mercredi 12 juin 2013

Report : Nicoffeine et Degreaser à Buffet Froid - 07/06/2013




Un dernier concert pour la route. Ce soir c’est en effet la toute dernière fois que le dénommé Bambino Versailles tentera de nous éplucher les oreilles de l’intérieur et de nous donner un mal de tête conséquent avec l’organisation d’un concert comme lui seul en a le secret : deux groupes – dont un de nationalité allemande – que personne ne connait, une cave froide et humide – celle de Buffet Froid – comme lieu d’accueil, un prix d’entrée dérisoirement bas mais quand même apparemment beaucoup trop cher et une promo à la limite de l’agression impérialiste. Résultat : seulement dix-sept personnes hystériques se sont précipitées pour assister à l’un des concerts de l’année 2013. Et environ une trentaine d’autres seront restées dehors, à parler de tout et surtout de rien, à boire des bières tièdes et acides sur le trottoir d’en face tout en profitant de la douceur nocturne d’un printemps enfin retrouvé.
Après cet enterrement de première classe, Bambino Versailles retournera là d’où il n’aurait jamais du partir, se fera à nouveau dorloter par maman qui l’attend depuis de trop longues années dans la ville-berceau de l’absolutisme monarchique puis terminera avec succès ses études en escroquerie organisée, parcourra les hautes sphères du business mondial et inventera un nouveau concept à la mode d’inutilité collective à base d’individualisme égoïste et d’exploitation de la crédulité des masses – quelque chose d’encore plus fort que FakeZook et U-Teube réunis. Bonne chance, gamin.




Vous ne connaissez pas NICOFFEINE ? Moi non plus. Ou alors à peine. Voilà un trio allemand originaire de Coblence, un endroit terriblement accueillant voire plutôt joli pour une ville située à la confluence du Rhin et de la Moselle : des vieilles pierres de partout, des arbres avec du vrai vert dedans et, donc, Nicoffeine, un groupe de vieux tarés qui aiment jouer plus fort que tout le monde. Le batteur s’active également dans un autre groupe d’apparence pourtant tranquille, portant le doux nom de Jealousy Mountain Duo et qui a déjà joué quelques semaines auparavant sur Lyon, faisant fuir parait-il 90% du public présent mais dommage je n’y étais pas, cette date tombant en plein pendant mon séjour annuel à Vittel-Plage pour y recevoir mes soins antirhumatismaux.
Mais revenons-en à Nicoffeine, soit des gens qui semble-t-il aiment mettre des femmes à poil sur les pochettes de leurs disques, un groupe composé d’un guitariste ressemblant à un vieux rocker en cuir – sans doute un fan de Johnny Thunder ou de Guitar Wolf –, d’un bassiste amateur de jolies barbes et de belles moustaches (et très attiré par mes rouflaquettes divines, cela fait au moins quinze ans que je n’avais pas fait une touche à un concert) et un batteur qui déborde dans tous les sens. Un groupe qui à première vue fait un peu peur mais rassure également : ces types ont l’air beaucoup plus vieux que moi et ça c’est toujours bon à prendre pour mon égo chancelant.
Après ce fut, comme on dit vulgairement, la grosse branlée. Un assaut noise rock accompagné de spacecakes hawkindiens donnant parfois un résultat pas très éloigné de ce que nos amis japonais désignent pas heavy psychedelism c'est-à-dire que ça sature dans tous les sens mais qu’en même temps ça pulse de la mort qui tue, la tête dans les nuages radioactifs frelatés et les pieds immobilisés par une boue dégueulasse de gras. La dernière partie du concert, plus aérienne voire complètement c(r)amée, n’empêche pas le maigre public devenu complètement hystérique de réclamer un rappel, lequel ne viendra pas – le bassiste lance même un « respect the other band, there’s a curfew here and they need time too for playing their gig ». OK, tant pis, au moins la soirée est déjà à moitié réussie et je suis presque sûr de rester sourd pour les quinze prochains jours.




L’autre groupe s’appelle donc DEGREASER. Et c’est lui que je suis venu voir ce soir. Tout ça parce qu’on y retrouve un membre de Woman (le bassiste me semble-t-il, alors qu’il joue de la guitare avec Woman). De Degreaser je ne connais que le premier album, l’effroyable et glauque Bottom Feeder, le genre de disque qui ne t’incite pas à sortir de ton trou, qui ne laisse jamais passer la lumière et qui t’empoisonne à petit feu.
Je passe les détails sur les problèmes de son et de réglages de l’ampli guitare – Degreaser utilise le matériel de Niccoffeine mais le groupe annonce qu’il va jouer moins fort parce qu’il veut que tout le monde entende tous les détails de sa musique (!) – ni sur mon expectative en constatant que le batteur frappe sur une batterie minimale comme une paye d’ouvrier textile au Bengladesh. Par contre je ne saurais passer sous silence le côté nettement plus garage – mais faussement enjoué – des titres joués par Degreaser ce soir là. L’explication est pourtant simple : le trio de Brooklyn a principalement interprété de nouvelles compositions qui figureront sur le troisième album du groupe à paraitre courant 2013 et dont pour l’instant on ne peut découvrir que quelques extraits via la page bandcamp de Degreaser.
Du boogie-blues bien garage et qui pue mais du boogie quand même, pas très éloigné de ce que peut faire maintenant un Shield Your Eyes en Angleterre mais sans le côté grande communion psychédélique et rayonnante avec option l’option lutins stellaires, non Degreaser garde malgré tout son côté sombre, raclé jusqu’à l’os, maladif, profondément drogué, malsain et vicieux. Et si le groupe a mis un peu de temps à décoller, il finira complètement dans le rouge, faisant fondre les lampes des amplis, acceptant de jouer non pas un mais trois titres supplémentaires (genre I don’t give a fuck with that curfew) et voilà tout le monde – on est toujours qu’une quinzaine dans la cave de Buffet Froid –, qui se retrouve à genoux. L’oubli, le noir, la mort.

[les photos de cette mémorable soirée de losers sont ici]