Les Nuits Sonores sont terminées. Complètement pris par des obligations aussi abrutissantes qu’inévitables je ne suis rien allé voir du tout de ce festival et je suis à la limite de le regretter car j’en ai entendu des vertes et des pas mures au sujet de certains concerts, surtout à propos du ridicule et du pathétique de Genesis P. Orridge. Mais les concerts bruyants sont toujours et plus que jamais d’actualité et ils se passent évidemment ailleurs : t’en veux du concert ultra sonore ? t’en veux du barouf dans ta tête ? t’en veux de l’oxydation prématurée des méninges et de la liquéfaction finale des tympans ? Après les prestations -monstrueuses- de Grey Daturas il y a trois semaines et de Psychic Paramount la semaine dernière, fin de la trilogie infernale avec une doublette de haut niveau: Monno (des suisses obscurantistes mais sans grimm robes) et Lightning Bolt -que l’on ne présente plus et déjà de retour après un passage mémorable au mois de novembre 2008 au même endroit, pas moins de quatre années après un tout premier concert resté lui dans les annales.
Quoi ? Comment ? Un concert organisé par Grrrnd Zero avec seulement deux groupes au programme ? Et même pas en prix libre histoire que tous les crevards de la ville se payent le luxe de se débarrasser dans un geste incommensurable de générosité de toutes les pièces jaunes qui encombrent leurs porte-monnaies au lieu de les refourguer à Sainte Bernadette ? Diantre. Que se passe t-il ? C’est que Duracell -plus connu sous l’appellation de plus grand fan de Lightning Bolt du monde- ne joue pas comme initialement prévu : clavicule droite atomisé par une mauvaise chute à vélo, voilà ce qui arrive lorsqu’on s’essaie à faire des acrobaties sur un trottoir. C’est con pour un batteur. On lui souhaite un prompt rétablissement, d’autant plus qu’il doit toujours une release party du premier album des Rubiks à tous ses fans en délire.
Quoi ? Comment ? Un concert organisé par Grrrnd Zero avec seulement deux groupes au programme ? Et même pas en prix libre histoire que tous les crevards de la ville se payent le luxe de se débarrasser dans un geste incommensurable de générosité de toutes les pièces jaunes qui encombrent leurs porte-monnaies au lieu de les refourguer à Sainte Bernadette ? Diantre. Que se passe t-il ? C’est que Duracell -plus connu sous l’appellation de plus grand fan de Lightning Bolt du monde- ne joue pas comme initialement prévu : clavicule droite atomisé par une mauvaise chute à vélo, voilà ce qui arrive lorsqu’on s’essaie à faire des acrobaties sur un trottoir. C’est con pour un batteur. On lui souhaite un prompt rétablissement, d’autant plus qu’il doit toujours une release party du premier album des Rubiks à tous ses fans en délire.
Mais je bavarde. Premier groupe à jouer : Monno, une découverte pour la plupart des personnes présentes ce soir. Moi, je suis venu pour eux, tout scotché par le souvenir d’un concert énorme de lourdeur et de coulées free noise au Sonic il y a deux ans et demi (on me fait signe que Monno aurait également joué à Grrrnd Moquette auparavant). Entre temps Monno a publié Ghosts, un troisième album ne traduisant que très partiellement la noirceur endémique du groupe. Pas un mauvais disque, loin de moi cette pensée aberrante, juste une déception.
Ce soir Monno repasse au défoliant les territoires déjà vandalisés par Ghosts, s’offrant le luxe d’une intro de concert effroyable, d’un poisseux et d’un glauque terriblement envoûtant. Nos quatre suisses jouent dans la pénombre, lentement, très lentement mais inexorablement, avec un sens du déploiement comme on aimerait l’entendre plus souvent chez tous les groupes doom bidibulle qui pensent que c’est en rallongeant la sauce qu’on augmente son plaisir, grossière erreur. Le saxophone saturé et terroriste d’Antoine Chessex fait des merveilles mais il n’est pas la seule pièce maîtresse du dispositif de Monno (même si les poses du musicien, un peu trop outrancières, et ses grimaces de troll consanguin voudraient bien nous le faire croire) : le bidouilleur en chef calé sur la gauche avec un laptop et je ne sais quelle installation savante balance des sons déchirants sur fond de rythmique caterpillar -super bassiste, j’aurais aimé l’entendre davantage- et l’ensemble est d’une cohésion et d’une densité terrifiante.
La référence au doom concernant Monno n’est pas si absurde que cela sauf qu’il y a quelques années on aurait plutôt mis le doigt sur l’analogie avec les vieux Swans (Filth, Cop, Young God, etc). Question de vocabulaire et de références mais pas tant que ça : la musique de Monno sent la viande froide et la mutilation sensorielle, la torture du bruit et l’anéantissement. Un excellent concert qui va me pousser à réécouter Ghosts avec une oreille neuve. Messieurs vous pouvez revenir m’assassiner quand vous voulez.
Ce soir Monno repasse au défoliant les territoires déjà vandalisés par Ghosts, s’offrant le luxe d’une intro de concert effroyable, d’un poisseux et d’un glauque terriblement envoûtant. Nos quatre suisses jouent dans la pénombre, lentement, très lentement mais inexorablement, avec un sens du déploiement comme on aimerait l’entendre plus souvent chez tous les groupes doom bidibulle qui pensent que c’est en rallongeant la sauce qu’on augmente son plaisir, grossière erreur. Le saxophone saturé et terroriste d’Antoine Chessex fait des merveilles mais il n’est pas la seule pièce maîtresse du dispositif de Monno (même si les poses du musicien, un peu trop outrancières, et ses grimaces de troll consanguin voudraient bien nous le faire croire) : le bidouilleur en chef calé sur la gauche avec un laptop et je ne sais quelle installation savante balance des sons déchirants sur fond de rythmique caterpillar -super bassiste, j’aurais aimé l’entendre davantage- et l’ensemble est d’une cohésion et d’une densité terrifiante.
La référence au doom concernant Monno n’est pas si absurde que cela sauf qu’il y a quelques années on aurait plutôt mis le doigt sur l’analogie avec les vieux Swans (Filth, Cop, Young God, etc). Question de vocabulaire et de références mais pas tant que ça : la musique de Monno sent la viande froide et la mutilation sensorielle, la torture du bruit et l’anéantissement. Un excellent concert qui va me pousser à réécouter Ghosts avec une oreille neuve. Messieurs vous pouvez revenir m’assassiner quand vous voulez.
C’est la traditionnelle pause bière/clope : tout le public déjà présent est sorti à l’extérieur du Rail Théâtre et je discute avec une moitié de l’imposant service d’ordre (oui ils sont deux…) mis en place ce soir par l’équipe du Grrrnd Zero. Ce n’est pas vraiment une blague, lors du concert de novembre dernier de Lightning Bolt pas mal de crétins congénitaux avaient confondu violence musicale et fight club, défouloir collectif et compétition testostéronée. Comme cet artiste des grands jours se jetant depuis l’une des coursives latérales du Rail théâtre sur les personnes situées seulement deux mètres en dessous et dans le seul but semble t-il de pimenter un peu sa pratique ordinaire du stage diving. La palme est revenue au gugusse qui se faisant virer comme un malpropre (qu’il était assurément) a cru bon de rétorquer qu’il était venu spécialement de Paris pour assister au concert lyonnais parce qu’il savait qu’à Lyon les conditions étaient plus à même pour foutre le bordel alors qu’à Paris le service d’ordre professionnel l’aurait obligé à se tenir tranquille. En résumé : je suis venu chez vous pour foutre ma merde. Bande de sales cons.
Mais ce soir pas l’ombre d’un sinistre plaisantin en mal d’aventure et de danger imminent. Je m’installe sur une des deux coursives pour bien tout voir parce que je sais que dans un concert de Lightning Bolt le spectacle dépend autant du groupe que de son public. Et puis je suis bien trop vieux pour pogoter au milieu de jeunes gens armés de dreadlocks assassines.
Mais ce soir pas l’ombre d’un sinistre plaisantin en mal d’aventure et de danger imminent. Je m’installe sur une des deux coursives pour bien tout voir parce que je sais que dans un concert de Lightning Bolt le spectacle dépend autant du groupe que de son public. Et puis je suis bien trop vieux pour pogoter au milieu de jeunes gens armés de dreadlocks assassines.
Il y a moins de monde que la dernière fois mais qu’importe : il y a tout de même suffisamment de personnes, on se presse et on se regroupe devant la batterie et les amplis du groupe qui comme d’habitude va jouer à même le sol (c’est même Lightning Bolt qui a relancé cette mode de hippies qui s’ignorent). Pour ma part j’abandonne au bout d’un quart d’heure mon idée première de ne pas assister au concert dans son intégralité : Lightning Bolt s’est toujours la même chose, blah blah blah, etc, etc.
Oui, Lightning Bolt c’est toujours la même chose mais encore une fois qu’importe. Les deux Brian mettent aussi peut être un peu de temps à s’échauffer mais ils ont cette capacité encore jamais démentie d’électriser jusqu’au stade ultime une assistance en délire. Et quand c’est parti c’est toujours pour de bon. Par instant on finit par ne plus comprendre ce qui se passe exactement, par ne plus réellement pouvoir discerner ce qui nous resterait de sens commun ou de retenue -oui je m’aperçois avec effroi que je suis en train de faire des grimaces absolument horribles, grimaces apportant la preuve irréfutable de mon immense plaisir.
Brian (le batteur) se moque à l’occasion de Brian (le bassiste), l’imite en train de jouer de son instrument tout en ânonnant des cris sensés reproduire une ligne de basse typique de Lightning Bolt -et pour le coup limite jazz rock tellement ça sonne ridicule comme ça- ou bien faisant la démonstration de sa légendaire souplesse en exécutant quelques cabrioles. Ce type n’est pas une pile électrique, ce type est un super réacteur nucléaire bloqué dans un processus irréversible de fission atomique. Tout le monde connaît son fameux masque dans lequel est planqué un micro mais je crois que le gimmick le plus surnaturel de Lightning Bolt (et donc le plus efficace) c’est le contraste entre les deux Brian : le bassiste virtuose, ultra appliqué et concentré d’un côté et le beatman complètement déchaîné et frappadingue de l’autre. Après les quelques intermèdes récréatifs dispensés par un batteur jamais donc à court d’idées, le groupe repart toujours plus fort, retrouvant en un tour de main son sens du chaos communautaire et de la partouze bruitiste. Un dernier Ride The Sky pour la route et c’est terminé. On va dire une bonne heure de concert. De quoi tenir pendant six mois (ou quatre années dans le pire des cas).