samedi 29 juin 2013

Kanine / Broken Jazz




KANINE est un duo lyonnais de free jazz : à ma gauche Art(hur) qui joue du saxophone ténor ; à ma droite Franck alias Sheik Anorak qui joue de la batterie. Aucun repiquage, aucun effet ajouté et d’une manière générale pas de recours à la fée électricité – la musique de Kanine est garantie 100 % naturelle et sans tricherie. Un pari plutôt risqué en 2013, histoire de la musique et héritage lourd à porter aidant, mais pourtant un pari réussi sur Broken Jazz, deuxième enregistrement du duo.
Mais, tout d’abord, soyons franc : Kanine ne m’a jusqu’ici jamais totalement convaincu en concert – des concerts avec du bon et, donc, du moins bon – et, en écoutant Broken Jazz, je ne comprends toujours pas réellement pourquoi. Car ce disque a pourtant été enregistré dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles les deux musiciens donnent des concerts, c’est-à-dire : on débarque, on s’installe derrière les instruments, on joue, on improvise et on voit ce qui va se passer. Résultat de quelques prises directes dans l'ancien local du duo à Grrrnd Zero/Lyon (RIP), Broken Jazzc’est donc exactement comme un concert de Kanine sauf qu’on y était pas.
Tout comme chaque concert de Kanine est en théorie unique, Broken Jazz est donc un disque unique, comportant une demi-heure de musique que Kanine ne pourra plus jamais jouer ainsi, improvisation totale oblige. Mais que le duo ne fasse pas du note à note, on s’en fout malgré tout puisque ce n’est absolument pas le but du jeu et ce qui est vraiment important c’est l’esprit qui se dégage ici et que (donc) on aimerait retrouver plus souvent en live. Mais on reste d’autant plus optimiste – et patient – que Broken Jazz donne enfin à entendre deux musiciens en parfait accord, sur la même longueur d’onde et qui échangent pour le meilleur.
Surtout on découvre toutes les subtilités du jeu coloré et diversifié du saxophoniste, lequel n’est pas non plus écrasé par le jeu très dynamique de Franck à la batterie. Et il était vraiment grand temps de pouvoir l’entendre chanter, hurler, siffler, couiner et grincer ce saxophone, pour tout dire c’est même la première fois qu’on l’entend ainsi. On sentait un peu confusément que l’on pouvait faire confiance à Arthur ; maintenant il ne lui reste plus qu’à avoir confiance en lui-même la prochaine fois qu’il se retrouvera devant une bande de pauvres types venus l’écouter en concert et de faire comme sur Broken Jazz, c’est-à-dire de se lâcher et de faire preuve d’autant de clairvoyance imaginative.

[Broken Jazz est publié en CD uniquement par Norwegianism records]