Est-il possible de passer plusieurs mois voire
plusieurs années d’une existence misérable et morne sans assister à un seul
concert de Marvin ? La réponse est oui. Parce que, si ma mémoire est
bonne, la dernière fois que j’ai vu le trio montpelliérain sur une scène,
c’était il y a à peu près deux ans, exactement au même endroit que ce soir,
c'est-à-dire au Périscope et dans
le cadre de la troisième édition du Festival Expérience(s)*.
Je sais : il n’y a sans doute pas de quoi en
être fier, surtout que ces deux dernières années les trois Marvin ont joué plus
d’une fois à Lyon, que ce soit dans le cadre de la Colonie de Vacances avec leurs
petits camarades d’Electric Electric, Papier Tigre et Pneu ou tout seuls comme
des grands. Alors pourquoi y aller cette fois-ci ? Parce que j’ai rien
d’autre à foutre ? Parce que les enfants sont chez leurs grands-parents ?
Parce que je n’ai pas de concert de noise rock obscurantiste dans une cave
humide d’un bar de la Croix Rousse à me mettre sous la dent ? Parce que ça
y est, je suis réellement en manque de soleil ? Parce que c’est Active Disorder qui organise le
concert et qu’ils ont besoin de sous et de soutien ? Parce que Barry, le troisième album de Marvin, pourrait bien être l’un
des disques de 2013 ? Parce que Marvin est tout simplement l’un des
meilleurs groupes de scène vus ces dernières années ? Parce que… Ah, mais
ta gueule !
MARVIN, donc. Le Périscope est plein à craquer, dehors quelqu’un a écrit sur un panneau que le concert est complet et on peut déjà prévoir que la salle va irrémédiablement se transformer en fournaise hawaïenne. En tous les cas les Marvin font absolument tout pour, démarrant le concert de la même façon que leur dernier album par un Tempo Fighting endiablé et surpuissant. Le ton est donné et le groupe va logiquement largement privilégier Barry dont les compositions – ce n’est qu’une confirmation parce qu’on s’en doutait déjà fortement – explosent en concert. Les petits doigts d’Emilie font crépiter les synthés, Fred à la guitare est plus hallucinant que jamais et Greg Marvin maintient une cadence infernale.
Le groupe est à la fois irrésistible, Marvin
c’est une vraie machine à musique, et en même temps détendu, plein de sourires
et débordant de ce plaisir évident de jouer et de faire partager sa musique.
C’est peut-être là que ça ne tourne pas tout à fait rond parce que qui dit concert
à Lyon dit public de lyonnais psychorigides aux entournures et mis à part des
têtes qui dodelinent sagement en rythme et les applaudissements rituels entre
chaque titre, l’ardeur générale est pour l’instant aussi mesurée qu’à une
convention de prothésistes dentaires.
Mais les trois Marvin persévèrent, ils ont l’habitude,
ils transpirent sang et eau, glissent quelques titres plus anciens au milieu des
nouveaux – comme ce Roquedur bien charnu qui décidément est devenu un incontournable voire un classique absolu du groupe – et
peu à peu la tension monte malgré tout côté public, tout comme l’atmosphère du Périscope qui
devient presque insoutenable de chaleur.
Il va finir par se réveiller ce public et
lorsqu’il se réveille enfin il ne fait pas semblant non plus, surtout lorsqu’il
comprend que les Marvin ne vont pas trop tarder à arriver au bout de leur set
et vont bientôt attaquer les rappels. Lesquels vont se révéler à la hauteur
de ses espérances avec, en premier lieu, la quasi traditionnelle reprise de Girl U Want de Devo – Eric Aldea de Zëro, pourtant présent dans la
salle mais mystérieusement sourd aux appels d’Emilie, n’est malheureusement pas
monté sur scène pour rejoindre Marvin comme il le fait parfois – puis deux tubes toujours indéboulonnables du premier album.
Le reflexe est alors quasiment pavlovien : ça
bouge, ça gigote voire même ça danse et ça se bouscule dans le pit (!)
mais, je vais être fidèle à ma réputation de vieux pisse-froid, j’ai tendance à
penser que pour Marvin cela risque de finir par être usant et peut-être même frustrant
d’avoir un public qui attend un Discose
pour s’agiter enfin et en réclamer toujours plus. Ce n’est pas comme si le trio
n’avait pas composé depuis son premier album d’autres titres à la hauteur de ses vieux
tubes… Mais ce n’est qu’un détail et ce ne sont peut-être que les règles du jeu
qui veulent ça. Mais je les déteste ces règles là.
On est donc pas loin de l’euphorie généralisée, tonnerres
d’applaudissements et de cris, Greg Marvin s’étale de tout son long derrière sa
batterie pour souffler un peu, il n’en peut visiblement plus de toute cette
chaleur mais le public crie encore et toujours pour avoir du rab, un bonus qu’il
obtiendra malgré tout, bonheur. Marvin peut se vanter de réveiller même les
publics les plus difficiles. Et quant à moi je n’attendrai plus deux ans pour
revoir le groupe en concert (enfin, je l’espère)**.
Avant le service trois pièces assuré par Marvin,
on a eu droit à une entrée de choix avec DEUX BOULES VANILLE. Oui, c’est bien
le nom du groupe et Deux Boules Vanille c’est plus exactement un duo de
batteurs qui jouent la complémentarité ultra rythmique et la tropicalité tribale
tout en déclenchant des sons électro tendance bontempi cheap/nitendo caribéen à
chaque fois qu’ils tapent sur une caisse claire, une grosse caisse ou un tom.
Un petit quelque chose d’Andrew Duracell dans le principe mais seulement dans le principe.
Deux Boules Vanille fonctionne donc essentiellement
à l’énergie ensoleillée et au fun – je crois que c’est la première fois que
j’écris ce mot dans un sens positif – mais tient aussi du spectacle vivant (le
coup de deux batteurs qui portent tous les deux un marcel pour épaules carrées,
ça ne pouvait effectivement que fonctionner) et le duo est aussi malin que ludique mais également aussi enjoué et déluré qu’un hippie post moderne sous speed. Deux Boules Vanille c’est exactement le genre de groupe qu’il faut pour bien commencer une soirée***.
[quelques photos du concert par ici]
* rappelons d’ailleurs à l’attention des lyonnais que
la cinquième édition de ce festival commence dès demain, jeudi 20 juin
** pour se tenir au courant des prochaines dates de Marvin, une petite visite chez les Tonton Tourneurs s’impose
** pour se tenir au courant des prochaines dates de Marvin, une petite visite chez les Tonton Tourneurs s’impose
*** après les concerts ce fut mégateuf au Périscope mais comme d'habitude je suis parti bien avant, comme un voleur