vendredi 3 avril 2009

A Storm Of Light & Nadja / Primitive North




















Voici l’objet le plus hype du printemps : un double split album réunissant A Storm Of Light et mes chéris de Nadja dont nous n’avons pas parlé depuis beaucoup trop longtemps -quelle honte. Primitive North contient donc deux galettes fondues dans un plastique épais de couleur marron foncé et marron clair/rouge auxquelles est joint un CD bonus qui contient lui l’intégralité des deux disques précités. Cette parution soignée et prestigieuse est l’œuvre du label Robotic Empire qui nous a déjà habitués à de tels exploits (en remportant entre autres la palme du plus beau disque de 2008 avec le Meanderthal de Torche).
L’artwork de la pochette gatefold laisse cependant un peu dubitatif. Dans le meilleur des cas et sans faire preuve de trop de mauvaise foi, on pourrait affirmer qu’il est digne d’une peinture de carrosserie pour tracteurs de poids lourds réalisée de main de maître et à l’aérographe par un ami indien peu scrupuleux question bon goût. Si on est vraiment allergique et méchant cette fresque écolo-gothico-polaire imaginée par Josh Graham et intitulée The River Of Time pourrait juste être qualifiée de rip-off nauséabond des pochettes de disques de groupes de prog 70’s et 80’s (Asia par exemple, quoique ce groupe donnait plutôt dans le dragon des mers ou le jardin d'eden baba futuriste). Cet artwork n’est cependant pas totalement laid. Il est simplement d’une froideur abominable, suinte le job à l’ordinateur et renvoie à toute la débauche technologique dont nous abreuve le cinéma à grand spectacle actuel : multitude des détails, saturations des effets, surabondance des volumes et violence des contrastes mais aucune, absolument aucune poésie (ce que semblait pourtant sous entendre le titre de l’œuvre).
Mais le plus important, c’est bien la musique n’est ce pas ? Le premier disque débute par deux titres d’A Storm Of Light, Brother et Sister. A Storm Of Light c’est également le groupe de Josh Graham (oui, toujours le même) plus connu pour ses activités visuelles et graphiques au sein de Neurosis et membre de Battle Of Mice et ex Red Sparrows. Le doom mélancolique et tristounet du groupe (rien que le sifflement du vent en intro…) est imbuvable. Lenteur crépusculaire, chant ultra faux de mort-vivant spécial école des fans gothiques sur les passages en voix claire -en général on s’en fout qu’un type chante faux, du moment qu’il ne se prenne pas au sérieux or là c’est exactement le cas contraire : les lignes de chant puent la prétention et la préciosité. Une liste de très gros défauts à laquelle il faut rajouter une inspiration zéro question musique. Plus d’un passage de Brother et de Sister fait penser à du My Dying Bride mais en beaucoup moins bien (c’est dire…) et on s’ennuie face à tant de pathos et de dégoulinade. Le plus triste c’est que Vinny Signorelli -Of Cabbages And Kings, Unsane, Swans, Foetus, etc- a participé à cet enregistrement, mais qu’est il donc allé faire dans cette galère ?
On retourne le disque pour se retrouver en compagnie de Nadja. Avec I Make From Your Eyes The Sun, le duo nous refait le coup de la longue intro planante (option piano) avant l’arrivée des guitares métalliques mais vaporeuses et du final répétitif jusqu’à l’étourdissement. Contrairement à Josh Graham, Aidan Baker sait qu’il chante comme un pied et qu’il n’a pas de voix -ce qui n’empêchera pas Nadja de publier When I See the Sun Always Shines on TV, un album de reprises, le 28 avril prochain sur The End records- aussi il prend bien soin de noyer celle-ci sous un monceau d’effets, le même traitement qu’il fait subir à ses nappes de guitares et qui a valu à son groupe cette appellation de metal shoegaze. Lorsque guitares et rythmiques se mettent en mode compression absolue sur les douze ou treize dernières minutes de I Make From Your Eyes The Sun, on retrouve instantanément l’attrait lysergique et enveloppant de la musique de Nadja -voilà assurément l’un des meilleurs titres du groupe.
On change de disque pour écouter la troisième face de Primitive North. Celle-ci débute par un remix du Brother d’A Storm Of Light par Nadja. Fort intelligemment les canadiens ont opté pour la version instrumentale en squeezant le chant de Graham et en privilégiant le tout guitare -merci ! En accentuant sur le côté grésillant, la saturation des six cordes gagne un supplément d’âme bienvenu. La rythmique s’intensifie elle aussi, allant jusqu’à flirter avec la lourdeur swanesque. La musique d’A Storm Of Light devient plus familière, certes toujours aussi peu originale mais finalement ça passe. Désolé Josh mais il vaudrait mieux pour toi -et pour nous- que tu fermes ta gueule définitivement. L’autre titre de cette troisième face est logiquement un remix de Nadja par A Storm Of Light et c’est à nouveau une bonne surprise avec cette version ralentie menée par une basse distincte et limite dub. Plein de petits bruitages indus agrémentent le tout et le tour est joué malgré le maniérisme plus sombre que moi tu meurs.
Reste la quatrième face de ce double LP. Celle-ci est complètement vierge de sillon mais est gravée d’un dessin représentant une montagne entourée de zigouigouis mi tribaux mi végétaux avec cette phrase : The river of time swallows us. Un peu dur à avaler quand même.