On a déjà parlé de JOE 4 à propos du précédent (et
premier) disque de ce trio originaire de Zagreb : le plutôt réussi Enola Gay. Une chronique qui se
terminait par une sorte de souhait, celui de voir Joe 4 un jour en concert tant
on pensait – et on le pense toujours – que c’est devant un public que le groupe
doit réellement donner toute sa (dé)mesure. Et là, c’est le miracle : on annonce
une tournée européenne de Joe 4 pour le mois d’octobre 2012 avec un passage à
Lyon le 4… Si vous n’avez pas lu le report enflammé de cette soirée sur 666rpm
ce n’est pas parce que ce concert était nul mais parce que Joe 4 a du annuler à
la dernière minute une bonne partie de sa tournée. Déception.
Quoi qu'il en soit, si les croates avaient prévu
de tourner à l’automne dernier, c’est tout simplement parce qu’ils avaient un
nouveau disque à défendre, leur première album, intitulé Negov Sin. Celui-ci a mis un peu de temps à arriver jusqu’ici mais,
vu la qualité de la chose, il n’y a aucune raison pour que l’on n’en parle pas
maintenant, plus de six mois après la bataille.
La musique de Joe 4 a guère évolué depuis Enola Gay : le groupe est toujours
adepte de ce Chicago sound 90’s shellac-quien qui pète sec et déchire
impitoyablement. Mieux : Joe 4 a parcouru quelques centaines de kilomètres
et traversé la mer adriatique pour se retrouver aux Oxygen Recording Studios en
Italie (plus précisément à Turin) pour y rencontrer Steve Albini et y
enregistrer Njegov Sin en sa
compagnie (sur du matériel entièrement analogique, bien sûr). Inutile de
préciser que ce disque possède donc toutes les caractéristiques ou presque du
son Albini/Shellac, d’autant plus qu’il a été masterisé par Bob Weston (à
Chicago, cette fois). Le groupe précise néanmoins sur la pochette de Njegov Sin que « Steve Albini
played Scrabble on Facebook almost the entire time we were recording. We don't
know if he remembers what our album sounds like » et personnellement cela me
fait mourir de rire (une autre blague pour la route ? « cover art by
a guy with a PC »).
Mais tout ça ce ne sont que des détails. Reste à
parler de la musique et celle de Joe 4 est un beau concentré de noise-rock avec
tout ce qu’il faut là où il faut. On note même un net sursaut qualitatif niveau
composition – riffs plus tranchants que jamais et lignes de basse ultra
percutantes – et Joe 4 peut s’enorgueillir d’avoir enregistré, avec ou sans Albini
on s’en fout finalement, un album qui pète le feu et qui vous écharpe les
oreilles. Un peu comme l’illustration de la pochette détournée d’une peinture de Goya, sauf qu’une tête de sanglier a ici été rajoutée (?),
sûrement pour souligner le côté encore plus bestial de la chose. Oui ça saigne
méchamment sur Njegov Sin et surtout
ça saigne abondamment. Joe 4 est un groupe à prendre très largement en
considération dans les petites sphères du noise-rock.
Un dernier point – mais il est important –
concerne le chant. Avant ils étaient quatre dans Joe 4 : c’est le chanteur
qui est parti, le rôle étant apparemment repris pas le guitariste. Aucune
importance ? Et bien si. Sur Enola
Gay les paroles était en anglais. Sur Njegov
Sin ça braille quasiment tout le temps en croate, une langue âpre et
râpeuse qui convient parfaitement au style de musique de Joe 4, d’autant plus
que ce chant est systématiquement légèrement saturé. D’habitude le chant non-anglophone,
c’est plutôt gênant en matière de musiques qui débourrent et/ou qui font mal –
prenez un groupe de noise qui chante en français ou (pire) en italien ou en
espagnol : c’est, à quelques exceptions près, tout de suite ridicule –
mais dans le cas de la langue croate, Le résultat est pas loin d’être
formidable en plus d’être inattendu (et jusqu’ici jamais entendu). Bravo.
[Njegov Sin est publié
en vinyle par trois label : l’allemand Fidel Bastro, le croate Geenger records
et le français Whosbrain records
qui avait déjà publié le EP Enola Gay]