KANINE est un duo lyonnais de free jazz : à ma
gauche Art(hur) qui joue du saxophone ténor ; à ma droite Franck alias
Sheik Anorak qui joue de la batterie. Aucun repiquage, aucun effet ajouté et
d’une manière générale pas de recours à la fée électricité – la musique de
Kanine est garantie 100 % naturelle et sans tricherie. Un pari plutôt risqué en
2013, histoire de la musique et héritage lourd à porter aidant, mais pourtant un pari
réussi sur Broken Jazz, deuxième
enregistrement du duo.
Mais, tout d’abord, soyons franc : Kanine ne
m’a jusqu’ici jamais totalement convaincu en concert – des concerts avec du bon
et, donc, du moins bon – et, en écoutant Broken
Jazz, je ne comprends toujours pas réellement pourquoi. Car ce disque a
pourtant été enregistré dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles
les deux musiciens donnent des concerts, c’est-à-dire : on débarque, on
s’installe derrière les instruments, on joue, on improvise et on voit ce qui va
se passer. Résultat de quelques prises directes dans l'ancien local du duo à
Grrrnd Zero/Lyon (RIP), Broken Jazzc’est donc exactement comme un concert de Kanine sauf qu’on y était pas.
Tout comme chaque concert de Kanine est en théorie
unique, Broken Jazz est donc un
disque unique, comportant une demi-heure de musique que Kanine ne pourra plus
jamais jouer ainsi, improvisation totale oblige. Mais que le duo ne fasse pas du note à note, on s’en fout
malgré tout puisque ce n’est absolument pas le but du jeu et ce qui est
vraiment important c’est l’esprit qui se dégage ici et que (donc) on aimerait
retrouver plus souvent en live. Mais on reste d’autant plus optimiste – et
patient – que Broken Jazz donne enfin
à entendre deux musiciens en parfait accord, sur la même longueur d’onde et qui
échangent pour le meilleur.
Surtout on découvre toutes les subtilités du jeu
coloré et diversifié du saxophoniste, lequel n’est pas non plus écrasé par le jeu très
dynamique de Franck à la batterie. Et il était vraiment grand temps de pouvoir
l’entendre chanter, hurler, siffler, couiner et grincer ce saxophone, pour tout
dire c’est même la première fois qu’on l’entend ainsi. On sentait un peu
confusément que l’on pouvait faire confiance à Arthur ; maintenant
il ne lui reste plus qu’à avoir confiance en lui-même la prochaine fois qu’il
se retrouvera devant une bande de pauvres types venus l’écouter en concert et
de faire comme sur Broken Jazz,
c’est-à-dire de se lâcher et de faire preuve d’autant de clairvoyance imaginative.
[Broken Jazz
est publié en CD uniquement par Norwegianism records]