jeudi 13 décembre 2007

Alles Wieder Offen (tout est à nouveau ouvert)

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Einstürzende Neubauten est il encore autre chose que le groupe de Blixa Bargeld ? Depuis les départs de Mark Chung et de FM Einheit il y a déjà quelques années lumières de ça, l’aspect collectif du groupe s’est lentement dissout dans une forme plus conventionnelle avec leader. C’est encore plus flagrant sur Alles Wieder Offen, dernier album des berlinois. Il n’y en a que pour Blixa Bargeld qui clame à longueur d’interviews qu’il est très fier de son chant sur ce disque et que sa voix a été mixée exprès très en avant. Il n’y a rien de contestable dans tout cela mais cette fois ci -à quelques exceptions près- le résultat dépasse le stade du plaisant, Alles Wieder Offen fait naître un regain d’intérêt pour un groupe qui paraissait un peu perdu dans une démarche revendiquée d’absolu et de pureté. Car cela fait des années qu’Einstürzende Neubauten ne présente plus rien d’innovant et pour la première fois ils ont l’air de l’admettre, fini les boursouflures et les hymnes ridicules à la Silence Is Sexy, le post romantisme semble enfin correctement digéré et recraché, les trouvailles sonores se font certes très discrètes et plus que jamais on peut parler de chansons mais -c’est une surprise- la musique atteint ici un état de fraîcheur et d’élégance qui n’empêche pas à l’occasion quelques petites tensions, quelques dérapages abrupts et dangereux.
Le disque commence même très bien avec Die Wellen, courte montée d’adrénaline conduite par une basse sourde et un piano répétitif et qui s’arrête in extremis au bord du gouffre sans que l’absence de catastrophe ne devienne frustrante. Au contraire, Nagorny Karabach et Ich Hatten Ein Wort ont du mal à se faire une place : il s’agit de pop songs résolument doucereuses et atmosphériques -c’est plutôt joli mais (surtout pour la première) le chant de Blixa Bargeld semble mal placé, appuyant lorsque il ne le faut pas et inversement. Passées ces réticences, le retour à plus de conviction est confirmé avec le très entraînant Let’s Do It A Dada (une référence évidente pour ce groupe mais puisqu’il fallait le dire…) ou le magnifique, et comme par hasard plus long morceau de l’album, Unvollständigkeit, qui malgré son titre -incomplétude- est le moment le plus beau, le plus fort et le plus abouti de Alles Wieder Offen. Dernier détail -mais il a son importance- Blixa Bargeld chante à nouveau strictement en allemand, une langue aux sonorités magnifiques dont il sait parfaitement jouer, tant au niveau du rythme que celui des à coups avec par exemple la diversité ambitieuse du chant explorée sur Von Wegen. Tout au long de l’album il n’a d’ailleurs que très peu recours aux cris et autres déchirements vocaux dans lesquels il est pourtant expert. Un chant calme quoi, pour un album qui l’est lui aussi, mais faussement. Einstürzende Neubauten s’est réconcilié avec l’insidieux.

[Et puis c’est officiel, Einstürzende Neubauten fait partie du programme de l’édition 2008 des Nuits Sonores, ce sera le 11 mai à Lyon. Une tournée européenne est également prévue.]