Sous-titré Live In Europe, Headfirst Into The Flames est un live posthume de Last Exit une première fois publié en 1993 par un obscur label (Muworks) et réédité il y a peu par un autre label tout aussi obscur (Downtown Music Gallery) et ce pour notre plus grand plaisir. Headfirst Into The Flames a la réputation d’être le meilleur enregistrement officiel (live et studio compris) de Last Exit. Jusqu’ici seuls des mp3 hors catégories pouvaient en attester. Désormais il faut bien se rendre à l’évidence que cette galette de plastoc emballée dans un digipak propret, illustrée comme il se doit par le Brötzmann en chef et regroupant des enregistrements disparates de 1989 captés à Stockholm et Munich est bel et bien un monument de free rock/jazz noise (ou comme vous voudrez). Total destroy.
C’est le toujours très placide Robert Musso qui a mixé et assemblé ces bandes afin qu’elles ressemblent à quelque chose d’audible à défaut de construit. La prise de son est assez aléatoire, la plupart des neuf titres sont édités n’importe comment -pour ne pas dire qu’ils ont été coupés comme des merdes, souvent ça commence alors que les musiciens sont déjà en plein bouillon et ça s’arrête tout brutalement alors que le feu de l’action n’est pas encore éteint- et les accrocs à maître Brötzmann y trouvent également à redire, considérant que le saxophoniste est légèrement défavorisé question volume sonore, pour une fois serait on tenté d’ajouter. Oui le grand Peter est parfois un peu lointain mais on s’en fout parce que s’il fallait désigner une star au sein de Last Exit ce serait évidemment Sonny Sharrock, guitariste maudit (et mort) ayant pourtant été le principal initiateur de la guitare free dès le milieu des années 60. C’est bien simple : il arrive à tirer de son instrument des sons saturés et grésillants comme en ont rêvé et en rêvent encore la plupart des noiseux et free rockeux de la planète. Ce mec était le génie absolu de la guitare bruitiste et pourtant il savait également torcher une mélodie et faire tourner un riff comme personne*.
Entendre une nouvelle fois Sonny Sharrock est un pur émerveillement. Mais bon, n’oublions pas non plus Peter Brötzmann (tout de même le prétexte de cette chronique) et la section rythmique. Rien à redire sur les tornades free insufflées par notre saxophoniste allemand qui s’époumone comme un diablotin en rut et s’y connaît comme personne pour mettre une grosse baffe à l’auditeur avec ses hurlements de saxophone -c’est la teutonique des claques. Rien à redire non plus sur le couple Bill Laswell/Shannon Jackson, chacun de ces deux musiciens n’ayant jamais réussi à faire mieux que Last Exit. Laswell en particulier, à l’époque tout frais émoulu de son expérience dans Massacre aux côtés de Fred Frith et Fred Maher, n’est pas encore devenu le bassiste ronflant et boursouflé d’aujourd’hui, sa ligne de basse profonde et dubbesque en diable sur No One Knows Anything est même un pur régal alors que celle sur Don’t Be A Cry Baby, This Bloody Sweat Of Loving arriverait presque à foutre ce titre en l’air. Mais heureusement pour nous il n’y arrive pas, pas plus qu’il ne plombe la grosse heure que dure Headfirst Into The Flames, chef-d’œuvre bruyant de la musique improvisée.
[* on reparlera peut être un de ces jours de Black Woman, l’un des meilleurs enregistrements de Sonny Sharrock réédité il y a quatre ans par Water records]