J’avais beaucoup aimé Geneva en concert. J’attendais donc un bon album de la part de ce trio basé à Valence (avec désormais quelques bouts à Lyon je crois). J’attendais, j’attendais… et ce disque qui ne venait toujours pas. Ce n’était ni la faute du groupe, ni celle du label pourtant marseillais, on va se la jouer Trendkill, mais bien celle à pas de chance, problème de pochette, de pressage, que sais-je encore. Alors j’attendais, j’attendais : Sail On Suds a une première fois été annoncé pour novembre 2009 et il n’était toujours pas là. La fin d’année a passé, Noël également, et toujours rien sous le sapin. C’était à désespérer. De temps en temps je faisais mon chieur, j’envoyais un mail au label – hé les gars, vous ne m’avez pas oublié au moins ? – et la réponse finissait par tomber, toujours la même : on est en super retard sur cette sortie mais on y est vraiment pour rien, encore toutes nos excuses. Alors je me posais des questions. Faut-il faire confiance à un label de métallurgistes ? Il m’a fallu patienter les mois d’hiver. Sail On Suds est arrivé un peu avant le printemps alors que je n’y croyais plus (au printemps non plus d’ailleurs). J’attendais un bon album de la part de Geneva et désormais que je peux enfin l’écouter dans de bonnes conditions je peux aussi affirmer que Sail On Suds est bien mieux que ça : ce disque est tout simplement excellent.
Il faut avoir des couilles pour oser attaquer un album par un titre fleuve qui dépasse les dix minutes, même lorsque le groupe en question est censé jouer dans la catégorie post hardcore/néo prog metal. And Dust My Sugar From The Fold est ce titre magnifique, épique par endroit, d’une intensité émotionnelle à faire fusionner les caleçons et les petites culottes mais surtout And Dust My Sugar From The Fold démontre tout ce que Geneva n’est pas – n’est plus vraiment – c'est-à-dire un rejeton dixième génération et consanguin de toute la clique Neurosis and C°. Et ça c’est la sacrée bonne nouvelle de ce disque. Si en concert le hardcore ralenti et parfois bluesy de Geneva avait su faire ses preuves, Sail On Suds confirme que le trio est aussi adepte de la crasse de fin de journée entre les doigts de pieds, de noise, d’indie rock aussi peut être… Alors And Dust My Sugar From The Fold est un titre tellement incroyablement bon et direct (malgré sa longueur) que pour la suite de l’album on s’attend forcément à moins bien. Ce ne sera fort heureusement pas le cas : ce premier titre qui s’écoute en boucle – goûtez moi à ce riff d’intro et à cette ligne de chant d’écorché, goûtez moi à ce passage en plein milieu avec cette guitare très je plane dans les étoiles, appréciez ce son de basse bien net (le mix est signé Serge Morattel*), émerveillez vous de la reprise sur la fin, on a vraiment l’impression d’être dans un tout autre morceau et pourtant cela reste parfaitement cohérent – donc And Dust My Sugar From The Fold est la parfaite déclaration d’intention d’un disque qui va tout péter.
Ce que confirme directement le second titre, le non moins bon Drivin’ Across The Sky. Rythmique lourde et soutenue, basse aux vrombissements proéminents, guitare fusionnelle et surtout cette capacité à sortir des idées de composition qui malgré une complexité évidente et des digressions ne partent pas dans tous les sens, savent se tenir et tenir l’auditeur dans un état d’écoute attentive permanente. Tout ça pour dire que l’on ne s’emmerde donc pas une seule seconde sur Sail On Suds. Oui, on ne s’emmerde pas un seul instant, y compris sur le reste des six titres de l’album, lesquels offrent bien entendu quelques variantes bienvenues comme H-Burns invité au chant sur le poignant On My Own ou Pierre Tantrum qui est venu braillarder sur le très intense Opposite/Attract (presque une speederie de quatre minutes). Au rang des meilleurs titres on compte également le terrifiant Echoes Wine ou l’ultime Hope. Mais il n'y a vraiment rien à jeter ici : à aucun moment Geneva ne se montre présomptueux, ne donne dans l’effet de manche gratuit ou n’enfume son monde avec des plans pseudo hallucinogènes coupés à l’engrais chimique. Rien que du naturel, rien que du vital, de l’intense et du direct. Un exploit pour ce genre de groupe. Et un exploit tout court.
* pour ceux que ça énerve lorsque on cite le mec responsable du son à partir du moment qu’il est un tant soit peu connu pour ses faits d’armes passés précisons également que Sail On Suds a été enregistré par Laurant Nafissi au NSR Studio et masterisé par Carl Saff à Chicago