vendredi 29 mai 2009

Monoliths & Dimensions : Sunn dégénérant























Greg Anderson et Stephen O’Malley, les deux têtes pensantes (qui a dit les deux têtes à claques ?) de Sunn devaient être trop conscients qu’ils étaient arrivés au bout de quelque chose avec ce projet devenu bien embarrassant. Hormis un album en collaboration avec Boris et quelques albums live à vocation alimentaire, le duo n’a rien publié de neuf depuis l’année 2005 et l’album Black One qui se mordait déjà bien la queue. Ils ont laissé les choses venir, occupés à des sous side projects ne valant souvent pas tripette* (comme Burial Chamber Trio avec Anderson accompagné d’Attila Csihar et d’Oren Ambarchi) ou donnant dans l’installation sonore et l’art contemporain (domaine dans lequel O’Malley est incontestablement le plus doué des deux). Ils ont pris leur temps, comme les moines qu’ils imitent avec leurs grimm robes, le temps de la réflexion, de la méditation et du renoncement. Du renoncement ? Non, pas tant que ça : le résultat de ces quatre années d’attente -en fait les deux Sunn aiment à préciser que la composition, la conception et la fabrication de leur nouvel album leur ont pris en tout et pour tout dix huit mois- s’appelle Monoliths & Dimensions et on ne pourrait être plus précis quant au choix du titre d’un album que l’on sait important pour le restant d’une carrière déjà bien menée.
Monoliths = comme avant. Dimensions = des trucs en plus. Ce septième album studio n’est rien d’autre que du pur Sunn avec des enluminures. Parmi celles-ci : des chœurs, des cuivres, des cordes, un Oren Ambarchi qui œuvre de plus en plus dans l’ombre ou un Attila Csihar incroyablement bavard et parfait dans son imitation pathétique des lead vocals totalitaires à la Laibach -sur Aghartha et sur Hunting & Gathering (Cydonia)- pour un rendu particulièrement pénible qui gâche la moitié du disque (tout comme Malefic de Xasthur et Wrest de Leviathan avaient plombé l’ambiance sur Black One). Ce n’est pourtant pas la première fois que Sunn rajoute une voix narrative à sa musique, on se souvient même de l’intervention réussie de l’illuminé Julian Cope sur My Wall, premier titre du génial White 1, on se souvient également de ce même Attila Csihar faisant preuve avec Sunn de beaucoup plus de discernement, qu’il retourne donc jouer au lapin-garou avec Mayhem.
Des invités il y en a des tonnes sur Monoliths & Dimensions. En plus de tous ceux déjà cités on peut également parler de Keith Lowe, Steve Moore, Eyvind Kang, Dylan Carlson, Cuong Vu, Rex Ritter, Tony Moore, Joe Preston, Daniel Menche… et encore je ne cite que ceux dont je connais les travaux par ailleurs, car il y en a en fait bien plus que ça : ce n’est plus un disque, c’est l’internationale de l’expérimental et Sunn, au lieu d’en profiter pour se ressaisir, au lieu de se retrouver, s’est complètement perdu, noyé dans cette foule d’invités, devenant presque anonyme**.
Monoliths & Dimensions n’a donc rien d’inquiétant, de malsain, de maladif. Monoliths & Dimensions ne fait pas mal et pas du tout peur. Monoliths & Dimensions ne t’envoie pas voir ailleurs, Monoliths & Dimensions ne te remet pas les pieds sur terre (en enfer) non plus. Monoliths & Dimensions est un disque agréable et confortable avec juste ce qu’il faut d’intrusions expérimentales pour interpeller mais avec de moins en moins de guitares qui font VVVVVVVVVRRRRRRROOOoooouuummMMMM -amusant : à chaque début de titre on n’entend qu’elles puis elles disparaissent, comme si les deux Sunn s’étaient creusé la tête pour compléter, rallonger et terminer leurs compositions sans avoir recours à la répétition et au drone, ce qui aurait été bien plus préférable. De là à dire que tous les invités ne l’ont été que pour assurer le délayage et finir les plats il n’y a qu’un pas. Franchissons-le. Monoliths & Dimensions est un disque d’atmosphère, presque une bande son aux visées un peu trop grandes et destinée à un film de seconde zone, tel le final tout en cuivres de Alice, sorte de générique en version ralentie d’une vieille émission d’Antenne 2***. On eut aimé que Sunn nous lessive les méninges et on se retrouve avec le doux ronron d’un lave-vaisselle. Monoliths & Dimensions est déjà retourné dans le placard d’où il n’aurait jamais du sortir.

* exception faite de KTL, duo réunissant Stephen O’Malley et Peter Rehberg
** à l’opposé de cette démarche Greg Anderson et Stephen O’Malley se plaisent à rejouer en duo les Grimmrobe Demos, j’ai toujours pensé qu’un groupe envisageant son activité sous le signe de la dichotomie était mal barré
*** qui est l’ancêtre de France 2 mais ça tu le sais déjà si tu es né avant 1992