Je pensais qu’en avançant son festival annuel de
trois semaines pour le faire coïncider avec la fête de la musique, l’équipe du Périscope avait peut-être pris des
risques. La fête de la musique c’est cette chose dont profitent les patrons de
bars et de restaus de Lyon (et d’ailleurs) pour rameuter un peu plus de
clientèle : les rues de la ville sont noires de monde, des gens qui
entendent le nez en l’air des sons d’origine inconnue et dont ils se foutent complètement et qui peuvent après
rentrer chez eux avec le sentiment d’avoir passé une soirée vraiment chouette. Une démarche à l’opposée de celle du Périscope…
Cette année il y avait pourtant Kouma qui jouait en centre-ville aux alentours de 19h30 mais
une grosse flemme n’égalant que mon snobisme avéré m’a empêché d’y aller.
A côté du Périscope il y a justement une place sur
laquelle une scène a été installée et on peut entendre dans tout le quartier
derrière la gare de Perrache un groupe de reprises enchainer massacres en règle
sur éviscérations consensuelles – je débarque précisément au moment où le
chanteur pourrit complètement Black Dog
de Led Zeppelin, une chanson à la gloriole de la toute-puissance qui au départ
me donne déjà mal au crâne.
Les
concerts commencent tard et c’est PÂTÉ POUR CHIEN, un duo
composé de Fabien Rimbaud (chant, batterie et blouse d’avant-guerre) et de Aymeric
Avice (trompette, effets, percussions et voix), qui attaque en premier. Ce
dernier joue également dans Jean Louis – que je n’ai jamais vu en concert alors
que le trio a déjà joué au moins six fois à Lyon en quatre ans, je sais c’est
très mal de ma part – et dans Radiation 10, un groupe récemment découvert à l’occasion d’un concert
avec Kouma, décidemment.
Mais aucune comparaison n’est possible :
Pâté Pour Chien n’a strictement rien à voir avec Radiation 10 ou même Jean
Louis, pratiquant une sorte de punk arty-alterno (textes en français et souvent
drôles) et parodique voire dadaïste, joué avec les moyens du bord c’est-à-dire avec
une trompette passée à la moulinette d’effets multiples – on dirait souvent une
guitare saturée – et des percussions binaires et simplistes. Tout ça est
définitivement plein de trouvailles
Je n’ai pas trop eu non plus à me
creuser la tête pour comprendre d’où venait le nom du groupe : chacun de
ses deux membres, dans un style qui lui est propre, ayant une bonne tête de
toutou – attention, que l’on ne s’y méprenne pas, j’adore les clébards et en
particulier les bâtards à poil dru – et ce concert a été une bonne mise en
train malgré les limites inhérentes au genre pounque jazz chanté rigolo
c’est-à-dire quelques petites baisses de régime et un peu de remplissage expé
pas toujours très utile. Mais bon… c’est la deuxième fois en deux jours que je
rigole à un concert (après Charles Pennequin la veille) et je commence à trouver ça vraiment inquiétant.
Par contre ça va nettement moins
rigoler avec HIPPIE DIKTAT (oui, c’est soirée spéciale noms de groupes à la con). Un
trio dans lequel on retrouve le guitariste Richard Comte, auteur d’un album
solo dont on reparlera très bientôt et déjà vu en concert avec Heretic Chaos,
duo qu’il formait avec Yann Joussein de DDJ, SnAP, etc… Est-ce-que tout le
monde arrive à suivre ? Non ? Bon, Hippie Diktat est, après SnAP
découvert le jour d’avant, un autre groupe du collectif Coax, coopérative
musicale décidemment en pleine ébullition. Au côté du guitariste jouent également
un saxophoniste baryton (Antoine Viard) et un batteur (Julien Chamla).
Quoi ? Vous vous en foutez un peu beaucoup
des noms de ces trois musiciens ? Et bien vous avez tord. Parce que
personnellement je vais faire un effort tout de suite là et maintenant pour
dénicher et écouter tout les groupes et projets auxquels ces trois types participent
par ailleurs. Je vais peut-être être déçu mais j’ai confiance. Tout ça parce
que Hippie Diktat a été une claque énorme en concert. Un mélange de noise-rock
et de freeture d’une puissance incroyable et surtout d’une ampleur volumétrique
qui vous écrase à chaque instant. Lorsque le groupe ralentit la cadence le
phénomène d’écrasement est encore plus palpable, oui on n’est pas loin d’un jazz
metal en version sale et grésillante et dans ces moments là je perds un peu le
contrôle de moi-même. OK, je ne suis pas le seul et Hippie Diktat – le meilleur
groupe avec lequel Cheverny a joué durant sa tournée triomphale du printemps
2013, me dira-t-on un peu plus tard dans la soirée – électrise le public
entassé au Périscope. Révélation.
COUGAR DISCIPLINE a la lourde tâche de jouer après
Hippie Diktat mais va très bien s’en sortir. Et plus que cela, même. Rappelons
que dans Cougar Discipline il y a Raf Chevignon au chant, Alex Torticoli à la
guitare et Jo Burne à la batterie, donc trois musiciens issus de trois groupes
lyonnais très différents les uns des autres. Mais cela fonctionne parfaitement
et Cougar Discipline donne à entendre un noise rock racé, épais, sexuel,
vicieux et fortement teinté de blues urbain.
Je regrette juste que la voix n’ait pas été un peu
plus claire et intelligible – oui pour une fois je m’intéresse aux textes parce
que ceux de Raf sont particulièrement décapants et crades – mais je me laisse quand
même porter par la furie sournoise du groupe. En définitive, le problème avec
Cougar Discipline est que chacun de ses trois membres est passionnant à
regarder et à écouter : Raf et ses outrances, Alex et son jeu d’araignée
et Jo qui prend vraiment une nouvelle dimension avec le trio. Cougar Discipline
est donc élu à l’unanimité groupe le plus sexy de la soirée voire de tout le
festival Expérience(s). Et le plus corrosif, aussi.
Le Périscope est plein, finalement l’effet « fête
de la musique » aura été bénéfique au Festival Expérience(s), l’ambiance
est torride et il reste un groupe à l’affiche. Postcoïtum est un duo de garçons
pieds nus mais en costards. Le premier joue de la batterie et d’un pad
électronique. Le second s’occupe d’un laptop et d’une table de mixage qui gère
les mélanges de sons. Postcoïtum joue donc de la musique électronique actionnée
à la main, ça transpire du côté du groupe et c’est d’une folle énergie.
Malheureusement, et la qualité du groupe n’a rien
à voir là dedans, je n’en peux plus et je sature réellement. Hippie Diktat et
Cougar Discipline m’ont lessivé, oui je suis un homme comblé et là je n’arrive
plus à encaisser quoi que ce soit, mis à part quelques bières mais ça c’est une
toute autre histoire. J’abandonne donc le devant de la scène pour suivre le
concert de loin, depuis le bar ou même de dehors, persuadé que je rate sûrement
quelque chose mais n’en pouvant réellement plus. Désolé mais je me jure à
moi-même que je retournerai voir Postcoïtum en concert dès que l’occasion se
représentera. Et puis signalons que le duo sortira bientôt son nouvel album Himera le 15 septembre prochain (si vous
voulez tout savoir le groupe fait même appel à une souscription, les LP ça
coûte cher).
[les photos de cette deuxième et mémorable soirée du
Festival Expérience(s) sont ici]