Quelle idée complètement absurde. Mais quelle très bonne
idée également. Un peu plus d’an et demi après la release party du split Sofy Major/Membranes, retour à Clermont-Ferrand et au Raymond Bar pour assister à celle d’Idolize, deuxième – et formidable
– album de ces mêmes Sofy Major. Comme si il n’y avait pas assez de bons
concerts à Lyon. Et comme si Sofy Major n’allait pas revenir y jouer au mois
d’octobre prochain dans le cadre de la tournée commune du groupe avec les
américains de Pigs
(moi je dis ça, je dis rien).
Mes petits camarades et moi, on arrive évidemment
un peu en retard parce que le camion a eu un peu de mal à se frayer un chemin
entre les embouteillages traditionnels d’un vendredi soir lyonnais et le temps
pourri sur l’autoroute des vacances mais on débarque déjà joyeusement mis en
train par la consommation de quelques bières la perspective d’une bonne
soirée défouloir. On prend le temps de dire bonjour, de pratiquer quelques mondanités
(évidemment mon sport préféré), de reconnaitre au passage quelques personnes
déjà croisées ici où là mais aussi de se faire alpaguer par d’autres – je
résume : il y a ceux qui me disent m’avoir reconnu parce que j’ai une
tête de vieux d’ancien, il y a ceux à qui j’ai déjà beaucoup parlé lors
d’une précédente occasion mais dont je ne me rappelle pas (désolé…), il y a
ceux que j’appelle Mike au lieu de Max (toutes mes excuses, vraiment), il y a
ceux qui veulent me donner un disque (merci !) et il y a ceux qui trouvent
que j’ai une tête à aimer le whisky tourbé et veulent immédiatement me payer un
godet. Décidemment.
On m’avait induit en erreur en m’affirmant que le
premier groupe de la soirée, les locaux de HIGH COMMAND, était un groupe de
reprises. La courte setlist
du groupe laisse c’est vrai planer un doute certain en étalant noms de groupes
ultras connus et méga référencés ou divers styles musicaux. Donc je ne
m’attends à rien de précis lorsque je vois débarquer un grand barbu avec un
budget tatouages homologué par le FMI et doté d’une voix de stentor des
cavernes qui donne des frissons de terreur.
High Command c’est de l’efficacité avant tout et,
même si la setlist pourrait effectivement faire croire que le groupe va plus ou
moins changer de style d’une composition à l’autre, il n’y a rien à redire
devant une machine de guerre impeccable qui ne dévie pas et servie par un son dantesque
qui laisse entendre chaque instrument très distinctement. Il y a du boulot
derrière tout ça, même si le guitariste/chanteur/ostrogoth s’excuse en
expliquant que High Command ne va jouer que cinq titres parce que le groupe
vient à peine d’être réactivé.
Je ne connais pas la scène clermontoise donc je ne
connais pas le pedigree de High Command mais un informateur bien intentionné
m’a par contre appris que le chevelu/barbu déjà maintes fois cité plus haut jouait
il y a quelques années avec le guitariste de Sofy Major dans un groupe de punk
rock terriblement classe et défourailleur et surtout expert en riffs qui tuent.
Et ça je veux bien le croire tant ce type – qui malgré ses airs de métallurgiste
porte un magnifique t-shirt Joy Division – et ses petits camarades distillent
du riff saignant et de la mitraille rythmique par paquet de douze. Une bonne
entrée en matière que ce concert, même si High Command souffre quand même du
syndrome du groupe qui veut trop bien faire : le facteur humain, l’imprévu du live, la
bourrinade qui se vautre dans la boue qui suinte, c’est bien aussi.
Les PORD jouent
ensuite. J’ai recompté exprès pour l’occasion : c’est aujourd’hui la huitième
fois que je croise le chemin du groupe depuis ce premier concert en novembre
2010 dans la cave du Trokson, à Lyon. Cela fait une bonne moyenne de deux à
trois concerts de Pord par an, une moyenne qui je l’espère ne tombera pas. J’ai
sans doute également déjà tout dit et tout écrit de ce que je pensais de ces
trois gars qui défoncent tout avec un hardcore noise terriblement bien mené et
définitivement destructeur. Et je m’apprête à recommencer à nouveau.
Mais, pour la première fois, j’ai aussi vu les
Pord s’engueuler un peu sur scène après avoir failli mettre dans le fossé, ô
sacrilège, le grand final de Brenda’s Sheets,
un titre de leur répertoire que j’aime particulièrement (ça ce n’est pas une
révélation, loin de là). Rien de méchant, juste un très bref échange de propos
et le groupe qui redémarre aussitôt parce que les gens dans le public en
veulent encore – ils obtiendront même un rappel, une reprise des Killmen.
Voilà exactement ce que j’attends d’un groupe en
concert, pas que ses membres se prennent la tête, non, loin de là, mais qu’ils
sachent que rien n’est jamais totalement parfait et qu’un concert c’est uniquement
de la musique à un moment précis et à un endroit précis. Rien d’autre. Malgré
le dérapage, elle était finalement vraiment très bien cette version de Brenda’s Sheets, tout simplement parce
qu’elle puait vraiment la vie, la sueur et la volonté d’y arriver. Je crois que
je n’aimerais pas autant les Pord si le groupe balançait à chaque fois le même
concert ultra parfait et stéréotypé et tant mieux s’ils se plantent de temps à
autre. Et tant mieux également si cela leur permet aussi de savoir où ils en
sont et où ils veulent aller. Les gars, rendez-vous avant la fin de
l’année !
Les voilà les héros de la soirée. Les SOFY MAJOR jouent dans le plus simple
appareil – ça veut dire qu’ils ont mis les stroboscopes et autres lumières
tapageuses de côté – et délivrent sans fioriture un set constellé des tubes extraits
du dernier-né Idolize mais jouent également
quelques vieilleries incontournables qui font immédiatement chavirer les cœurs
dans le public massé devant la scène (et je ne doute pas que ce même public
réagira encore mieux dans quelques mois aux titres d’Idolize, lorsqu’il les connaitra vraiment sur le bout des doigts).
Il est d’ailleurs vraiment chaud ce public, il devient
complètement furieux, bouge dans tous les sens, saute en l’air, attrape
régulièrement une victime innocente pour la propulser contre le plafond
vraiment bas du Raymond Bar et le concert tourne rapidement à la grosse
ambiance foutraque. Ce qui ne signifie pas non plus que Sofy Major se contente
de balancer dans le néant des incitations à une bonne beuverie ultrasonique. Au
contraire – et on peut faire le parallèle avec les quelques évolutions déjà constatées
sur Idolize – le groupe prend
également la peine d’assoir son côté plus mélodique, notamment et c’est
nouveau, avec les chœurs assurés par un batteur qui s’en sort vraiment très
bien.
Sofy Major se taille aisément la part du lion,
mettant tout le monde d’accord avec toute cette débauche d’énergie au service
d’une musique toujours plus ambitieuse. Là aussi le public réclame un rappel et
ce sera le poisseux et psychotique Meurtre
à Lezoux avec son riff d’intro pesant comme la mort. Un de mes titres
préférés du groupe alors que demander de plus ?
Et bien le plus ce sera donc une fin de soirée
joyeusement chaotique, des considérations musicales en tous genres, une
invitation à boire du whisky bien tourbé (donc), sûrement quelques trous de
mémoires (toutes mes excuses par avance à tous ceux que je ne reconnaitrai à
nouveau pas la prochaine fois que je les croiserai) et la recherche désespérée
d’un duvet de secours pour finalement dormir tout habillé sur un vieux matelas
– le bonheur pour de vrai ou quelque chose qui s’en rapproche dangereusement. Les
photos du concert sont à l’endroit habituel.