jeudi 8 juillet 2010

Pan Sonic/ Gravitoni





















Un dernier pour la route. Le duo Pan Sonic s’est séparé fin 2009, apparemment dans de très mauvais termes et dans des conditions abracadabrantesques – certains se rappelleront toute leur vie de l’un des derniers concerts du groupe avec un Mika Vainio complètement raide et défoncé à la gnôle, hurlant comme un fou, à poil, et faisant tout pour massacrer ce que de son côté Ilpo Vaisanen essayait tant bien que mal de mettre en place et que faute de mieux on aurait pu qualifier de musique. Un happening harsh, suicidaire, drolatique et incontrôlé. On en était donc resté là de l’aventure Pan Sonic, sur ce final grandiose et punk. Et un cassage de mythe dans les règles de l’art.
Survient Gravitoni, nouvel – et dernier ? – enregistrement du duo publié au printemps 2010 chez Blast First Petite. Les rares notes du livret (qui ne comporte presque que des photos, un vrai catalogue d’exposition mais où est la musique là dedans ?) indiquent que Gravitoni a été mis en boite à Berlin entre 2009 et 2010. On imagine les derniers chassés-croisés en studio des deux finlandais, on se fait des idées, on suppute, on extrapole, on en rit même et on s’attend à pouvoir écouter une collection de fonds de tiroirs, tentatives avortées, bouts d’enregistrements live voire interventions purement solo mais placées là comme bouche-trous. La réalité de Gravitoni est tout autre. Le duo Pan Sonic a bel et bien existé jusqu’à sa mort, a enregistré un véritable dernier album, ne s’est pas foutu de notre gueule et enterre son histoire avec un ultime Pan Finale empoisonné aux curieuses réminiscences new wave et dont le titre ne laisse planer aucun doute. Cette fois on est sûr qu’il n’y aura plus d’avenir pour Pan Sonic.
On connait la dureté, la noirceur et la froideur de la musique du duo qui doit autant à la techno minimale qu’à la musique industrielle – Throbbing Gristle, SPK ou les vieux Einsturzende Neubauten. On n’a jamais pu rire ou même s’amuser sur un disque de Pan Sonic mais on a tripé plus d’une fois sur les répétitions agressives, les click’n’cuts rythmiques, les boites à rythmes désossées, les jeux de fréquences parfois quasiment insoutenables. Pour sa part Gravitoni gravite effectivement entre les deux pôles de prédilection de Pan Sonic : ambiances industrielles, urbaines et cabossées d’un côté, titres rythmiques, martelés et plus agressifs de l’autre (Voltos Bolt, Radio Qurghonteppa, le très dark Trepanointi/Trepanation). Du fait de la séparation du groupe on imagine facilement que la musique de Pan Sonic est devenu plus sombre et plus violente que jamais et c’est exactement ce qu’elle est sur ce disque sans concession aucune – les silences ne vous permettent pas de respirer, ils vous étouffent comme dans un sas hermétique complètement dépressurisé (Hades, Väinamöinen Dreams) ; les beats indus, les nappes synthétiques bourdonnantes et grésillantes accélèrent dangereusement l’hypoxie et l’auto-combustion des tissus organiques ; la torture pure et simple pointe parfois (Corona). Gravitoni n’apporte rien de nouveau à qui connait bien la musique de Pan Sonic mais Gravitoni fait vraiment mal. Et l’ironie en dernier ressort de Pan Finale qui est le titre le plus abordable et le plus mélancolique du disque vous éclate encore plus fort à la gueule. Adieu.