jeudi 22 avril 2010

Monarch! - Let There Be Doom























On est en plein dans cette période de fou avec (au moins) un concert intéressant par soir et son corollaire, le cruel dilemme du choix. Qu’est ce que je préfère au fond ? Scruter, à la recherche de dates éventuelles qui pourraient m’intéresser, le calendrier désespérément vide des mois d’hiver, mois pendant lesquels personne ne veut tourner, ou bien – lorsque le printemps est enfin arrivé et que tout le monde semble s’être donné le mot pour faire du tourisme en Europe, c’est agréable l’Europe, même avec un volcan en éruption – en être réduit à hésiter entre le groupe qui pourrait être vraiment bien même si je n’en sais trop rien, celui que j’ai déjà vu mais que j’aimerais revoir, celui que je n’ai jamais vu mais dont j’adore le dernier disque ou celui dont je ne sais rien alors pourquoi pas ? Jamais content. Et tout ça, c’est sans tenir compte de l’aspect financier des choses, aspect qui finit forcément par entrer en ligne de compte.
En ce début de semaine le choix s’opère entre Monarch! Et Talk Normal. Les premiers ont été bien décevants lors de leur précédent passage en novembre 2009, les seconds ont publié à la fin de l’année dernière Sugarland, un premier véritable album du tonnerre (comme on dit). La logique aurait surement voulu que ce soit Talk Normal que je choisisse et c’est donc pour revoir Monarch! que je me dirige en ce lundi soir en direction du Sonic. Le temps est agréable, c’est le printemps, je suis rasé de près et je regarde par terre parce que les pieds des gens me font un peu moins peur que leur regard, la grande forme quoi. Monarch! sera, je l’espère, la parfaite bande son de cet état d’esprit merdique.
Je suis un peu déçu parce que le groupe n’a plus dans ses valises aucun exemplaire de son dernier album, Sabbat Noir : le bassiste m’explique qu’ils ont tout vendu sur les trois premières dates de leur tournée. Sabbat Noir est publié chez Heathen Skulls, le label australien de Robert MacManus, ex Grey Daturas et actuel batteur de Monarch!. Or Robert n’a pu prendre qu’une centaine d’exemplaires avec lui dans l’avion qui l’a conduit de l’Australie vers l’Europe… dommage. Pour les affamés de Monarch! il ne leur reste donc plus qu’à commander Sabbat Noir directement en Australie avec les frais de port qui vont faire mal ou bien attendre que quelques distros européennes en reçoivent, rien n’est moins sûr. Par contre Crucial Blast a enfin sorti la version CD de Mer Morte, le précédent enregistrement du groupe, un an et demi après la version vinyle de Throne records.
















Il est vingt et une heures à peine passées et le Sonic se remplit tout doucement (il y aura environ soixante entrées ce qui est vraiment pas mal pour un lundi soir et pour un groupe comme Monarch! qui n’est pas du genre ultra populaire non plus). Contre toute attente Robert MacManus s’installe sur une chaise derrière une petite table et commence à bidouiller des boutons pour nous casser les oreilles. La source sonore qu’il utilise est le feedback de la guitare de Shiran (le guitariste de Monarch!) posée derrière lui contre un ampli. Ça fait un peu du bruit et surtout ce n’est pas très intéressant. Et dix minutes plus tard c’est déjà terminé.
C’était donc la contribution de Black Widow au concert du jour… Black Widow c'est-à-dire la moitié d’un duo formé par Robert MacManus avec Blarke Bayer (un des types de My Disco, groupe qui sera en concert au même endroit au mois de mai) mais là, Robert MacManus tout seul c’est complètement dispensable. Il est maintenant 21h15 et si Monarch! enchaine à la suite comme prévu, on peut statistiquement espérer que le concert s’achèvera aux alentours des dix heures et demi, horaire totalement compatible avec mon rythme de vie actuel de pépère arthrosé. Conscient qu’il a joué beaucoup trop tôt et pas assez longtemps, Robert revient quelque minutes plus tard, cette fois ci à la guitare et accompagné du soundman du Sonic à la batterie pour un duo improvisé. L’australien demande au français de jouer un rythme à la Black Sabbath et part dans un riff qu’il va faire tourner, tourner, tourner… merci Robert et merci à Fab pour cette leçon de courage.
















Cela ne va pas très fort du côté de Monarch!. La chanteuse se plaint depuis la veille de douleurs à la jambe et à en croire la tête qu’elle a, elle ne fait vraiment pas semblant. Robert, peut être un peu gaffeur sur les bords mais très intentionné, lui installe un siège de fortune pour qu’elle puisse s’assoir derrière la table sur laquelle sont disposés ses multiples effets pour la voix. On allume les bougies pour éclairer la scène et c’est parti pour le rituel païen.
Un concert de Monarch! c’est toujours un peu pareil, un long titre qui s’étire, qui s’étire, qui s’étire, let there be dooooooooooooom. On aime ou on déteste ce positionnement quasiment dogmatique sur la lenteur et le suintement. Personnellement, j’adore, bien qu’il me faille reconnaître que les concerts de Monarch! sont plus ou moins réussis. Celui de ce soir est à ranger dans la catégorie des bons concerts, malgré – ou bien grâce à ? je n’ose le croire – les douleurs à la jambe de la chanteuse qui comme à son habitude va osciller entre mélopées de sirènes maléfiques et hurlements d’anges déchus émasculés (les anges, nous dit-on toujours, n’auraient pas de sexe, ce que je refuse de croire également). Les quatre sont donc en grande forme, les riffs monolithiques s’empilent sans pitié, le feedback broie les oreilles, les rythmes fracassent et la cérémonie se fait de plus en plus opaque, tendue et profonde – si l’occultisme musical existe, Monarch! en est l’un de ses plus dignes représentants.
La difficulté avec une musique au tempo aussi ralenti, c’est sa bonne tenue générale ou pas : il est parfois ardu de rester cohérent et de coller à un niveau de rendu homogène ou tout du moins d’en avoir l’air (à l’autre extrême les grindeux ont finalement exactement le même problème, celui d’éviter que leur musique ne se transforme en bouillie) or pour ce concert de Monarch! tout se tient merveilleusement bien – non il n’y a sans doute rien de merveilleux là dedans, peut être à la limite quelques maléfices mais surtout un vrai batteur, puissant et fédérateur. Et un batteur comme ça, ça change tout. Impossible de savoir si Robert MacManus qui est depuis retourné en Australie rejouera un jour ou l’autre avec Monarch! mais ce qui est sûr c’est que le groupe n’a jamais été aussi bon qu’avec lui derrière une batterie. On se rappelle aussi qu’avec son ancien groupe Grey Daturas il avait l’année dernière et au même endroit cassé la baraque au point d’offrir à une petite trentaine de privilégiés l’un des meilleurs concerts de 2009. So long Robert, et reviens-nous vite.