mardi 25 juin 2013

Joe 4 / Njegov Sin


On a déjà parlé de JOE 4 à propos du précédent (et premier) disque de ce trio originaire de Zagreb : le plutôt réussi Enola Gay. Une chronique qui se terminait par une sorte de souhait, celui de voir Joe 4 un jour en concert tant on pensait – et on le pense toujours – que c’est devant un public que le groupe doit réellement donner toute sa (dé)mesure. Et là, c’est le miracle : on annonce une tournée européenne de Joe 4 pour le mois d’octobre 2012 avec un passage à Lyon le 4… Si vous n’avez pas lu le report enflammé de cette soirée sur 666rpm ce n’est pas parce que ce concert était nul mais parce que Joe 4 a du annuler à la dernière minute une bonne partie de sa tournée. Déception.
Quoi qu'il en soit, si les croates avaient prévu de tourner à l’automne dernier, c’est tout simplement parce qu’ils avaient un nouveau disque à défendre, leur première album, intitulé Negov Sin. Celui-ci a mis un peu de temps à arriver jusqu’ici mais, vu la qualité de la chose, il n’y a aucune raison pour que l’on n’en parle pas maintenant, plus de six mois après la bataille.




La musique de Joe 4 a guère évolué depuis Enola Gay : le groupe est toujours adepte de ce Chicago sound 90’s shellac-quien qui pète sec et déchire impitoyablement. Mieux : Joe 4 a parcouru quelques centaines de kilomètres et traversé la mer adriatique pour se retrouver aux Oxygen Recording Studios en Italie (plus précisément à Turin) pour y rencontrer Steve Albini et y enregistrer Njegov Sin en sa compagnie (sur du matériel entièrement analogique, bien sûr). Inutile de préciser que ce disque possède donc toutes les caractéristiques ou presque du son Albini/Shellac, d’autant plus qu’il a été masterisé par Bob Weston (à Chicago, cette fois). Le groupe précise néanmoins sur la pochette de Njegov Sin que « Steve Albini played Scrabble on Facebook almost the entire time we were recording. We don't know if he remembers what our album sounds like » et personnellement cela me fait mourir de rire (une autre blague pour la route ? « cover art by a guy with a PC »).
Mais tout ça ce ne sont que des détails. Reste à parler de la musique et celle de Joe 4 est un beau concentré de noise-rock avec tout ce qu’il faut là où il faut. On note même un net sursaut qualitatif niveau composition – riffs plus tranchants que jamais et lignes de basse ultra percutantes – et Joe 4 peut s’enorgueillir d’avoir enregistré, avec ou sans Albini on s’en fout finalement, un album qui pète le feu et qui vous écharpe les oreilles. Un peu comme l’illustration de la pochette détournée d’une peinture de Goya, sauf qu’une tête de sanglier a ici été rajoutée (?), sûrement pour souligner le côté encore plus bestial de la chose. Oui ça saigne méchamment sur Njegov Sin et surtout ça saigne abondamment. Joe 4 est un groupe à prendre très largement en considération dans les petites sphères du noise-rock.
Un dernier point – mais il est important – concerne le chant. Avant ils étaient quatre dans Joe 4 : c’est le chanteur qui est parti, le rôle étant apparemment repris pas le guitariste. Aucune importance ? Et bien si. Sur Enola Gay les paroles était en anglais. Sur Njegov Sin ça braille quasiment tout le temps en croate, une langue âpre et râpeuse qui convient parfaitement au style de musique de Joe 4, d’autant plus que ce chant est systématiquement légèrement saturé. D’habitude le chant non-anglophone, c’est plutôt gênant en matière de musiques qui débourrent et/ou qui font mal – prenez un groupe de noise qui chante en français ou (pire) en italien ou en espagnol : c’est, à quelques exceptions près, tout de suite ridicule – mais dans le cas de la langue croate, Le résultat est pas loin d’être formidable en plus d’être inattendu (et jusqu’ici  jamais entendu). Bravo.

[Njegov Sin est publié en vinyle par trois label : l’allemand Fidel Bastro, le croate Geenger records et le français Whosbrain records qui avait déjà publié le EP Enola Gay]