Voilà un disque qui s’annonçait sous de très mauvais auspices : la réunion d’un duo canadien particulièrement apprécié quoique en forte perte de vitesse depuis quelques temps et d’un autre duo, italien celui-ci, auquel je n’ai jamais vraiment réussi à accrocher bien qu’en concert (à condition de ne pas les voir trop souvent) la théâtralité de ces deux là a quelque chose de spécialement envoutant. Et quand je parle de réunion, je précise au passage que The Life And Death Of A Wasp n’est pas un split album mais bien une collaboration, tout le monde joue en même temps, au même endroit, la même musique. Unité de temps, de lieu et d’action comme à la bonne vieille époque du théâtre classique. Côté jardin on débusque Nadja soit Aidan Baker à la guitare et aux effets et Leah Buckareff à la basse. Côté cour se cache OvO, donc Stefania Pedretti à la voix de chèvre possédée, à la guitare, au violon et au lancé de dreadlocks ainsi que Bruno Dorella à la batterie rudimentaire (en gros une caisse claire, un tom basse, une cymbale et puis c’est tout) et éventuellement aussi à la basse. On mélange bien tous ces ingrédients dans un studio de Berlin pendant le mois d’août 2009, on fait masteriser le tout par James Plotkin et on obtient un groupe dont la composition est – encore une fois – on ne peut plus classique : un vrai groupe de rock quoi. Mais un groupe qui évidemment n’en joue pas.
S’attendre à pas grand-chose reste la meilleure façon de ne pas être déçu et avec The Life And Death Of A wasp – oui je concède que ce titre est aussi nul que l’illustration de la pochette est laide, merci HLG – on va de surprise en surprise. Ce sont deux labels berlinois, Vendetta records et Adagio 830 (tous les deux déjà responsables de la publication du très moyen Clinging To Edge Of Sky de Nadja) qui ont rempilé pour ce quatre titres. Soit ces gens ne sont pas particulièrement rancuniers soit ils sont résolument patients. En tous les cas ils ont eu raison. The Life And Death Of A wasp est un bon disque, pas le chef d’œuvre transcendantal qui va changer votre vie de cloporte famélique et béotien en un rêve de plénitude métaphysique enfin devenu réalité – pour ça il existe de très bonnes drogues – mais la grosse vingtaine de minutes du disque est suffisante pour se dire que oui, miracle, on a écouté de la musique.
Tout comme je ne comprends rien au titre du disque je ne comprends rien à ceux des quatre morceaux, sans doute y a-t-il un concept bien caché là-dessous. A Wasp Flying Around The Sugar Jar est un blues aquatique conduit par une ligne de basse que j’ai déjà entendue quelque part (mais je ne dirai pas où) avec quelques nappes de guitares et dissonances accompagnées de vocalises pour une fois mesurées de la part de Stefania. Qu’elle en soit ici remerciée. Avec Trapped Into The Jar c’est presque la même mais en plus rapide, plus affolée, du noise rock blues et arty et toujours avec une basse dont le son chaud et rond se détache particulièrement bien. Deuxième face, troisième titre : avec Put Some Sugar In My Cup, Please on s’éloigne pourtant des mondanités. La rythmique s’alourdit, les guitares grésillent plus fort, la basse devient plus menaçante et la voix vous chante comme une invitation à exécuter un sacrifice rituel/prendre du sirop codéiné pour la gorge. Stefania s’est transformée en petite sorcière grimaçante comme elle sait si bien le faire. C’est sur le dernier titre, Drowned In Coffe, que l’association Nadja/OvO fonctionne le mieux, malgré l’intro très typée Nadja et malgré tous les tics tribaux/messe noire d’Ovo qui dominent toute la fin du titre.
Les deux groupes ont non seulement évité le pire – c'est-à-dire la contemplation subaquatique et zen metal pour Nadja et les criardises black indus pour OvO – et ils ont surtout réussi, d’une façon qui m’échappe encore totalement, à enregistrer un disque qui tient debout. J’en regretterais presque de ne pas avoir fait le déplacement lors de la récente tournée commune des deux groupes (le package incluait également Thrones aka le gros Joe Preston) bien que d’après mes informations Nadja et OvO n’aient pas entrepris de jouer ensemble sur scène – dites moi alors à quoi ça sert d’avoir enregistré ce disque ? Sûrement à se faire plaisir, bande d’échangistes. Tant mieux puisque j’ai également pu prendre mon pied.