dimanche 30 juin 2013

Comme à la radio : Melt Banana !




Et il s’agit même d’un double « comme à la radio » puisque ce qui suit est une session radio enregistré par MELT BANANA pour John Peel le 10 mars 2001.  C’est-à-dire à une époque où les japonais étaient encore au top de leur forme (l’album Cell Scape, très décevant, ne sortira qu’en 2003).



Une seule conclusion s'impose : voilà un enregistrement qui assurément mériterait une publication en dur et non pas une simple diffusion bâtarde via internet mais on peut toujours rêver.

[la photo du groupe a été prise le 18 septembre 2010 à feu Grrrnd Zero]

samedi 29 juin 2013

Kanine / Broken Jazz




KANINE est un duo lyonnais de free jazz : à ma gauche Art(hur) qui joue du saxophone ténor ; à ma droite Franck alias Sheik Anorak qui joue de la batterie. Aucun repiquage, aucun effet ajouté et d’une manière générale pas de recours à la fée électricité – la musique de Kanine est garantie 100 % naturelle et sans tricherie. Un pari plutôt risqué en 2013, histoire de la musique et héritage lourd à porter aidant, mais pourtant un pari réussi sur Broken Jazz, deuxième enregistrement du duo.
Mais, tout d’abord, soyons franc : Kanine ne m’a jusqu’ici jamais totalement convaincu en concert – des concerts avec du bon et, donc, du moins bon – et, en écoutant Broken Jazz, je ne comprends toujours pas réellement pourquoi. Car ce disque a pourtant été enregistré dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles les deux musiciens donnent des concerts, c’est-à-dire : on débarque, on s’installe derrière les instruments, on joue, on improvise et on voit ce qui va se passer. Résultat de quelques prises directes dans l'ancien local du duo à Grrrnd Zero/Lyon (RIP), Broken Jazzc’est donc exactement comme un concert de Kanine sauf qu’on y était pas.
Tout comme chaque concert de Kanine est en théorie unique, Broken Jazz est donc un disque unique, comportant une demi-heure de musique que Kanine ne pourra plus jamais jouer ainsi, improvisation totale oblige. Mais que le duo ne fasse pas du note à note, on s’en fout malgré tout puisque ce n’est absolument pas le but du jeu et ce qui est vraiment important c’est l’esprit qui se dégage ici et que (donc) on aimerait retrouver plus souvent en live. Mais on reste d’autant plus optimiste – et patient – que Broken Jazz donne enfin à entendre deux musiciens en parfait accord, sur la même longueur d’onde et qui échangent pour le meilleur.
Surtout on découvre toutes les subtilités du jeu coloré et diversifié du saxophoniste, lequel n’est pas non plus écrasé par le jeu très dynamique de Franck à la batterie. Et il était vraiment grand temps de pouvoir l’entendre chanter, hurler, siffler, couiner et grincer ce saxophone, pour tout dire c’est même la première fois qu’on l’entend ainsi. On sentait un peu confusément que l’on pouvait faire confiance à Arthur ; maintenant il ne lui reste plus qu’à avoir confiance en lui-même la prochaine fois qu’il se retrouvera devant une bande de pauvres types venus l’écouter en concert et de faire comme sur Broken Jazz, c’est-à-dire de se lâcher et de faire preuve d’autant de clairvoyance imaginative.

[Broken Jazz est publié en CD uniquement par Norwegianism records]

vendredi 28 juin 2013

Report : Xavier Saiki, Lionel Marchetti & Jérôme Noetinger et Deborah Kant au Festival Expérience(s) - 22/06/2013





C’est un peu la malédiction du troisième jour… Après un 21 juin pas loin d’être mémorable – et blindé question public – le Festival Expérience(s) a connu un creux certain pour sa troisième et dernière soirée. Au lendemain de la fête de la musique (sic), bien peu ont osé ressortir de chez eux pour se frotter à une programmation encore plus éclectique mais aussi l’une des plus exigeantes et difficiles de toute cette cinquième édition du festival (au moins sur ses deux premiers tiers).
Avouons aussi que, du côté de la rédaction pourtant prête à tout de 666rpm, même le doute s’est immiscé bien profondément dans le crâne endolori du chroniqueur, tout ça grâce à ses vieilles copines gueule de bois et grosse fatigue. Mais quand on aime on ne compte pas, alors retour au Périscope histoire de s’achever encore un peu plus…




Question découverte, la soirée a bien commencé avec XAVIER SAIKI. On me pardonnera peut-être de n’avoir jamais entendu auparavant le nom de ce garçon, guitariste de son état, ni de n’absolument rien connaitre de sa musique. Une totale ignorance que j’aurais pu promptement balayer d’un coup de baguette magique mais je n’en ai rien fait. A quoi bon ?
Ce soir Xavier Saiki propose un solo de guitare plutôt intrigant : il joue assis avec sa guitare à plat sur ses genoux et il a posé dessus un ou deux ressorts, juste au niveau des micros de caisse. Le reste est question de frottements, de pincements, d’attaques percussive, d’échos et de manipulations ainsi que du bon usage d’un ampli Fender Twin Reverb, inusable machine à sons s’il en est.
Autant dire que l’on n’entend pas de la musique au sens le plus basique mais aussi le plus réducteur du terme mais des constructions sonores éphémères qui éclatent en cascades ou se cassent brutalement la gueule jusqu’à s’effacer. Une musique – pourtant – qui ressemble aux bruits multiples et démultipliés de la nature : fermez les yeux et vous ne saurez pas que Xavier Saiki joue avec une guitare électrique, un peu comme lorsqu’on se balade dans un endroit reculé et que des grincements, craquements et autres souffles de vie vous assaillent, brusquement, venus de nulle part.




Suit le duo LIONEL MARCHETTI / JÉRÔME NOETINGER, un duo que l’on ne devrait plus présenter. Cela fait des années que ces deux là jouent ensemble et pratiquent une musique improvisée élaborée à partir d’un système de magnétophones à bandes et de bricolages insensés, en fait on peut affirmer que Lionel Marchetti et Jérôme Noetinger réalisent en direct une sorte de musique électro-acoustique sauvage et non figée.
Jouant avec les effets de diffusion sonore en plusieurs points, les deux musiciens accumulent ainsi tout un travail passionnant sur les sons tout en le saupoudrant de quelques plaisanteries raffinées et derrière le sérieux apparent de la démarche et de la contenance des deux hommes il y a en fait un puits sans fond de trouvailles ingénieuses et de délires sonores. La concentration et la non attitude des deux musiciens laissent toute la place possible à une musique de l’instant qui ne peut que s’écouter et ne se regarde donc pas (ou alors pas beaucoup) : il ne peut pas y avoir de parasites entre elle et l’auditeur et je me sens alors un peu stupide avec mon appareil photo, tentant de capter ce qui ne peut pas l’être.




Le groupe le moins expérimental – et au passage franchement rock – de la soirée est en fait la principale raison de ma venue : les DEBORAH KANT jouent en dernier devant un public clairsemé parce qu’une partie de celui-ci, qui s’est selon toute vraisemblance essentiellement déplacée pour Xavier Saiki et/ou le duo Marchetti/Noetinger, s’est empressée de repartir tout de suite après. Les survivants – environ une trentaine de personnes – ne vont pourtant pas regretter leur choix.
J’ai déjà vu plusieurs fois Deborah Kant en concert mais toujours au même endroit, c’est-à-dire sur la petite scène du Sonic. Au Périscope le groupe semble avoir presque trop de place mais a gardé sa configuration habituelle (inamovible ?) avec le guitariste/chanteur tout à gauche puis le batteur, le bassiste et enfin le deuxième guitariste sur la droite. Par contre, ce qui change pour ce concert, c’est la nature même du son de Deborah Kant, très ample mais flottant, presque caoutchouteux. Le rock noisy du groupe se teinte alors de couleurs inédites, encore plus psyché, d’autant plus que l’on a toujours l’impression que les Deborah Kant ne jouent jamais deux fois de suite une de leur composition exactement de la même façon.




Le groupe est à la fois un peu maladroit – approximatif diraient certains mais le terme d’ « approximatif » me semble dénué de toute la considération malgré tout bienveillante que recèle celui de « maladroit » – mais il est également impérieux et impérial lorsqu’il prend à bras le corps les envolées soniques qui constellent son répertoire. En écoutant et en regardant les quatre garçons de Deborah Kant je redécouvre un vrai groupe, un groupe de rock bruyant mais mélodique, qui transpire de l’humain à travers tous les pores de sa musique. Qu’importe les maladresses et les hésitations, Deborah Kant défie avec ardeur les lois de la pesanteur en projetant sa musique dans de nouvelles directions et, surtout, de nouvelles dimensions.
Le maigre public ne s’y trompe pas parce qu’il réserve une ovation au groupe ; dommage donc qu’il n’y ait pas eu plus de monde pour assister à ce petit miracle de lévitation mais, en même temps, aurait-il eu lieu exactement de la même façon devant une salle pleine à craquer comme l’était le Périscope le vendredi 21 au soir ? Peut être bien que non. Et les moments les plus rares sont ceux que l’on chérit toujours le plus.

[les photos de cette troisième et dernière soirée du Festival Expériences sont ici]

jeudi 27 juin 2013

Report : Pâté Pour Chien, Hippie Diktat, Cougar Discipline et Postcoïtum au Festival Expérience(s) - 21/06/2013




Je pensais qu’en avançant son festival annuel de trois semaines pour le faire coïncider avec la fête de la musique, l’équipe du Périscope avait peut-être pris des risques. La fête de la musique c’est cette chose dont profitent les patrons de bars et de restaus de Lyon (et d’ailleurs) pour rameuter un peu plus de clientèle : les rues de la ville sont noires de monde, des gens qui entendent le nez en l’air des sons d’origine inconnue et dont ils se foutent complètement et qui peuvent après rentrer chez eux avec le sentiment d’avoir passé une soirée vraiment chouette. Une démarche à l’opposée de celle du Périscope… Cette année il y avait pourtant Kouma qui jouait en centre-ville aux alentours de 19h30 mais une grosse flemme n’égalant que mon snobisme avéré m’a empêché d’y aller.
A côté du Périscope il y a justement une place sur laquelle une scène a été installée et on peut entendre dans tout le quartier derrière la gare de Perrache un groupe de reprises enchainer massacres en règle sur éviscérations consensuelles – je débarque précisément au moment où le chanteur pourrit complètement Black Dog de Led Zeppelin, une chanson à la gloriole de la toute-puissance qui au départ me donne déjà mal au crâne.




Les concerts commencent tard et c’est PÂTÉ POUR CHIEN, un duo composé de Fabien Rimbaud (chant, batterie et blouse d’avant-guerre) et de Aymeric Avice (trompette, effets, percussions et voix), qui attaque en premier. Ce dernier joue également dans Jean Louis – que je n’ai jamais vu en concert alors que le trio a déjà joué au moins six fois à Lyon en quatre ans, je sais c’est très mal de ma part – et dans Radiation 10, un groupe récemment découvert à l’occasion d’un concert avec Kouma, décidemment.
Mais aucune comparaison n’est possible : Pâté Pour Chien n’a strictement rien à voir avec Radiation 10 ou même Jean Louis, pratiquant une sorte de punk arty-alterno (textes en français et souvent drôles) et parodique voire dadaïste, joué avec les moyens du bord c’est-à-dire avec une trompette passée à la moulinette d’effets multiples – on dirait souvent une guitare saturée – et des percussions binaires et simplistes. Tout ça est définitivement plein de trouvailles
Je n’ai pas trop eu non plus à me creuser la tête pour comprendre d’où venait le nom du groupe : chacun de ses deux membres, dans un style qui lui est propre, ayant une bonne tête de toutou – attention, que l’on ne s’y méprenne pas, j’adore les clébards et en particulier les bâtards à poil dru – et ce concert a été une bonne mise en train malgré les limites inhérentes au genre pounque jazz chanté rigolo c’est-à-dire quelques petites baisses de régime et un peu de remplissage expé pas toujours très utile. Mais bon… c’est la deuxième fois en deux jours que je rigole à un concert (après Charles Pennequin la veille) et je commence à trouver ça vraiment inquiétant.




Par contre ça va nettement moins rigoler avec HIPPIE DIKTAT (oui, c’est soirée spéciale noms de groupes à la con). Un trio dans lequel on retrouve le guitariste Richard Comte, auteur d’un album solo dont on reparlera très bientôt et déjà vu en concert avec Heretic Chaos, duo qu’il formait avec Yann Joussein de DDJ, SnAP, etc… Est-ce-que tout le monde arrive à suivre ? Non ? Bon, Hippie Diktat est, après SnAP découvert le jour d’avant, un autre groupe du collectif Coax, coopérative musicale décidemment en pleine ébullition. Au côté du guitariste jouent également un saxophoniste baryton (Antoine Viard) et un batteur (Julien Chamla).
Quoi ? Vous vous en foutez un peu beaucoup des noms de ces trois musiciens ? Et bien vous avez tord. Parce que personnellement je vais faire un effort tout de suite là et maintenant pour dénicher et écouter tout les groupes et projets auxquels ces trois types participent par ailleurs. Je vais peut-être être déçu mais j’ai confiance. Tout ça parce que Hippie Diktat a été une claque énorme en concert. Un mélange de noise-rock et de freeture d’une puissance incroyable et surtout d’une ampleur volumétrique qui vous écrase à chaque instant. Lorsque le groupe ralentit la cadence le phénomène d’écrasement est encore plus palpable, oui on n’est pas loin d’un jazz metal en version sale et grésillante et dans ces moments là je perds un peu le contrôle de moi-même. OK, je ne suis pas le seul et Hippie Diktat – le meilleur groupe avec lequel Cheverny a joué durant sa tournée triomphale du printemps 2013, me dira-t-on un peu plus tard dans la soirée – électrise le public entassé au Périscope. Révélation.




COUGAR DISCIPLINE a la lourde tâche de jouer après Hippie Diktat mais va très bien s’en sortir. Et plus que cela, même. Rappelons que dans Cougar Discipline il y a Raf Chevignon au chant, Alex Torticoli à la guitare et Jo Burne à la batterie, donc trois musiciens issus de trois groupes lyonnais très différents les uns des autres. Mais cela fonctionne parfaitement et Cougar Discipline donne à entendre un noise rock racé, épais, sexuel, vicieux et fortement teinté de blues urbain.
Je regrette juste que la voix n’ait pas été un peu plus claire et intelligible – oui pour une fois je m’intéresse aux textes parce que ceux de Raf sont particulièrement décapants et crades – mais je me laisse quand même porter par la furie sournoise du groupe. En définitive, le problème avec Cougar Discipline est que chacun de ses trois membres est passionnant à regarder et à écouter : Raf et ses outrances, Alex et son jeu d’araignée et Jo qui prend vraiment une nouvelle dimension avec le trio. Cougar Discipline est donc élu à l’unanimité groupe le plus sexy de la soirée voire de tout le festival Expérience(s). Et le plus corrosif, aussi.




Le Périscope est plein, finalement l’effet « fête de la musique » aura été bénéfique au Festival Expérience(s), l’ambiance est torride et il reste un groupe à l’affiche. Postcoïtum est un duo de garçons pieds nus mais en costards. Le premier joue de la batterie et d’un pad électronique. Le second s’occupe d’un laptop et d’une table de mixage qui gère les mélanges de sons. Postcoïtum joue donc de la musique électronique actionnée à la main, ça transpire du côté du groupe et c’est d’une folle énergie.
Malheureusement, et la qualité du groupe n’a rien à voir là dedans, je n’en peux plus et je sature réellement. Hippie Diktat et Cougar Discipline m’ont lessivé, oui je suis un homme comblé et là je n’arrive plus à encaisser quoi que ce soit, mis à part quelques bières mais ça c’est une toute autre histoire. J’abandonne donc le devant de la scène pour suivre le concert de loin, depuis le bar ou même de dehors, persuadé que je rate sûrement quelque chose mais n’en pouvant réellement plus. Désolé mais je me jure à moi-même que je retournerai voir Postcoïtum en concert dès que l’occasion se représentera. Et puis signalons que le duo sortira bientôt son nouvel album Himera le 15 septembre prochain (si vous voulez tout savoir le groupe fait même appel à une souscription, les LP ça coûte cher).

[les photos de cette deuxième et mémorable soirée du Festival Expérience(s) sont ici]

mercredi 26 juin 2013

Report : Léo Dumont, Charles Pennequin & Jean-François Pauvros et Snap au Festival Expérience(s) - 20/06/2013




Lyon, son rayonnement international, sa vie culturelle intense, son inscription au patrimoine mondial de l’humanité, ses vieilles pierres, ses bourgeois fossilisés, ses socialistes de droite, ses groupuscules fascistes effervescents, ses restaurants à touristes, son club de foot et – bientôt – son grand stade, ses transports en commun désorganisés mais hors de prix, ses festivals de musique pour tous démesurément médiatisés, ses petites salles et ses bars qui galèrent pour faire jouer des groupes qui ne passent pas à la radio et n’ont pas de chaine YouTube non plus, ses rebuts de la société qui dorment la nuit dans les tunnels piétons sous la gare de Perrache, son Grrrnd Zero expulsé mais peut-être relogé dans une friche industrielle en ruine à la  périphérie de la ville – non mais honnêtement qu’est ce qu’il fait bon vivre ici.

[…]

Pardon, toutes mes excuses, je m’égare quelque peu et comme d’habitude je mélange tout. Alors je reprends : qu’il fait bon vivre à Lyon puisque c’est dans cette ville que se déroulent chaque année deux festivals aussi essentiels qu’incontournables, je veux bien sûr parler du Gaffer Fest – prochaine édition fin octobre 2013, on en reparle bientôt – et du Festival Expérience(s).
Et cette année, pour sa cinquième édition, le Festival Expérience(s) a lieu fin juin mais – et c’est important – toujours au Périscope. Trois jours d’une programmation exigeante mais ouverte avec du jazz qui pète, du rock qui fait du bruit et des musiques expérimentales qui font du bien. Autant dire que l’envoyé spécial de 666rpm n’attendait que ça et en a profité pour s’offrir une petite cure de bonheur juste avant le fatidique désert estival et son mortel ennui.




Premier soir et entrée en matière intrigante avec un solo de LÉO DUMONT. Un garçon que l’on connait parce qu’il joue de la batterie avec Kouma et Polymorphie. Je me rappelle très bien d’un concert qu’il avait donné en compagnie de Julien Grosjean, un concert assez frustrant parce qu’il laissait entrevoir toutes les possibilités de Léo Dumont sans toutefois leur laisser franchement toute la place qui leur était due – et d’émettre le souhait un peu imaginaire d’assister un jour à un solo de ce jeune batteur.
Je ne sais pas depuis combien de temps Léo Dumont joue dans cette configuration en solitaire mais il n’a effectivement besoin de personne. Installé derrière un gong le masquant presque entièrement – les personnes assistant au concert bien en face de lui ne pouvaient deviner que ses mains et avant-bras –, Léo peut tranquillement fermer les yeux et, en véritable poète des sons, jouer avec les résonnances des objets qui l’entourent, caresser ou frotter les peaux, faire des ricochets avec une balle, taper sur sa grosse caisse avec une pédale munie d’une grosse feutrine pour la faire vibrer en longueur et en épaisseur et jouer sur les variations d’intensités et les silences.
Un très beau moment, très loin de toute prétention, de toute afféterie et de toute volonté démonstrative – de la légèreté et de la profondeur qui s’entrecroisent et donnent naissance à une sorte de gravité ludique et emprunte d’une humilité contagieuse.




CHARLES PENNEQUIN et JEAN-FRANÇOIS PAUVROS prennent la suite. Le premier est un poète sonore/performer à l’humour féroce. Le second est un guitariste inspiré et lunatique. Il me faut avouer que je n’avais encore jamais vu et entendu Charles Pennequin et donc je découvre un gros bonhomme avec des airs de vieux skinhead à la retraite ou de boucher-charcutier. Dès qu’il commence à lire ses textes d’un air précipité voire haché (charcutier je vous dis), une diction qui donne à ses textes un fumet chargé d’une insolence gouailleuse, ironique et complètement irrévérencieuse,  je me sens submergé par des envies de fous-rires difficiles à retenir.
Pennequin met ses gros doigts et sa langue très pointue là où ça peut faire mal (« on a toute l’époque pour se révolter »), parle de cul, des cons – dans tous les sens du terme –, de l’absurdité moderne, passe en mode dézingage/sulfateuse et fait le gros dos pour mieux hérisser ses piques verbales. A ses côtés Jean-François Pauvros l’accompagne discrètement mais pas tant que ça, faisant le mariole façon guitare-égo pour attirer une partie de l’attention, ce à quoi il parvient parfaitement : le duo de choc(s) des deux hommes est très drôle mais ne s’éternise pas, même si Pauvros réclame à son comparse des bonus spéciaux parce qu’il a envie de continuer à jouer. Charles Pennequin s’exécute mais sans trop se laisser faire, ces deux là font la paire.




En quittant la scène Jean-François Pauvros n’a pas pu s’empêcher de lâcher un « et maintenant place à de la musique sérieuse jouée sérieusement », ce qui est guère charitable mais totalement compréhensible de la part d’un vieux franc-tireur qui a derrière lui plus de trente années de guitare passées à foutre en l’air les règles établies du blues et du rock (ce qui est, finalement, la seule façon de leur rendre réellement hommage).
Guère charitable mais pas totalement faux non plus. La musique « sérieuse » dont il maintenant question est jouée par un tout jeune groupe – dont c’est ce soir le deuxième concert – du nom de SnAP et composé de Julien Desprez à la guitare et à la composition, de Yann Joussein à la batterie et de Clément Edouard à l’électronique. Autrement dit les deux premiers jouent déjà ensemble dans DDJ, Coax Orchestra, Tweedle-Dee alors que Julien et Clément sont également tout deux membres d’IRèNE : voilà trois musiciens qui se connaissent bien et gravitent également tous les trois autour du collectif Coax et de la bande à Carton records.
Pour un second concert (et une quinzaine d’heures de répétition seulement), SnAP s’est bien débrouillé et, malgré quelques hésitations, a déjà fait preuve d’idées brillantes et porteuses, on le pense, d’un avenir certain. Il manque certes encore ce liant invisible et ces huiles essentielles qui permettront aux rouages de SnAP de fonctionner parfaitement, de rouler peut-être plus loin que prévu initialement, de décoincer un peu tout ça mais l’association de ces trois musiciens est une bonne nouvelle (et quel bonheur de pouvoir regoûter au jeu de batterie de Yann Joussein).

[les photos de ce premier soir du Festival Expérience(s) 2013 sont par ici]

mardi 25 juin 2013

Joe 4 / Njegov Sin


On a déjà parlé de JOE 4 à propos du précédent (et premier) disque de ce trio originaire de Zagreb : le plutôt réussi Enola Gay. Une chronique qui se terminait par une sorte de souhait, celui de voir Joe 4 un jour en concert tant on pensait – et on le pense toujours – que c’est devant un public que le groupe doit réellement donner toute sa (dé)mesure. Et là, c’est le miracle : on annonce une tournée européenne de Joe 4 pour le mois d’octobre 2012 avec un passage à Lyon le 4… Si vous n’avez pas lu le report enflammé de cette soirée sur 666rpm ce n’est pas parce que ce concert était nul mais parce que Joe 4 a du annuler à la dernière minute une bonne partie de sa tournée. Déception.
Quoi qu'il en soit, si les croates avaient prévu de tourner à l’automne dernier, c’est tout simplement parce qu’ils avaient un nouveau disque à défendre, leur première album, intitulé Negov Sin. Celui-ci a mis un peu de temps à arriver jusqu’ici mais, vu la qualité de la chose, il n’y a aucune raison pour que l’on n’en parle pas maintenant, plus de six mois après la bataille.




La musique de Joe 4 a guère évolué depuis Enola Gay : le groupe est toujours adepte de ce Chicago sound 90’s shellac-quien qui pète sec et déchire impitoyablement. Mieux : Joe 4 a parcouru quelques centaines de kilomètres et traversé la mer adriatique pour se retrouver aux Oxygen Recording Studios en Italie (plus précisément à Turin) pour y rencontrer Steve Albini et y enregistrer Njegov Sin en sa compagnie (sur du matériel entièrement analogique, bien sûr). Inutile de préciser que ce disque possède donc toutes les caractéristiques ou presque du son Albini/Shellac, d’autant plus qu’il a été masterisé par Bob Weston (à Chicago, cette fois). Le groupe précise néanmoins sur la pochette de Njegov Sin que « Steve Albini played Scrabble on Facebook almost the entire time we were recording. We don't know if he remembers what our album sounds like » et personnellement cela me fait mourir de rire (une autre blague pour la route ? « cover art by a guy with a PC »).
Mais tout ça ce ne sont que des détails. Reste à parler de la musique et celle de Joe 4 est un beau concentré de noise-rock avec tout ce qu’il faut là où il faut. On note même un net sursaut qualitatif niveau composition – riffs plus tranchants que jamais et lignes de basse ultra percutantes – et Joe 4 peut s’enorgueillir d’avoir enregistré, avec ou sans Albini on s’en fout finalement, un album qui pète le feu et qui vous écharpe les oreilles. Un peu comme l’illustration de la pochette détournée d’une peinture de Goya, sauf qu’une tête de sanglier a ici été rajoutée (?), sûrement pour souligner le côté encore plus bestial de la chose. Oui ça saigne méchamment sur Njegov Sin et surtout ça saigne abondamment. Joe 4 est un groupe à prendre très largement en considération dans les petites sphères du noise-rock.
Un dernier point – mais il est important – concerne le chant. Avant ils étaient quatre dans Joe 4 : c’est le chanteur qui est parti, le rôle étant apparemment repris pas le guitariste. Aucune importance ? Et bien si. Sur Enola Gay les paroles était en anglais. Sur Njegov Sin ça braille quasiment tout le temps en croate, une langue âpre et râpeuse qui convient parfaitement au style de musique de Joe 4, d’autant plus que ce chant est systématiquement légèrement saturé. D’habitude le chant non-anglophone, c’est plutôt gênant en matière de musiques qui débourrent et/ou qui font mal – prenez un groupe de noise qui chante en français ou (pire) en italien ou en espagnol : c’est, à quelques exceptions près, tout de suite ridicule – mais dans le cas de la langue croate, Le résultat est pas loin d’être formidable en plus d’être inattendu (et jusqu’ici  jamais entendu). Bravo.

[Njegov Sin est publié en vinyle par trois label : l’allemand Fidel Bastro, le croate Geenger records et le français Whosbrain records qui avait déjà publié le EP Enola Gay]

lundi 24 juin 2013

Hawks - Buildings / split




Le deuxième disque publié par Hawks en 2013 – rappelons l’existence de l’excellent single Rattalker b/w Smile – est un split en compagnie de Buildings… Et là il y a vraiment de quoi faire des bonds ! Imaginez un peu le tableau, deux groupes de noise rock parmi les meilleurs de la scène U.S. actuelle et réunis sur un même disque… Non, vous voyez vraiment pas ? OK : je vais vous expliquer un peu précisément de quoi il en retourne.
Commençons donc avec BUILDINGS, en quelque sorte le groupe « maison » du disque puisque ce split a été publié par Cash Cow Production qui avait précédemment édité Melt Cry Sleep, le premier album de Buildings, au début de l’année 2012. Les deux groupes se connaissent bien et peut-être que les trois Buildings, impressionnés par ces barbares de Hawks, ont décidé de durcir leur son et d’étoffer leur façon de faire en matière de composition pour les deux titres qu’ils ont enregistrés à cette occasion. LPGA comme Mouthgift gardent la patte Buildings mais avec de l’épaisseur en plus – attention « épaisseur » ne signifie pas « gras » – et si certains avaient cru bon, fut un temps, de comparer Buildings à Young Widows et bien il leur faudra changer de point de vue car la tension sèche mais néanmoins volumineuse est ici autrement plus impressionnante et méchante. Deux titres qui laissent augurer du meilleur pour un éventuel deuxième album.
On a un peu de mal à se remettre des deux titres vraiment formidables que HAWKS a publiés sur son précédent single. Alors on est forcément un tout petit peu moins impressionnés par Snag et Shit Show, les deux contributions pourtant excellentes du groupe d’Atlanta à ce split. Ce qui ne veut pas dire que l’on est déçus, oh que non et très loin de là même, puisque ces deux nouveautés restent très au-delà du niveau général moyen question noise-rock. Seulement on admettra également sur ce coup là, si on voulait absolument faire des comparaisons – les comparaisons c’est mal et ça sert à rien –, que les Buildings s’avèrent in fine peut-être meilleurs que les Hawks. D’une courte tête mais meilleurs quand même. Ou, plus précisément, disons que l’effet de surprise joue en faveur des trois Buildings et de leurs poussées d’hormones alors que les Hawks sont tout simplement égaux à eux-mêmes c'est-à-dire (presque) géniaux.
Evidemment il faut comprendre que tout cela ne change rien à l’amour indéfectible que le chroniqueur de 666rpm porte aux petits gars de Hawks et, surtout, cela confirme une chose, vraiment très importante : cela signifie tout simplement que Buildings est définitivement un groupe en pleine progression. Et puis, pour en revenir à Hawks, écoutez Snag (un mid tempo poisseux et frissonnant, grandiose) et Shit Show (plus rapide, exercice qui sied un peu moins bien à Hawks) : vous vous rendrez compte par vous-mêmes que les Hawks ne sont toujours pas n’importe qui. On attend avec une impatience grandissante le retour du  groupe en France et en Europe, une nouvelle tournée des grands ducs est en effet programmée pour le printemps 2014.

[ce split Buildings - Hawks est également une très jolie pièce : vinyle couleur jaune omelette à base d’œufs frais et délayée d’un peu de lait, illustration de pochette crypto-bucco-vaginale, pochette intérieure et coupon mp3 – le tout, donc, est publié par Cash Cow Production et disponible en France via le mailorder de Rejuvenation Inc]

dimanche 23 juin 2013

Comme à la radio : Anne-James Chaton et Andy Moor



On a parlé il n’y a pas très longtemps du duo Anne-James Chaton / Andy Moor à propos de la version CD de la série Transfer.

Et bien voici un inédit (pour l’instant) du duo, une pièce datant tout de même d’un an et portant le titre de Break The Record – oui ça parle plus ou moins de sport et d’argent et ça me rappelle quelque chose




Signalons également que Unsounds, le label d’Isabelle Vigier, de Yannis Kyriakides et d’Andy Moor, propose pour chaque mois de l’année 2013 un inédit en téléchargement gratuit pour une durée limité – pour l’instant ont été mis en ligne des pièces du duo Christine Abdelnour/Andy Moor, de Francisco Lopez, de Yannis Kyriakides, de Magda Mayas et de Robert Ashley (interprétation par l’ensemble Maze).

Unsounds est définitivement un label à suivre de très près et d’ailleurs on reparlera dès que possible ici de quelques unes de ses dernières productions : l’album de Lean Left ou celui du quartet John Butcher/Tony Buck/Magda Mayas/Burkhard Stangl…

samedi 22 juin 2013

Main / Ablation




Que MAIN publie un album en 2013 est une véritable surprise. Main, rappelons-le, est le groupe que Robert Hampson avait monté après Loop en compagnie de Scott Dowson (ancien Loop lui aussi, il joue sur l’album A Gilded Eternity). Un groupe que l’on croyait mort et enterré depuis que Robert Hampson avait décidé de se consacrer de plus en plus profondément à la musique acousmatique et à la recherche musicale – écouter à ce sujet son deuxième album « solo », le très réussi  Répercussions.
Alors ? Et bien Main a, sur la fin de sa première existence, de plus en plus glissé vers une musique savante et austère, délaissant le côté hypnotique et lysergique de ses premiers enregistrements et délivrant ainsi quelques indices fortement annonciateurs de ce que ferait plus tard Robert Hampson tout seul. Ablation, premier enregistrement de Main depuis 2006 et l’album Surcease (publié par le label N-Rec et enregistré par le seul Hampson), est le fruit de la collaboration entre deux hommes, Robert Hampson bien sûr et le nouveau venu Stephan Mathieu. Que Main soit à nouveau un duo est une bonne chose : sur ses derniers jours le groupe n’était que l’œuvre d’un Hampson solitaire et obnubilé et on continue encore de penser que Main a souffert du désir de découverte et de l’apprentissage (certes courageux) du musicien en matière de musique acousmatique.
Mais aujourd’hui c’est une toute autre histoire. Non seulement Hampson a prouvé avec Répercussions qu’il était désormais capable de grandes choses mais, en plus, la présence d’un alter ego le galvanise certainement. Il n’est certainement donc pas question avec Ablation d’un retour aux premiers fondamentaux de Main – Hampson est désormais allé trop loin dans l’acousmatique pour tenter tout volte-face et sans doute n’en a-t-il absolument pas envie – mais on sent à l’écoute des quatre titres/parties du disque une dynamique propre à un vrai groupe, basée sur l’échange, l’interaction et une sorte d’énergie communicante. Ablation reste un disque de musique expérimentale, ambient et acousmatique, un disque chargé en trouvailles sonores et mu par un travail sur les sons souvent pas loin d’être stupéfiant mais, oui, Ablation est également un disque qui dispose de ce confort d’écoute propre aux disques épanouis.

La suite des aventures de Robert Hampson ravira les moins de trente ans nostalgiques d’un temps qu’ils ne peuvent pas connaitre : le musicien a en effet réactivé Loop – sous le line-up de l’album A Gilded Eternity, soit Hampson et Dowson aux guitares, Neil MacKay à la basse et John Wills à la batterie – et annonce des concerts et plus si affinités d’ici la fin de l’année 2014 ; autrement, il se murmure également que Robert Hampson participerait à la tournée célébrant le vingtième anniversaire de la parution de l’album Pure de Godflesh… en effet Hampson a joué sur ce disque aux cotés de Justin Broadrick et GC Green et avait même tourné avec eux à l’époque.

[Ablation est publié en CD et LP par les Editions Mego – le label de Peter Rehberg semble bien être devenu la nouvelle maison de Robert Hampson/Main]

vendredi 21 juin 2013

Melvins / Everybody Loves Sausages




Tout le monde ou presque aime les MELVINS. Pourtant ça fait un petit paquet de temps que le groupe de King Buzzo et de Dale Crover sort des disques de merde – OK, relativisons un peu : cela fait un petit paquet de temps que le groupe de King Buzzo et de Dale Crover sort des disques au mieux décevants et au pire complètement merdiques. Mais, donc, cela n’empêche pas d’aimer les Melvins, au moins pour ce que ces gars là ont accompli précédemment (Ozma/Bullhead/Eggnog/Lysol/Houdini/Stoner Witch) alors vivons dans le passé, prenons un bain de jouvence de temps à autre et jetons une oreille sur tout nouveau disque qui paraitra en provenance de cette bande de vieux dégénérés. Une sorte de contrôle technique.
Everybody Loves Sausages est un album entier de reprises avec un invité différent sur presque chaque titre. Ce n’est pas la première fois que les Melvins s’essaient à cet exercice périlleux, leur discographie dégueulant d’hommages en tous genres. Ce n’est pas non plus la première fois que les Melvins enregistrent un disque entier avec un ou des invités différents sur la plupart des titres (l’album Cry Baby en 2000, lequel justement comportait également un nombre non négligeable de reprises). On se demande très sérieusement ce que les Melvins vont nous inventer après comme concept, peut-être un disque entier avec un ensemble de cordes ou carrément un orchestre symphonique comme l’ont fait Metallica ou Kiss*.
Comme tous les albums de reprises ou presque** Everybody Loves Sausages est un disque très inégal (sûrement) et inutile (complètement). L’appréciation de celui-ci dépend de trois facteurs aussi basiques qu’essentiels : premièrement le choix des reprises proprement dites ; deuxièmement ce qu’arrive à en faire le groupe ; troisièmement la tronche de chaque invité surprise. Prenons un exemple purement au hasard avec, en quatrième position, Station To Station, un titre de David Bowie. Ici on déteste viscéralement Bowie et on déteste cette chanson. Un mauvais point mais qu’importe : c’est JG Thirlwell qui s’y colle au chant – ça par contre, ça fait un bon point parce qu’on vénère ce type – mais le résultat est très décevant (Thirlwell avait déjà collaboré avec les Melvins sur l’album Cry Baby et le résultat était autrement meilleur). Résultat : peut mieux faire.
Un autre exemple ? C’est un certain Caleb Benjamin du groupe Tweak Bird (?) qui chante sur Best Friend, une composition de Queen. Un double zéro pointé. Autant pour cet invité mystère dont la prestation est imbitable que pour le choix de la chanson et du groupe repris. La reprise d’Attitude des Kinks avec Clem Burke (Blondie) à la batterie est également particulièrement horrible. Ceux qui s’en sortent le mieux ici sont Scott Kelly de Neurosis pour une version décidemment trop fidèle du Warhead de Venom, Jello Biafra avec le pourtant périlleux In Every Dream Home A Heartache de Roxy Music, Tom Hazelmyer punkisant le Art School de The Jam et – cela ne surprendra personne – Mark Arm de Mudhoney sur le Set In On Fire des Scientists. Le pire reste Heathen Earth de Throbbing Gristle, placé en fin de tracklisting comme le vulgaire remplissage en forme d’étron sonore qu’il est et bidouillé par le seul Buzz Osbourne.
On ne perdra pas son temps à passer ici tous les titres en revue pour conclure que le seul intérêt de Everybody Loves Sausages est de confirmer que les Melvins, comme tout le monde, enfin tous les gens qui apprécient la musique, écoutent ou ont écouté des quantités de disques différents et que, ouh lalala, la vie des bêtes c’est formidable et vraiment passionnant. Rien à foutre, donc. Reste les quatre ou cinq titres cités plus haut et qui méritent de rester au chaud dans une machine à mp3 pour en être ressortis à chaque fois que l’on aura envie de rire. C’est déjà pas si mal.

[Everybody Loves Sausages est publié en CD pas Ipecac]

* tiens, cadeau : une version magnifiquement horrible de Going Blind, un titre que les Melvins ont d’ailleurs repris sur leur album Houdini
** on sauvera comme d’habitude le Kicking Against The Pricks de Nick Cave & The Bad Seed – à noter qu’en face B de The Singer, single accompagnant cet album de Nick Cave, on trouvait une excellente version de Black Betty, un vieux standard également repris par les Melvins sur Everybody Loves Sausages

jeudi 20 juin 2013

Death Engine / Amen




Chose promise, chose due : après avoir découvert et aimé DEATH ENGINE en concert, passage obligé par la case chronique de disque. Celui de Death Engine s’intitule Amen, quatre titres d’un hardcore noise viscéral et malsain qui se détache largement du lot des productions actuelles en matière de musique tendance noise rock, metal et affiliées, etc. Arrivé à ce simple constat, il semble cependant assez difficile d’en dire beaucoup plus, du moins il semble difficile d’évoquer autres choses que ce qui avait déjà époustouflé lors d’une prestation live pas loin d’être démoniaque quoi qu’également un peu trop courte.
Amen mérite pourtant que l’on s’y arrête largement. Et après avoir fait quelques efforts pour tenter d’oublier artificiellement toute la furie Death Engine en concert – ce guitariste/chanteur qui se plie en deux comme un Incube maléfique, cette section rythmique qui ne laisse rien au hasard – il est temps de réécouter Amen et de se prendre une deuxième bonne grosse baffe dans la gueule.
Décidemment le côté grésillant et malsain de Death Engine est l’inévitable et l’indéfectible marque de fabrique du groupe : sa musique, compacte et resserrée, donnant l’impression de se démultiplier en une myriade d’impacts mortels – l’effet d’une bombe à fragmentation. Derrière le tribalisme de Death Engine – les mouvements circulaires de Gun qui malgré son titre ressemblerait plus à une grand faucheuse – on trouve également cette densité lente et lourde qui prédomine chez certains groupes de post hardcore. Dans le cas de Death Engine il faut prendre cela pour un vrai compliment.
Death Engine brouille donc les pistes, piochant ça et là pour une inspiration sans failles et un désir de violence musicale toujours renouvelée, la violence étant définitivement le principal dénominateur commun des quatre compositions de Amen – un disque un peu court lui aussi mais qui finalement se suffit à lui-même, plus d’attaques répétées et plus d’outrages sonores auraient peut-être fini par tourner en rond. On ne regrette donc rien. Et de toute façon on est déjà mort.

[Amen est publié en vinyle sous la forme d’un 10’ par Basement Apes industries, North Cult records et Throatruiner records – il existe également une jolie version CD fait maison disponible auprès du groupe]

mercredi 19 juin 2013

Report : Deux Boules Vanille et Marvin au Périscope - 14/06/2013




Est-il possible de passer plusieurs mois voire plusieurs années d’une existence misérable et morne sans assister à un seul concert de Marvin ? La réponse est oui. Parce que, si ma mémoire est bonne, la dernière fois que j’ai vu le trio montpelliérain sur une scène, c’était il y a à peu près deux ans, exactement au même endroit que ce soir, c'est-à-dire au Périscope et dans le cadre de la troisième édition du Festival Expérience(s)*.
Je sais : il n’y a sans doute pas de quoi en être fier, surtout que ces deux dernières années les trois Marvin ont joué plus d’une fois à Lyon, que ce soit dans le cadre de la Colonie de Vacances avec leurs petits camarades d’Electric Electric, Papier Tigre et Pneu ou tout seuls comme des grands. Alors pourquoi y aller cette fois-ci ? Parce que j’ai rien d’autre à foutre ? Parce que les enfants sont chez leurs grands-parents ? Parce que je n’ai pas de concert de noise rock obscurantiste dans une cave humide d’un bar de la Croix Rousse à me mettre sous la dent ? Parce que ça y est, je suis réellement en manque de soleil ? Parce que c’est Active Disorder qui organise le concert et qu’ils ont besoin de sous et de soutien ? Parce que Barry, le troisième album de Marvin, pourrait bien être l’un des disques de 2013 ? Parce que Marvin est tout simplement l’un des meilleurs groupes de scène vus ces dernières années ? Parce que… Ah, mais ta gueule !




MARVIN, donc. Le Périscope est plein à craquer, dehors quelqu’un a écrit sur  un panneau que le concert est complet et on peut déjà prévoir que la salle va irrémédiablement se transformer en fournaise hawaïenne. En tous les cas les Marvin font absolument tout pour, démarrant le concert de la même façon que leur dernier album par un Tempo Fighting endiablé et surpuissant. Le ton est donné et le groupe va logiquement largement privilégier Barry dont les compositions – ce n’est qu’une confirmation parce qu’on s’en doutait déjà fortement – explosent en concert. Les petits doigts d’Emilie font crépiter les synthés, Fred à la guitare est plus hallucinant que jamais et Greg Marvin maintient une cadence infernale.
Le groupe est à la fois irrésistible, Marvin c’est une vraie machine à musique, et en même temps détendu, plein de sourires et débordant de ce plaisir évident de jouer et de faire partager sa musique. C’est peut-être là que ça ne tourne pas tout à fait rond parce que qui dit concert à Lyon dit public de lyonnais psychorigides aux entournures et mis à part des têtes qui dodelinent sagement en rythme et les applaudissements rituels entre chaque titre, l’ardeur générale est pour l’instant aussi mesurée qu’à une convention de prothésistes dentaires.
Mais les trois Marvin persévèrent, ils ont l’habitude, ils transpirent sang et eau, glissent quelques titres plus anciens au milieu des nouveaux – comme ce Roquedur bien charnu qui décidément est devenu un incontournable voire un classique absolu du groupe – et peu à peu la tension monte malgré tout côté public, tout comme l’atmosphère du Périscope qui devient presque insoutenable de chaleur.




Il va finir par se réveiller ce public et lorsqu’il se réveille enfin il ne fait pas semblant non plus, surtout lorsqu’il comprend que les Marvin ne vont pas trop tarder à arriver au bout de leur set et vont bientôt attaquer les rappels. Lesquels vont se révéler à la hauteur de ses espérances avec, en premier lieu, la quasi traditionnelle reprise de Girl U Want de Devo – Eric Aldea de Zëro, pourtant présent dans la salle mais mystérieusement sourd aux appels d’Emilie, n’est malheureusement pas monté sur scène pour rejoindre Marvin comme il le fait parfois – puis deux tubes toujours indéboulonnables du premier album.
Le reflexe est alors quasiment pavlovien : ça bouge, ça gigote voire même ça danse et ça se bouscule dans le pit (!) mais, je vais être fidèle à ma réputation de vieux pisse-froid, j’ai tendance à penser que pour Marvin cela risque de finir par être usant et peut-être même frustrant d’avoir un public qui attend un Discose pour s’agiter enfin et en réclamer toujours plus. Ce n’est pas comme si le trio n’avait pas composé depuis son premier album d’autres titres à la hauteur de ses vieux tubes… Mais ce n’est qu’un détail et ce ne sont peut-être que les règles du jeu qui veulent ça. Mais je les déteste ces règles là.
On est donc pas loin de l’euphorie généralisée, tonnerres d’applaudissements et de cris, Greg Marvin s’étale de tout son long derrière sa batterie pour souffler un peu, il n’en peut visiblement plus de toute cette chaleur mais le public crie encore et toujours pour avoir du rab, un bonus qu’il obtiendra malgré tout, bonheur. Marvin peut se vanter de réveiller même les publics les plus difficiles. Et quant à moi je n’attendrai plus deux ans pour revoir le groupe en concert (enfin, je l’espère)**.




Avant le service trois pièces assuré par Marvin, on a eu droit à une entrée de choix avec DEUX BOULES VANILLE. Oui, c’est bien le nom du groupe et Deux Boules Vanille c’est plus exactement un duo de batteurs qui jouent la complémentarité ultra rythmique et la tropicalité tribale tout en déclenchant des sons électro tendance bontempi cheap/nitendo caribéen à chaque fois qu’ils tapent sur une caisse claire, une grosse caisse ou un tom. Un petit quelque chose d’Andrew Duracell dans le principe  mais seulement dans le principe.
Deux Boules Vanille fonctionne donc essentiellement à l’énergie ensoleillée et au fun – je crois que c’est la première fois que j’écris ce mot dans un sens positif – mais tient aussi du spectacle vivant (le coup de deux batteurs qui portent tous les deux un marcel pour épaules carrées, ça ne pouvait effectivement que fonctionner) et le duo est aussi malin que ludique mais également aussi enjoué et déluré qu’un hippie post moderne sous speed. Deux Boules Vanille c’est exactement le genre de groupe qu’il faut pour bien commencer une soirée***.

[quelques photos du concert par ici]

* rappelons d’ailleurs à l’attention des lyonnais que la cinquième édition de ce festival commence dès demain, jeudi 20 juin
** pour se tenir au courant des prochaines dates de Marvin, une petite visite chez les Tonton Tourneurs s’impose
*** après les concerts ce fut mégateuf au Périscope mais comme d'habitude je suis parti bien avant, comme un voleur

mardi 18 juin 2013

Altar Of Plagues / Teethed Glory And Injury




Jusqu’ici on n’éprouvait qu’une relative bienveillance à l’égard d’ALTAR OF PLAGUES – « relative » parce que l’on a toujours trouvé les disques de ce groupe irlandais un peu inégaux et parfois même longuets (l’album White Tomb en 2009 par exemple). Avec Teethed Glory And Injury, troisième véritable album d’Altar Of Plagues, il va falloir réviser ce jugement et changer son fusil d’épaule (et, puisque on parle de fusil, autant le braquer directement sur la tête de ces mecs là et de la leur exploser dans la foulée, ce sera leur ultime contribution au monde de l’art, en forme de fleur de cervelle éclatée).
Bon, reprenons les choses depuis le début : Altar Of Plagues est le spécialiste du cul entre deux chaises, n’étant pas vraiment un groupe de black metal mais n’étant pas non plus un groupe de post hardcore. Un grand écart qui allait bien au groupe, capable de cavalcades maléfiques ou de véritables envolées lyriques comme de séances de laminage répétitif. En résumé, un bon petit groupe honnêtement compétant pour nous sortir à l’occasion de très bonnes choses question metal obscurantiste mais pas trop et s’essayant au fil de ses enregistrements à toujours plus de sophistication sans pour autant perdre de son mordant.
L’écoute de Teethed Glory And Injury, album aussi prétentieux que boursouflé et parfaitement risible, confirme qu’Altar Of Plagues persiste dans la voie de la sophistication, laquelle atteint désormais un niveau propre à faire passer le Aesthetica de Liturgy pour du true black norvégien. Ici chez 666rpm on n’a absolument rien contre l’art moderne, les expérimentations, les fantaisies venues d’un autre monde, les coquetteries passagères, les enculades arty, l’outrecuidance inconsciente et même les coups de tête de génie mais Altar Of Plagues s’est complètement fourvoyé avec un enregistrement gavé d’effets électro (au début du disque on peut clairement se demander si on n’est pas en train d’écouter un disque de la clique Raster-Noton en version karaoke metal), ravalé en surface par une production tape-à-l’œil d’un kitsch insupportable – mais arrêtez avec ces putains de bidouilles électro et ces nappes de synthés ! –, constellé de passages atmosphériques dont même un groupe de prog n’aurait pas voulu et avec tout du long un chant horripilant au possible et surtout beaucoup trop en avant. Un disque qui arrive même à dépasser le niveau de mauvais goût absolu et instantanément ringard que les plus affreux des groupes de metal industriel du siècle dernier avaient érigé en art de vivre. Oui, tout ça.
Se renouveler c’est bien mais pas toujours. Et presque jamais en ce qui concerne les groupes de metal. Altar Of Plagues semble n’avoir ô grand jamais eu vent de cette incontournable et funeste vérité, préférant se vautrer dans la plus absconse des prétentions, peut-être aveuglé par des visions célestes, au lieu de creuser son petit sillon à lui (sillon qui, à la réécoute des albums et autres précédents EP du groupe, n’était définitivement pas si mal que ça). Triste époque et au bucher, les vanités !

[Teethed Glory And Injury est publié par Candlelight records et Profound Lore records – n’hésitez surtout pas à économiser votre argent]

lundi 17 juin 2013

Staer / Daughters




Le grand retour de STAER. Un peu paresseusement, je m’apprêtais purement et simplement à renvoyer l’auditeur (et lecteur plus ou moins assidu de 666rpm/Heavy Mental) en direction de la chronique du premier album de ce trio norvégien. Mais cela aurait guère été généreux de ma part. Je concèderai peut-être qu’entre le premier album sans titre de Staer et le deuxième, mystérieusement nommé Daughters, il n’y a pas ce gouffre abyssal qui s’était ouvert sous nos pieds à la découverte du premier des deux, un gouffre insondable d’où s’échappaient des secousses telluriques et über-soniques comme on n’en avait plus entendues depuis trop longtemps, mais il serait injuste d’uniquement réduire Daughters, album marquant s’il en est, à l’aune de son déjà formidable prédécesseur.
Evidemment que dans le principe la musique de Staer n’a pas beaucoup changé – et c’est tant mieux. Mais on notera surtout que le groupe, tout en puisant dans ce qu’il a déjà magistralement accompli, est allé encore plus loin que précédemment. Comprenez bien que Daughters est un album encore plus fou, plus malade, plus tordu, plus bruyant et plus sismique que jamais ; mais il s’agit également d’un disque en apparence encore plus pensé, maîtrisé et – quelque part – de tout simplement démoniaque. S’il n’y a donc qu’un seul reproche à faire à Daughters, il est extrêmement infime : avec ce deuxième album l’auditeur marche en terrain connu. Mais pas pour très longtemps car ce terrain là est constellé de sables mouvants et de passages souterrains qui s’ouvrent sous ses pieds au fur et à mesure qu’il progresse au milieu d’une jungle sonore peuplée de grincements de machines infernales, de cris de monstres malades, de grondements de roches calcinées, de saturations métalliques et de plaintes innommables.
Car il ne se passe que peu de temps avant que l’on ne se rende compte que les trois Staer ont surtout accompli d’immenses progrès : le son de Daughters est encore meilleur (pourtant il s’agit toujours d’un enregistrement en prise directe), mélange de rudesse industrielle et de hurlements organiques ; puis le groupe nous enfonce des clous toujours plus loin dans le crâne et les constructions multi-sphériques de ses compositions atteignent des niveaux de complexité au départ insoupçonnés. La musique de Staer est en même temps extrêmement mouvante mais stable, changeante mais inexorable, globale – presque totalitaire – mais assoiffée de particularisme et  attaquant les sens de l’auditeur par l’intérieur comme par l’extérieur : avec Daughters vous vous retrouvez à la fois au cœur d’une musique qui vous enferme pour mieux vous emporter et à la fois complètement désarmé, comme foulé, laminé par une énorme grosse boule métallique changeant constamment de forme, de consistance voire de température et marquant de façons multiples et sans cesse renouvelées les chairs de ceux qui osent l’affronter.
On remarquera également les interventions à plusieurs moments clefs de Daughters du saxophoniste Kjetil Møster (Ultralyd), ce qui constitue une filiation assez claire et évidente entre Staer et la scène bruitiste/extrême – et non métalleuse – norvégienne (Ultralyd, donc, mais aussi Noxagt et MoHa!), scène dont Staer est actuellement l’ultime représentant et le dernier enfant légitime. Mais on citera également les groupes anglais qui ont secoué le monde durant les années 90 : des groupes tels que Ice/God – écoutez bien cette basse ! – mais aussi Terminal Cheesecake ou Skullflower pour le côté psychédélique maladif car déformé aux métaux lourds. Tout un tas de références qui inscrivent définitivement Staer parmi les grands groupes actuels en matière de musique apocalyptique d’autant plus, encore une fois, que Staer reste Staer c’est-à-dire un groupe qui en 2013 propose une musique aussi intransigeante que personnelle, insondable que magnétique, complètement  folle et littéralement mortelle.

[Daughters est publié en vinyle uniquement par Gaffer records – l’artwork du disque, des peintures signées Urd J. Pedersen, est absolument splendide avec une pochette transparente qui se superpose à la pochette cartonnée et donne également un effet mouvant fascinant]

dimanche 16 juin 2013

Comme à la télé : Jesus Lizard




Après avoir, il y a plus d’une année, gentiment chroniqué Club, double témoignage de la reformation de Jesus Lizard en 2009, attardons-nous un peu sur les images en elles-mêmes puisque il y a toujours des petits rigolos qui s’amusent à mettre en ligne sur le net des vidéos et des sons sur lesquels ils n’ont aucun droit (tout comme il y a aussi d’autres petits rigolos qui se plaisent à relayer l’information).

Voici donc l’intégralité de Club soit une heure et quart de concert en forme de best of absolu avec en prime un chouette concours de blagues débiles de la part de David Yow.



Rien à ajouter, hein.

(mais quand même : en 2013 il y a Buildings, Hawks, STNNNG, Baxter Stockman et sûrement quelques autres groupes qui en valent vraiment la peine alors faites un effort, allez voir ailleurs…)