vendredi 24 avril 2009

Zëro / Bobby Fischer


Mais qui est Bobby Fischer ? Apparemment un jouer d’échecs américain d’origine allemande (et naturalisé islandais à la fin de sa vie -est ce que vous suivez ?) qui a remporté le championnat du monde d’échecs et décroché au passage quelques records comme celui du plus jeune joueur à avoir remporté le titre de grand maître international. C’est aussi compliqué à comprendre et à suivre que les aventures de David Carradine dans Kung Fu mais c’est bien moins passionnant.
Bobby Fischer c’est aussi le nom du nouvel EP quatre titres des lyonnais de Zëro, un EP qui prend la forme d’un 25 centimètres (la mensuration minimale des winners) et publié par le label Ici D’Ailleurs avec une discrétion inhabituelle pour ne pas dire suspecte et inquiétante -mais que fout le label et son service promo ? ils n’ont pas envie que les disques qu’ils publient se vendent ou quoi ?






















En plissant un peu les yeux sur la pochette de ce disque imprimée en gris foncé sur gris presque noir (anthracite si tu veux) on devine la photo d’un type à l’air intelligent et en cravetouze devant un tableau représentant un échiquier et une partie de jeu d’échecs en cours : Bobby Fischer c’est lui. Lorsque on retourne la pochette, on s’aperçoit qu’il y a quantité de choses d’imprimées mais exactement dans les mêmes couleurs que sur le recto. On prend donc ses lunettes et son mal en patience pour déchiffrer les quelques notes de pochettes (syndicales : juste le nom des musiciens et des quatre titres) et essentiellement les paroles, du cut up comme d’habitude. A l’intérieur la galette n’est pas protégée par la traditionnelle pochette en papier et il faut à nouveau se ruiner la santé oculaire sur les ronds centraux pour déterminer où se trouvent la face A et la face B. Donc on pose le disque au hasard sur la platine et on attend.
Mais on n’a pas très longtemps à attendre pour avoir les oreilles qui teintent de plaisir et qui bourdonnent d’une chaleur réconfortante. Sur Bobby Fischer, Zëro affine encore plus son style, convoquant un synthétiseur lunaire et une guitare des îles sur une rythmique décidément souple mais inflexible. Le chant est toujours sur ce mode parlé qui s’intensifie presque subliminalement. Dreamland Circus Side Show est encore meilleur, chargé de tintinabulements aigus (à la guitare, aux percussions) et de bourdonnements (principalement au synthétiseur) conférant une étrangeté belle et enveloppante qui ne laisse pas de marbre. On est déjà tout mouillé et tout ému et on n’en est encore qu’à la première face.
De l’autre côté on retrouve deux titres déjà connus dans des versions en concert. Pigeon Jelly est très loin d’être mon titre préféré de Zëro mais cette nouvelle version, en accentuant le travail sur les synthés, se révèle plus audacieuse et profonde tout en gardant son côté direct, basique et efficace. J’arriverai bien à m’y faire un de ces jours. The Cage est le deuxième petit bijou de ce disque, finalement une sorte de version ralentie et épaissie de Pigeon Jelly mais avec les détournements d’attention que procurent des titres comme Cars, Buses, etc… (sur Jokebox) ou Dreamland Circus Side Show.
Avec ce nouvel EP nos quatre Zëro démontrent qu’ils ont trouvé un parfait équilibre entre leur soucis mélodique de plus en plus marqué et cette dynamique en mode furtif qui leur sied à merveille. Pas vraiment rock, pas fondamentalement expérimentale, pas franchement pop, la musique de Zëro louvoie entre ces trois pôles mais n’hésite pas et ne déçoit donc pas : ce groupe a définitivement la grande classe.