jeudi 29 avril 2010

Rotten Sound / Napalm





















On en parlait l’autre jour à propos de l’excellente compilation The Great Northern Revisited de Sayyadina, Relapse records est parti à la chasse des meilleurs groupes scandinaves et le label américain peut désormais s’enorgueillir d’avoir épinglé le meilleur des meilleurs à son tableau : les finlandais de Rotten Sound. On peut reprocher à ces quatre psychopathes sanguinaires une approche très technique, froide et clinique du grind (ambiance de laboratoire garantie, les murs de carrelage blanc sont juste recouverts de sang frais et de bouts d’organes explosés) mais il faut bien avouer aussi qu’entre Murderworks (2002) et Exit (2005) on hésite un peu pour déterminer lequel mérite plus que l’autre la palme du disque de grind le plus terrifiant jamais enregistré.
Pour inaugurer sa signature chez Relapse, Rotten Sound sort ce EP intitulé Napalm et tant au niveau du titre et que l’illustration – qui est un ripp off de celle de Scum, le premier album de Napalm Death – les intentions de Rotten Sound sont on ne peut plus claires : il s’agit de rendre hommage aux pères du grind core. A l’intérieur nos quatre garçons se sont donc fendus de trois inédits ainsi que de trois reprises de Napalm Death : The Kill (de l’album Scum déjà mentionné), Missing Link (extrait du EP Mentally Murdered, 1989) et Suffer The Children (sur l’album Harmony Corruption en 1990 mais également sorti en maxi). Que du lourd, donc, du très lourd même, à tel point qu’oser reprendre de tels standards de Napalm Death – que les britanniques jouent encore en concert aujourd’hui – ressemble à un casse-gueule intégral.
Première constatation : sur Napalm, le son de Rotten Sound est toujours aussi clinique et précis, énorme et massif. Les trois originaux du groupe sont tout simplement excellents, Rotten Sound s’embarrassant guère de détails mais incluant toujours un ou deux passages lents et lourds comme il aime tant le faire (Dead Remains), passages ne durant parfois que quelques secondes mais insufflant un caractère vraiment vicieux et malsain à la musique du groupe. Les trois reprises de Napalm Death sont tout aussi excellentes et, sans aucune surprise, elles ne sonnent pas exactement comme du Rotten Sound bien que le groupe leur aient appliqué son traitement chirurgical habituel : on admet que les riffs ont un caractère indéniablement old school (The Kill et Missing Link), même l’accordage semble différent, et le chant est un tantinet plus dans les graves, avec des growls plus appuyés. La meilleure des trois reprises est sans aucun doute celle de Suffer The Children avec sa structure à étages et son passage lent final dont Rotten Sound a bien évidemment su brillamment tirer le meilleur parti.
Napalm ne s’arrête pas là puisque cet EP comprend également un DVD bonus avec dix neuf titres – une grosse demi-heure – enregistré pendant l’édition 2007 du Obscene Extreme Festival (où a également été enregistré une partie du récent For The Ugly And The Unwanted This Is Grind Core de Brutal Truth). Un concert pendant lequel il ne se passe pas grand-chose, le groupe reste statique et concentré, alors on a tout le temps de regarder le jeu des mastards du service de sécurité postés sur les côtés de la scène et qui en éjectent tous les postulants au slam dès qu’ils s’attardent un peu trop avant de sauter dans le public : la violence c’est bien quand c’est propre ? Maintenant que l’on est rassuré sur la bonne santé de Rotten Sound (cf les trois inédits), on espère que Relapse aura aussi la bonne idée de rééditer correctement les albums du groupe antérieurs à Murderworks – soit Under Pressure et Drain – voire même qu’il compilera la grosse poignée de EPs et de splits que Rotten Sound a enregistrés entre 1994 et 2000. Une telle compilation c’est vrai existe déjà, elle s’appelle From Crust ´Til Grind mais est elle aussi épuisée depuis longtemps.

mercredi 28 avril 2010

Semi Playback / Top 14 Album





















Si j’ai bien tout compris Semi Playback s’appelle ainsi parce qu’ils ne sont que deux pauvres mecs esseulés dans le groupe mais que lorsqu’on écoute leurs disques ou qu’on les voit en concert on entend quatre instruments. Je recompte : Camille joue de la batterie comme un forcené et Anthony s’occupe des guitares et des synthétiseurs (et donc des machines qui en live gèrent tout ce qu’il ne peut pas faire en direct parce qu’Anthony est comme tout le monde, il n’a que deux bras avec une seule main à chaque bout). Le compte est bon. Avec Semi Playback, même si on est totalement nul en maths et même si on déteste franchement les histoires de chiffres on finit forcément par trouver la solution. La preuve c’est ce nouvel album paru chez le décidément très actif collectif A Tant Rêver Du Roi et portant le doux nom de Top 14 Album : personne ne sera étonné d’apprendre qu’il ne comporte en tout et pour tout que huit titres.
Que huit titres, oui, mais quels titres ! Ecouter Semi Playback c’est le bonheur assuré une fois arrivé à la fin du disque, la certitude d’avoir la banane flambée pour tout le restant de la journée, un fun indécent qui tourbillonne comme une fée à paillettes roses dans les cœurs réchauffés, la sérénité retrouvée des relations père/fille, de la crème de barbatruc en intraveineuse. Le côté cartoon de la musique de Semi Playback est évident, le côté Bontempi acidulé aussi, l’option Nintendo/Pacman n’en parlons même pas et c’est envoyé avec une fraîcheur et une spontanéité sans aucune baisse de régime. Car Semi Playback testicule son math rock synth disco pop aussi bien au bubblegum qu’au punk, autrement dit les équations à plusieurs inconnues – la seule constante c’est la recherche permanente de la mélodie – énoncées par le duo trouvent leurs solutions dans la ramonade aussi bien que dans la limonade. Bulles et punk. Maths et Pop.
Dans le détail, puisque la résolution de n’importe quel problème de maths ne mérite la note maximale que si on est par ailleurs capable d’expliquer clairement le cheminement de son raisonnement par une jolie phrase qui se terminera forcément par donc, on peut encore une fois insister sur ce batteur spectaculaire et finement matraqueur (mais quelle brute quand même), l’extrême volubilité des lignes de synthétiseurs, les accélérations des guitares, le sirop des compositions, le diesel dans la rythmique. Oui, je sais, il est d’habitude formellement interdit de mettre du sucre dans le réservoir à carburant pourtant Semi Playback ne fait pas autre chose : écouter Top 14 Album c’est comme se lâcher pour une intense partie de jokari avec un loukoum à la rose à la place de la superballe. Donc.

mardi 27 avril 2010

The Conformists / Three Hundred













Ah et bien en voilà une nouvelle qu’elle est bonne : enfin un nouvel album de The Conformists ! Et il était temps puisque Three Hundred, publié par l’excellent label 54°40' or Fight!, date déjà de 2007 – le tout premier album, Two Hundred, remonte lui à 2004 – et si on est maintenant persuadé que One Hundred n’existe pas ou tout du moins que s’il existe il ne sera jamais édité, personne ne sera étonné d’apprendre que le troisième album de ces natifs de St. Louis, Missouri, s’intitule fort logiquement Four Hundred. Et il sort sur Africantape, le label qui produit des disques plus vite que son ombre.
Pour l’enregistrement, The Conformists a une nouvelle fois fait appel à monsieur Steve Albini, le grain du son est immédiatement reconnaissable, et le groupe a même poussé le mimétisme jusqu’à reprendre le visuel de son deuxième album : il n’y a que la couleur qui change, on passe du bleu marine bourgeois au vert monacal tristoune. A la première écoute, Four Hundred n’est effectivement pas si différent de son prédécesseur : même cassures, même façon de déconstruire les titres, même humour à froid, même aridité du son, même… un instant : on me fait signe que le disque dont nous parlons présentement n’est en aucun cas Four Hundred mais bien une réédition de Three Hundred. Gloups. Un tout petit peu de patience s’il vous plait, que je remette la main sur mon exemplaire de ce disque dans sa version 54°40' or Fight!. Arf, aucun doute à avoir : Africantape a eu la très bonne idée de faire represser ce disque fort injustement passé inaperçu en son temps, ce qui lui permettra peut être d’attirer enfin toute l’attention qu’il mérite. Car Three Hundred, bien qu’étant un disque exigeant et dur, est un excellent album de noise angulaire et ascétique – OK il faut être de bonne humeur pour l’apprécier ou avoir les mêmes lunettes qu’Albini pour trouver ça génial mais il n’y a aucun doute à avoir quant à la haute teneur générale de ce qu’il contient.






















Des titres qui n’en sont pas vraiment, des essais avortés de structures, des mélodies qui ne doivent surtout pas durer trop longtemps, des compositions qui se sabordent elles-mêmes mais laissent entrevoir un indéniable savoir-faire noise rock (Meredith Knezvitck, qui est cette fille qui a inspiré à The Conformists l’un des titres les plus écoutables de Three Hundred ?), des blagues que même Shellac n’aurait pas osées (les Thank You à répétition sur fond de faux départ sur Black People), des parties chantées dignes d’un autiste en pleine crise de valium tremens, un titre introductif qui n’est qu’une plage de silence assourdissant de trente secondes et en neuvième position un titre de clôture du nom de You’re Welcome qui respecterait presque les Tables de la Loi de la noise made in Chicago sauf que you’re welcome c’est un truc que l’on peut lire sur les paillassons lorsqu’on arrive et que là il est l’heure de partir.
Cette réédition d’un groupe qui tente de ne rien faire comme les autres avec un naturel confondant et un sens de la branlitude assumé n’est pas du au hasard : The Conformists existe toujours et est même actuellement en pleine tournée nord américaine en compagnie de Passe Montagne, également fougueux poulain de l’écurie Africantape. On peut donc désormais rêver de deux choses. La première c’est The Conformists traverse un jour l’océan Atlantique pour nous faire goûter à son déconstructivisme forcené. La seconde, c’est qu’on espère que ce foutu Four Hundred voit réellement le jour, et qu’importe la couleur de sa pochette.

dimanche 25 avril 2010

Extra Life / Made Flesh























Made Flesh, deuxième album d’Extra Life, est la première très grosse surprise de l’année 2010. Un disque intrigant, déstabilisant, dérangeant mais d’une beauté formelle et accomplie telle que, loin de n’être qu’une curiosité de plus dans un monde musical pourtant saturé d’extravagances diverses et variées, il atteint le rang d’objet sonore à la fois le plus incroyable mais le plus indispensable du moment.
On pouvait ne pas croire du tout (mais on aurait eu bien tort) au projet Extra Life, groupe monté par Charlie Looker, un musicien new-yorkais dont le pedigree effraierait n’importe quel aficionado des musiques expérimentales : collaborateur de John Zorn, William Parker ou Glenn Branca, le chanteur/guitariste a surtout fait ses armes au sein de Zs, excellent combo appliquant au free jazz un traitement terroriste digne du metal extrême et un laminage implacable de rigidité – une rigidité lui conférant cet aspect calculé que l’on retrouve dans certains côtés de la musique contemporaine et dont Extra Life a indéniablement hérité. Votre attention s’il vous plait : malgré ce qui vient d’être dit, Made Flesh n’est en rien un disque ultra policé et froid, bien au contraire, ce disque regorge d’une vie tumultueuse, incroyable, sauvage et d’un lyrisme à tomber par terre et tous ces ingrédients se combinent si parfaitement entre eux, la fusion des genres et des inspirations semble si naturelle, la visibilité des intentions s’effaçant devant la cohérence et la forte identité du disque, que l’on serait même tenté d’affirmer qu’avec Made Flesh Extra Life ouvre enfin de nouvelles voies – une assertion que l’on ose tenir de moins en moins souvent – pour la première fois depuis... le Velvet Underground, Throbbing Gristle, Joy Division, Sonic Youth, Napalm Death, Scorn, Oval, Sunn O))) ? (rayez les mentions inutiles)(oui, OK, j’aime exagérer)
Depuis Secular Works, le premier album d’Extra Life publié en 2008 par Loaf records, Charlie Looker a quelque peu repensé son projet, accentuant ses aspects les plus baroques et les plus pop tout en refondant et étoffant le line-up de son groupe : moins martelé et massif que Secular Works, Made Flesh offre en effet un panel hallucinant d’arrangements empruntant aussi bien au metal, à la noise, aux chants grégoriens, aux menuets de Lully qu’au psychédélisme free mais intimiste d’un Robert Wyatt ou qu’à la pop des Smiths. Seul The Body Is True, le dernier long et labyrinthique titre de Made Flesh rappelle franchement l’agressivité de Secular Works tout en l’enterrant : une partie de la production du disque a été confié à Colin Marston (Behold... The Arctopus, Dysrhythmia ou Krallice) qui assurément s’y connait pour faire ressortir tout le tranchant d’un enregistrement studio.
Tranchant qui domine sur Made Flesh, y compris sur les titres les plus outrageusement mélodiques (Voluptuous Life, excellente entrée en matière avec ses synthétiseurs virevoltants et très typés 80’s joués par Travis Laplante échappé des freeteux de Litte Woman) ou quelques passages limite hard rock progressif (la berceuse One Of Your Whores et ses explosions chorales très Queen). Parler de tranchant n’est finalement peut être pas la bonne façon de décrire Made Flesh, sans doute faudrait il préférer les termes de vitalité et de vérité – oui cette musique sonne « vraie », un mot que d’ordinaire on n’utilise lui aussi qu’avec moult précaution et parcimonie – et c’est là sa plus incontestable et incroyable réussite.
Pour en finir avec l’inusité et le hors-normes, évoquons le chant et les techniques de chant de Charlie Looker : celui-ci pioche allégrement dans celles du Moyen-âge voire même celles de la Renaissance, se passionnant pour des savoir-faire – modulations improbables pour nos oreilles modernes, vibratos en mode coussins d’air – qui n’intéressent aujourd’hui que les archéologues et amateurs de musiques anciennes. Jonglant sur le fil de la préciosité, louvoyant entre les notes, atterrissant là où on ne l’attend jamais, Charlie Looker a le chant le plus incroyable depuis Steven Patrick Morrissey et ses sweatness sweatness androgynes.

Petit mode d’emploi : ce disque essentiel est sorti dans sa version CD chez Loaf alors que l’indispensable version LP est disponible via Africantape (lequel label bénéficie désormais d’une distribution française avec Orkhêstra). Extra Life sera en tournée européenne en mai 2010 avec un passage à Lyon (au Sonic) le 26 mai.

samedi 24 avril 2010

Ghédalia Tazartès au Sonic























Si on vous parle de musique expérimentale, de poète maudit, de musicien funambule, d’artiste hors normes ou de chamane moderne, ça a tendance à vous faire peur ou pas ? Si la réponse est non, vous avez parfaitement raison parce qu’il ne faut pas s’arrêter à ce genre de qualificatifs trop facilement réducteurs. Si la réponse est oui, vous êtes fatalement dans le vrai mais il va donc falloir passer outre cet urticaire géant qui est en train de prendre possession de votre épiderme consentant car malheureusement c’est exactement avec ce genre de jeu de tiroirs dignes d’une nomenclature stéréotypée que l’on évoque Ghédalia Tazartès.
Ghédalia Tazartès est un vieux bonhomme toujours plein de vie, surmonté d’un éternel galurin, armé de sa voix inimitable et de compositions devant autant au cut up qu’à la musique concrète (manipulation de Revox, etc). Un objet de curiosité culturelle homologué pour certains* et un mythe – très confidentiel, le mythe – pour les autres. Or Ghédalia Tazartès est tout sauf un stéréotype de l’expérimentation savante. Bien au contraire, il respire le naturel et la spontanéité avec une fraicheur qui semble éternelle (il est né en 1947). La meilleure façon de goûter à sa musique résolument inclassable, coincée entre ses racines turques/juives et un sens génial du bricolage – Tazartès est un pur autodidacte – c’est de la découvrir via les rééditions de ses meilleurs disques que propose le label italien Alga Marghen**.
Pendant des années, vingt ans selon ses propres dires, Ghédalia Tazartès n’aura donné absolument aucun concert, se contentant de sortir des disques en assez petit nombre et de composer des musiques pour des spectacles de danse. Ce retour sur scène est une sorte de bénédiction bien que, du point de vue des amoureux de sa musique, cela ne constituait pas une nécessité absolue : on pouvait très bien se contenter d’écouter les magnifiques Diaspora et Une Eclipse Totale De Soleil jusqu’à la fin de notre vie pour savoir que cette musique est tout simplement magique.
















Mais on y va quand même à ce concert, mu par un étrange mélange de respect et de certitude, la certitude que l’on ne va pas être déçu. La musique on la connait bien. On y va donc pour l’homme. C’est Damien Grange qui pour l’occasion se fait appeler DMNGRNG qui joue en premier. Sa musique a elle aussi quelque chose à voir avec la poésie, la musique concrète et un impressionnant travail sur la voix. Damien est équipé de trois micros ce qui lui permet de faire tourner le son de ses cordes vocales et d’en jouer abondamment. Il a toujours aimé ça, faire du charabia en yaourt – il imite très bien le rappeur anxieux avec Rature, le vieux bluesman mécanotwisté avec 300 mA, le chamane kraut avec -1 ou la scie-sauteuse grind core avec Chewbacca. A sa gauche se trouve une table avec tout un tas de bordel dessus – pour un descriptif technique complet et exact c’est peine perdue – qui lui permet de sampler et de mettre en boucles les sons qui sortent de sa gorge, pour mieux inventer des instruments qui n’existent pas plus que les paroles qu’il imagine et met en forme avec sa bouche.
Et c’est à peut être tout, si ce n’est la diffusion d’une trame préenregistrée dont Damien Grange se sert pour poser ses délires vocaux dessus, lesquels délires sont dans une première partie fortement influencés par le blues du delta et le bayou, Phil Minton au pays d’Harry Crews. C’est en passant par la case bruits de bouche purs et durs et sans accompagnement musical (syllabes péteuses, bâillements d’œsophage, rots de dentier, grattements de langue, couinements de luette, imaginez le boulot de Greg Kelley et de Bhob Rainey mais sans trompette ni saxophone) que la prestation de Damien Grange devient vraiment drôle, musique concrète facétieuse et ludique, un vrai plaisir de grand enfant. J’imagine que c’est cette voie là, celle du cartoon pointilliste, de l’orifice à musique, de la déjection vocale, de la poésie du bruit, que notre garçon aurait vraiment intérêt à creuser, tant elle semble lui offrir d’infinies possibilités d’amusement et d’échappatoire.























Le dispositif de Ghédalia Tazartès est encore plus succin que celui de Damien Grange : un micro, un chapeau, un collier de coquillages, un bandonéon, un tambour, des lunettes, une bouteille d’eau et un lecteur CD (pour la musique). Il avoue lui-même, lorsque il a envisagé de refaire des concerts, avoir pensé chanter sans accompagnement mais il a du y renoncer, ne se sentant guère capable d’une telle performance pendant une heure et admettant qu’en tant que spectateur il aurait trouvé ça pénible. Sa voix, ses techniques de chant sont effectivement surprenantes – lui valant cet appellation de chamane – mais en deçà désormais du choc initial d’une première écoute d’un de ses vieux disques : moins de souffle, moins de possibilités vocales, moins d’endurance, Ghédalia Tazartès est un vieux bonhomme toujours empli du désir de chanter autrement mais admettant parfaitement qu’il a sans doute atteint certaines limites avec l’âge.
Il n’est pas pathétique pour autant, bien au contraire, avec ce mélange indéfinissable de charisme saisissant, de prestance aérienne, d’élégance de dandy et de fragilité assumée. Un vrai charmeur. Un gourmand ? La théâtralité de son jeu de scène n’est jamais forcée, tout comme les éventuelles influences extérieures (l’utilisation d’un bandonéon, quelques mots d’espagnol qui s’échappent) ne sont pas là pour faire joli. Ghédalia Tazartès est un pur instinctif, pour preuve son jeu déraisonnable à l’harmonica dont il aime particulièrement abuser et dont il arrive à sortir des sons qui mis hors de leur contexte passeraient pour grotesques, sans objet.
Entre chaque titre la musique continue et il prend à chaque fois la peine de remettre ses lunettes pour vérifier là où il en est précisément, que tout ce passe bien. Le plus drôle c’est lorsque l’accompagnement musical est fortement marqué par un groove funk/technoïde rapidement déboité par le décalage du chant : on aurait envie de se torde un peu le bassin juste pour sentir davantage comment ça fait de ne pas comprendre ce qui se passe exactement, comment on peut arriver à de telles juxtapositions – l’analogie avec le montage cinématographique est souvent évoquée au sujet de Ghédalia Tazartès – et à ressortir autant de surprises. Reste cette voix inimitable, ce chant hors de nulle part et cette propension aux délires – mais des vrais délires, poétiques, pas de la p(r)ose vocale pour faire bien – et ce goût du jeu sans arrière pensée si ce n’est celle de l’inconnu. Pas de limites réelles mais une reconnaissance immédiate et instinctive des chemins empruntés. Tellement différent mais tellement interpelant et donc, finalement, familier. Il aurait été dommage de ne se contenter que des disques.

* oui mais par qui ? Philippe Robert en parle beaucoup mieux que moi à la page 208 de son livre Musiques Expérimentales aux Editions Le Mot Et Le Reste
** et disponible par ici essentiellement via Metamkine

jeudi 22 avril 2010

Monarch! - Let There Be Doom























On est en plein dans cette période de fou avec (au moins) un concert intéressant par soir et son corollaire, le cruel dilemme du choix. Qu’est ce que je préfère au fond ? Scruter, à la recherche de dates éventuelles qui pourraient m’intéresser, le calendrier désespérément vide des mois d’hiver, mois pendant lesquels personne ne veut tourner, ou bien – lorsque le printemps est enfin arrivé et que tout le monde semble s’être donné le mot pour faire du tourisme en Europe, c’est agréable l’Europe, même avec un volcan en éruption – en être réduit à hésiter entre le groupe qui pourrait être vraiment bien même si je n’en sais trop rien, celui que j’ai déjà vu mais que j’aimerais revoir, celui que je n’ai jamais vu mais dont j’adore le dernier disque ou celui dont je ne sais rien alors pourquoi pas ? Jamais content. Et tout ça, c’est sans tenir compte de l’aspect financier des choses, aspect qui finit forcément par entrer en ligne de compte.
En ce début de semaine le choix s’opère entre Monarch! Et Talk Normal. Les premiers ont été bien décevants lors de leur précédent passage en novembre 2009, les seconds ont publié à la fin de l’année dernière Sugarland, un premier véritable album du tonnerre (comme on dit). La logique aurait surement voulu que ce soit Talk Normal que je choisisse et c’est donc pour revoir Monarch! que je me dirige en ce lundi soir en direction du Sonic. Le temps est agréable, c’est le printemps, je suis rasé de près et je regarde par terre parce que les pieds des gens me font un peu moins peur que leur regard, la grande forme quoi. Monarch! sera, je l’espère, la parfaite bande son de cet état d’esprit merdique.
Je suis un peu déçu parce que le groupe n’a plus dans ses valises aucun exemplaire de son dernier album, Sabbat Noir : le bassiste m’explique qu’ils ont tout vendu sur les trois premières dates de leur tournée. Sabbat Noir est publié chez Heathen Skulls, le label australien de Robert MacManus, ex Grey Daturas et actuel batteur de Monarch!. Or Robert n’a pu prendre qu’une centaine d’exemplaires avec lui dans l’avion qui l’a conduit de l’Australie vers l’Europe… dommage. Pour les affamés de Monarch! il ne leur reste donc plus qu’à commander Sabbat Noir directement en Australie avec les frais de port qui vont faire mal ou bien attendre que quelques distros européennes en reçoivent, rien n’est moins sûr. Par contre Crucial Blast a enfin sorti la version CD de Mer Morte, le précédent enregistrement du groupe, un an et demi après la version vinyle de Throne records.
















Il est vingt et une heures à peine passées et le Sonic se remplit tout doucement (il y aura environ soixante entrées ce qui est vraiment pas mal pour un lundi soir et pour un groupe comme Monarch! qui n’est pas du genre ultra populaire non plus). Contre toute attente Robert MacManus s’installe sur une chaise derrière une petite table et commence à bidouiller des boutons pour nous casser les oreilles. La source sonore qu’il utilise est le feedback de la guitare de Shiran (le guitariste de Monarch!) posée derrière lui contre un ampli. Ça fait un peu du bruit et surtout ce n’est pas très intéressant. Et dix minutes plus tard c’est déjà terminé.
C’était donc la contribution de Black Widow au concert du jour… Black Widow c'est-à-dire la moitié d’un duo formé par Robert MacManus avec Blarke Bayer (un des types de My Disco, groupe qui sera en concert au même endroit au mois de mai) mais là, Robert MacManus tout seul c’est complètement dispensable. Il est maintenant 21h15 et si Monarch! enchaine à la suite comme prévu, on peut statistiquement espérer que le concert s’achèvera aux alentours des dix heures et demi, horaire totalement compatible avec mon rythme de vie actuel de pépère arthrosé. Conscient qu’il a joué beaucoup trop tôt et pas assez longtemps, Robert revient quelque minutes plus tard, cette fois ci à la guitare et accompagné du soundman du Sonic à la batterie pour un duo improvisé. L’australien demande au français de jouer un rythme à la Black Sabbath et part dans un riff qu’il va faire tourner, tourner, tourner… merci Robert et merci à Fab pour cette leçon de courage.
















Cela ne va pas très fort du côté de Monarch!. La chanteuse se plaint depuis la veille de douleurs à la jambe et à en croire la tête qu’elle a, elle ne fait vraiment pas semblant. Robert, peut être un peu gaffeur sur les bords mais très intentionné, lui installe un siège de fortune pour qu’elle puisse s’assoir derrière la table sur laquelle sont disposés ses multiples effets pour la voix. On allume les bougies pour éclairer la scène et c’est parti pour le rituel païen.
Un concert de Monarch! c’est toujours un peu pareil, un long titre qui s’étire, qui s’étire, qui s’étire, let there be dooooooooooooom. On aime ou on déteste ce positionnement quasiment dogmatique sur la lenteur et le suintement. Personnellement, j’adore, bien qu’il me faille reconnaître que les concerts de Monarch! sont plus ou moins réussis. Celui de ce soir est à ranger dans la catégorie des bons concerts, malgré – ou bien grâce à ? je n’ose le croire – les douleurs à la jambe de la chanteuse qui comme à son habitude va osciller entre mélopées de sirènes maléfiques et hurlements d’anges déchus émasculés (les anges, nous dit-on toujours, n’auraient pas de sexe, ce que je refuse de croire également). Les quatre sont donc en grande forme, les riffs monolithiques s’empilent sans pitié, le feedback broie les oreilles, les rythmes fracassent et la cérémonie se fait de plus en plus opaque, tendue et profonde – si l’occultisme musical existe, Monarch! en est l’un de ses plus dignes représentants.
La difficulté avec une musique au tempo aussi ralenti, c’est sa bonne tenue générale ou pas : il est parfois ardu de rester cohérent et de coller à un niveau de rendu homogène ou tout du moins d’en avoir l’air (à l’autre extrême les grindeux ont finalement exactement le même problème, celui d’éviter que leur musique ne se transforme en bouillie) or pour ce concert de Monarch! tout se tient merveilleusement bien – non il n’y a sans doute rien de merveilleux là dedans, peut être à la limite quelques maléfices mais surtout un vrai batteur, puissant et fédérateur. Et un batteur comme ça, ça change tout. Impossible de savoir si Robert MacManus qui est depuis retourné en Australie rejouera un jour ou l’autre avec Monarch! mais ce qui est sûr c’est que le groupe n’a jamais été aussi bon qu’avec lui derrière une batterie. On se rappelle aussi qu’avec son ancien groupe Grey Daturas il avait l’année dernière et au même endroit cassé la baraque au point d’offrir à une petite trentaine de privilégiés l’un des meilleurs concerts de 2009. So long Robert, et reviens-nous vite.

dimanche 18 avril 2010

Talk Normal / Sugarland


Il y va du revival no wave comme de tous les revivals : le taux de pénibilité des copieurs frise la barre des 95 %. Mais à la différence des résurgences post punk dont nous avons trop eu à souffrir ces dernières années, les groupes s’inspirant de la no wave new-yorkaise se cassent en plus les dents sur un magnifique paradoxe et pas des moindres : comment faire perdurer un (pseudo) mouvement musical dont le but était l’autodestruction, l’annihilation, l’accélération droit dans le mur ? Lydia Lunch, James Chance, Mark Cunningham ou Arto Lindsay ne jouent plus de cette musique depuis fort longtemps et c’est tant mieux. Ils l’ont fait, ils ont compris puis ils ont voulu vivre. Les premiers groupes post no wave – Sonic Youth et Swans en tête – l’avaient bien compris également, se servant de la no wave comme d’un point de départ pour atterrir ailleurs. On peut détester ce qu’est devenu Sonic Youth dans les années 2000 mais on ne peut pas enlever au groupe le fait que jusqu’à Washing Machine (inclus) son évolution était pertinente.
On ne va pas refaire non plus le débat sur ce qui est bien et ce qui ne l’est pas, sur les vilains copieurs et les imitateurs peu inspirés mais constatons simplement qu’il y a des groupes qui se plantent complètement (Gay Beast par exemple) et d’autre qui ne sont que des caricatures réussies (Sister Iodine). Au milieu surnagent quelques exceptions qui ne font appel pour nous séduire ni à la nostalgie, ni l’imitation. Magik Markers est (était ?) de cette catégorie là, tout comme Talk Normal, magnifique groupe donnant de nouvelles résonances à une musique issue d’un passé éphémère et lui offrant une nouvelle possibilité d’éternité, rien de moins.























Talk Normal est un duo de filles : une chanteuse/guitariste (Sarah Register) et une batteuse/chanteuse (Andrya Ambro). Sugarland est leur premier véritable album paru sur The Rare Book Room après un mini album autoproduit en 2008 (Secret Cog). Un album violent, brut et profondément beau. Ce n’est peut être pas peu dire mais avec Sugarland on se rapproche dangereusement des albums Confusion Is Sex, Bad Moon Rising et Evol de Sonic Youth. Des références incontournables qui viennent tout de suite à l’esprit à l’écoute de certains extraits de cet album, aux premiers rangs desquels le monstrueux River’s Edge sur lequel la voix ne peut faire penser qu’à Kim Gordon – la vraie, celle des albums de Sonic Youth précités, pas celle neurasthénique qui nous assomme maintenant. Mais si ce n’était qu’une question de voix… les guitares font elles aussi référence à cette grande époque tout comme le jeu très dynamique d’Andrya Ambro à la batterie tend vers le tribalisme industriel de Bad Moon Rising – un jeu touffu et plein de détails, contrebalançant l’absence de basse dans Talk Normal.
Le piège pour Talk Normal est donc là, dans ce référencement trop facilement identifiable : avec un titre comme River’s Edge la musique du groupe prend le risque de ne plaire qu’à une poignée de vieux nostalgiques. Or, dès le titre d’après, le duo prend l’exact contrepied en s'attaquant à In Every Dream Home A Heartache, une émouvante reprise de Roxy Music (sur leur deuxième album, For Your Pleasure, en 1973) dans une version inquiétante avant de devenir tout simplement explosive. Plus précisément, Talk Normal n’est pas un simple groupe qui cite d’illustres prédécesseurs, Talk Normal est l’incarnation d’une no wave dépoussiérée (Bold Face, Hot Song) qui joue plus sur le terrain de la noirceur que de l’hypersonique. On peut même trouver quelques réminiscences dark/goth là dedans (Mosquito, Uniforms, Outside) ainsi qu’un lyrisme certain (Transmission Lost). On ajoute au tableau quelques arrangements très indus (Warriors) et l’adjonction occasionnelle d’un saxophone pour avoir une vue d’ensemble. Enfin, Sarah Register a vraiment une voix superbe, pas d’un registre ultra étendu – ce n’est pas ce qu’on lui demande non plus – mais d’une sensibilité à fleur de peau évidente. La voix d’Andrya Ambro lui offre un parfait écho et rarement un duo n’aura paru aussi complémentaire pour ne pas dire jumellaire – écoutez un peu ce In A Strangeland.
Pour l’instant je ne vois aucun défaut dans ce disque aussi addictif qu’enthousiasmant. On en reparlera (ou pas) dans quelques mois mais aujourd’hui Sugarland tient allègrement le haut du pavé.

[Talk Normal est aussi en pleine tournée européenne avec quelques dates françaises : le 20 avril au Sonic de Lyon, le 21 à St Etienne, le 22 à Grenoble, le 23 à Bordeaux et le 24 à Paris]

samedi 17 avril 2010

Sayyadina / The Great Northern Revisited



















Relapse semble décidé à récupérer tous les bons groupes scandinaves de metal extrême (comme on dit...) et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre : Rotten Sound vient de sortir un nouvel EP avec trois inédits et trois reprises de Napalm Death sur le label de Philadelphie et auparavant c’était au tour de Sayyadina de se voir honorer avec cette nouvelle sortie, The Great Northern Revisited, une compilation bien tassée de quelques trente titres – de quoi rendre le fan heureux ?
On était sans nouvelles de Sayyadina depuis Mourning The Unknown, le deuxième album du trio sorti fin 2007 alors oui, The Great Northern Revisited est me semble t-il une bonne chose, non seulement parce que ce disque va jeter un peu plus de lumière sur cet excellent groupe de grind mais surtout parce qu’il compile toutes ses vieilleries, ses singles, splits, inédits et raretés publiés entre 2001 et 2003 soit avant même le premier album de Sayyadina, Fear Gives Us Wings (paru lui en 2004). L’intérêt est donc de récupérer enfin plein de titres de Sayyadina qui jusqu’ici n’existaient que sur des supports épuisés de longue date et surtout ces trente titres représente le Sayyadina primitif, plus brut, plus crust et moins metal que celui de Mourning The Unknown avec toujours comme principale caractéristique le chant essentiellement partagé entre le guitariste Jon Lindqvist et le bassiste Andreas Eriksson – et quelques interventions du batteur Ove Wiksten et sa drôle de voix : pour mémoire à l’époque de Fear Gives Us Wings il chantait sur tous les titres et avait abandonné la batterie suite à de graves problèmes d’épaule, problèmes aujourd’hui quasiment résolus.
Relapse a bien fait les choses pour cette réédition soignée : l’artwork assez typique avec ses montagnes de cranes est plutôt réussi, le livret détaille tous les enregistrements, il y a même les paroles – de quoi ? – et surtout les bandes ont été nettoyées et remasterisées par ce bon vieux Scott Hull ce qui fait dire au groupe dans les notes que maintenant on peut vraiment entendre ce que Sayyadina avait eu l’intention de jouer à l’époque.
Et ce dont ces gars là avaient l’intention, intention qui n’a guère changé malgré l’amélioration constante de la qualité de leurs enregistrements, c’était de jouer du pure grind, basique, réac même parce dans sa forme ultra primale et avec une bonne dose de saleté crust dedans, saleté surtout due au chant d’écorché. On ne va pas épiloguer beaucoup plus longtemps, tous ces groupes se ressemblent peut être – ah ouais tiens : le riff principal de The Revenge est me semble t-il bien pompé sur celui de Choice Of A New Generation de Brutal Truth – mais certains arrivent à se détacher des autres pour une raison ou pour une autre, c’est bien le cas de Sayyadina dont la spontanéité et la vigueur juvénile emportent l’adhésion bien que (organisation chronologique des titres de The Great Northern Revisited oblige) tout ça sonne de plus en plus carré au fur et à mesure que l’écoute avance. Et puis il n’y a rien de tel qu’un peu de grind crust pour entamer une nouvelle journée de merde dans la joie et la bonne fureur.

vendredi 16 avril 2010

De la freeture sur toute la ligne























Quoi ? Comment ? Qu’est ce que j’apprends ? Le concert qui a lieu au Grrrnd Zero en ce mercredi soir serait le dernier jamais organisé par Gaffer records ? Pour de vrai ? Sans déconner ? Pour toute la vie ? Ça c’est de la mauvaise nouvelle… Mais c’est effectivement confirmé : pour l’instant – c’est moi qui rajoute le pour l’instant – il n’y aura plus à Lyon de concerts estampillés du nom de notre label local préféré à tous. Les deux personnes qui gèrent la chose s’en expliquent en argumentant qu’il n’y a pas assez de monde qui traîne dans le coin pour la musique qu’ils souhaitent défendre et que par conséquent ils perdent trop d’argent sur les concerts. Le vieux mécanisme de la loi de l’offre et de la demande, quoi. Un truc encore plus vulgaire lorsqu’il rattrape même celles et ceux qui ont toujours tout fait pour s’en dépêtrer. Le Do It Yourself victime d’un paradigme fondamental de la théorie économique classique et libérale.
Les concerts Gaffer s’arrêtent peut être mais l’édition de disques, fort heureusement, continue. Ainsi cette dernière soirée est en quelque sorte la release party de The Forbidden Beat, le premier CD/DVD du trio Mario Rechtern/Sheik Anorak/Weasel Walter que l’on avait pu découvrir l’année dernière au Rail Théâtre. Et en début de programme ce sont deux groupes amis de Gaffer qui ont accepté de jouer, Chewbacca et FAT32 : on les a déjà vus un nombre incalculable de fois au Grrrnd ou ailleurs mais, à tout bien y réfléchir aussi, la dernière remonte tout de même à un sacré petit moment, voilà donc l’occasion de remettre les pendules à l’heure – FAT32 est l’un des meilleurs groupes locaux – sans prendre le risque d’être déçu. Sortir dans le confort et la sécurité d’une soirée réussie d’avance, donc. Ou le concert en mode charentaises. Ironiquement, Le Grrrnd se remplira un peu pour ce dernier concert, comme si on s’était donné le mot : la dernière programmation Gaffer, faut y aller. Je remarque même un ou deux individus fringués comme Pharoah Sanders ou David S. Ware : il y a indéniablement des jazzeux dans la salle. Je sors mon masque à gaz et mon lance-flammes au cas où ?
















Pas la peine parce que du jazz il n’y en aura pas beaucoup voir même pas du tout, et surtout pas avec Chewbacca. Le duo batterie et voix joue en premier et a décidé de le faire dans le noir, ce qui n’apporte pas grand-chose à sa musique. La recette est toujours la même mais, basée sur l’improvisation, elle se renouvelle sans cesse : Damien Grange assure le fond sonore en utilisant des samples et des boucles de sa propre voix et qu’il élabore en direct et il chante/hurle également en yaourt tandis que André Duracell bat la (dé)mesure avec toute la persévérance et toute l’inventivité qu’on lui connait. Avec le temps et l’habitude de jouer ensemble, ces deux là ont certes acquis des réflexes communs, ont (inconsciemment ou non) mémorisé des plans qu’ils reprennent plus ou moins d’une fois sur l’autre mais globalement, la capacité d’imagination du duo et sa force d’interprétation font que l’on s’ennuie rarement. Il faut juste être prêt, puisqu’il s’agit d’improvisation, à encaisser des hauts et des bas, au gré des fluctuations de l’inspiration de ces jeunes gens plutôt énervés.
Laquelle inspiration me semble ce soir moins en prise directe avec les tornades grind que d’habitude et piochant plus dans des délires hip-hop. Je le regrette un peu parce que ce que je préfère chez Chewbacca c’est lorsque le duo passe en mode répétitif et monte de plus en plus le son pour finir dans un plan tellement hypnotique que l’on ne sait/se demande plus du tout comment il a bien pu commencer. De la transe, mes cochons. Les délires rapés – même en yaourt et avec une certaine agressivité exubérante – m’attirent moins (Damien a un autre projet appelé Rature, complètement basé là-dessus et que je n’aime pas beaucoup) bien que ceux de Chewbacca gardent un indéniable sens de la pulsation. Contrairement à ses habitudes le groupe ne joue pas longtemps et les lumières se rallument. Ça pique un peu les yeux mais les oreilles vont bien.
















Ces mêmes lumières ne s’éteindront pas pour FAT32 qui joue tout de suite après. Le duo devrait bien finir par sortir un jour ou l’autre son premier enregistrement dans la série des split 10 pouces initiée par Gaffer Gaffer et surtout il part en tournée à la fin du mois d’Avril dans une bonne partie de L’Europe en support de Secret Chiefs 3 – Trey Spruance étant tombé profondément amoureux des lyonnais lorsque les deux groupes avaient joué ensemble l’année dernière à Lyon. On peut faire largement pire comme coup de pouce du destin/ mise de pied à l’étrier.
Nos deux garçons démarrent tranquillement et me semblent au départ un peu moins dedans et un peu moins à fond que d’habitude – est ce parce que cela fait longtemps qu’ils n’ont pas fait de concert ensemble ? –, petite impression qui ira en s’effaçant au fur et à mesure que le set suivra son cours et gagnera en intensité et en furie. La musique de FAT32 est toujours aussi virtuose et virevoltante mais d’une telle fraîcheur et d’un tel humour qu’il est impossible de se dire que non, non, non, ce n’est qu’un ramassis de musiciens adeptes de la branlette supersonique. FAT32 c’est même tout le contraire, encore une fois.
Chose assez inédite, le duo rencontre un ou deux problèmes de coordination et d’enchaînement, une panne technique même, et ces moments de flottements sont gérés avec le même humour que tout le reste, les FAT32 ne sont définitivement pas là pour se prendre la tête, et cela ajoute une dimension encore plus humaine à leur approche finalement très instinctive de la musique – on s’en serait un peu douté, bien que ces deux là s’habillent toujours en noir, un truc qui fait peur quoi.
Sinon, pour le reste, ce concert de FAT32 a été un régal de pitreries instrumentales, de grind musette, d’anti jazz farouche, de concours de grimaces, de metal barbapapa, de variétoche roulée dans l’acide. C’est toujours un grand bonheur de voir ces deux là en action et on leur souhaite une excellente tournée en compagnie de leurs nouveaux amis de Secret Chiefs 3.
















La tournée 2009 du trio Mario Rechtern/Sheik Anorak/Weasel Walter s’était tellement bien passée que les trois musiciens ont décidé de remettre ça en 2010, avec encore plus de dates (dont une grosse majorité à l’étranger) et surtout un premier disque – chroniqué très bientôt dans ses pages, bien sûr avec tous les éloges qui lui sont dus. Comme d’habitude Weasel Walter arbore le t-shirt improbable d’un groupe de metal extrême de la vieille école et évidemment plus au moins obscur : l’année dernière il s’agissait des mythiques Repulsion, cette année ce sera Malignancy (y a-t-il un spécialiste dans la salle ?).
Concert des retrouvailles entre les trois musiciens, cette première date s’est révélée moins impressionnante et moins vivace que la prestation de l’année dernière, le trio partant plus dans des plans très abstraits et enfourchant moins les rythmes effrénés de Weasel Walter pour partir à la conquête d’un monde de bruit et de fureur. Presque chichiteux par moments. C’est que Walter délaisse un peu trop sa batterie et sa double pédale à mon goût, sortant d’un vieux sac tout un attirail d’accessoires qui ont l’air de beaucoup l’amuser : voici donc Weasel qui joue avec son micro, Weasel qui joue avec des cloches ou tout ce qui lui tombe sous la main. Moins batteur et plus monsieur Loyal. Après la frénésie de FAT32 il faut un peu de temps pour s’habituer à ce pointillisme bruyant.
















La vedette du trio est et restera sûrement Mario Rechtern et sa magnifique veste de costard bleu azur. J’ai eu beau chercher, trouver un enregistrement de ce vieux bonhomme – il dépasse les soixante dix ans – est rigoureusement impossible et jusqu’à l’année dernière je n’avais jamais entendu parler de lui ni écouté une seule note de sa musique. Lui aussi trimbale un panel incroyable d’instruments et d’accessoires à ses concerts (ce qui est tout de même plus facile à faire lorsqu’on est un souffleur), utilisant toute la gamme des saxophones possibles et imaginables, voire aussi des bouts d’instruments, les customisant avec des calebasses, des cordes et jouant devant une plaque de metal pour altérer le son de son instrument.
De la générosité comme on dit, sans l’étalage d’un savoir-faire que vu son grand âge Mario Rechtern a eu largement le temps d’oublier. De la générosité il en fait preuve également lorsqu’il se rapproche de ses deux petits camarades : le groupe joue en ligne le long de la scène – une idée de Weasel Walter qui lui voulait carrément jouer sur scène – et il semble trouver son petit Skeik Anorak un peu trop loin de lui, tout à l’opposé, donc il va le retrouver pour jouer à ses côté, ce qui a pour effet immédiat de booster le lyonnais un peu perdu et isolé par les facéties bidouilleuse de Walter. Le trio finit heureusement par trouver ses marques et après une demi heure d’un jeu brouillon mais finalement délicieusement cacophonique s’offre une dernière partie d’improvisation libre complètement débridée, exactement ce que j’aurais souhaité entendre pendant tout le concert. Gageons que ceux qui suivront au cours de la tournée de douze dates (qui ira jusqu’en Suède et en Norvège !) seront le fruit réussi de cette première soirée d’échauffement.


mercredi 14 avril 2010

Nick Cave & The Bad Seeds / Tender Prey


















Tender Prey est il le meilleur album de Nick Cave & The Bad Seeds ? D’une certaine façon, oui. Ce disque est une indéniable réussite artistique. Mais on peut très largement lui préférer ses prédécesseurs (hormis bien sûr l’album de reprises Kicking Against The Pricks). Printemps 1988. Je me revois encore, glandant avec quelques autres sur le perron devant la radio associative de la petite ville où j’habitais alors : la rumeur d’un prochain concert parisien de Nick Cave faisait rage et l’un d’entre nous, bien plus âgé – tellement plus âgé qu’il avait eu entre toutes autres choses la chance de voir Birthday Party en concert à Londres au début des années 80 –, soutenait que c’était impossible, que Nick Cave était mort quelques semaines plus tôt d’une énième overdose. Il avait évidemment tort, sauf sur un point : ce fameux concert parisien a bien été annulé suite à de nouvelles frasques du chanteur australien. Mais ce n’était pas grave. Tender Prey, cinquième album des Bad Seeds est sorti à la fin de l’été et Nick Cave s’est lancé à l’automne dans une nouvelle tournée européenne n’oubliant pas la France, notamment une date à Paris (à l’Elysée Montmartre), à Lyon (au trop éphémère Truc[k] de Vénissieux) ou à Rennes (aux Transmusicales).
A cette époque, les Bad Seeds ont le meilleur line-up de toute leur histoire et en concert le groupe fait de réelles étincelles. Outre Nick Cave au chant on compte Blixa Bargeld et Kid Congo Powers aux guitares, Mick Harvey à la basse, au xylophone, à l’orgue ou aux percussions, Roland Wolf à l’orgue et au piano et Thomas Wydler à la batterie. Je me rappelle également que sur scène il y avait deux centres d’intérêt pour le public, deux figures emblématiques : Nick Cave et Blixa Bargeld qui récoltait au moins autant de hurlements et d’apostrophes que le chanteur. Pourtant tout fonctionnait parfaitement entre eux, les Bad Seeds était encore un vrai groupe et non pas un backing band de luxe pour crooner destroy dirigé en souterrain par Mick Harvey. Nick Cave était pourtant en train d’inventer le gothique chic mais ça on ne le savait pas encore.

On ne le savait pas encore mais on se doutait bien que quelque chose était en train de se produire : Nick Cave allait bientôt déménager au Brésil, mettant fin à sa période berlinoise. Surtout il commençait à assumer de plus en plus ses penchants pour la gaudriole musicale : le single Deanna, composé sur le canevas d’un vieux gospel, est presque joyeux. D’un autre côté, des titres comme Watching Alice (qui n’est pas sans avoir des airs de parenté avec The Moon Is In The Gutter, la face B de In The Ghetto), Slowly Goes The Night et l’emphatique New Morning représentent la porte désormais résolument ouverte par Nick Cave sur une carrière de crooner allumé. Pour l’instant, les fans considèrent ces nouvelles orientations musicales d’un œil amusé – oui, pourquoi pas ? – et certains y trouvent même un second degré ironique (les shababa baba de Blixa Bargeld et Mick Harvey sur Slowly Goes The Night). La bienveillance punk au sujet des dérives arty de ses idoles est quelque fois bien terrible. Heureusement, même sur ces titres, on trouve toujours un je ne sais quoi de grondant et de vaguement menaçant, sûrement du au fait que Nick Cave ne sait toujours pas assez bien chanter pour être le grand chanteur de ses dames qu’il rêve d’être en secret. Sa voix lâche, croasse, lui file entre les doigts et si décalage il y a c’est bien ici qu’il faut le chercher bien que rien n’ait bien sûr été prémédité.
Reste une grosse majorité de titres : Up Jumped The Devil, Mercy, City Of Refuge, Sunday’s Slave et Sugar Sugar Sugar qui représentent dignement ou excellemment le côté sombre de la musique de Nick Cave & The Bad Seeds. Là, même l’amateur du suicidaire From Her To Eternity ou du mortuaire Your Funeral… My Trial peut s’y retrouver. Et c’est sans compter sur le morceau d’introduction, The Mercy Seat, longue complainte halluciné pour laquelle Nick Cave se met dans le peau d’un condamné à la peine capitale qui s’adresse à Dieu en attendant l’heure de la chaise électrique et de sa mort – le titre du morceau comme les paroles jouent sur une dualité ironique dont Nick Cave s’est fait une grande spécialité, The Mercy Seat étant à la fois le trône de Dieu et la dite chaise électrique.

Les bonus de la nouvelle édition deluxe et numériquement (?) remasterisée comprennent l’honorable The Girl At The Bottom Of My Glass (la face B du single Deanna) ainsi que les versions acoustiques de The Mercy Seat, City Of Refuge et Deanna qui seront offertes en bonus avec l’album d’après, The Good Son – à noter que Deanna est ici couplé en medley avec le gospel qui l’a justement inspiré. Le cinquième épisode de Do You Love Me Like I Love You est comme les précédents et les suivants : une compilation d’interviews de musiciens, de personnalités, de témoins et de fans qui égrainent leurs impressions et anecdotes personnelles sur Nick Cave et Tender Prey (avec entre beaucoup d’autres Mark Arm, Blixa Bargeld, Max Décharné, Christoph Dreher, Flood, Bobby Gillespie, Mick Harvey, Guy Maddison, Daniel Miller, Kid Congo Powers, Simon Reynolds, Alan Vega ou Nick Zinner).

mardi 13 avril 2010

Nick Cave & The Bad Seeds / Henry's Dream


















Publié en 1992, Henry’s Dream est le septième album de Nick Cave & The Bad Seeds. C’est surtout l’album du groupe qui sonne le plus « rock » depuis fort longtemps. Certains intervenants apparaissant dans le film inclus comme d’habitude dans la partie DVD de la réédition deluxe insistent même sur le fait que l’on y retrouverait l’esprit d’un Birthday Party ce qui est bien sûr complètement ridicule et faux car Henry’s Dream est aussi à ce moment là l’album des Bad Seeds qui sonne le plus propre et le plus policé : même The Good Son et ses multiples balades avec violonades sonne plus crade que lui. Ecouter Henry’s Dream au casque est même à la limite du supplice tellement il finit par sonner faux.
Il est par contre bien connu que le groupe (comprendre en premier chef Nick Cave et Mick Harvey) n’aime pas le son de ce disque qui a été entièrement remixé après que le producteur d’origine ait été remercié. Pourtant Henry’s Dream marque bien le début d’une nouvelle ère pour Nick Cave et ses boys : désormais les albums du groupe auront tous un son sans failles ni bavures, assez caricatural d’un indie rock qui cherche malgré tout à plaire. Autre changement, Kid Congo Powers qui avait quitté les Bad Seeds juste après la sortie de The Good Son pour rejoindre une dernière fois Jeffrey Lee Pierce et le Gun Club et n’avait pas participé à la tournée qui avait suivi a été remplacé à la guitare par… Mick Harvey qui laisse donc son poste de bassiste à l’ex Triffids Martin P. Casey.

Les changements opérés depuis Tender Prey et The Good Son sont toujours palpables mais on note un certain regain d’énergie parcourant les neuf titres d’un album qui reste toutefois inégal – neuf titres peut être mais il y en a parmi eux quelques uns dont on se serait largement passés. Les arrangements de cordes sont encore d’actualité mais moins prépondérants que sur The Good Son, par contre le sucre qui coulait dans les veines du roi Elvis à la fin de sa vie alimente toujours ça et là l’inspiration d’un Nick Cave toujours plus narcissique et poseur. Problème : lorsque le niveau des compositions baisse et que la qualité d’autrefois n’est plus toujours autant au rendez-vous, on finit forcément par s’agacer des manières d’un chanteur/compositeur désormais prisonnier d’un personnage public et d’un système propre que l’on ne peut s’empêcher de juger comme artificiel. Nick Cave punker, puis Nick Cave crooner et enfin Nick Cave winner.
Parmi les plus de cet album il y a le morceau introductif, le très bavard Papa Won’t Leave You, Henry avec un texte à rallonge dont Nick Cave s’est fait une spécialité et un final avec chœurs qui rappelleraient presque ceux de Train Long Suffering (de l'album The Firstborn Is Dead). Puis viennent I Had A Dream, Joe (malgré sa ligne de basse digne d’un baloche et son piano baltringue mais avec un solo de guitare !), le magnifique Christina The Astonishing, John Finn’s Wife (pourtant gâché par un final indigne) et le titre le plus violent de l’album, l’excellent Jack The Reaper. Bien qu’édité en single et mis en clip, Straight To You est une catastrophe gluante, tout comme When I First Came To Town. Quant à Brother My Cup Is Empty et à Loom Of The Land ils sont tout simplement insignifiants.

Les raretés et faces B présentes sur le deuxième disque valent le coup, d’abord une version acoustique de Jack The Ripper et un inédit honorable bien qu’un peu mou (Blue Bird) originellement disponibles sur un single promo et surtout les versions live de The Good Son, The Mercy Seat, The Carny et The Ship Song extraites du mini album I Had A Dream, Joe. A ce propose et à titre personnel, Henry’s Dream est le premier album des Bad Seeds depuis 1988 pour lequel je n’ai pas eu la chance de voir le groupe en défendre le contenu en concert. Je le regrette d’autant plus que ce septième album studio sera suivi du premier enregistrement live officiel de Nick Cave and C°, le mémorable Live Seeds et son recueil de photos, alors preuves de la toujours bonne tenue du groupe sur une scène. Sinon, sur la partie documentaire du DVD, les invités – dont je ne connais pas la plupart – se bousculent pour tenter de dire quelque chose d’intéressant à propos de Henry’s Dream et de Nick Cave mais seul Mark Arm de Mudhoney, complètement en décalage, y arrive de fait.

lundi 12 avril 2010

Nick Cave & The Bad Seeds / The Good Son


















Suite des rééditions deluxe des albums de Nick Cave & The Bad Seeds par Mute records, après une première fournée regroupant le quarteron magique que constituaient From Her To Eternity, The Firstborn Is Dead, Kicking Against The Pricks et Your Funeral… My Trial. Le principe de ces nouvelles rééditions est toujours le même que sur les précédentes : un premier disque (CD) avec l’album d’origine sans titres ajoutés et un deuxième disque (DVD) avec le même album mais en mix 5.1, plus les éventuelles faces B et inédits d’époque, plus la suite du documentaire Do You Love Me Like I Love You et deux ou trois vidéoclips attenants. Encore une fois, l’idée d’un mix spatialisé pour un album des Bad Seeds est d’une stupidité sans nom, ce vieux procédé couramment appelé stéréo étant largement suffisant lorsqu’il s’agit de diffuser de la musique qui n’a rien d’une sculpture sonore (non en fait je mens : le top du top c’est le mono, ce truc qui s’apparente le plus à un son de façade lorsqu’on assiste à un vrai bon concert).

The Good Son (1990) est le premier album réellement mal aimé de Nick Cave et de ses petits amis, celui – pour de nombreux fans de la première heure – par lequel il a fauté. The Good Son est surtout l’album sur lequel l’écriture de Nick Cave évolue radicalement : de son propre aveu il compose désormais tous ses titres exclusivement au piano et surtout il souhaite incorporer de nouveaux arrangements à savoir des cordes. Glups. C’est Mick Harvey qui se chargera de ces arrangements et c’est le début de la main mise du multi-instrumentiste sur la musique de Cave (jusqu’à son départ des Bad Seeds début 2009). Le résultat n’est pourtant, avec le recul des années, pas aussi décevant que l’on a bien voulu le dire – le groupe arrivera sans aucun problème à faire bien pire après, vers la fin des années 90 et au début des années 2000 ou même avec son album le plus récent, Dig !!! Lazarus Dig !!!. Dans le même genre d’idées, Nick Cave souhaite accompagner l’épuration de sa musique – en fait il n’épurera rien du tout : il remplacera juste le malaise de ses premiers enregistrements par une mise en scène du tragique se tournant de plus en plus du côté du chamallow grandiloquent – par une simplification de ses textes, déjà entamée sur l’album précédent, Tender Prey. Nick Cave ne souffre plus mais il doute toujours. Soit. Son chant aussi se calme singulièrement : le crooner Nick Cave supplante définitivement Nick The Stripper. Lorsque l’australien avait repris In The Ghetto d’Elvis Presley sur un single paru entre les albums From Her To Eternity et The Firstborn Is Dead il ne s’agissait pas que d’un hommage mais bien d’une véritable profession de foi dont la mise en pratique se déroule tout de suite et maintenant sous nos yeux, Nick Cave se prenant pour le roi du rock’n’roll à l’époque de sa résurrection du 68’ Comeback et The Good Son est le premier exemple d’une longue série d’albums qui le verront s’éloigner de plus en plus de la crasse et de la fange pour se rouler dans une mystique certes ironique et tourmentée mais trop proprette pour faire vraiment peur. En réussissant à exorciser ses démons internes Nick Cave a aussi perdu le côté maléfique de sa musique, c’est malheureusement un cas d’école.

Dans le détail, The Good Son ne peut s’apprécier que si on fait abstraction du premier titre, Foi No Cruz, basé sur une chanson traditionnelle brésilienne. Le Brésil, c’est là que s’est installé Nick Cave puisque la femme avec laquelle il partage désormais sa vie est brésilienne. Or, lorsque j’entends Astrud Gilberto, je sors mon revolver et ce Foi No Cruz reste assurément la pire des monstruosités jamais enregistrées par les Bad Seeds, loin devant tout le reste, y compris l’infâme album No More Shall We Part. Cette épreuve passée, The Good Son est un album plein de surprises. On peut regretter le bruit et les guitares – alors que le line-up comprenait encore deux guitaristes et pas des moindres : Blixa Bargeld et Kid Congo Powers – et on tique sur certaines balades vraiment trop niaises (The Ship Song, Lucy). Mais The Good Son, The Hammer Song ou The Witness Song rattrapent largement ces écarts de conduite. Surprise de taille, The Weeping Song est un duo très émouvant entre Blixa Bargeld et Nick Cave (c’était également un moment fort des concerts de l’époque des Bad Seeds, alors que Bargeld commençait déjà à se détacher de ses petits camarades, du moins sur scène où il en foutait de moins en moins).
Coté bonus on a droit à des faces B pas très intéressantes. Les versions acoustiques de The Mercy Seat, City Of Refuge et Deanna pourtant présentes sur le single offert avec le tirage de tête de The Good Son n’ont pas été incluses dans cette réédition mais sur celle de Tender Prey ce qui n’est pas sans une certaine logique. La sixième partie du documentaire Do You Love Me Like I Love You propose les habituelles interviews des acteurs de l’époque et des admirateurs de maintenant de Nick Cave, on passe.

dimanche 11 avril 2010

Hint vs EZ3kiel / Collision Tour 2009























Hint le retour. Après l’exhumation discographique du groupe via 93 - 99, un double CD compilatoire déjà produit par le label lyonnais Jarring Effects – exhumation mettant surtout en exergue le fait que Hint avait essentiellement publié en son temps un excellent premier album, 100% White Puzzle, puis deux albums beaucoup plus moyens, Dys- et Wu-Wei – ce même label nous propose un pack CD + DVD retraçant le Collision Tour 2009, une tournée commune entre Hint et EZ3kiel. L’histoire a déjà été mille fois racontée, le DVD revient également dessus abondamment aussi on va faire très court. Septembre 2008 : pour bien marquer la dixième édition du festival Riddim Collision organisé comme tous les ans à Lyon par les gens de Jarring Effects, ces derniers ont l’idée d’une collaboration sur scène entre les vétérans de Hint et leurs petits frères d’EZ3kiel. Le concert en question marche du feu de dieu, les deux groupes tombent profondément amoureux l’un de l’autre et l’idée d’une tournée commune germe dans leurs esprits, ce sera donc le Collision Tour 2009 soit une dizaine de dates dans les plus belles salles estampillées SMAC de France et de Navarre. Un véritable succès artistique et public là aussi, dont ce CD + DVD est le digne témoignage.
Malgré les quelques reproches que l’on peut faire quant au vieillissement prématuré de certains de ses aspects musicaux, Hint reste un bon groupe. La moitié des titres présents ici ont été composés par le duo d’Angers. L’autre moitié des titres est le fait d’EZ3kiel : les deux groupes n’ont pas eu le temps d’élaborer un répertoire commun d’inédits, c’était la seule solution pour eux de monter rapidement une setlist cohérente. Mais l’est-elle réellement ? Absolument pas fan d’EZ3kiel, j’ai tout du mec méfiant à leur égard : je déteste en général la musique trop proprement et trop parfaitement mise en place sans compter que les univers musicaux d’EZ3kiel sont à l’opposé de mes pulsions primaires habituelles – à la maison ce sont les filles qui écoutent et qui jouent avec le DVD Rom de Naphtaline et c’est leur mère qui pleure à chaque fois qu’elle écoute Battlefield. Moi, non.

Collision Tour 2009 est donc une alternance de compositions de Hint – qui ouvre logiquement avec un mémorable 100% White Puzzle – et de compostions d’EZ3kiel. Je ne vais pas revenir sur l’excellence des parties de Hint, quoique l’intro dubisante de Eyes In Axis m’ait légèrement inquiété au départ, mais (en plus des deux titres déjà mentionnés) tout est quasiment parfait, des très planants et très beaux Beautiful Old Betty et Mr Investigator en passant par l’increvable Flexible mais il faut également préciser que si tout est si bon et réussi c’est sans aucun doute grâce à EZ3kiel : jouer les compositions de Hint à six n’est pas la même chose que de les jouer à deux, surtout lorsqu’il y a une basse sur tous les titres, que l’on compte en permanence deux voire trois guitares et qu’il peut également y avoir deux – oui, deux – batteurs. Ces derniers, le très stoïque Mathieu Fays et le plus démonstratif Stéphane Badiaud sont tout bonnement impressionnants (et ne se contentent pas de la batterie/percussions, nous avons affaire là à de réels multi-instrumentistes). Mais le plus marquant c’est sans doute le fait que toutes les parties autrefois jouées grâce à des bandes et autres samples par le duo Hint sont désormais jouées en temps réel par le tandem Hint/EZ3kiel, les compositions gagnent alors un côté massif et organique enfin à leur mesure.
Parallèlement, les compositions d’EZ3kiel me semblent aussi gagner en améliorations avec l’adjonction des deux Hint. L’intro de Wagma fait vraiment peur (on dirait un titre de Pink Floyd…) tout comme Volfoni’s Revenge, beaucoup trop dub (mais finalement pas si mal) mais The Wedding, le très hardcore Firedamp et surtout Via Continuum et même le sautillard Versus finissent par être convaincants. Au milieu surnage une curiosité et pas des moindres : une reprise du Chinatown de Bästard, boostée par deux guitares, deux basses et une batterie donc moins finaude que l’original mais d’une puissance pertinente.

Le DVD entérine tout ce que l’on pense de la version CD du concert : les titres de Hint avaient bien besoin d’EZ3kiel pour revivre et éclater enfin alors que ceux d’EZ3kiel s’imposent eux aussi petit à petit. On se régale tant et plus de ces deux batteurs incroyables et plus encore on se régale de la réelle complicité des deux groupes sur scène et de la qualité musicale et visuelle du concert. La partie documentaire insiste sur le côté grande fratrie et expérience humaine du périple 2009 tout en égrenant une à une toutes les dates de la tournée. Un reportage complémentaire revient sur le Hint des origines, celui des années 90 (Hervé Thomas a les cheveux longs et Arnaud Fournier ressemble plus que jamais à un poupon) et on trouve également deux clips d’époque conçus pour Foetus Anxiety et Our Lady Of Pain.

Si tout ce bonheur partagé vous fait envie vous avez bien raison et si vous avez raté le premier Collision Tour ce n’est pas grave puisque les deux groupes ont décidé de remettre ça à partir du 31 mars dans toute la France avec encore plus de dates que la première fois et, on l’espère, encore plus de surprises. Pour les lyonnais, Hint vs EZ3kiel est programmé le 21 avril à l’Epicerie Moderne de Feyzin.

samedi 10 avril 2010

Metal Café Flesh*























Bon alors. C’est jeudi et la question cruciale du jour est : Kill The Thrill au Sonic ou bien Café Flesh au Metal Café ? Même en appréciant quelques titres de Kill The Thrill, je ne peux pas affirmer être un grand fan du groupe marseillais et surtout, désolé, je n’ai jamais vu un bon concert d’eux – mis à part peut être la toute première fois, il y a une quinzaine d’année en première partie de Treponem Pal, mais maintenant, après moult déceptions répétées, je préfère mettre ça sur le compte de l’effet de surprise, les premières fois on sait trop bien le genre de cruelles désillusions que cela peut procurer par la suite. Et puis la principale raison est que j’avais vraiment envie de revoir les Café Flesh en action, ce ne sera jamais ce soir que la troisième occasion de le faire.
Il faut croire que j’ai bien été le seul à tenir ce raisonnement – Kill The Thrill a ses fans, c’est largement mérité – puisque si je sais bien compter il y a du y avoir moins de dix entrées payantes au Metal Café contre à peu près quatre vingt au Sonic (j’ai mes informateurs), là c’est clair qu’on ne joue pas dans la même division. Ceci dit, toujours à propos de Kill The Thrill, une affluence aussi moyenne dans une grande ville, pour un groupe respecté, qui tourne depuis aussi longtemps, ça en dit long sur l’état de la prétendue scène underground française. Mais je suis heureux d’apprendre aussi que certains ont adoré le concert des marseillais, alors tant mieux. Mais pour en revenir à ce qui nous occupe, je ne regrette rien vu que les Café Flesh nous ont balancé un concert tout simplement énorme et puissant. Et comme pour cette tournée baptisée Gypsy Tour 2010 ils étaient accompagnés de ÖfÖ Am dont j’admets bien mal connaître la musique, c’était là également l’occasion d’une découverte supplémentaire.























Je me dirige donc vers le Vieux Lyon ®, dans un quartier qui le jour ressemble à un musée pour touristes homologué par l’Unesco comme faisant partie du patrimoine mondial de l’humanité et qui la nuit ressemble plus à un immense abreuvoir pour étudiants qui s’emmerdent en attendant les examens ou pour blaireaux de toutes origines qui s’emmerdent toujours et encore parce que leurs études n’ont étonnamment pas réussi à donner un sens à leurs vies de merde. Un quartier détestable au bord des quais de Saône, peuplé de boites de nuit et de pubs. Le Metal Café est un tout petit endroit au début d’une rue de ce vieux quartier, le genre d’endroit où je n’ai pas envie d’entrer pour boire une bière mais qui miraculeusement a une salle en sous-sol, une cave quoi, bien aménagée et équipée avec ce qu’il faut pour faire du son et de la lumière. Donc des concerts.
Mais comment ÖfÖ Am et Café Flesh ont-ils fait pour atterrir dans un tel endroit ? C’est encore cette vieille histoire de solution de repli, après s’être fait baladés pendant quelques semaines les deux groupes, qui avaient bloquée cette date de leur tournée pour Lyon, se sont retrouvés sans salle pour les accueillir, ne pouvaient pas jouer au Sonic (puisque la place était déjà prise) ni à Grrrnd Zero (problème de lenteurs administratives du politburo général incompatibles avec l’organisation de concerts de dernière minute). Ce sera donc le Metal Café ou rien car même un plan pourri est plus souhaitable qu’un day off dans une tournée qui financièrement n’est même pas forcément rentable au départ – essayer de perdre le moins de thunes possible et continuer à jouer sa musique ça c’est du courage, bravo les gars.
Les locaux de Six Shooter sont les premiers à jouer, il me semble qu’ils organisent aussi le concert. Leurs vieux potes de toujours et leurs copines du moment sont venus les soutenir, c’est le groupe de la soirée qui aura le plus de public à savoir dix pélots qui ont payé et huit autres qui n’ont pas payé (les membres des deux autres groupes), le tout entassé dans un bar pourri mais du coup bien trop grand, avec un patron qui fait la police parce qu’il a peur que ça joue trop fort.
Je n’ai rien de particulier ni de méchant à dire sur Six Shooter qui joue un stoner rock très mélodique tout ce qu’il y a de plus classique et bien gaulé, avec des bonnes parties à deux guitares. C’est bien au point et correctement envoyé (malgré un manque certain de puissance de la part du batteur), seulement je suis aussi fan du genre que de la théorie des cinq fruits et légumes par jour pour rester en bonne santé, aussi une certaine circonspection s’impose. C’est comme si vous me demandiez mon avis sur la nouvelle politique économique du gouvernement** : je n’y connais rien, j’en ai rien à foutre mais ça me fait râler quand même. A noter que Six Shooter annonce son premier enregistrement pour bientôt, les fans du genre devraient s’y retrouver.
















Cette mise en bouche m’a permis de tester la lumière pour prendre des photos avec un appareil beaucoup trop sophistiqué pour moi et que je ne maîtrise toujours pas. Mais j’ai bien l’intention de prendre des clichés mortels de la mort de Café Flesh et de ÖfÖ Am. Et c’est justement ÖfÖ Am qui joue ensuite. J’avais complètement raté ce groupe de Montpellier qui sort ses disques sur Head records et pratique le stoner comme on joue au foot entre potes sur un terrain vague au lieu d’aller au lycée, en décapsulant une nouvelle cannette entre chaque action. Ça sent la sueur, la graisse, le punk et ce qui ne devrait être qu’un agréable moment passé à faire de l’anthropologie musicale – je rappelle, doux euphémisme, que le Stoner n’est guère ma tasse de thé – se transforme en un bon concert poilu et ventru.
Guitariste et bassiste fuzzent et wahwahtent à tout va, utilisant des pédales que maintenant j’imagine construites par le batteur (car j’ai depuis appris qu’en plus d’être moustachu comme Philty Taylor et de porter le t-shirt d’un groupe ami, celui-ci déploie également quelques talents avec un fer à souder). Une connaissance enfin arrivée au concert m’apprend au passage que le Stoner power instrumental de ÖfÖ Am est plus qu’influencé par Karma To Burn, trio américain et incontournable parait-il, d’ailleurs les deux groupes viennent de sortir un single ensemble chez Napalm records. Comme depuis tout à l’heure je n’y connais toujours absolument rien au stoner mais que j’ai apprécié le concert malgré mes habituelles réticences à la nouveauté et à l’ouverture d’esprit, je décide de lui faire confiance – même si j’ai l’âge d’être son père à ce gamin – et d’empocher le dit single à la fin de la soirée.
Le drame c’est qu’alors que je continuais à prendre des photos, l’indicateur de batteries qui clignotait déjà depuis quelques temps déjà se met carrément au rouge et qu’un message crypté m’indique que mon super appareil de winner se met en mode extinction des feux automatique. Qu’à cela ne tienne, j’ai toujours une batterie chargée de rechange dans mon sac, j’assume mon côté top organisationnel et maniaco-dépressif de la perfection ordinaire. Horreur : lorsque j’insère la nouvelle batterie dans l’appareil celui-ci m’indique clairement qu’elle est elle aussi presque vide – j’ai tout simplement oublié de la recharger. Je m’arrête donc de prendre des photos d’ÖfÖ Am – même s’ils sont très beaux et sympathiques – parce que je veux garder un peu de jus pour Café Flesh.























Lesquels s’installent promptement : ils sont arrivés terriblement en retard à cause d’une panne de van (encore un grand classique) ce qui pour un groupe tel que Café Flesh est finalement guère préjudiciable, il leur suffit bien de brancher les amplis et de jouer non ? Alors que le bassiste teste le son de sa basse, le patron du bar redescend pour la énième fois en criant pas trop fort ! pas trop fort ! Ce le sera suffisamment quand même et les Café Flesh vont démonter en un set assez court mais intense tout ce dont ils sont vraiment capables en concert, passant en revue les meilleurs titres de leur dernier album I Dumped My Wife, I Killed My Dog ainsi que quelques autres des disques précédents.
C’est donc la troisième fois que j’assiste à un concert de Café Flesh et c’est la deuxième fois que je les vois jouer à quatre. Lorsqu’ils étaient passés au Rail Théâtre avec Akimbo l’absence (à l’époque momentanée…) de leur deuxième guitariste posait parfois quelques problèmes de cohérence à l’ensemble – ça se comprend aisément. A la réflexion, je trouvais même le groupe déséquilibré : le chanteur/saxophoniste et le bassiste vraiment à fond, assurant tout le spectacle, attirant l’attention et faisant la majeure partie du boulot pour faire péter la tension alors que le guitariste et le batteur restaient trop en retrait, beaucoup trop discrets. Cette impression je ne l’avais pas eu lors du passage de Café Flesh au Sonic et alors qu’ils jouaient encore à cinq : les deux guitaristes se répondaient bien et offraient un bon contrepoids à la doublette infernale chanteur/bassiste.
Jeudi soir, les Café Flesh ont tous joué ensemble, comme un seul homme, et on peut dire que le groupe a trouvé son équilibre parfait et à quatre. L’implication du batteur qui a bien compris qu’au Metal Café il fallait qu’il tape comme un malade (la batterie n’est pas sonorisée) est flagrante, c’est la première fois que je le remarque autant. C’est surtout le guitariste qui me surprend le plus, oui le jeune homme qui sort des disques en solo sous le nom de MSL JAX et dont nous avons parlé il n'y a pas très longtemps : il se démène comme un beau diable, saute comme un cabri, mouline et maltraite le manche de sa six cordes comme un punker survolté, responsable d’une bonne part du son blues cradingue et amrepien du groupe.
D’une manière générale c’est la prestation de l’ensemble de Café Flesh qui est excellente et survitaminée, sale, crue, intense et folle et vraiment, vraiment, chapeau bas au groupe qui a terminé son set devant cinq personnes (les trois ÖfÖ Am, mon petit camarade et moi) avec de temps en temps un curieux qui redescendait dans la salle pour voir ce qui pouvait bien s’y passer encore – continuant à jouer dans le rouge et sans défaillir, avec la même ténacité que celle du chien qui t’agrippe le gras pour ne pas que tu t’enfuis, avec un plaisir évident, le feu au cul, le feu de partout. Encore une fois bravo les gars.























Epilogue avec une bonne nouvelle pour la fin à propos du projet de Café Flesh de faire un split avec les américains de Hawks : les morceaux ont été enregistrés depuis longtemps mais les français n’avaient plus aucune nouvelle… jusqu’à ce que les Hawks se manifestent à nouveau pour dire que les test pressings dudit split étaient arrivés. Les deux groupes espèrent maintenant une publication rapide et l’idée d’une tournée commune des deux côtés de l’Atlantique refait enfin surface. Les Café Flesh aimeraient bien rejouer dès la rentrée et même repasser par Lyon parce qu’ils ne confondent pas rancune et tenacité, qu’on se le dise…

* ce titre est franchement nul mais là j'ai clairement la flemme
** demandez moi mon avis sur les reformes envisagées par l’actuelle opposition politique si elle passait au pouvoir : je m’en foutrais tout autant mais en plus de râler comme un con dans mon coin je rirais également de tant d’absence et d’invisibilité idéologiques