Un split album, deux groupes et une grosse banane.
Première face : Unlogistic est un groupe que je déteste autant que je l’aime. Mais globalement, si je fais la balance des moins et des plus à la fin de l’écoute de n’importe quel disque des parisiens, c’est toujours le positif qui l’emporte. Parfois de justesse mais toujours. Les moins ce sont des titres tels que Soulmate, du punk à roulettes indécemment niaiseux et ridiculement coloré – les gars, si les Burning Heads sont votre spacecake trempé dans votre tasse de café au lait du matin, sachez que ce n’est pas le cas de tout le monde. Bluuuurp. Les plus chez Unlogistic c’est à peu près tout le reste c'est-à-dire la capacité du groupe à pervertir son punk émophile avec quelques tours de passe-passe dignes du grand Gérard Majax : accélérations hardcore (Terrific), breaks noise, des samples et interludes électro (Schelflewitz) – ce fourre-tout ne fait pas très sérieux c’est vrai mais il fait également tout le charme impertinent d’un groupe finalement inclassable. Détail qui a son importance, Unlogistic compte désormais un bassiste (celui des Louise Mitchels) dans ses rangs, bassiste qui joue sur ce disque et la différence de son qui en découle est tout à l’avantage du groupe. Autre changement de line-up conséquent : Camille, incroyable batteur de Semi Playback – groupe dont on a dit beaucoup de bien ici – a également rejoint Unlogistic depuis 2009, attention il ne joue pas sur les huit titres présents sur ce split album mais voilà de nouvelles perspectives alléchantes pour Unlogistic et donc à vérifier d’urgence en concert.
Seconde face. L’autre groupe de ce 12 pouces c’est Crippled Old Farts, encore des parisiens sans beaucoup d’imagination et qui prétendent toujours que le hardcore 80’s originaire d’Orange County ou je ne sais d’où est la seule et unique musique valable au monde, les pauvres. Vu l’efficacité et la jubilation que l’on perçoit dans l’hommage que rendent ces quatre petits gars à leurs héros du siècle dernier on ne peut qu’acquiescer et que leur donner raison : simple, efficace, puissant, le hardcore de Crippled Old Farts ne dégage que des pépites punks bien moulées et explosives, balançant correctement entre les mélodies (certes simplistes mais c’est le genre qui veut ça) et le côté rugueux et vif – pas la moindre suspicion de pleurnichage à l’horizon. Le punk hardcore de Crippled Old Farts me rappelle les titres les plus vindicatifs et les plus courts du premier album des Adolescents (1981… ) et lorsqu’on sait que ces dix compositions sont en fait les toutes premières du groupe, celles que ces quatre garçons ont à tout prix voulu enregistrer en guise de souvenir au bout d’une année à peine d’existence de Crippled Old Farts, on ne peut qu’être confiant dans l’avenir de ces quatre punkers sympathiquement rétrogrades.
Parlons bizness et gros sous : un disque ça coûte très cher, surtout lorsque les deux groupes qui figurent dessus ont eu des exigences démesurées et que l’illustrateur de la pochette en a profité lui aussi pour se sucrer au passage. Ainsi Rejuvenation, Wee Wee records, Emergence records, Small Budget Productions, Falling Down et Positively Negative constituent le consortium de labels DIY qui ont alimenté le fonds d’investissements visant à la production artistique de ce disque passéiste du temps présent. Logiquement, le prix de vente de ce split album est purement et simplement indécent dans un monde dominé par la rapacité et le profit à court terme : il vous en coûtera 11 brousoufs port compris si jamais vous avez l’intention de le commander directement à l’un des labels mentionnés ci-dessus. Et vous avez intérêt.