mardi 28 avril 2009

The Skull Defekts / The Temple


Les Skull Defekts ont plus d’une corde à leur arc et il semble bien que pour The Temple, double album fraîchement sorti chez Important records, nos suédois aient quelque peu changé d’optique, s’amusant à jouer un peu plus sur la versatilité. Parmi tous les enregistrements précédents du groupe, seul Blood Spirits And Drums Are Singing était un disque toutes guitares dehors, The Skull Defekts aimant bien à l’occasion d’autres parutions jouer les casse-couilles et les ratisse-méninges, éventuellement en compagnie de petits rigolos bidouilleurs de bruits tel Lasse Marhaug (Jazkamer and C°). Tous les autres disques de Skull Defekts sont ainsi à prendre avec des pincettes si on est allergique à tout ce qui est compris dans un éventail partant de Merzbow et atterrissant du côté de Ryoji Ikeda dans sa version la plus planante.

Premier disque, première face. Knives, Birds, Stones & Pyramids est un titre un peu mou avec doubles percussions et un chant traînant. On aurait imaginé meilleure introduction pour un disque aussi attendu mais passons -c’est sûrement le côté hippie des plages et joueur de djembe qui est un peu trop irritant. Le second titre n’est autre que Waving, hit incontournable déjà paru en single l’année dernière et remettant les choses à leur place avec son post punk tribal. Encore une fois bravo. How To Excite Men & Women porte mal son nom. Il s’agit d’un long (long…) titre ambient composé de nappes électroniques grésillantes sur lesquelles viennent se greffer des bruits de pivert numérique. Il ne se passe vraiment pas grand-chose pendant presque neuf minutes et quelques… ça pulse, ça pète et ça ballonne -c’est de la pauvre musique électronique et atmosphérique, point barre.
Deuxième face. Skull & Tounge est à nouveau un titre avec guitares (sous mixées), rythmique ultra répétitive et petites nappes sonores dans le fond en guise de liant. Il va falloir s’habituer au fait que les Skull Defekts ont décidé de jouer sur le terrain de l’horizon hyper lointain avec même pas un pet de lapin ou une petite tornade pour accidenter tout ça. Le groupe rajoute un minimum d’éléments au fur et à mesure que le titre poursuit son chemin sur cette autoroute rectiligne (des cymbales par exemple). Plus on avance et plus le paysage continue de reculer avant de s’effacer complètement. Urban Ritual est à nouveau un titre foutrement ambient avec rythmique façon menace planquée au fond de la forêt (là tu te mets à faire la même gueule que Klaus Kinski dans Fitzcaraldo) et striures souples de zigouigouis électros variant en forme et en intensité sans jamais donner l’impression d’une quelconque action. Les battements de tambours finissent toutefois par se rapprocher et c’est juste au moment où ils sont là tout près que tout s’arrête. On ne verra donc pas la tête des sauvages mangeurs d’homme.




















Deuxième disque, troisième face. Habit redonne un peu de frénésie à The Temple avec ses guitares no wave soulignées par un gimmick psycho et sa construction dramatique et tendue (ah ces montées de guitares qui finissent par s’entrechoquer). On tient là un titre de la même trempe que Waving. Hydrophobic Baptism (je ne me lasse pas de cette aptitude à trouver des titres de morceaux débiles) est lourd, martelé, appuyé, avec guitares franches, soit à peu près tous le contraire de ce que les Skull Defekts nous ont servi sur la deuxième face de The Temple, ces suédois peuvent vraiment être des gens insaisissables. Avec un titre tel que Unholy Drums For Psychedelic Africa les choses sont au moins annoncées on ne peut plus clairement : rythmes en pagaille qui se répondent avec un vague habillage électronique en arrière plan, c’est le morceau de trop du disque.
Quatrième et dernière face. The Skull Is A Temple est à nouveau un titre tout électro, dans la même veine que How To Excite Men & Women quoique plus court et d’emblée plus dense avec petits bruits fourmillant et le pivert qui est toujours là, fidèle au poste (on dirait Alva Noto composant la bande originale de Kirikou 3). Six Sixes est le dernier titre de The Temple et c’est l’un des meilleurs. S’il commence de façon toute minimale avec enrobage synthétique et percussions tribales (on commence à connaître la chanson, hein…), Six Sixes évolue graduellement avec tout d’abord quelques incursions bruitistes, puis un chant inquiétant et chargé d’écho (employant la même technique que sur Waving consistant à bégayer sur une syllabe, merci Roger Daltrey) et enfin une guitare vrillant tout sur son passage avant que le chant ne tombe dans une sorte de lyrisme mou qui finalement passe très bien. Au cas où on n’aurait pas bien compris la teneur bigarrée de The Temple, Six Sixes s’achève par quelques percussions endiablées avec torpilles soniques du meilleur effet.
The Temple est disponible en double LP et en plus on a le choix dans la couleur : les gens aimant la douceur peuvent choisir la version bleue cuvette tandis que les sans-goût comme moi préfèreront la version jaune pipi. Il existe également une édition CD avec deux titres en moins, ramenant The Temple de 1 heure 10 à 55 minutes. Les deux titres enlevés sont les deux seuls purement électroniques à savoir How To Excite Men & Women et The Skull Is A Temple (oui, malheureusement ils ont laissé Unholy Drums For Psychedelic Africa…). L’ordre des morceaux est ainsi chamboulé et est constitué comme suit :
1- Knives, Birds, Stones & Pyramids

2- Waving

3- Six Sixes

4- Hydrophobic Baptism

5-Unholy Drums For Psychedelic
Africa
6-Habit

7-Skull & Tounge
8-Urban Ritual

Ce track listing modifié donne un peu plus de tenue à The Temple, bon disque mais beaucoup trop bancal et étiré (un peu comme cette chronique, dix fois trois longue) pour ne pas susciter l’ennui au détour d’une énième tentative de remplissage. Des fois la concision cela a du bon et il est bien dommage que les Skull Defekts n’aient point songé à appliquer à la teneur et à la longueur des compositions présentes sur ce disque le même traitement que celui infligé au son : un traitement sec, aride et froid, principale réussite de The Temple. Le résultat est paradoxal car il tombe à côté des ambitions de ce disque, la forme (osée) ne réussissant pas toujours à sauver un fond où les intentions ne paraissent pas très claires ou alors complètement décalées. Je dois manquer d’humour.