jeudi 27 juin 2013

Report : Pâté Pour Chien, Hippie Diktat, Cougar Discipline et Postcoïtum au Festival Expérience(s) - 21/06/2013




Je pensais qu’en avançant son festival annuel de trois semaines pour le faire coïncider avec la fête de la musique, l’équipe du Périscope avait peut-être pris des risques. La fête de la musique c’est cette chose dont profitent les patrons de bars et de restaus de Lyon (et d’ailleurs) pour rameuter un peu plus de clientèle : les rues de la ville sont noires de monde, des gens qui entendent le nez en l’air des sons d’origine inconnue et dont ils se foutent complètement et qui peuvent après rentrer chez eux avec le sentiment d’avoir passé une soirée vraiment chouette. Une démarche à l’opposée de celle du Périscope… Cette année il y avait pourtant Kouma qui jouait en centre-ville aux alentours de 19h30 mais une grosse flemme n’égalant que mon snobisme avéré m’a empêché d’y aller.
A côté du Périscope il y a justement une place sur laquelle une scène a été installée et on peut entendre dans tout le quartier derrière la gare de Perrache un groupe de reprises enchainer massacres en règle sur éviscérations consensuelles – je débarque précisément au moment où le chanteur pourrit complètement Black Dog de Led Zeppelin, une chanson à la gloriole de la toute-puissance qui au départ me donne déjà mal au crâne.




Les concerts commencent tard et c’est PÂTÉ POUR CHIEN, un duo composé de Fabien Rimbaud (chant, batterie et blouse d’avant-guerre) et de Aymeric Avice (trompette, effets, percussions et voix), qui attaque en premier. Ce dernier joue également dans Jean Louis – que je n’ai jamais vu en concert alors que le trio a déjà joué au moins six fois à Lyon en quatre ans, je sais c’est très mal de ma part – et dans Radiation 10, un groupe récemment découvert à l’occasion d’un concert avec Kouma, décidemment.
Mais aucune comparaison n’est possible : Pâté Pour Chien n’a strictement rien à voir avec Radiation 10 ou même Jean Louis, pratiquant une sorte de punk arty-alterno (textes en français et souvent drôles) et parodique voire dadaïste, joué avec les moyens du bord c’est-à-dire avec une trompette passée à la moulinette d’effets multiples – on dirait souvent une guitare saturée – et des percussions binaires et simplistes. Tout ça est définitivement plein de trouvailles
Je n’ai pas trop eu non plus à me creuser la tête pour comprendre d’où venait le nom du groupe : chacun de ses deux membres, dans un style qui lui est propre, ayant une bonne tête de toutou – attention, que l’on ne s’y méprenne pas, j’adore les clébards et en particulier les bâtards à poil dru – et ce concert a été une bonne mise en train malgré les limites inhérentes au genre pounque jazz chanté rigolo c’est-à-dire quelques petites baisses de régime et un peu de remplissage expé pas toujours très utile. Mais bon… c’est la deuxième fois en deux jours que je rigole à un concert (après Charles Pennequin la veille) et je commence à trouver ça vraiment inquiétant.




Par contre ça va nettement moins rigoler avec HIPPIE DIKTAT (oui, c’est soirée spéciale noms de groupes à la con). Un trio dans lequel on retrouve le guitariste Richard Comte, auteur d’un album solo dont on reparlera très bientôt et déjà vu en concert avec Heretic Chaos, duo qu’il formait avec Yann Joussein de DDJ, SnAP, etc… Est-ce-que tout le monde arrive à suivre ? Non ? Bon, Hippie Diktat est, après SnAP découvert le jour d’avant, un autre groupe du collectif Coax, coopérative musicale décidemment en pleine ébullition. Au côté du guitariste jouent également un saxophoniste baryton (Antoine Viard) et un batteur (Julien Chamla).
Quoi ? Vous vous en foutez un peu beaucoup des noms de ces trois musiciens ? Et bien vous avez tord. Parce que personnellement je vais faire un effort tout de suite là et maintenant pour dénicher et écouter tout les groupes et projets auxquels ces trois types participent par ailleurs. Je vais peut-être être déçu mais j’ai confiance. Tout ça parce que Hippie Diktat a été une claque énorme en concert. Un mélange de noise-rock et de freeture d’une puissance incroyable et surtout d’une ampleur volumétrique qui vous écrase à chaque instant. Lorsque le groupe ralentit la cadence le phénomène d’écrasement est encore plus palpable, oui on n’est pas loin d’un jazz metal en version sale et grésillante et dans ces moments là je perds un peu le contrôle de moi-même. OK, je ne suis pas le seul et Hippie Diktat – le meilleur groupe avec lequel Cheverny a joué durant sa tournée triomphale du printemps 2013, me dira-t-on un peu plus tard dans la soirée – électrise le public entassé au Périscope. Révélation.




COUGAR DISCIPLINE a la lourde tâche de jouer après Hippie Diktat mais va très bien s’en sortir. Et plus que cela, même. Rappelons que dans Cougar Discipline il y a Raf Chevignon au chant, Alex Torticoli à la guitare et Jo Burne à la batterie, donc trois musiciens issus de trois groupes lyonnais très différents les uns des autres. Mais cela fonctionne parfaitement et Cougar Discipline donne à entendre un noise rock racé, épais, sexuel, vicieux et fortement teinté de blues urbain.
Je regrette juste que la voix n’ait pas été un peu plus claire et intelligible – oui pour une fois je m’intéresse aux textes parce que ceux de Raf sont particulièrement décapants et crades – mais je me laisse quand même porter par la furie sournoise du groupe. En définitive, le problème avec Cougar Discipline est que chacun de ses trois membres est passionnant à regarder et à écouter : Raf et ses outrances, Alex et son jeu d’araignée et Jo qui prend vraiment une nouvelle dimension avec le trio. Cougar Discipline est donc élu à l’unanimité groupe le plus sexy de la soirée voire de tout le festival Expérience(s). Et le plus corrosif, aussi.




Le Périscope est plein, finalement l’effet « fête de la musique » aura été bénéfique au Festival Expérience(s), l’ambiance est torride et il reste un groupe à l’affiche. Postcoïtum est un duo de garçons pieds nus mais en costards. Le premier joue de la batterie et d’un pad électronique. Le second s’occupe d’un laptop et d’une table de mixage qui gère les mélanges de sons. Postcoïtum joue donc de la musique électronique actionnée à la main, ça transpire du côté du groupe et c’est d’une folle énergie.
Malheureusement, et la qualité du groupe n’a rien à voir là dedans, je n’en peux plus et je sature réellement. Hippie Diktat et Cougar Discipline m’ont lessivé, oui je suis un homme comblé et là je n’arrive plus à encaisser quoi que ce soit, mis à part quelques bières mais ça c’est une toute autre histoire. J’abandonne donc le devant de la scène pour suivre le concert de loin, depuis le bar ou même de dehors, persuadé que je rate sûrement quelque chose mais n’en pouvant réellement plus. Désolé mais je me jure à moi-même que je retournerai voir Postcoïtum en concert dès que l’occasion se représentera. Et puis signalons que le duo sortira bientôt son nouvel album Himera le 15 septembre prochain (si vous voulez tout savoir le groupe fait même appel à une souscription, les LP ça coûte cher).

[les photos de cette deuxième et mémorable soirée du Festival Expérience(s) sont ici]