Je me souviens d’un concert de MAINLINER, un
concert un peu furtif et non prévu au départ : c’était dans le cadre d’un
énième « japanese extreme music festival » (ou un truc dans ce genre
là) au Pezner de villeurbanne ; l’affiche comportait entre autres High
Rise, Musica Transonic, Kawabata Makoto (en solo), les Ruins, etc… l’idée d’un set de Mainliner
réunissant Kawabata à la guitare, Asahito Nanjo (de High Rise mais aussi des
géniaux Musica Transonic à la basse et au chant) ainsi que Tatsuya Yoshida (des
Ruins) à la batterie, soit le line-up le plus fantastique possible de Mainliner*,
a fait son chemin et s’est concrétisée devant un public qui pour la plupart ne
connaissait pas le groupe mais n’en croyait pas ses oreilles. Je me rappelle très
bien avoir demandé à l’un des gardiens du temple et piliers du Pezner qui était
le groupe jouant sur scène, il m’avait répondu alors « mais c’est
Mainliner ! ». Je connaissais pourtant déjà le groupe, puisque le
label Riot Season avait publié – en 1996 – le génial Mellow Out.
Le concert dont je parle prenait la forme d’une
longue jam psychédélique et dégueulant de saturation, Asahito Nanjo geignait à
intervalles réguliers comme un possédé et Mainliner s’élevait lentement dans
les airs, au milieu de perturbations ultrasoniques démentes. Malheureusement il
y a eu une coupure générale de courant électrique et le set de Mainliner a été
interrompu brutalement. Lorsque l’électricité est revenue le groupe a
recommencé à jouer là où il s’était arrêté mais la magie s’était estompée,
malgré tous les efforts des musiciens pour la réactiver, conne de vie**.
Kawabata Makoto a décidé de remettre Mainliner en
activité. Mais les anciens membres du groupe – Asahito Nanjo en tête – ne font pas partie de cette
résurrection. Kawabata a recruté un nouveau bassiste/chanteur et un nouveau
batteur, aussi cette nouvelle incarnation s’appelle-t-elle KAWABATA MAKOTO’S
MAINLINER. De cette renaissance est né l’album Revelation Space dont il est ici question. Un très bon disque. Un
disque violent, dur, électrique, psychédélique – au sens où l’entendent ces
tarés de musiciens japonais*** – et une énorme bouffée de free form freak out
aussi hallucinogène que grésillante. Et si ça grésille autant sur Revelation Space, c’est parce que la
guitare de Kawabata Makoto est systématiquement dans le rouge, en mode totale
auto-combustion, laissant échapper des torrents de riffs chauffés à blancs, de
véritables bombes incendiaires. Mais il n’y a pas qu’elle : les cymbales
et la caisse claire donnent mal au crâne et la basse se retrouve également
régulièrement défoncée.
D’ailleurs, parlons des deux petits nouveaux.
Kawabe Taigen s’occupe de la basse et du chant (et des paroles) tandis que
Shimura Koji s’occupe de la batterie. Le premier est un inconnu – en tous les
cas pour les services de renseignements de 666rpm – alors que le second a joué
dans High Rise et dans diverses incarnations d’Acid Mothers Temple, autant dire
qu’il était l’homme de la situation. Mais Kawabe Taigen l’est tout
autant : ses lignes de basse possèdent ce groove mi aquatique mi
radioactive nécessaire à l’envol de Mainliner ; son chant de sirène
crucifiée sur une falaise balayée par un océan en furie répond lui parfaitement
aux échos à la fois inquiétants et célestes qui ont toujours hanté la musique
de Mainliner. A l’écoute de Revelation
Space, disque aussi forcené que prodigieux, on ne peut que se dire que
Kawabata Makoto, en 2013, n’aurait sans doute pas pu mieux s’entourer.
Revelation Space est publié en CD
digipak et en vinyle par Riot Season ;
le CD comporte un titre en plus (l’excellemment bruyant The Dispossessed, très loin d’être un bonus track au rabais) ;
le vinyle existe en blanc et en vert dégueu alors qu’initialement la deuxième
couleur aurait du être un beau doré mais, comme c’est étonnant, l’usine de
pressage a fait n’importe quoi.
* line-up avec lequel Mainliner a enregistré les
albums Psychedelic Heavy Speedfreak
(1996), Psychedelic Polyhedron (1997)
et Mainliner Sonic (1997)
** conne de vie : tout ceci n’est qu’un
ramassis des souvenirs… il n’est donc pas impossible que ma mémoire me joue quelques
tours et d’ailleurs on s’en fout
*** à ce propos il faut absolument (ré)écouter High
Rise et Musica Transonic