Il fut un temps où WOLF EYES semblait publier un
enregistrement tous les quinze jours, tous supports confondus et rien ne
semblait trop beau pour ces américains munis d’un féroce appétit : CD,
vinyles, cassettes, CDr… En fait Wolf Eyes n’a rien changé de ses habitudes, c’est
juste que le groupe est retourné dans l’ombre après avoir tourné en première
partie de Sonic Youth ou publié deux disques et demi chez Sub Pop. Oui, Sub
Pop, label à propos duquel on se demande bien quelle idée avait pu traverser
l’esprit de ses responsables tant Wolf Eyes est à mille lieues de tout ce qu’ils
ont toujours publié. Mais qu’importe.
Aujourd’hui composé de Nate Young, de John Olson
et du nouveau venu James Baljo, Wolf Eyes a publié un nouvel album, No Answer : Lower Floors, et
annonce à qui veut l’entendre que celui-ci marque un nouveau départ pour le
groupe. On veut bien les croire. Mais à moitié seulement. Il est vrai que No Answer : Lower Floors est d’un
abord moins rugueux, plus sophistiqué voire également plus calme et plus assagi
que nombres d’enregistrements précédents de Wolf Eyes. Mais pourtant le trio
n’a pas tellement changé la donne ; on retrouve ici tout ce qui faisait le
charme expérimental/bruitiste/caca-cacophonique du groupe : ces voix
perturbées, ces larsens qui font mal, ces under beats en forme de secousses
sismiques, etc. Wolf Eyes reste Wolf Eyes.
Par contre il est indéniable que le groupe a
(provisoirement ?) laissé tomber son humour détestable et destroy pour
aborder sa musique d’une façon autrement plus sérieuse et cérébrale. Le revirement
n’est pas spectaculaire, il est juste formel : en rendant sa musique plus
lisible et donc décorticable/analysable, Wolf Eyes est passé de la case groupe
de foutraques sous acide à celle d’intellos pour galeries d’art moderne. Nate
Young et John Olson auraient-ils enfin un petit peu grandi ? On en doute
un peu. Est-ce du au départ de Mike Connelly (qui a préféré se concentrer sur le
génial Hair Police) ? Non, puisque ce dernier – tout comme Aaron Dilloway,
un autre ex-membre de Wolf Eyes – a malgré tout également collaboré à No Answer : Lower Floors.
Le résultat est tout aussi bon et collant
qu’auparavant, juste plus acceptable pour la plupart des oreilles et reste,
rappelons-le et bien que Nate Young aime citer des références plus sérieuses en matière de musique électronique pionnière, toujours axé sur les travaux d’il y a trente ans et quelques de
Throbbing Gristle (Heathen Earth par
exemple) et des tout premiers Cabaret Voltaire (Methodology ‘74/’78 - Attic
Tapes). Du bel ouvrage. Du coup les plus naïfs risquent de prendre No Answer : Lower Floors pour une
révélation ; les autres y verront uniquement la confirmation du talent
d’un groupe de freaks en voie de réinsertion.
[No Answer :
Lower Floors est publié en CD et vinyle par De Stijl]