lundi 25 mai 2009

Antoine Chessex / Terra Incognita























Antoine Chessex est plus connu pour être le saxophoniste fou des terribles Monno, groupe suisse réfugié à Berlin et qui malgré un dernier album un peu trop en deçà (Ghosts sur Conspiracy records) reste l’une des formations les plus furieuses du vieux continent. Avec Monno Antoine Chessex privilégie deux pistes de travail : soit le son de son saxophone est saturé jusqu’à l’outrance, jouant ainsi avec un mur du son hors du commun, soit il s’amuse diaboliquement avec les infrabasses, peut être en espérant trouver un jour celle qui donnera à l’auditeur instantanément envie de chier dans son froc. Lorsque il tape dans les deux registres en même temps les boites crâniennes explosent et les trous du cul partent en chou-fleur. Terra Incognita n’est peut être pas le premier enregistrement solo d’Antoine Chessex mais il s’agit en tous les cas du premier que j’écoute. Une courte collection d’enregistrements live pour la plupart. C’est le label grec Absurd records qui a publié ce joli LP gravé sur une seule face (c’est trop à la mode) et emballé dans une pochette cartonnée qui lorsqu’elle s’ouvre en deux laisse apparaître une vieille carte du monde ou plutôt une représentation mi cosmographique mi zodiacale de la Terre, avec plein de ces détails moyenâgeux débordant de superstition et d’obscurantisme.
Difficile pour Antoine Chessex d’échapper à l’incontournable référence à Borbetomagus et ce n’est pas le premier titre, Travelling Without Maps qui me fera dire le contraire. Chessex s’essaie au harsh noise, flirte avec des poètes renommés tels que Masami Akita/Merzbow, empile les fréquences, fait saigner les oreilles mais question originalité et pertinence on repassera. Originalité cela se comprend, les maîtres du bruit absolu sont légion mais on était en droit d’attendre un peu plus d’épaisseur du brouet cacophonique cuisiné par Antoine Chessex, ses explosions ultrasoniques manquant finalement de ce côté massif et envoûtant qui révèle au-delà du bruit blanc des harmoniques au départ insoupçonnées. Son système saxophone amplifié/manipulations électroniques ne semble pas tenir toutes ses promesses dans le cadre de l’expérience en solo. A sa décharge précisons que la qualité de l’enregistrement n’est pas bien terrible non plus et que si on avait été là, debout devant lui, à l’écouter en se bouchant les oreilles en s’enfilant le majeur dans les trous jusqu’à la troisième phalange, on ne penserait sûrement pas la même chose. Deuxième titre, A To B joue le chaud et froid. On entend distinctement les textures propres au saxophone et même si le son de celui-ci est volontairement sali on est très loin de la déferlante de saturation. Comme le musicien on hésite finalement un peu : est ce trop peu ou est ce pas assez ?
La réponse se trouve dans Xianggang, sorte de compromis enfin réussi entre les deux options défendues sur les deux titres précédents. De la saturation brute d’où émergent les stridences du saxophone. Antoine Chessex trouve enfin ses marques, son aire de jeu prend de l’ampleur, on s’amuse avec lui à se transformer les tympans en flocons de purée Mousseline et on ne sait pas vraiment pourquoi, ne comprenant pas ce qui pouvait manquer auparavant tout en restant conscient de la futilité de l’exercice. Puis on s’en fout. Vive le bruit. Trois titres mais Terra Incognita n’est pas tout à fait terminé : le label annonce un bonus track et effectivement si on retourne ce LP monoface on s’aperçoit qu’il y a une quatrième plage de gravée de l’autre côté, en fin de parcours, comme si on avait là un 7 pouces avec un grand vide en plus. Amusant. Ce quatrième titre sans être révolutionnaire lui non plus passe malgré tout assez bien. Comme pour les trois autres c’est en montant le son de son ampli qu’on l’écoute le mieux : entre ce faux ghost track et Xianggang, Antoine Chessex aurait pu sortir un bon petit single deux titres, cela aurait été largement suffisant.











L’actualité ça colle : Antoine Chessex est en concert ce soir avec Monno et en première partie des gentils fous tarés de Lightning Bolt au Grrrnd Zero de Vaise (c'est-à-dire dans ce bon vieux Rail Théâtre). Une bonne soirée, idéale pour entretenir sa surdité et son asociabilité dans le cadre d’une grande séance de psychothérapie de groupe.