vendredi 23 janvier 2009

Circle X / Prehistory





















En 1995 Jim O’Rourke et David Grubbs avaient réédité via leur label Dexter’s Cigar un EP* de Circle X originellement publié en1979. David Grubbs a récidivé en 2008 avec la réédition de Prehistory sur son propre label, Blue Chopsticks*. Je ne comprends ni ne connais pas grand-chose à la biographie et la discographie de Circle X, groupe un peu oublié si ce n’est que j’ai toujours trouvé que quitter New York en pleine période no wave pour s’installer en France (Dijon pour être précis) était vraiment une drôle d’idée. Le groupe a définitivement cessé toute activité en 1995 avec la mort de l’un de ses membres. Pour ce qui est de la discographie, mis à part le EP sans titre déjà mentionné, un mini CD -Frammenti De Junk- publié en 1994 chez Sordide Sentimental et ce Prehistory de 1983, je ne connais rien d’autre. Quelques éléments complémentaires pour les curieux.
Avec des enregistrements parcellaires s’étalant sur une vingtaine d’années, Circle X reste un groupe mystérieux. Le EP de 1979 -très réussi- était vraiment dans l’air du temps. Prehistory défriche lui de territoires autrement plus étranges et inconnus (pour l’époque) même si immédiatement accrocheurs. Comment rester insensible à ce post punk mutant constellé de guitares grésillantes, de lignes de basse accidentées et surtout de percussions tribales -aux sonorités plutôt aigues, on est loin des sonorités urbaines. Ça, c’était pour Current, le premier titre. Avec Prehistory I la cacophonie s’accélère : prenez The Pop Group, virez le saxophone, remplacez le funk par un délitement des guitares perfusées à la reverb et une polyrythmie indansable et vous aurez une vague idée des soubresauts hallucinés de cette musique. Prehistory II ne calme pas le jeu, se contente de ralentir le rythme pour laisser transparaître le côté shamanique en perdition. Quelques lignes de chant improbable ponctuées de cris animaliers et on se dit que Circle X a tout dit. Et bien non. Culture Progress renoue avec une no wave sans concession avant de laisser la place à des atmosphères plus industrielles avec toujours ces échos dub enveloppant. Comme son nom l’indique Underworld est une inquiétante plongée en apnée, synthé sépulcral, voix narrative, bruitages discrets à la guitare, la remonté est douloureuse si on en croit la batterie qui apparaît enfin et le chant qui aboie quelques cris incompréhensibles. Sorte de blues éviscéré et passé à l’eau de javel, Beyond Standard s’emploie à merveille à dissiper toutes formes de résonance et de contemplation pour laisser la place aussi vide que possible : le nihiliste des Stooges (les deux guitares moulinées à la fuzz) et la cacophonie du Velvet Underground (les rythmes déphasés) auxquels s’ajoute une voix plus blanche que jamais, blanche mais à se tordre à l’intérieur. Ce disque porte bien son nom : historique et essentiel.

[* Edit : depuis la rédaction de cette chronique les liens concernant les labels Blue Chopsticks et Dexter's Cigar ont malheureusement été désactivés...]

jeudi 22 janvier 2009

See You At Regis Debray


Quand on parle d’Alva Noto et de ses cliquetis électroniques, Ryoji Ikeda n’est jamais très loin (et inversement). L’actualité récente de notre électronicien minimaliste japonais favori consiste en un double CD publié à l’automne dernier et contenant la bande originale d’un film, See You At Regis Debray réalisé par un certain CS Leigh. Aucune info à donner sur cette pellicule ni sur son auteur -une seule quand même : il semble qu’il y soit fortement question d’Andreas Baader. La première écoute m’a semblée être la bonne pour un jugement expéditif et définitif : ce truc n’est pas un disque, ce qu’il y a dedans n’est pas de la musique, aucune envie d’aller plus loin, de savoir quel genre d’images on peut bien arriver à mettre sur un tel ramassis d’inepties, même pas du remplissage, juste du vide. Sur les deux disques (environ une heure et demi de sons) on peut entendre : des nappes sonores typiques du japonais, une sonnerie de téléphone, un briquet de l’on allume, des œufs sur le plat que l’on fait cuire, des notes de guitare égrainées et finissant par former un drone lugubre, le halètement d’un homme, un signal électronique façon morse ou téléscripteur (encore une marque de fabrique du japonais), des émissions de radio captées au hasard, des feuilles de papier que l’on déchire, encore de la guitare, répétitive, chargée d’écho et supposée angoissante, de la basse, l’obturateur d’un appareil photo, l’armement d’un flingue, des extraits musicaux divers et variés (Leonard Cohen, des discours politiques, des actualités…).























Tout ceci, juxtaposé et comme laissé à l’abandon, n’a rien de la poésie absurde d’un inventaire à la Prévert ou la force d’un paysage sonore rendu totalement abstrait par une prise de son frontale (la grande technique d’un Chris Watson par exemple). Ce disque je l’ai écouté pour la première fois et intégralement au casque, au beau milieu de la nuit ou peut être juste vers sa fin, à l’heure à laquelle tout le monde dort encore et qu’il n’y a rien d’autre à faire. Une impression désastreuse je l’ai déjà dit et c’est uniquement parce que l’écoute au casque est une expérience limitée et nombriliste -cela fait longtemps que je ne suis plus un foetus baignant dans du liquide amniotique- que par acquis de conscience ce disque s’est retrouvé une seconde fois dans la platine pour une diffusion grandeur nature et à l’air libre.
Après une deuxième tentative, certains passages sont toujours aussi irritants (en fait tout ce qui semble provenir de sources sonores directement tirées du film) surtout lorsqu’ils s’éternisent : les sons domestiques dans la cuisine, les halètements, etc. Mais le relief de cette bande son aveugle a été tout autre dès cette deuxième écoute et -mieux- ce montage sonore est devenu synonyme d’attente, de construction, d’élaboration, quelque part entre imagination et compréhension. Imaginer une histoire sur ce qui semble être (vue la longueur des deux disques) la totalité des pistes sonores d’un long métrage d’une durée standard devient alors un jeu de pistes dans lequel on peut si on le souhaite laisser quelques trous et approximations.
La deuxième partie de See You At Regis Debray (en gros le second CD) parait fade en comparaison de la première mais n’empêche pas ce curieux phénomène de personnalisation d’images inconnues de refaire surface. Le regret devient alors d’avoir eu connaissance, même vaguement, du sujet du film d’origine puisque au final le résultat est le même : ne pas l’avoir vu n’a aucune importance. Une certaine expérience de dématérialisation et de réappropriation en somme. Et une expérience à l’opposé de bien des bandes originales qui elles ne laissent aucune place à l’auditeur. Pour un peu on en souhaiterait même que ce film n’existe tout simplement pas. Décrit comme ça, See You At Regis Debray pourrait être une installation sonore dans une galerie d’art contemporain new-yorkaise (ou parisienne), il y a effectivement beaucoup de ça.

mercredi 21 janvier 2009

Fennesz / Black Sea






















Je devrais peut être essayer au moins une fois la chronique lapidaire, celle qui en une seule phrase fait un sort à un disque et qu’on en parle plus. Pour Black Sea, quatrième et dernier album en date de Christian Fennesz cela donnerait quelque chose comme : très beau disque mais très chiant aussi. Cette méthode expéditive a plusieurs avantages. Elle ferait enrager les fanatiques de l’autrichien tout en faisant s’esclaffer ses nombreux détracteurs, je deviendrai un béotien aveugle et sourd pour les uns, un héros malfaisant pour les autres. Surtout cette méthode, elle me laisserait davantage de temps libre pour réécouter pour la milliardième fois Speak English Or Die de Stormtroopers Of Death (le disque que j’ai le plus envie d’entendre en ce moment même). Non mais qu’est ce que j’attends ?
Les choses ne sont évidemment pas aussi simples -l’évidence c’est cette invention humaine, cousine de la vérité, qui permet d’affirmer des choses et de prétendre que l’on a raison souvent dans le seul but d’acquérir un peu plus de pouvoir. N’étant pas de ce genre là (je ne peux vraiment pas grand-chose), je fais uniquement semblant avec mes évidences et mes vérités, comme la plupart d’entre nous, ce qui au passage laisse le champ libre à celles et ceux qui sont visiblement intéressés par l’idée d’ascendance. Il y a donc deux sortes d’évidence : le mensonge et le pouvoir. Mais comme ici nous parlons musique, cela n’a aucune espèce d’importance.
























Cette vision quelque peu pessimiste de monde qui nous entoure est à l’extrême opposé de Black Sea. Un disque sombre, brumeux, abyssal, granuleux mais jamais désespéré. S’il fallait citer un album toutes catégories confondues illustrant le propos ci-dessus, on choisirait Drawings Of Patient O.T. d’Einsturzende Neubauten, Cop des Swans ou Bad Moon Rising de Sonic Youth, ce genre de disques dont la beauté vénéneuse naît de la révolte et de l’horreur moderne, une horreur laissant ses traces directement dans la chair -c’était flagrant à propos des swans. Mais ce sont des disques qui ont plus de vingt cinq ans, de nos jours on ne fait plus que des disques résignés ou nostalgiques des hurlements d’antan alors que le monde n’a pas changé, il est juste pire.
Ce qui frappe avec la pochette de Black Sea (je parle de la version CD) c’est cette étendue avec des bâtiments perdus dans la brune tout au fond et la perspective filante des rails -en fait non, ce n'en sont pas...- à demi effacés par le sable et les flaques d’eau. Un monde qui s’amenuise mais qui n’est remplacé par rien. Surtout cette photo me ferait presque penser à l’entrée d'Auschwitz ce qui est sûrement totalement involontaire, surtout lorsqu’on regarde la photo de la version LP du disque qui évoque plus que tout le naufrage du monde industriel et de ses usines devenues inutiles. Ces images sont tristes, la musique à l’intérieur aussi mais il n’y a aucune révolte là dedans, uniquement une espèce de renoncement fœtal (très agréable à l’écoute du disque) qui s’oublie dès que Black Sea se termine.
Plus formellement, si la musique de Fennesz est ennuyeuse -il faut également bien garder à l’esprit que lorsque le monsieur a commencé, des bidouilleurs armés d’une guitare et d’un laptop cela n’existait pas, aujourd’hui les imitateurs sont légions- c’est parce qu’il ne peut pas s’empêcher de temps à autres de prendre son synthétiseur et d’envoyer la sauce au chocolat, nappage sucré et écoeurant qui gâche les arrières plans dans lesquels Fennesz est depuis longtemps passé maître (accidents sonores, craquements, toute la panoplie quoi). Alors que paradoxalement je voue un certain culte à l’album précédent -Venice, paru en 2004- qui est de loin le travail le plus mélodique et imagé de l’autrichien, je trouve qu’ici l’abstraction sonore construite pas Fennesz est régulièrement amoindrie pour ne pas dire gâchée par ce ou ces synthétiseurs malvenus et distillant des mélodies d’une mièvrerie gênante. Une dernière chose : jusqu’ici le son Fennesz avait cette dualité un peu floue entre analogique et numérique qui lui donnait un caractère étrange venu d’ailleurs. Avec Black Sea j’entends surtout le ronflement du processeur et le grésillement des barrettes mémoire d’un ordinateur, même les cordes de guitare ne sonnent pas.

lundi 19 janvier 2009

Save the Sonic (part 2)


La barre est placée très (très) haute après le premier soir des concerts de soutien au Sonic. J’en ai encore plein la tête des débilités de Kabu Ki Buddah, des vibrations d’Agathe Max et du concert magistral de Savage Republic lorsque j’arrive au Rail Théâtre -le Grrrnd Zero s’est associé à ces concerts de soutien en accueillant l’affiche du deuxième soir. Je pense arriver un peu à la bourre -j’ai dormi cinq heures, j’ai eu du mal à cuver parce qu’il a fallu que je me transforme en infirmière familiale, c’est une expérience intéressante que de rentrer bourré à la maison à trois heures du matin pour y retrouver l’une de ses filles complètement malade en train de lutter contre une méchante gastro-entérite la tête dans une cuvette- et je suis un peu surpris du peu de monde. C’est mon côté pessimiste, 90 personnes arrivées à 9 heures du soir cela ne me parait pas assez, surtout après le carton plein de la veille au Sonic (190 entrées). C’est donc devant une audience clairsemée que commence le premier groupe.
























For The Chosen Few ne démérite certainement pas de jouer devant quelques dizaines de pélots qui dans le meilleur des cas écoutent le groupe d’un air poli. Il y a un bon no man’s land de quatre ou cinq mètres entre le devant de la scène et le premier gugusse le plus avancé (moi en l’occurrence) et je me dis que cela doit faire bizarre quand tu es sur une scène de sentir les gens aussi distant physiquement. For The Chosen Few n’a certes pas choisi la facilité puisque le groupe joue dans le registre post hard core : c’est très sombre, vraiment pas convivial, c’est donc tout le contraire des Kabu Ki Buddah et de leur punk à nez rouge.
Le groupe est composé de trois guitaristes (dont un chanteur, placé à l’extrême gauche de la scène ce qui est une bonne idée), d’un bassiste et d’une batteuse. Il y a plus de pédales d’effet sur la scène que d’années qu’il me reste à tirer dans la vie avant d’aller rejoindre moi aussi le royaume des vers de terre et des êtres élus. Pour compléter le tableau le chanteur/guitariste arbore un t-shirt Envy, groupe dont je suis au moins fan jusqu’à l’album All The Footprints You’ve Ever Left And The Fear Expecting Ahead.
For The Chosen Few s’en tire très bien dans son registre mais n’arrive pas à en sortir, restant dans les ornières trop balisées du post hardcore : la musique monte, s’épaissit, s’agrège et c’est l’explosion finale -de l’ultra classique somme toute. Ce qui me parait dommage c’est le manque de tension dans tout ça, il n’y a pas le côté fonceur et entêté (donc hardcore) d’un Amen Ra, il n’y a pas non plus l’effet stratosphérique plombé d’un Cult Of Luna, je cite ces deux groupes exprès parce qu’à bien y réfléchir ce sont là les seuls du genre que j’écoute à l’heure actuelle. La réaction du public est mitigée mais la bonne nouvelle c’est que ce public s’est justement étoffé.



















One Second Riot joue en second. Inutile de dire que j’en suis ravi bien que l’on m’ait fait remarquer -à juste titre- que si l’album du groupe figure en haut de mon top ten depuis maintenant sept mois je n’ai pas été foutu de le remettre dans mon classement définitif pour l’année 2008. En 2009 je change de comptable, promis.
En attendant notre duo lyonnais préféré déballe les hits de son album sans titre avec la prestance et l’efficacité qu’on lui connaît. La voix me semble un peu faiblarde de là où je suis et me rappelant ce vieil adage qui dit que si tu veux voir un bon concert va devant, si tu veux l’écouter va faire un tour derrière, je recule de quelques mètres où effectivement le son prend une toute autre ampleur. Parlons-en d’ailleurs du son, parce qu’il est déjà arrivé que ce soit un sérieux problème au Grrrnd Zero (la déception Wolf Eyes il y a un an et demi par exemple) mais ce soir du matériel supplémentaire a été loué, du bon matériel de surcroît, grâce à l’intervention généreuse d’une boite de sonorisation locale et surtout grâce à un tarif particulièrement avantageux. Ce soir le son a la puissance et le relief, la profondeur et les contours. Rien à dire.
La noise glaciale et énergique de One Second Riot en bénéficie largement. Ce n’est pas le meilleur concert du groupe auquel j’ai assisté, nos deux jeunes hommes sont toutefois suffisamment à l’aise pour assurer un bon set, quelques blagues fusent , la satisfaction visible d’être là et de jouer, le public se réchauffe enfin. Je constate non sans plaisir la présence du synthétiseur marqué d’un shit happens -le groupe n’a pas toujours la place pour l’emporter avec lui- et c’est le deuxième adage de la soirée qui dit que c’est quand même mieux de voir un groupe jouer avec de vrais instruments plutôt que de voir un type appuyer sur un bouton pour balancer un sample (comprenne qui pourra).



















Lorsque Ned débarque, la salle est bien pleine (mon pessimisme m’a encore donné tort) et surtout une masse de gens attendent impatiemment le groupe, j’avais déjà pu constater ce phénomène de groupies hystériques lors de la release party de Doppler en octobre dernier -tiens, au passage, Songs To Defy est aussi un album que j’ai oublié de mettre dans mon Top Of The Dope 2008, je vais aussi devoir changer de secrétaire. Justement lors de ce concert au Clacson les Ned avaient été particulièrement énervés et tarés, voilà un groupe que j’apprécie de plus en plus et même dont je me surprends à attendre un éventuel nouvel enregistrement (ils ne sont pas très pressés, faut dire…).
Le concert de ce vendredi était encore un cran de plus question folie, contre-pieds et lâchage de pauses rock'n'roll et de délires pseudo arty mon cul. Passages groove as fuck bien maîtrisés, nouvelles compositions en phase de test, vieux hits pas démodés, grincements de dents et riffs tout tordus. Le son de guitare me ravit les oreilles (ce qui n’avait encore jamais été réellement le cas avec Ned mais c’était toujours le genre de détail dont je me moquais éperdument) et je trouve le groupe toujours plus en place sans que cela ne soit préjudiciable à son côté je-m’en-foutiste -le pire c’est que je ne suis absolument pas sûr que ces trois là s’en rendent compte ni qu’ils le fassent sciemment, je veux dire : comment ces mecs pourraient ils bien arriver à nous faire croire qu’ils bossent pour ça ?
Cela s’agite fortement dans le public et lorsque le groupe annonce qu’il vient de jouer son dernier morceau les hurlements s’amplifient. Il n’y aura malheureusement pas de rab’, timing trop serré oblige.



















Zëro joue donc en dernier. Le groupe démarre magistralement avec une magnifique version de Cars, Buses, etc…, j’attends anxieusement les effets secondaires d’une telle musique mais je n’ai pas à entendre très longtemps, je sais que je vais l’avoir mon moment de bonheur. Au fond de la scène Frank Laurino trône derrière sa batterie, c’est lui qui porte le plus beau t-shirt de la soirée. Et il est la clef de voûte de l’édifice Zëro. A droite François Cuilleron est toujours aussi discret, il faut se tordre un peu le cou pour arriver à le voir jouer mais il est définitivement ce musicien impressionnant.
Après trois morceaux lents et ambiancés le groupe décide de lâcher un peu la sauce. Je reconnais immédiatement l’introduction et son riff si caractéristique, Zëro se lance dans une reprise du célébrissime Jocko Homo de Devo (groupe décidément bien revenu au goût du jour depuis quelques temps…) dans une version très réussie, caoutchouteuse et nerveuse comme par défaut. Les musiciens changent de places et d’instruments -Yvan Chiossome est le champion à ce petit jeu là- sans que cela ne porte préjudice à l’élan du groupe et à la bonne tenue du concert. Zëro semble avoir bien trouvé ses marques sur scène, le bon équilibre entre une instrumentation sophistiquée et l’énergie nécessaire à un concert de rock.
Bien que je doive faire abstraction de la bande de gamins juste derrière moi qui lancent de timides Deity Guns! entre chaque titre, je ne peux éviter un léger pincement au cœur lorsque Zëro revisite brièvement le répertoire de Bästard -le groupe a cependant le bon goût de ne pas s’y attarder. Mention spéciale tout de même à R’n’r Star plein de retenue et de tension. Dernière surprise, Eric Aldea annonce un très vieux morceaux, exultation dans les premiers rangs -exultation à laquelle Yvan Chiossone répond par un malicieux ah non c’est un morceau encore plus vieux que ça!... et d’enchaîner avec Helter Skelter, effectivement une chanson sans âge et qui ne doit pas être très loin du record mondial d’interprétations différentes. Finalement cette deuxième soirée a largement été aussi bonne que la première. En ce qui concerne l’avenir du Sonic et malgré le franc succès de l’opération, c’est encore une histoire à suivre.

dimanche 18 janvier 2009

Save the Sonic (part 1)


Un mois sans concerts dignes de ce nom, c’est vraiment très long surtout lorsque le mois en question est le dernier de l’année, celui de toutes les putasseries familiales, sociales, consuméristes, angéliques, religieuses -j’en passe et des meilleures, liste non exhaustive, on peut toujours essayer de rayer les mentions inutiles mais je n’y crois pas. Maintenant que tout le monde a digéré sa dinde, a baisé sa femme, a pourri ses gosses avant de les tarter parce qu’ils font trop de bruit et que ce n’est pas le bon jour, maintenant qu’on a taxé de la thune à papa-maman et qu’on s’est repenti d’avance pour l’année prochaine, les choses sérieuses peuvent enfin recommencer. Les choses sérieuses : bouffer des pâtes au riz pour pouvoir acheter plus de skeuds, baiser avec sa femme (ou son mec) sans arrières pensées, dilapider son épargne-retraite que l’on ne touchera de toutes façons jamais dans quelque passion aussi dévorante qu’inutile et se promettre qu’on ne va surtout pas s’arrêter là.
Un mois sans concerts si ce n’est celui, habituel, de grosses conneries et une pièce de choix pour commencer. Une pièce de choix qui fait à la fois plaisir et qui met en colère -le double concert de soutien au Sonic, la salle lyonnaise la plus poissarde de la décennie (quelques anciens du Pezner qui s’y connaissent très bien en la matière étaient d’ailleurs présents ce jeudi soir) mais dont l’utilité n’est plus à démontrer : on ne va pas refaire non plus l’inventaire des toutes les associations qui ont organisé des concerts dans cette salle et qui veulent encore pouvoir compter sur elle dans l’avenir. La poignée d’irréductibles qui ont mis la main à la pâte pour organiser les deux soirées ont très bien fait les choses, bonne programmation et organisation impeccable. Les fétichistes et les matérialistes n’ont pas été oubliés, le pass valable pour les deux soirs est un gros badge (format pedzouille) reprenant le visuel de l’affiche. Chouette.
























Agathe Max et son violon magique attaquent en premier alors que le Sonic se remplit doucement. This Silver String, son premier album sur Xeric/Table Of The Elements m’a accompagné pendant une bonne partie de l’automne et figure logiquement en bonne place dans mon top ten 2008. La violoniste a installé ses habituelles pédales d’effets sur la scène et se lance directement dans un mouvement aussi percutant qu’incroyable, long souffle chargé de virulence hypnotique et ascensionnelle. Cette fois Agathe Max joue encore plus sur les textures que sur les mélodies et surtout elle joue bien plus serré que lors des deux ou trois concerts précédents auxquels j’ai pu assister (malheureusement j’ai raté celui de Slashers, le nouveau projet qu’elle a monté avec Marion d’Overmars/Abronzius). Elle joue même avec une virulence renouvelée, comme d’habitude elle ne s’encombre pas d’artifices inutiles et le flot de boucles et de surimpressions qu’elle déverse prend lentement la forme d’une plainte à la fois effroyable et captivante. Sauvage et beau, animal et cérébral, une fois de plus je suis complètement abasourdi par cette musicienne qui avec un dispositif composé de trois fois rien et une optique musicale que l’on pourrait jugée usée jusqu’à la corde (pour faire simple celle de Tony Conrad et compagnie), arrive à créer une telle musique. Fascination.
La performance d’Agathe Max a duré une demi heure, lorsque je me retourne le Sonic s’est bien rempli, certains regrettant d’être arrivés en retard, les autres un peu trop allergiques au magma sonore et quasi bruitiste de la violoniste s’étant réfugiés vers le bar ou même dehors malgré le froid hivernal.
























Cela fait quelques années que je n’avais pas revu Kabu Ki Buddah en concert. J’avais même franchement laissé tomber, pas toujours très convaincu par le groupe et ça tombait bien puisque eux aussi s’étaient mis en stand-by. Un troisième album réussi (Life Is A Picnic) a relancé la machine et l’intérêt porté à ce groupe de déconneurs en survêtement, humour débile et blagues degré zéro garantis. Mais vous savez, les artistes ne sont jamais contents d’eux-mêmes -c’est comme ça qu’on les reconnaît- et ces branleurs de Kabu Ki Buddah n’échappent pas à la règle. Conversation d’après concert : ouais bon on ne devait pas jouer en janvier du coup on avait un peu laissé tombé les répètes, on n’est pas trop content de ce qu’on a fait ce soir, blah blah blah. La lose totale devrait on croire.
La réalité -objective, cela ne fait pas de mal de le répéter de temps à autres- est bien sûr toute autre. OK j’avais bien révisé mon petit Kabu Ki Buddah illustré donc j’étais parfaitement au courant des nouvelles chansons mais il n’y a rien à redire : le trio sait y faire pour torcher ses gags musicaux à forte richesse mélodique ajoutée. C’est drôle, cela ne se prend pas au sérieux (alors qu’il y a forcément du gros boulot derrière tout ça) et moi qui déteste tout ce qui ressemble de près ou de loin à du ska festif ou de la bourrée auvergnate je m’amuse avec ces trois grands enfants. Le travail sur les voix, complémentaires, mélangeant les registres à volonté, est précis, l’instrumentation tournante -basse, batterie, violoncelle, synthé, trombone : les Kabu Ki Buddah ne sont que trois, faites vos jeux- fonctionne bien elle aussi. Je reconnais quelques uns de mes titres préférés du dernier album (Life Is Shit, Self Destruction But With Style), je n’ai aucune raison de ne pas être content, hop une bière.























Si on m’avait dit que j’allais un jour voir deux fois Savage Republic à un an d’intervalle je ne l’aurais certainement pas cru -arrête de me raconter des conneries. Pourtant ils sont bien là, effectuant une nouvelle tournée européenne privilégiant cette fois la France et l’Italie. Greg Grunke n’est plus de la partie, le bassiste black (complètement stoned et ne servant d’ailleurs pas à grand-chose) non plus. Je constate avec plaisir qu’aux côtés des inamovibles Thom Furhmann et Ethan Port c’est toujours Alan Waddington qui tient la batterie. Et puis il y a un nouveau membre, Kerry Dowling, dont je ne connais absolument pas le pedigree mais qui parait il est un vieil ami de Savage Republic et un musicien activiste du côté de San Francisco (il est crédité comme coproducteur sur 1938, l’album de la résurrection publié par Neurot en 2007).
Le concert démarre sur les chapeaux de roues par le versant le plus guitares/surf/balkanique de Savage Republic. Le groupe s’amuse à jouer vite et fort quelques instrumentaux et compositions parmi leurs plus ethniques et ensoleillés. La basse est impeccable de puissance et forme avec la batterie un couple rythmique imparable (Alan Waddington joue à l’ancienne, il tient ses baguettes comme un jazzman mais tape comme un taré, le tout avec son éternel sourire de surfer). Comme Greg Grunke n’est pas là, Savage Republic joue souvent à une seule guitare -tenue alternativement par Dowling, Furhmann ou Port- ce qui donne un côté plus direct, encore plus rock à sa musique. Les titres s’enchaînent et le concert passe progressivement du surf sauce macédoine à un post punk plus méchant et taillé à l’énergie. Le groupe joue bien sûr Viva La Rock’n’Roll immédiatement suivi de The Hanging Garden dans une version monstrueuse de rage et de noirceur, confirmant que Savage Republic a très bien su gérer cette reprise de Cure (ce qui n’est pas vraiment le cas des autres groupes figurant sur la compilation Coal Fire, extrêmement décevante). Le bidon qui n’a fait son apparition qu’à partir du quatrième titre du set est utilisé avec plus de parcimonie que l’année dernière, Ethan Port (le petit tambour du groupe) étant souvent sollicité pour jouer de la guitare. Il s’y remettra une dernière fois, alors que Savage Republic invite Agathe Max et son violon à rejoindre le groupe sur scène pour une débauche noisy de stridences et de polyrythmie tribales qui explose tout. Savage Republic conclut avec un ultime 1938 qui bien qu’étant une de ses chansons les plus récentes sera la meilleure de tout le concert. Au passage Thom Furhmann ne peut pas s’empêcher de lâcher quelques mots d’insultes sur G.W. Bush et les fascistes du parti républicain américain balayés par la victoire présidentielle d’Obama. Ce n’est pourtant pas gagné pour le monde.

jeudi 15 janvier 2009

Save the Sonic !























C’est ce jeudi qu’a lieu le premier concert de soutien au Sonic avec une très belle affiche : Agathe max, Kabu Ki Buddah et Savage Republic dont c’est déjà le retour inespéré près d’un an après un premier passage. Cette première soirée à lieu au Sonic même.
Le lendemain -vendredi 16 janvier- le deuxième concert de soutien aura lieu au Grrrnd Zero. L’affiche fait encore plus que saliver avec For The Chosen Few, One Second Riot, Ned et Zëro. Le seul regret -s’il fallait en avoir un- c’est que les groupes des deux personnes qui se sont plus particulièrement investies dans l’organisation de ces deux soirs ne joueront pas, donc pas de SoCRaTeS et pas d’Overmars au programme. Et comme on le dit si bien dans ces cas là, TU VIENS OU TU CRAINS.

mercredi 14 janvier 2009

Top of the dope 2008


Lorsque on m’a gentiment proposé de participer à un vote de fin d’année sur l’activité musicale écoulée je me suis immédiatement revu presque trente ans en arrière en petit lecteur de Best ou Rock & Folk (il fallait bien commencer par quelque part) lisant non sans une certaine perplexité le résultat du référendum annuel. Alors pourquoi ne pas participer à celui de Dark Globe ?
Je précise tout de suite que j’ai triché. Par exemple la catégorie plus bel artwork m’a insidieusement permis de recaser un LP d’Oxbow quelque part. Pour la rubrique films de l’année je n’ai mis que des DVDs : je ne vais plus au cinéma depuis longtemps, j’y retournerai lorsque Murnau, Mizoguchi ou Cassavetes, auront ressuscité (oui je suis réactionnaire). Sinon tout est classé par ordre chronologique, il m’a juste fallu compiler les chroniques écrites ici ou , ce genre de travail de sédimentation de futurs souvenirs n’a vraiment rien de passionnant je le confirme.
Dark Globe a prévu de dévoiler les résultats rubrique par rubrique, moi je vous ai fait un package -certes indigeste. Vous trouverez donc les résultats concernant les albums, résultats dans lesquels je ne me retrouve absolument pas (mais c’est la règle du jeu -du je), il y a même dans cette liste des disques que je déteste particulièrement et d’autres que je n’ai pas écoutés voire même dont je n’ai jamais entendu parler.
























Albums

Rotten Sound - Cycles [Spinefarm records]
Ahleuchatistas - The Same And The Other [Tzadik]

Neptune
- Gong Lake [Table Of The Elements]
Deborah Kant - self titled [autoproduction]

Sun Plexus 2 - En Souvenir De L’Horreur [Ronda Label]
Thalia Zedek Band - Liars And Prayers [Thrill Jockey]
Heroin Sheiks - Journey To The End Of A Knife [Amphetamine Reptile records]
Evangelista - Hello, Voyageur [Constellation records]
Soilent Green - Inevitable Collapse In The Presence Of Conviction [Metal Blade records]
Grey Daturas - Return To Disruption [Neurot records]
Playing Enemy - My Life As The Villain [Hex records]
Harvey Milk - Life… The Best Game In Town [Hydra Head]
Pneu - Pince Monseigneur [Head records]
Racebannon - Acid Or Blood [Southern records]
Young Widows - Old Wounds [Temporary Residence]
Shub - The Snake, The Gooze And The Ladder [Goback records]
Aidan Baker - I Fall Into You [Basses Frequences]
Agathe Max - This Silver String [Table Of The Elements]
Black Elk - Always A Six, Never A Nine [Crucial Blast]
Ocean - Pantheon Of The Lesser [Important records]

Concerts

Overmars + Savage Republic @Sonic le 27 janvier 2008
Scorn @Sonic le 7 février 2008
Trumans Water @Sonic le 15 février 2008
Illusion Of Safety @Sonic le 23 février 2008
Hallux Valgus + Death To Pigs @Sonic le 24 février 2008
Moha! @Grrrnd Saloon le 2 avril 2008
Xiu Xiu @Grrrnd Zero le 12 mai 2008
Saviours + Black Cobra @Sonic le 25 mai 2008
Evangelista @Sonic le 31 mai 2008
Chewbacca + Melt Banana @Grrrnd Zero le 4 juin 2008
Marvin + Les Thugs @Grrrnd Zero le 3 juillet 2008
Enablers @Sonic le 17 septembre 2008
The Good Damn + Blurt @Sonic le 18 septembre 2008
Keiko Tsuda + Papier Tigre + Chapel 59 @Grrrnd Zero le 10 octobre 2008
37500 Yens + Ned + Doppler @Clacson le 18 octobre 2008
Chick Peas + Silent Front @Grrrnd Saloon le 31 octobre 2008
One Second Riot + A Place To Bury Strangers @CCO le 7 novembre 2008

Nadja @Sonic le 10 novembre 2008
Neptune @Sonic le 20 novembre 2008
Lightning Bolt @Grrrnd Zero le 28 novembre 2008

Titres/Chansons

The Achievement - Enablers [12’ version]
Charlotte
Sometimes - Abronzius
When I’m Loaded
- Lydia Lunch with Halo Of Flies
Clay Must & Dust
- One Second Riot
The Coming Out
- Doppler

Révélations

Moha!
Pneu
Silent Front
Papier Tigre
Kiruna

Artworks les plus beaux

Oxbow - The Narcotic Story 12’ [Hydra Head]
Enablers - Tundra 12’ [Lancashire And Somerset records]
Ned - The Message 7’ [Motive Sounds Recordings]

Artworks les plus moches

Iron Maiden - Somewhere Back In Time
Metallica - Death Magnetic

Genghis Tron - Board Up The House (et en ce qui me concerne le groupe le plus lamentable de l’année)

Films (DVD)

Takeshi Kitano - Hana-Bi [Arte video]
Coffret Jodorowsky - Fando Et Lis/El Topo/La Montagne Sacrée [Wild Side]
Paul Wegener - Le Golem [mk2]

The Monty Python - La Vie de Brian [Columbia]
Sergio Leone - Le Bon La Brute Et Le Truand [MGM]
Kenji Mizogushi - Les Contes De La Lune Vague Après La Pluie [Films Sans Frontières]
Trilogie Romero - Le Jour Des Morts Vivants/Zombie/La Nuit Des Morts Vivants [Opening]
Coffret John Casavetes - Shadows/Faces/Une Femme Sous Influence/Opening Night/Meutre D’un Bookmaler Chinois [Océan films]
Lars Von Triers - L’Hôpital Et Ses Fantômes (saison 1 et 2) [GCTHV]
Mishima - Yûkoku [Editions Montparnasse]

Déceptions

Three Second Kiss en concert
Lydia Lunch en concert
Cheer Accident en concert
Agoraphobic Nosebleed qui ralentit le bpm de sa boite à rythmes
King Buzzo n’a pas encore viré les ignobles Big Business des Melvins

Rubrique des chiens écrasés/on s’en fout
Les Beatles ne se sont toujours pas reformés
AC/DC devient le groupe qui a vendu le plus de disques au monde
Les post coreux se convertissent au rock progressif

mardi 13 janvier 2009

Lvmen / Heron


Lvmen -ça se prononce [loumène]- en concert avait été une grosse déception il y a deux ans. Cette réplique tchèque de Neurosis était réapparue comme par magie au bout de six années d’absence avec un line-up profondément remanié et un nouvel album sur Day After, Mondo. Un album du genre parfaitement honorable avec sa brutalité rampante, ses samples incompréhensibles et ses vociférations d’équarrisseurs d’abattoirs -il est bien entendu que le plus grand titre de gloire de Lvmen reste pour l’instant un premier mini album sans titre (deux longs morceaux, un par face) désormais regroupé avec un premier LP à peine moins bon, Raison D’Être, sur un joli CD portant le titre explicite de An Anthology Of Previously Released Songs. Aujourd’hui nos Tchèques sont de retour avec un troisième album, non sans avoir effectué auparavant une nouvelle tournée début novembre 2008 entre le Portugal, l’Espagne et la France, tournée dont les échos étaient bien meilleurs que les avis portant sur leur précédent passage par ici.
Ce nouvel album s’appelle Heron, a été publié comme les autres sur Day After (pour apprendre à parler le tchèque couramment cliquez ici) et est emballé dans un somptueux digipak qui fort logiquement représente un héron. La signification de cette symbolique m’échappe complètement et ce ne sont pas les titres des huit morceaux proposés ici qui vont m’aider davantage : Lvmen a cette curieuse habitude de numéroter ses chansons dans leur ordre de publication, Heron va donc du numéro 14 au numéro 21.
























En deux années, les membres de Lvmen ont eu le temps de mûrir leur projet musical et la version qu’ils en donnent en cette fin d’année 2008/début d’année 2009 est sensiblement différente des précédentes. Tant mieux. Un clone de Neurosis et compagnie, même lorsqu’il fait partie de meilleurs élèves, se doit aussi parfois de faire un peu bouger les choses. Avouons aussi que le résultat est assez déstabilisent au départ. Déstabilisant mais séduisant. Les doutes ne viennent qu’après plusieurs écoutes.
D’abord, réglons une bonne fois pour toutes la question du son. Lvmen a toujours su y faire, Heron ne déroge pas à la règle avec sa production façon cinémascope pour l’oreille, tu t’en prends plein la gueule et en plus les détails dans les coins n’échappent pas à ta vigilence. Seule (grosse) réserve, le son de la caisse claire particulièrement irritant dès le deuxième titre, après cela va en s’améliorant ou alors on s’habitue à cette curieuse et agressive impression de luxuriance métallique. Pour le reste il va falloir s’adonner aux plaisirs de l’inventaire tant Heron est varié, contrasté. Beaucoup de pas ont été franchis en dehors du cercle restreint des canons du metal hardcore à locomotion lente et pachydermique.
14
est une intro ambient. Je crois qu’il n’y a rien à rajouter à cela, tout le monde est déjà allé au cinéma et sait donc ce qu’est un générique. 15 est un instrumental chaotique avec arpèges prévisibles mais diablement bien foutus, rythmique de bateleur et ligne de basse à la souplesse évidente. Un très bon début. 16 démarre avec samples et gratouillis rampants de guitares avant une montée en puissance très classique, une explosion qui ne donne pas envie de rire du tout et des vociférations dont la crudité du timbre déchire les tympans, seules vociférations réelles de tout le disque d’ailleurs. Un final un peu alambiqué. 17, encore des samples, encore les gratouillis de guitares, c’est la même sauf que c’est entièrement instrumental et finalement un ton en dessous de 16. 18 n’innove pas, les guitares qui comme précédemment vont mettre un certain temps avant de s’énerver (là on est en droit de se dire que tous les titres de Heron sont construits exactement de la même façon) sauf que lorsque le chant apparaît il est étrangement aigu et lyrique tout en étant lointain, effet de surprise garanti. Samples finaux en français : maintenant ferme les yeux, suis ma voix et dors, dors, dors dors… 19 est une ballade cabaret avec xylophone, Nick Cave échappé de Your Funerals… My Trial, ah non, les guitares arrivent sans prévenir, les salopes, et à nouveau en guise de conclusion un chant cette fois ci ultra aigu et encore plus lyrique (Freddy Mercury sors de ce corps !) mais travaillé à nouveau avec une certaine distance au niveau de la production donc ça passe. 20 : les guitares attaquent directement sans passer par la case préchauffage. La voix est (mal)traitée électroniquement, il y a de l’orgue, c’est grand guignolesque comme pouvait l’être le Blues Oyster Cult et c’est de loin le meilleur titre de Heron, ex aequo avec 16 même si le son de la caisse claire me donne toujours envie de rendre mon petit déjeuner. A noter de la trompette en sourdine (aka voix de canard) à la fin. 21 est un peu trop en roue libre, on sent que ce titre est le résultat d’une jam quelconque et que les musiciens du groupe aiment en faire des tartines. Encore une bonne ligne de basse mais un rien plan-plan et puis qu’est ce que c’est que ce truc ? du vocoder ?
Voilà. Maintenant je suis bien avancé et vous aussi. Heron : bon ou mauvais disque ? Je n’en sais foutrement rien. Il a un côté hautement séduisant, roboratif mais il est également écoeurant et indigeste. L’envie de l’écouter se fait souvent sentir mais il est finalement difficile d’en venir à bout sans appuyer sur la touche d’avance rapide du lecteur. Je crois qu’en fait je n’aime pas les disques ambitieux qui ont beaucoup trop conscience de l’être.

lundi 12 janvier 2009

Amen Ra / Mass II























Les belges d’Amen Ra ont annoncé pour fin janvier 2009 la parution de la version LP de leur dernier méfait en date, le très monolithique Mass IIII, un album qui vieillit plus que bien à la réécoute. Une édition double vinyl et limitée à 750 exemplaires de ce disque, je sens bien que cela va avoir une sacrée gueule quand on connaît le soin déjà apporté à l’édition CD -fourreau en carton, boîtier entièrement noir et opaque, livret imprimé en gris très foncé sur fond noir pour faire encore plus peur- Amen Ra peut dire un grand merci à son label Hypertension records qui suit le groupe dans ses petits délires. Au passage je trouve également très amusant que les références des disques Hypertension commencent toutes par hype. Pour les collectionneurs et les complétistes il y aura un titre inédit en plus sur ce double vinyl.
Pour l’heure, ce qui nous intéresse c’est la réédition de Mass II (référence hype008, haha ha je ne m’en lasserai jamais), un disque que le groupe vendait uniquement lors de ces concerts il y a quelques années et épuisé depuis belle lurette. Un CDr bien évidemment fondateur pour Amen Ra et dont les fans hardcore du groupe réclamaient à corps et à cris la remise sur le marché. C’est désormais chose faite avec ce digipak dont l’artwork réussit l’exploit d’être encore plus sombre et illisible que celui de Mass IIII. Un disque à tirage limité lui aussi, cinq cents exemplaires pour être précis.
La première grosse déconvenue c’est que la moitié du disque est déjà disponible sur l’édition CD de Mass III en guise de bonus tracks à la fin (From Birth To Grave, From Shadow To Light et Ritual). Heureusement que cette réédition est disponible à un prix réduit... La seconde déconvenue : il n’y en a pas. Du moins pour les amateurs d’Amen Ra. Les autres iront prier ailleurs une autre divinité antique s’ils le souhaitent. Mais celles et ceux qui ont été séduits par la répétitivité entêtée des deux premiers albums du groupe, celles et ceux qui ont aimé le côté fonceur et l’abnégation des riffs plombés forgés dans la noirceur (j’exagère à peine), tous ceux là seront comblés par ces premières tentatives enregistrées. Ce n’est pas encore la révélation ni l’épiphanie mais tout est déjà là ou presque -exception faite sur A Promise To Make qui fleure encore bon le hardcore- sauf le chant de brailleur castré pas encore très bien en place. Pour rallonger un peu la sauce Amen Ra a rajouté une version réenregistrée de Ritual, expérience temporelle placée juste après la version originale et permettant de mesurer les progrès du groupe depuis ses débuts. Il y a également quelques clips, ce qui est très gentil de la part du groupe et de son label mais est totalement inutile à l’heure des sites de partage en ligne de videos. Un exemple avec Ritual :

dimanche 11 janvier 2009

David Grubbs / An Optimist Notes The Dusk


















Cela fait des années que je ne me soucie absolument plus du sort de David Grubbs. Depuis la fin (un peu) brutale de Gastr Del Sol et une carrière solo avec beaucoup plus de bas que de hauts. Comment ce type qui a tant fait pour la musique avec des groupes tels que Squirrel Bait et surtout Bastro avait pu en arriver là ? Une longue suite d’albums poppy/minimalistes/introvertis dans le meilleur des cas, creux et vides dans le pire ce qui hélas était le résultat le plus fréquemment obtenu. Des albums publiés par toujours le même label, Drag City, quelle fidélité. Les deux derniers en date étaient des plus déroutants puisque enregistrés avec la poétesse Susan Howe -allergiques aux spoken words, s’abstenir. La seule raison de s’intéresser encore à david Grubbs était fournie par son excellent petit label Blue Chopsticks (une extension du label Dexter’s Cigar aujourd’hui défunt qu’il avait monté avec Jim O’Rourke à l’époque de Gastr Del Sol) et dont le catalogue va de Luc Ferrari à Circle X. Pour l’instant.
La venue en concert de David Grubbs en octobre dernier -je n’ai pas voulu assister à ce concert, j’avais déjà suffisamment donné comme ça de ma personne il y a quelques années au Pezner- a joué le rôle d’une remise à jour des compteurs : tiens, David Grubbs n’est pas mort et il publie même un nouvel album, An Optimist Notes The Dusk, encore une fois chez Drag City. Dessus, notre binoclard y joue seul de la guitare électrique, de la basse, de l’harmonium, accompagné sur certains titres du trompettiste Nate Wooley et du batteur Michael Evans (tous deux joueurs de free/musique improvisée).
Le dépouillement complet du disque -y compris lorsque plusieurs instruments sont en action- confine au phénomène de l’aspiration par le vide. Un titre composé par David Grubbs a toujours cette caractéristique essentielle qui est de tenir sur presque rien, ce qui -quoi qu’on en dise- est déjà quelque chose, à l’image de sa voix fragile entre mille et toujours chargée d’un fardeau sensoriel captivant. On aime ou on déteste ce timbre pas si détaché que cela, cette voix en équilibre entre justesse et fausseté, suivant les parcours mélodiques sinueux imposés par la guitare (là aussi une marque de fabrique).
Exception notoire, Holy Fool Music est un titre construit classiquement, rock charpenté avec rythmique basse/batterie et écoutable même en voiture, intervenant au milieu du disque, le destabilisant presque, tout comme le très électrique Is That A Riffle When It Rains ? semait la zizanie sur Crookt, Crackt, Or Fly, magnifique deuxième album de Gastr Del Sol (1994). Holy Fool Music se délite avantageusement sur sa dernière partie, pente douce sur laquelle on se laisse glisser et qui nous amène vers une fin de disque toujours plus intimiste, très faiblement éclairée. Le dernier titre, The Not So-Distant est une pièce de douze minutes lorgnant vers l’activité électroacoustique de David Grubbs, un sale virus qu’avait réussi à lui refiler O’Rourke et qui laisse penser qu’avec An Optimist Notes The Dusk David Grubbs a peut être volontairement entrepris de faire le tour complet de ses mondes musicaux et donc de lui-même. Cet album n’en devient donc que plus attachant.

samedi 10 janvier 2009

Robbie Avenaim / Rhythmic Movement Disorder


Et Robbie Avenaim comment va-t-il ? Qui ça ? C’est bien beau de disserter sur les mérites (ou non) d’Oren Ambarchi mais il ne faut pas oublier -petit rappel- qu’à la base Oren jouait dans un groupe d’improvisation libre avec son petit camarades Robbie, le groupe s’appelait Phlegm. Question enregistrements ce groupe en a publié avant de débander l’équivalent d’une poignée mutilée de tourneur fraiseur -les curieux, les malades et les archivistes attendent toujours des rééditions de Phlegm dignes de ce nom mais peuvent toujours se consoler avec The Alter Rebbe's Nigun paru chez Tzadik sous l’appelation de Ambarchi/Avenaim ou avec Honey Pie chez Grob records (les deux mêmes accompagnés de Keith Rowe d’AMM) et Thumb (on rajoute Otomo Yoshihide et Sachiko M en plus des trois autres). Robbie Avenaim donc. Batteur et percussionniste de son état. Depuis 1994 il est surtout cofondateur du festival What Is Music ? qui se tient tous les ans (ou presque : il n’y a pas eu d’édition en 2007) du côté de Sidney en Australie.
Notre homme est plutôt rare sur disque a tel point que Rhythmic Movement Disorder (sur le label Room 40) est en réalité son premier enregistrement sous son nom seul -no kidding. Un disque composé de quatre pièces (c’est le terme savant habituellement employé dès que l’on parle de musique à concept mais ne cherchez pas la salle de bain pour vous laver les mains en sortant des toilettes, il n’y a ni l’une ni l’autre), quatre pièces dont le total culmine à une demi heure. Bel exploit et l’exact opposé des pratiques de son ex-collègue, le très prolifique Oren Ambarchi. Rhythmic Movement Disorder est surtout un disque solo dans le sens propre du terme parce que Robbie Avenaim est le seul à jouer dessus. Il est crédité aux percussions, à la customisation, il joue également avec des petits moteurs qui font vibrer les peaux de son drumkit, utilise des capteurs, mouline tout ça selon un processus que je ne connais pas (mais qui sent bon l’informatique musicale) et a tout enregistré, mixé et masterisé lui-même.












 
Un disque de percussions trafiquées. Un de plus me direz vous. Et vous avez raison. Mais pas seulement. Je soupçonne que si Avenaim met autant de temps à enregistrer c’est parce qu’il est un véritable orfèvre du son, qu’il passe ses journées (ou ses nuits) à se demander comment peut bien sonner tel objet sous telles conditions et c’est certain, le seul moyen pour le savoir c’est d’essayer. Et essayer toutes les combinaisons possibles et imaginables ça prend toujours un peu de temps. Des sons d’une grande pureté ce disque en regorge, ils sont souvent identifiables (raclements d’un gong, etc) mais aucun risque de tomber dans le travers du who’s who de la palette sonore utilisée pour l’occasion. En clair, on s’en fout même carrément, charmé par le grain des percussions, les vibrations des objets métalliques, les résonances, sifflements, chocs, ou crépitements. Ce travail est d’un réel dynamisme et on ne s’y ennuie guère. C’est peut être de la musique très sérieuse, de la musique concrète jouée avec des instruments mais elle n’a jamais cet aspect docte, ce côté encartonné des compositions pas plus que l’on risque la surchauffe des neurones si on veut y comprendre quelque chose -défauts qui font l’ordinaire décourageant de ce genre de pratiques musicales. Il n’y a pas beaucoup de disques cérébraux et sérieux qui font réellement rire (je veux dire : pas à leurs dépends) ni qui convoquent à la rêverie -incontestablement Rhythmic Movement Disorder fait partie de cette deuxième catégorie.

vendredi 9 janvier 2009

Oren Ambarchi / A Final Kiss On Poisoned Cheeks & Stacte Motors
























Oren Ambarchi est un musicien très prolifique et comme je ne suis qu’un homme plutôt paresseux voici une double chronique de deux de ses disques parus au cours des années 2008 et 2006 et ayant comme principal point commun de n’exister qu’en format LP.
On commence par A Final Kiss On Poisoned Cheeks, un magnifique objet gravé uniquement sur un seul côté et sur vinyl transparent par le label des snobs adorateurs de rondelles, Table Of The Elements. Ce disque fait partie de la collection Guitar Series vol 3, aux côtés de Jon Mueller (qui pourtant est batteur) ou Lee Ranaldo (Sonic Youth). Le quatrième volet de la série est d’ores et déjà lancé avec entre autres Stephen O’Malley et Christian Fennesz. De beaux objets, soignés, avec l’apparence du high-tech et un léger design chinois -les disques ont un dessin de gravé sur leur face non enregistrée, celui d’Oren Ambarchi représente un tigre, celui de Ranaldo des dragons- qui permettront à toutes celles et ceux qui les possèdent de faire leurs intéressant(e)s pendant les soirées entre amis, à la seule condition de ne pas écouter la musique gravée dessus.
Parce que pour danser lors du prochain anniversaire surprise organisé par le mari bien intentionné d’une de vos meilleures copines, il faudra repasser. A Final Kiss On Poisoned Cheeks est un beau disque de musique ambient avec plein de traitements électroniques qui fourmillent et c’est assez proche de ce qu’a fait Oren Ambarchi jusqu’ici pour le label Touch, Suspension, par exemple. L’amateur des travaux de l’australien est en terrain connu, les fréquences se diversifient en même temps qu’elles s’intensifient, il n’y a pas ce côté baba et planant que l’on retrouve chez 90 % des musiciens actuels trop hâtivement classés dans la rubrique drone, un vrai poète des sons je vous dis. Cela se termine par des petits bourdonnements dans les basses accompagnés d’une cloche et d’une cymbale raclée en continue -zen zen zen, tiens voilà du bouddha. 
























Stacte Motors, album publié par le label Western Vynil est autrement plus austère. Ici pas de chichis de présentation, une galette de trente centimètres dans une pochette avec une photo floue et on n’en parle plus. Côté musique cela vire carrément à l’ascétisme (de surface). Face A : Cymbal Motor. C’est comme si on reprenait la cymbale du final de A Final Kiss On Poisoned Cheeks et qu’on intensifiait le processus. Sauf que la cymbale est excitée par un moteur. Les résonances du métal se démultiplient, s’entrecroisent, se confondent et finissent par former des échos fantomatiques un peu irritants à la longue. Lorsque le moteur s’arrête et que la cymbale se tait, il reste un grondement sourd qui perdure encore quelques petites minutes.
Face B : Guitar Motor. On prend une guitare et on fait exactement la même chose avec ses cordes. C’est trop dur la vie de musicien/performer et d’artiste contemporain. Comme chacun le sait bien, il y a six cordes sur une guitare (sauf si j’ai essayé d’en jouer avec juste avant : il n’y en reste alors plus qu’une ou deux) et par conséquent l’éventail harmonique déployé par les frottements du moteur est d’autant plus large, intense également et provoque davantage de dissonances tout en maintenant un flot continu comme dans le cas d’une vielle. On peut toujours se dire que le procédé employé ici par Oren Ambarchi est des plus simplistes, il n’empêche que le résultat obtenu est envoûtant, même sans l’usage de psychotropes et sans aucun recours à une quelconque théorie esthétique. Par contre, pour la soirée d’anniversaire et l’ambiance festive, on pourra encore et toujours repasser.

jeudi 8 janvier 2009

Oren Ambarchi / Destinationless Desire
















Touch records continue l’édition de sa série de 45 tours contenant des titres exclusifs de certains de ses artistes phares ou d’autres facilement affiliables à l’esthétique très marquée du label. Touch Seven en est à sa septième référence avec la parution du Despite the Water Supply de Jim O’Rourke, un petit gros à la fois ennemi juré des punks arty en converses et des noiseux canal historique (on ne parle même pas des punks à chiens : ils n’imaginent pas qu’un type comme Jimmy puisse exister). Mais intéressons nous d’abord à la référence TS 05. Oren Ambarchi est devenu très rapidement un artiste maison de Touch, il faut dire qu’il y a publié un bon petit paquet de disques, avant d’élargir son public en collaborant entre autres avec Stephen O’Malley et Sunn O))). L’artiste drone de base contemporain, c’est un peu lui, alors que ses compétences vont bien au delà de cette terminologie limitée.
La première question concernant Destinationless Desire est la vitesse de rotation du disque. Si j’en crois le temps mentionné sur les ronds centraux du disque pour les deux titres de ce single, on a affaire à du 33 tours. Problème : Highway Of Diamonds et surtout Bleeding Shadow passent bien mieux en 45. La face A est un titre entièrement instrumental à base de sons de guitares cliqués et glitchés et qui s’achève sur quelques notes persistantes à l’orgue. En vitesse lente on pense surtout à du Fennesz, dès que l’on passe à la vitesse supérieure c’est l’ombre d’Oval qui apparaît -ceci n’est absolument pas la démonstration rigoureuse et définitive du caractère punk de la musique de ce m’as-tu-vu de Markus Popp- choisis bien ton camp camarade.
Le choix est beaucoup plus simple avec la face B. En 33 tours Bleeding Shadow ressemble au cri d’agonie d’une baleine taoïste échouée au large d’une usine à sushi japonaise. C’est qu’il y a du chant ici, avec des paroles qui semblent raconter un truc. En 45 tours la lamentation devient complainte, le titre s’envole vers d’autres horizons, ceux d’une pop tribale et folklorique, poétique mais pas du tout niaise (le genre d’exploit derrière lequel courent les néo ringards d’Animal Collective depuis des années sans y parvenir). La mélancolie doucereuse de ce titre est alors évidente, prenante. On remarque au passage plein de petits détails, plein de petits bruits, des samples bricolés et des zigouigouis sonores qui accompagnent tout du long la mélodie très simple du chant tandis qu’une imitation de violoncelle vous racle le tréfonds du cœur dans le sens des ventricules. De 6’38, temps officiel de Bleeding Shadow, on est passé à 4’55 mais au passage on y gagne suffisamment pour se dire que soit le label c’est trompé dans ses données techniques, soit c’est encore une blague typique d’un humour britannique au goût douteux.

mercredi 7 janvier 2009

Oren Ambarchi & Z'ev / Spirit Transform Me
























Encore une collaboration récente de Z’ev avec un autre musicien, cette fois ci l’australien Oren Ambarchi, l’homme grâce à qui Stephen O’Malley et Sunn O))) ont appris ce qu’était que de mettre un petit peu de délicatesse dans de la musique de sauvages -mais pas trop non plus, restons raisonnables. Au passage, sauvage, toute cette clique de doomeux métallurgistes -au demeurant fort sympathiques en ce qui me concerne mais là n’est pas la question- l’est sans doute bien moins que Z’ev et ses plaques de métal. Stephen O’Malley et compagnie bénéficieraient d’un éclairage fanatique disproportionné : il n’y a pas plus de prophètes que de messies en musique, les adorateurs sectaires d’aujourd’hui seront les juges imprécateurs et pyromanes de demain (le principe moteur de tout hipster qui s’ignore comme de celui qui s’assume, je connais tout ça par cœur et de l’intérieur). En attendant O’Malley a bien raison d’en profiter, de s’inviter à des pince-fesses dans des galeries d’art contemporain où pour un cachet démesuré on lui a demandé de mettre en musique une installation ridicule ou une sculpture d’une laideur insondable. Mais on reparlera de O'Malley très bientôt.
Ombarchi est lui un homme de l’ombre -bien que né à Sydney- et par conséquent il gagne forcément à être connu : une discographie déjà bien remplie dans laquelle on peut piocher sans trop risquer de tomber sur un os, des collaborations multiples et prestigieuses (donc) et un capital sympathie encore jamais démenti, le gendre idéal quoi, même pour Jarboe, du genre que l’on aimerait bien piquer à sa fille histoire de tenter le rajeunissement.
Spirit Transform Me
est publié par Tzadik dans la collection Radical Jewish Culture d’ordinaire consacré au klezmer et à ses dérivés chers à John Zorn (mais il y a des exceptions notoires comme un autre album de Z’ev intitulé The Sapphire Nature, le Mouth=Maul=Betrayer de Zeena Parkins ou la compilation de reprises de Serge Gainsbourg…) ce qui est on ne peut plus étonnant vu le style de musique pratiqué. Mais le label nous explique que si, cela à un rapport étroit avec la judaïcité et en particulier avec Alef-bet. OK, voici les deux premières lettres de l’alphabet hébraïque mais je ne comprends toujours pas le pourquoi du comment.
Le disque est assez court et divisé en trois partie : Alef, Bet et Gimel (nous y revoilà). Alef et un titre d’un quart d’heure pendant lequel Ambarchi développe tout son savoir-faire en matière de structures sonores et de fréquences à bidouille tandis que Z’ev saupoudre l’ensemble de quelques percussions légères et de quelques raclements métalliques dont il a le secret. Bet démarre par un paysage sonore (des voix et une ambiance de rue) mais sinon c’est exactement la même chose que sur Alef avec toutefois quelques degrés d’intensité en plus et donc des percussions tribales plus présentes quoi que toujours bien dissimulées dans le fond. Cela se termine par un sifflement de cocotte-minute comme celui que l’on entend lorsque la soupe est prête. Le dernier titre, Gimmel, démarre par des résonances de cloches (ou de gongs) et distille une ambiance vaguement mystique et ténébreuse, brrr, Ambarchi fait de la brasse coulée dans les profondeurs abyssales tandis que Z’ev joue dans son coin avec quelques menus objets pour un résultat pas très éloigné de l’album Heresy de Lustmord. De la musique industrielle de salon pour obscurantistes mondains. Les fan de Sunn O))) devraient donc aussi pouvoir s’y retrouver.

mardi 6 janvier 2009

Z'ev vs Pita
























 Rien à signaler si ce n’est que Z’ev, toujours lui, a décidé d’être un fonds de pension à lui tout seul : c’est peut dire que l’on arrête pas d’en entendre parler (du moins si on s’intéresse aux mabouls dont le travail musical consiste pour beaucoup à taper comme des forcenés sur des plaques métalliques). A plus de 57 ans il est en effet temps de penser au financement de sa retraite. Donc, encore un disque estampillé de son nom, Z’ev vs Pita, ou la rencontre entre notre homme et Peter Rehberg pour un CD publié aux Editions Mego.
S’il est désormais connu des métallurgistes pour sa participation au projet KTL aux côtés de Stephen O’Malley, Peter Rebherg est surtout l’un des cofondateurs de Mego, label viennois qui a connu son heure de gloire dans les années 90 en publiant les disques de Fennesz, Hecker, General Magic, Farmers Manual ou Pita dans une perspective à l’opposé de ses petits camarades ~scape (de Berlin, influencé par le dub) et surtout Mille Plateaux (plus orienté electro minimale -Gas- et ambient -Oval). Mego a cessé de vivre au milieu des années 2000 pour réapparaître à l’instigation du seul Peter Rehberg sous le nom d’Editions Mego, au programme la réédition petit à petit de tout le back catalogue et la publication d’une ou deux nouvelles références de temps à autre.
La présentation des disques estampillés Editions Mego est à peu près la même que celle du défunt label, à savoir un cartonnage aux dimensions inhabituelles (en gros 14 x 15 centimètres) avec des artworks souvent à base de collages arty, comprendre : pas réalisés par un enfant de quatre ans dans sa classe de maternelle mais digne d’une galerie d’art contemporain. Ce Z’ev vs Pita sans titre ne déroge pas à la règle, son illustration reprend l’affiche du concert pendant lequel a été enregistré le disque, les collages à l’intérieur sont tout aussi inintéressants. Toujours à l’intérieur, aucune note technique à lire non plus, pas de photos des artistes en portrait américain, pas d’essai théorique sur la pertinence ou non d’une telle musique. Rien. Juste de l’art.
J’ai l’air de me moquer comme ça mais j’aime beaucoup ce disque. Déjà Pita était l’une des meilleures entités de Mego -l’album Get Out devrait très bientôt être lui aussi réédité- mais surtout Peter Rehberg a cette qualité essentielle pour résister face à Z’ev : il manipule des structures sonores extrêmement massives, mouvantes et granuleuses que le déluge de percussions émises par son comparse ne parvient pas amoindrir. Face au percussionniste il n’y a en effet pas trente six solutions : soit on va dans le même sens que lui (ce qu’à fait Boyd Rice sur le 12’ évoqué hier) soit on s’écrase. Pita ne fait ni l’un ni l’autre et mène les débats, se paie le luxe d’une longue introduction atmosphérique et lorsque le tatapoum métallique arrive enfin, il est tout en nuances, pointilliste, chromatique, presque paysager. Le déluge arrive un peu plus tard, après quelques roulements de toms basse et l’inévitable montée en puissance, mais le travail de Pita reste toujours sur le devant, à la fois gluant et acide aux oreilles, tel un blob accroché à nos tympans. Peter Rehberg se paie même le luxe d’envoyer des sons percussifs vers la fin du disque.
Aucune idée si ce concert est reproduit dans son intégralité sur cet enregistrement qui dépasse à peine la demi heure mais l’ensemble est cohérent (d’accord, cela ne change pas beaucoup de l’une des structures les plus classiques en vigueur dans la musique dès que celle-ci est improvisée : la structure en forme de cloche -ça monte, ça pète et ça redescend) et surtout il est un bon exemple de mélanges trans-genres : la musique industrielle old school, celle de Z’ev, contre les manipulations sonores de Peter Rehberg et les percussions organiques contre un laptop, mélanges ici fort réussis.